Un léger rire s’échappa des lèvres de David en voyant son ami s’étouffer de surprise face à sa question. Et oui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’était pas forcément aussi balourd que sa stature et sa maladresse le laissait penser. Il était même assez intelligent dans un sens, plus qu’il ne le pensait lui même.
Mais son amusement ne l’empêcha pas de se pencher légèrement vers son ami pour lui donner quelques tapes dans le dos, hochant la tête, une expression mi moqueuse, mi compréhensive sur le visage.

Si l’américain n’irait pas jusqu’à s’avancer à dire qu’il était la personne qui connaissait le mieux Yong sur la planète entière, il pouvait au moins se targuer de très, très bien connaître le beau coréen. Suffisamment pour savoir qu’il y avait anguille sous roche. Suffisamment aussi pour savoir qu’il ne fallait pas insister. Si le grand dadais n’aurait su dire comment s’était tissé cette amitié si profonde qu’il partageait avec le journaliste, il savait cependant sur quoi elle était basée. Non pas sur leurs plans foireux, ni sur leurs fous rires à s’en rendre fous, bien qu’ils appartiennent plus qu’intégralement à leur relation, mais sur la confiance. Ou tout du moins, c’était ainsi que le matheux voyait la chose. Pendant les deux années qu’il avait passé dans l’université de Louisiane, bien sûr que Yu Yong Sun lui avait manqué, et pas qu’un peu, mais jamais il ne s’était inquiété pour ce dernier, ni qu’un de ses projets bancal ne lui pète à la gueule, ni qu’une idée plus stupide que les autres ne germe dans son cerveau trépidant. Yong s’en sortirait, il s’en sortait toujours, et tout deux savaient que si ils avaient besoin de l’autre, il serait là par le prochain avion.
Ainsi, si son ami ne lui disait rien, c’était peut être parce qu’il était encore en vol.



Non peu fier de sa métaphore aéronautique, le troisième année laissa son regard sombre se perdre sur l’horizon à présent parfaitement sombre, aux lèvres, sa bière et son sourire, amusé par l’âme poétique de Yong. Ce dernier lui avait vraiment beaucoup manqué, constata l’américain pour la énième fois de la soirée. Ses iris se levèrent en direction de la voute céleste terminant de s’envelopper dans son manteau sombre, constatant sans grande surprise qu’ici, comme à la Nouvelle Orléans, ce n’étaient plus les étoiles qui dessinaient le futurs des hommes dans les dessins abstraites et obscures d’ombres mythologiques, mais les satellites et les avions qui quadrillaient le ciel sans merci, ni poésie. Et si David aimait les mathématiques, et laissait le rôle du poète au coréen, il devait avouer que les champs d’étoiles que l’on pouvait apercevoir lorsqu’on quittait les villes avaient quelque chose d’incomparable et d’unique que la science n’arrivait pas encore a imiter.



La question de Yong le fi revenir sur Terre, au sens propre comme au figuré, et il lui adressa un sourire mystérieux, assortit d’un mouvement de sourcils qui avait le don de lui donner un air d’idiot fini. Penseur dans les cieux un bref instant, la réalité rappelle toujours l’homme à elle. Avec une expression malicieuse, il rendit son coup de coude à Yong.
« Pour qui me prends tu ? T’aurais-je côtoyé si longtemps sans ressentir la moindre influence ? » Déclara-t-il en pensant à Sara et Jenny, les deux jeunes femmes qui avaient été ses petites amies durant son absence de Corée, et qui auraient sans le moindre doute eu l’approbation de son ami si il les avait vu. Et si il avait eu quelques relations d’un soir, le jeune homme pouvait presque les compter sur les doigts d’une main.

David ne pu s’empêcher d’éclater de rire à la mention de ce détail si particulier de l’anatomie féminine qui présentait un imaginaire très intéressé dans le mythe des coréens sur l’Amérique, bien que le mathématicien devait avouer que c’était en général assez vrai, songea-t-il en repensant mentalement aux courbes de ses deux exs.
« Tu aurais du venir, je pense que ça t’aurais plus. » Déclara-t-il avec un clin d’œil complice, pensant avec raison à quel point le charme du coréen aurait fait des ravages de l’autre coté du Pacifique.

Il ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais la referma juste à temps, étouffant ses mots pour capter ceux du coréen. Il eu un sourire intérieur en contemplant avec douceur son meilleur ami. Il avait changé, le contraire en deux ans aurait été plus que surprenant, mais le jeune mathématicien ne parvenait pas à trancher tant à savoir si cela venait juste des années écoulées, ou de la jeune demoiselle. Il ne savait pas. Pas encore.
Mais il finirai par savoir, car il n’avait jamais vraiment de place pour les secrets entre eux, et avec toute la confiance que lui conférait son amitié de longue date, il doutait que cela commence aujourd’hui.

Le seul problème de David était qu’il ne savait pas de qui il s’agissait. Bah quoi ? C’était son devoir en tant que bro aussi de savoir à quoi ressemblait le potentiel coup de cœur de son meilleur ami, non ? En effet, le jeune homme avait bien du apercevoir son visage, et entendre son nom au cours d’une conversation, mais son esprit étant soit trop lent, soit trop rapide, il n’en avait rien retenu, et il doutait sincèrement la reconnaître, même si elle s’arrêtait dix minutes en face de lui… Si il possédait incontestablement certains talents, il était évident depuis bien longtemps que la physionomie n’en faisait pas partie !


Par chance, Yong, génie sans le savoir, changea de sujet, évitant ainsi à l’américain de s’enfoncer dans sa curiosité, d’autant que les critères de recherche « peu de boobs » et « drôle » étaient assez délicat dans la mesure où il ne connaissait pas grand monde, et des représentante de la gente féminine encore moins !

« De ouf ! s’exclama l’américain avec son enthousiasme habituel, ravi rien qu’à l’idée d’une nouvelle aventure avec son ami, même si ce dernier avait pour projet de l’emmener aux enfers pour essayer de jouer à la balle avec Cerberes. Même si ça semblait être l’idée la plus dangereuse du monde, David ne résistait jamais à une proposition faire par son ami. Acceptant même avant de connaître la destination, il fini par demander :quelle est notre destination capitaine ? »

Ah ça ! Yong n’en doutait guère que les Etats-Unis auraient pu lui plaire ! D’ailleurs, la judicieuse interrogation lui vint à l’esprit de se demander pourquoi il n’avait pas suivi son meilleur ami au moment de son départ ? La famille Yu l’étouffait et si elle avait tendance à réclamer la cohésion de ses membres,  son père ne l’en aurait probablement pas empêché. Jasun lui-même avait étudié un temps à New-York pendant leur service militaire. Alors pourquoi ? Certainement car une donne importante avait changé justement pendant leur service : l’incarcération, la condamnation pour meurtre de Sana. L’illusion que leur ainée menait une vie parfaite tissée d’amour dans son doux foyer s’était brisée en mille morceaux et les répercussions avaient frappés l’ensemble de la famille. Qu’importait les rumeurs, les médisances, les regards pleins de jugements qui pouvaient se poser sur lui. Oui, peut-être aurait-il même pu s’enfuir de l’autre côté du Pacifique alors qu’une si belle occasion que de s’envoler avec son meilleur ami se présentait à lui. Cependant… Il fallait croire que Yong était au fond plus attaché à sa famille qui ne voulait bien le montrer. Voire qu’il acceptait de le reconnaitre à lui-même. Jasun était loin, Naru dérapait complètement à cause de l’affaire de Sana, le père toujours obnubilé par l’argent et son travail, une belle-mère dépassée – à juste titre, pour une fois, il lui concédait que sa faiblesse se justifiait, lui qui avait en horreur toute figure maternelle -, et au milieu de tout ça, les jumeaux… Ouais, l’idée de partir ne lui avait en ce temps pas traverser l’esprit un seul instant. Bien que volage, bien que prétendument détaché, il y avait des moments primordiaux où l’instinct familial de Yong se manifestait néanmoins. Cette période n’avait pas été de celle où il ne pouvait penser qu’à lui et n’en faire qu’à sa tête, quand bien même, il ne l’exprimerait jamais honnêtement. Si tant était qu’il en eut véritablement conscience.

Au fond, à se forger une personnalité pour apparaître tel qui le souhaitait aux yeux des autres – à savoir irresponsable, immature, indigne de toute confiance – le sud-coréen avait pris le pli de se leurrer lui-même sur bien des points. Non, il ne se considérait pas comme « perdu en chemin ». S’il jouait à merveille le rôle du crétin et trouvait toute la satisfaction, il parvenait toujours à rester sérieux en parallèle afin de réussir ses études. C’était là le seul poids qu’il acceptait de s’imposer dans sa vie de légèreté et ce, seulement afin de s’éviter bien d’autres fardeaux plus pesant par la suite. Il y avait pourtant cette chaine, encore infime et pourtant aussi réelle que résistante qui peu à peu s’était formée, maillon après maillon, autour de son poignet. Borné à ses œillères, elle semblait encore invisible à ses yeux, mais son cœur devrait progressivement se faire une raison. Inconsidérément, Yong avait, l’espace d’un instant d’inattention sans doute, laisser la porte de son cœur entrouverte, et une femme – quelque peu fonceuse et envahissante  - en avait profité pour pénétrer à l’intérieur. Têtue comme elle était, Chaenah ne s’en laisserait assurément pas déloger facilement.  

Puis, les pensées furent dérobées par le spectacle des lumières de la ville dansante sous le ciel étoilé. Voie d’honneur dessinée par les fenêtres des buildings tandis que les voitures s’adonnaient à une farandole au gré d’une musique imaginaire, tantôt fluide et effrénée, tantôt de la lenteur d’une berceuse. Une envie d’aventure, une envie d’évasion, loin de la ville. Une réponse négative de la part de David à la suggestion de Yong aurait été des plus inattendues, car effectivement, l’américain ne manqua pas de s’enthousiasmer à l’éventualité d’une telle mission à réaliser.
« Où pourrions-nous aller ? »
Le sud-coréen réfléchit quelques instants, ses yeux balayant l’horizon lorsque soudain, un déclic se fit dans son cerveau.
« C’est peut-être pas la folle aventure mais, et si on se faisait un camping d’excursion au mont Bukhansan tous les deux ? »
Cette destination me plaisait bien. C’était simple, proche, l’idéal pour se lancer dans une expédition improvisée en quelques jours.
« Rien que toi, moi, et notre grain de folie, car tant pis si elle ne nous attend pas là-bas, il suffit qu’on amène la nôtre avec nous ! »
Vrai qu’ils n’avaient pas vraiment besoin d’un contexte trop élaboré ou d’un quelconque décor particulier pour égayer leur environnement à leur façon.
« Avec tous les chemins et tout, y a bien moyen qu’on se perde, oublient nos sacs de provisions quelque part, avoir confondu le matos à de camping avec une boîte à outil lambda… »
Il s’esclaffa, se projetant déjà dans une telle aventure. Si la plupart des gens planifiaient leurs affaires justement dans la prévention de ce genre de désagrément, leur duo ne ferait qu’en trouver plus de distraction. Et honnêtement, ils n’auraient vraiment pas besoin de le faire exprès pour que cela se produise.
« J’parie que s’il y avait encore un ours sorti de nulle part bien planqué jusque là, échappé d’un parc zoologique où je ne sais quoi, ça serait pour nous ! »
Un coup de coude complice à son meilleur ami, il s’imaginait déjà leurs têtes respectives. Si David avait quelques tendances à s’avérer le plus peureux des deux, dans une situation pareille, Yong n’en mènerait pas plus large non plus malgré la prétendue assurance qu’il pouvait momentanément proclamer.
« Un gros ours en peluche qui à la sortie de la tente au réveil ! »
Il avala les dernières gorgées de sa bière d’une seule traite, puis en sortit deux nouvelles.
« Remarque après avoir défié les loups, ne serait-ce pas la prochaine étape ? »
De son index devant ses lèvres, il fit signe de silence et d’écoute.
« Ça semble tellement calme en bas, tu n’as pas l’impression qu’ils doivent être en train de s’ennuyer ? »
Ne serait-ce pas déroger à leur réputation que de repartir tout à l’heure sans leur laisser le moindre témoignage de leur passage ? En plus des cadavres de bières dont ils ne s’encombreraient pas pour le retour, fallait pas rêver non plus.

Un immense sourire étira les lèvres de l’américain, qui avala avec plaisir une nouvelle gorgée de bière, comme pour porter un nouveau toast à leurs futures aventures qui ne semblaient cependant faire que commencer. Dans l’obscurité qui s’était installée, et malgré l’artificielle voie lactée qui se dessinait devant deux délicatement tracée par les lumières que les hommes avaient implantés partout, dans l’idée illusoire de lutter contre le passage du temps et le rythme naturelle de leur corps et de la vie des êtres diurnes, David doutait que son meilleur ami ne puisse apercevoir son changement d’expression. Cependant, il ne doutait pas le moins du monde qu’il ait aisément deviné les sentiments qui l’habitaient. Ils se connaissaient trop bien pour cela. Trop bien pour savoir que même si le fou génie, ou le génie fou qui lui servait de frère de cœur, lui proposait une semaine de baignade dans un lac pour crocodiles, le sportif envisagerait la question.
Et si toute personne censée se demanderait pour quelle raison le matheux avait à ce point confiance dans les idées du sud-coréen, David ne s’était jamais penché sur la question. Pas que sa raison ait déserté son esprit ! Loin de là. Et bien que certaines mauvaises langues se feraient sans doute un plaisir de susurrer qu’étant le fils d’une junkie mineur, élevé par un couple homosexuel, David devait avoir perdu son âme en étant si éloignée du droit chemin, ce dernier considérait que si tel était le cas, ça n’avait pas l’air très grave, et que de toute façon, il s’en portait bien sans.
Toujours est-il qu’en réalité, si l’on omettait toute l’amitié qui liait les deux étudiants, le naturel naïf, confiant et amical du jeune homme l’aurait de toute façon poussé à suivre la plupart des idées de Yong, malgré tout. (A ce propos, ses deux papas avaient longtemps pensés qu’heureusement qu’il était hyperactif, car cela empêchait les gens d’essayer de le kidnapper, il aurait été bien trop chiant a surveiller après avoir été embarqué, mais ça, c’est une autre histoire.)


« Génial ! » Déclara l’américain, tandis que son rire légèrement plus grave, mais tout aussi volatile que celui de son ami se joignait au sien.

A les entendre, on pourrait presque croire que les deux compères cherchaient les ennuis. Il n’en était cependant rien, bien que d’une certaine manière, la nuance finale ne soit que très faible. C’était bien d’avantage les ennuis qui les cherchaient, comme une sorte de malédiction. Car quoi que les deux étudiants puissent s’amuser –ou pas- a prévoir, il y aurait toujours quelque chose qui finirait par mal tourner, question de karma, en quelque sorte. Mais David ne se plaignait pas tellement de cet alignement des astres perpétuellement maudit qui semblait les suivre depuis toujours. Ils parvenaient toujours à s’en sortir, emportant au passage d’innombrables et incontrôlables fous rires, et d’inoubliables souvenirs. Finalement, une malédiction n’était pas si cher payée !


Si l’idée de croiser des ours lui tira un sourire, ce dernier était plus tendu que l’expression insouciante et amusée qu’il portait auparavant. En effet, contrairement à ce que sa haute taille et sa large carrure pouvait laisser à penser, David était plus proche de l’ours en peluche que de n’importe quel autre sorte d’ours. Peureux, amical et joyeux, et câlin avec ses proches, le sportif n’était pas le genre de personne à rêver de se retrouver face à une bête sauvage couverte de poils et de griffe, quoi qu’à son humble avis, la situation soit toujours préférable que de se retrouver face à d’innombrables dents et une peau écailleuse aussi épaisse que du roc. Mais encore une fois, c’est une autre histoire.
L’intellect du jeune homme plongea quelques instants dans ses souvenirs d’enfance, lorsque, plusieurs années plus tôt, le jeune homme et ses deux papas avaient fait un road-trip longeant la côté est des Etats-Unis jusqu’au Québec, lieu où vivaient encore en liberté une quantité non négligeable d’ours noirs, qu’ils avaient eu la chance de pouvoir observé. Mais David avait beau chercher dans sa mémoire, il n’avait plus aucune idée de ce que le vieux guide myope leur avait conseiller de faire au cas où l’un d’entre eux se retrouvait un jour devant un ours. Il se souvenait vaguement qu’ils étaient d’excellents grimpeurs, et qu’ils adoraient le dentifrice, mais ça s’arrêtait là. Rien de bien utile somme toutes, sauf si les deux amis souhaitaient se lancer dans un trafic de dentifrices avec les ours des différentes zoos des environs, mais ce n’était pour le moment pas dans leur projets immédiats.

Mais le naturel insouciant et confiant de l’américain fini par prendre le dessus, et il éclata de nouveau de rire en attrapant la nouvelle canette que son ami lui tendait.
« Ça ne m’étonnerai même pas. » Répondit-il avec sincérité, en poussant un soupir plus amusé que blasé.


Alors qu’il s’apprêtait à questionner son ami au sujets des étudiants de la fraternité qu’ils avaient négligemment et sous le conseil plus ou moins avisé de Yong choisit de prendre pour cible lors de leur fête de retrouvaille –sa véritable question étant de savoir si ces derniers étaient en réalité bel et bien des loup- le coréen lui fit signe de garder le silence. Obéissant, cela n’empêcha pas l’esprit du sportif de fonctionner, et de réfléchir aux Neugdae-garous : en effet, si son caractère peureux espérait qu’il n’en était rien, son esprit plus scientifique –et enfantin- brulait de curiosité.


« Ils sont peut être en train de se transformer, suggéra-t-il en cherchant la lune. Si ses iris sombre trouvèrent rapidement la sphère argentée, le jeune homme ne pu finalement qu’hausser imperceptiblement les épaules, parfaitement incapable de dire si la lune était pleine, ou si elle était à quelques jours de plus ou de moins… tout mathématicien en herbe qu’il était, David était parfaitement incapable de dire quand un cercle était rond. Ou de préparer un guet-apens. » proposa-t-il après une seconde de réflexion, d’un ton très sérieux, comme si il envisageait véritablement cette possibilité.
Ce qui était le cas.


Prenant conscience qu’il avait ouvert la seconde cannette avant d’avoir complètement terminé la première, il avala les dernières gouttes présent dans le récipient métallique, avant de la poser derrière lui, et de boire quelques gorgée, avant de se tourner un peu brusquement vers Yong, un léger sourire sur les lèvres.
« Tu as une idée, non ? »

Avant de partir jouer les trappeurs de l’ouest sud-coréen – chacun fait avec sa localisation géographique hein – menant la chasse à l’ours – qui d’ailleurs, certes faudrait passer la frontière de la Corée du Nord, ont bel et bien un temps vécu dans les montagnes de notre terre ancestrale et le mythe fondateur de Joseon ne reposait-il pas d’ailleurs en partie sur la mise à l’épreuve d’une tigresse et d’une ours qui en sortit victorieuse alors transformée en femme pour fonder Pyongyang tandis que son adversaire vaincue fut condamnée à remonter dans sa montagne, sauvage et traquée –, ne devrions-nous pas nous entrainer avec des loups ? Dont les traces passées dans les contrées de la péninsule sont bien moins avérés. Assurément, d’entre nous, l’animal totem de notre fraternité, les Gumiho, outre son symbolisme folklorique était bel et bien le plus étroitement liée à l’héritage naturel de notre pays. Si en occident, d’après les livres, sa représentation n’était pas des plus récurrentes en Asie orientale, nombre de pays avaient profondément inscrit cet animal dans la culture populaire. Et oui, je retenais bien mes leçons et m’y intéressait suffisamment pour développer mes recherches même en dehors des cours. Les différents visages culturels de chaque pays se révélait, à mon sens, de merveilleux trésors de découverte. Un regard vers l’horizon scintillant des lumières de la ville, il me tardait vraiment de finir mes études pour partir arpenter le monde ! D’ailleurs, combien de temps encore allais-je les poursuivre ? Je tenais juste à être diplômé pour détenir un bagage un minimum solide, mais les grandes études et la surenchère des diplômes très peu pour moi !

Donc pour revenir à nos moutons, ou plutôt en l’occurence à nos potentiels dévoreurs de moutons. Non, il ne fallait pas entendre là le moindre sous-entendu quant à une quelconque référence culturelle usuelle religieuse, mais simplement du plus grand ennemi des bergers. Néanmoins, j’avouais que cette petite digression dans mon esprit venait de m’ouvrir l’appétit.
« J’ai grave envie d’un kebab… » lâchai-je en toute première réponse à mon meilleur ami dans un discours totalement hors-sujet. 
Il y avait tout de même longtemps que je n’en avais pas mangé et je me ferais bien pété la panse ce soir. L’air en altitude, ça creusait l’estomac ! Cependant, nous avions une mission à remplir qui s’annonçait au préalable. Si j’avais quelqu’idée ? Je ne saurais dire si une poignée d’instant auparavant, elle nichait déjà dans mes pensées mais présentement, elle bordait inéluctablement mes lèvres. Je me penchais vers mon ami, affichant un air faussement sérieux, utilisant mon téléphone portable comme lampe torche sous mon menton à l’instar de la scène typique pour conter d’effrayants récits dans les films :
« Si une telle malédiction que celle de la pleine lune frappe vraiment le dortoir des Neugdae, ne serait-ce pas notre devoir de reporter que de mener l’enquête ? »
Etions-nous de futurs journalistes d’investigations de grandes renommées ou pas ? Vraisemblablement pas, car tel n’était pas mon souhait de vocation dans le milieu. Pour autant, je n’en avais pas moins le goût du risque. Surtout que là, je ne m’attendais pas trop à tomber sur un monstre issu de croyances populaires occidentales, tout au pire à… Quoi que à Jeha pas content pouvait faire office de redoutables loup-garous. Eh bien, ça mettrait un peu de piment véritable à notre enquête dans l’obscurité ! Sachant mon meilleur ami parfaitement enclin à se prêter au jeu, je continuais d’entrer dans la peau de mon personnage immergé dans un environnement mystique et surnaturel.
« Allons-y ! Allons filmer ses mystérieuses créatures et tenter de percer leurs secrets ! »
Je me levais d’un bond, engloutissant plusieurs gorgées de bière d’affiler avec tant d’élégance qu’un filet ruisselait depuis la commissure de mes lèvres écartées. Mon smartphone en guise de fidèle accessoires bien en main, j’étais motivé à 100%. Outre leur identité de loup-garous, il y avait bien une rumeur qu’il me taraudait d’éclaircir : les loups étaient-ils si ouverts d’esprits, naturiste, échangiste qu’on le disait dans les couloirs de l’université ? S’il y avait quelques louves dénudées, je n’aurais pas perdu ma soirée !

Sur le pied de guerre, je posais machinalement ma main sur la poignée de la porte qui nous avait causé difficulté précédemment. Juste avant d’y exercer une pression, je me retournai vers mon plus cher ami, les yeux (faussement) larmoyants :
« Bro’, si jamais je me transforme… Ce qui ne devrait pas se produire parce que bordel, j’uis renard de la truffe à la queue ! Mais au cas où… Laisse-moi les dernières bières avant de t’enfuir, stp. »
Bah oui quoi, avec toute la salive qu’ils produisaient ses bestiaux comme s’ils avaient la rage, je risquais de me déshydrater après métamorphose si je n’avais pas ressource suffisante sous la patte. Et peut-être, qu’avec un peu de chance, mon instinct serait plus attiré par ce nectar mousseux que par la chair de mon âme frère… En tout bien tout honneur sans interprétation douteuse et calomnieuse de ces termes.