Attente insurmontable. Junji fixe l'horloge. Il a peur et pourtant il voudrait que les aiguilles tournent plus vite. Il est incapable de penser à autre chose. Son esprit est comme figé. Il ressasse, se demande si c'était la meilleure solution. Le test, ils l'ont fait. Parce qu'après la révélation de Nao, il ne pouvait plus dormir. Idée insoutenable, celle qu'il ait pu vouloir son demi-frère de cette façon. Non, non. Impossible qu'ils soient liés. Junji le sait, sa mère était volage. Il y a une chance, une possibilité même infime que ce soit faux. Que Nao se trompe sur toute la ligne. Alors il veut savoir, quitte à se détester pour avoir eu de telles pensées. Si Junji ne l'a pas forcément cherché, il n'a pas beaucoup vu Nao pendant cette semaine d'attente. Etudes prenantes, assez pour qu'il déconnecte. Oublie un instant ce fardeau qui repose sur leurs épaules. Sauf que là, l'heure de la délivrance approche. Ils attendant la lettre, celle qui scellera leur destin. Panique intérieure, il affiche pourtant une expression neutre. Junji voudrait tenir sa main; Nao. L'homme à ses côtés. Sauf que dès qu'il le touche, il repense à tout ça. A cette possibilité et surtout qu'il ne devrait pas imaginer ça. Pas après ce que Nao lui a dit. Il s'est réellement senti horrible après cette révélation. Il ne déteste pas Nao, c'est contre lui-même qu'il a la haine - au moins un peu - Il aurait voulu le reconnaître. Ne pas l'oublier avec cette vie nippone qu'il a enterrée. Si ses pensées sont lourdes, bruyantes; Junji entend tout de même la sonnette. Fébrile, il se lève. « Reste là, j'y vais. » Direction la porte. Facteur, jugement dernier. Il reçoit l'enveloppe, celle qui contient la vérité. Sont-ils liés ? Il a peur, ses muscles se contractent à cette idée. Junji ramène le papier, il s'assoit à nouveau aux côtés de Nao. Et puis il le regarde. Il est si beau. Non, il ne peut pas penser ça. Ses yeux dérivent vers ses lèvres. Non, pas maintenant. Il reprend ses esprits, cœur insoumis mais l'esprit encore plus fort. Il contemple l'enveloppe. « Tu veux l'ouvrir ou je le fais ? » Et cette main qu'il se refusait à serrer, il l'attrape. La tient, en caresse la peau. Il va devenir fou de ne pas savoir.

Ca fait des jours, des mois ; une éternité, qu’ils attendent. C’est le sentiment que Nao a. Son regard s’est posé à un moment sur la grande horloge au mur quand Junji l’a informé que la clinique a appelé ce matin et qu’ils recevront les résultats dans la journée. Depuis, l’attende est insupportable. Les aiguilles de l’horloge prennent un malin plaisir à tourner le plus longtemps possibles, transformant les minutes en semaines et les heures en années. Nao avait été catégoriquement contre l’idée de faire ce test, il ne veut pas qu’ils se fassent plus de mal. Mais Junji a réussi durant ces derniers jours à faire rentrer le doute dans sa petite tête brune, petit à petit. Jusqu’à ce que l’espoir naisse. Peut-être que Junji était vraiment le fils d’un autre. Cela voudrait dire que son père est un inconnu total malheureusement, mais aussi qu’ils ne partagent aucun lien de sang et de chair, qu’ils ont le droit de ressentir ce genre de choses sans la moindre honte. Ça semble irréel. Nao ne veut pas se bercer d’illusion et tomber de trop haut. Alors il garde la tête sur les épaules, du mieux qu’il peut. Junji est assis à ses côtés sur le canapé. Leur relation n’est plus la même et c’est normal. Le mensonge n’est plus là pour donner lieu aux frôlements, aux regards emplis de désirs. Tout sonne déplacé, malsain. Une distance s’est créée entre eux. Et le destin de leur relation repose sur une lettre. On sonne à la porte, ça le fait presque sursauter. Junji se lève pour ouvrir et Nao lui en reconnaissant, il ne sait pas s’il est capable de tenir sur ses jambes. Il observe la silhouette de Junji qui s’éloigne. Il est si beau que ça le trouble. Malgré lui, il ne peut oublier ses caresses ou ses baisers. Il baisse les yeux, honteux. Il ne doit plus penser ainsi, il faut oublier ces moments d’égarement qu’il a eu. Ils se regardent. Nao a la stupide impression qu’ils pensent à la même chose, les yeux de chacun dérivant sur les lèvres de l’autre. Junji l’étonne en lui prenant la main, c’est le premier contact physique entre eux depuis des jours et ça l’électrise. « Vas-y, je crois que je n’sais plus lire là. » Il lâche un rire nerveux, la vérité est là, pliée en deux.

Leur histoire, réduite à un simple bout de papier. C'est ironique, bien peu pour que tout soit décidé. Junji déteste que leur sort se résume à cette enveloppe. Pourtant, il n'a pas le choix. Ce n'est pas comme s'il pouvait changer le résultat d'un test adn, annuler les actions passées de leurs parents. Il a toujours un peu d'espoir. Celui que Nao et lui ne soient rien, qu'ils n'aient partagé que des moments amicaux lorsqu'ils étaient enfants. Junji, il ne veut pas d'un frère. Enfin, il ne souhaite pas que Nao soit le sien. Il n'en a pas envie; entre eux, ça doit être différent. Alors il panique un peu à l'idée de découvrir la vérité. S'il essaie d'afficher une expression impassible, c'est quand même difficile. Cette situation, il la hait. Oui, de tout son cœur. Il a du mal à se passer de Nao. Cette semaine a été difficile. L'envie de le voir, de lui parler mais Junji, il ne pouvait pas. Il était incapable de rester longtemps avec lui. Il y avait toujours ces pensées-là, celles qu'il aurait dû effacer à la seconde où Nao lui a tout avoué. Question qui retentit; et Junji qui se perd. Il ose lui tenir la main. Sensation étrange au bout de ses doigts, Nao lui a manqué. Il rit en même temps que lui. Echo nerveux, ça n'a rien de drôle ou de joyeux. Junji est anxieux, c'est probablement la même chose pour Nao; « Je vais le faire alors. » Il lâche sa main pour attraper l'enveloppe. Mouvement d'hésitation, il la fixe un instant. Papier déchiré, ses doigts ouvrent tout. Son cœur bat bien trop fort. Il hésite encore; pourtant il fait glisser les résultats. Il déplie soigneusement la feuille et puis ses yeux trop curieux dérivent dessus. Les lignes, les mots. Junji scrute; le blabla médical et puis il voit le pourcentage. Panique, panique et puis il se retourne vers Nao. Il le fixe. Il a du mal à parler. « On est...On est pas frères. » Lui-même, il a du mal à y croire. Heureux, il croit crever. « Nao, on est rien. On est rien... » Réalisation et il se jette dans ses bras. Il le serre contre lui; étreinte forte, probablement trop. « Je suis tellement soulagé putain. » Encore le mot est faible. Maintenant, ce qu'ils ont fait n'a rien d'inapproprié; ils n'ont pas d'adn commun. Ils ne sont rien, rien que deux êtres humains qui ne partagent aucun lien de sang. Cette pensée le fait sourire, il ne peut plus s'arrêter. Junji, il est perdu. Il se recule, relâche Nao pour encadrer son visage. Son front vient se poser contre le sien, ils ont le droit. « Nao...» Il finit par relever la tête pour le fixer; « J'ai envie de t'embrasser. » Confession vu que désormais, ça n'a plus rien d'un crime. C'est réel, possible. Cette tragédie ne sera pas la leur. Et Junji garde ce sourire stupide sur ses lèvres; ses yeux cherchent ceux de Nao.Putain.

Son regard hésite. Faut-il le poser sur ce bout de papier entre les mains de Junji, ou sur Junji lui-même. Il se demande si son visage trahira la réponse que recèle cette vulgaire enveloppe. S’il réussira à deviner. Oui. Non. Deux possibilités. Rien de plus, rien de moins. Nao attend, presque pendu aux lèvres du plus vieux. Il a presque envie de lui arracher les résultats des doigts mais il n’est pas même certain de réussir à lire comme il faut ou même d’en comprendre le sens. Sa jambe vibre, signe d’anxiété. La main de Junji vient s’égarer sur les siennes. C’est doux, agréable. Mais, pour le moment, ça a aussi le goût d’un pécher. Il prie intérieurement. Les paupières à moitié closes. Il a enfin courbé le dos et accepté de faire ce test, malgré toutes ses craintes. Et il espère avoir fait le bon choix. Il préfère encore le doute à cette sensation. Même s’il sait qu’au moins, elle, ne durera pas si longtemps. Ils partagent un rire nerveux. Ce n’est pas le temps pour ça. Mais Nao n’arrive pas à garder un visage sérieux, il a peur que le masque vol en éclat et que les larmes viennent flotter sur ses pommettes hautes. Il se mordille la lippe tandis que ses yeux suivent chaque petit mouvement de Junji. Les doigts qui déchirent l’enveloppe, sortent le papier blanc. Il serre un peu plus fortement la main contre la sienne. Il déteste le fait que ses sentiments doivent être guidés par les résultats d’un test adn. Il déteste être réduit à cela, aussi nécessaire soit-il. Nao oublie de respirer, oublie de cligner des yeux. Surement pour ça qu’il les sent se mouiller. Et Nao n’a pas le temps de bien entre le balbutiement du brun. Il réalise à peine que Junji est entre ses bras, blotti contre lui dans une étreinte étouffante. Soulagement. Il devrait ressentir aussi la même chose, il a toujours du mal à réaliser. Son cœur et son corps semblent ne pas savoir comment bosser ensemble. L’air lui manque presque. Junji recule, encadre son visage. Il peut aussi observer le sien. Si près. Si beau. Junji est de l’art en forme humaine. Si parfait. Embrasse-moi. C’est comme un chant à son oreille. Ils y ont droit, pour de vrai. Les souvenirs aussi peuvent être préservés, il n’y a plus aucune honte à ressentir. Ses mains viennent se poser sur ses cuisses, poigne forte. Et leurs lèvres se rencontrent. Doucement. Puis un peu plus sauvagement. Un baiser qui suit le rythme de leur soulagement. Ça lui a tant manqué. Nao le regarde, son souffle chaud contre son visage. « Tu en es vraiment sûr ? T’as fait d’erreur, hein ? » Il attrape le papier, tente de le lire sans succès, pas assez concentré. « J’en crèverai si tu as fait une erreur, putain. » Il revient pourtant systématiquement à ses lèvres. Elles l’appellent sans cesse. Et Nao y succombe, être de faiblesse.

La révélation tant attendue, celle qui aurait pu sonner leur fin. Sauf que non, c'est même tout le contraire. Le début d'une histoire, la leur. Ils ne sont pas frères, ne partagent rien que cette attirance fatale. Junji, il n'en a pas cru ses yeux. Situation irréelle et lui qui irradie de bonheur. Il en aurait crevé d'avoir Nao comme frère, de devoir changer de regard. D'arrêter de penser à lui comme ça, de le vouloir. Non, c'était pas possible. Pas entre eux. Avec Nao, c'était fou dès le départ. Impossible d'être une fratrie quand il a ces envies-ci. Junji, il le serre fort. L'étouffe contre son torse. Soulagement, c'est ce qui coule dans ses veines. Disparu le sang, oublié l'oxygène. Et il l'enlace, le colle à lui. Tellement heureux, tellement vivant. Putain, il s'était senti comme mort cette semaine. Comme un puzzle à qui il manque beaucoup trop de pièces. Alors là, c'est comme enlever la tête de l'eau. Retrouver la surface et respirer. Il encadre son visage, en détaille les magnifiques traits. Toile humaine à peindre de ses lèvres, à couvrir de mille baisers. Il veut l'embrasser, le chérir. L'aimer. Les mots viennent et puis des mains. Poigne forte mais il oublie tout lorsque ses lèvres rencontrent celles de Nao. Un manque, un besoin crucial. Et c'est doux, enfin au début. Inattendue tendresse. Ils se redécouvrent de leurs lippes et puis la fougue réapparaît. C'est un peu plus sauvage, un peu plus eux. Et Nao le regarde. Yeux troublants, leurs souffles qui se mêlent. Question et le papier lui est volé. Junji observe le cadet qui tente de lire avant d'abandonner. ça lui arrache un sourire, vite étouffé par un nouveau baiser. Alors c'est un murmure contre les lèvres de Nao. « Non, j'ai pas fait d'erreur. Crois-moi. » Il le fixe, il lit une autre lueur dans les yeux de Nao. Et là, c'est la fin et le commencement à la fois. Trois, deux, un. L'attaque. Junji, il ramène Nao sur lui. Besoin pressant de le sentir, de le toucher. De se l'approprier. Son cerveau le presse de l'embrasser. Appel irrésistible alors il capture ses jumelles. « Nao...» Il se perd, ses mains s'échouent sur le corps de l'autre. « Je te veux. » Conclusion, demande. Personne ne sait. Junji continue juste de l'embrasser, de coller son corps au sien. Nao, envie brûlante. Passion autorisée, il n'y a plus rien de prohibé.

Et il n'y a plus rien. Plus aucune barrière, plus aucun obstacle entre eux. Les vêtements, oubliés. Il ne reste que leurs peaux, qui se touchent, se découvrent encore. Moment tant attendu; attente insurmontable. Ils peuvent, ont le droit alors ça n'a plus rien de chaste. Ambiance torride, la chaleur qui monte. Leurs deux corps enflammés, l'un par l'autre. La tension à laquelle ils peuvent enfin céder. Idées fantasques, la table. Nao posé dessus comme un précieux joyaux. Et pourtant, ses joues rosissent. Pièce parfaite mais humain avant tout. Junji l'embrasse, le chérit. Et aussi, il n'oublie pas de le marquer. Juste parce que c'est Nao et personne d'autre. Il doit faire en sorte qu'il y repense, surtout lorsque ses doigts frôleront la belle tâche brune. Peau maltraitée mais il le comblera de plaisir. Le pacte du diable. Et ça continue. Les lippes qui glissent, dérivent. Eaux troubles, mouvements lents pour lui rendre la pareille. Ce n'est pas tendre, simplement sauvage et c'est bien assez pour eux. D é s i r a r d e n t . Mais Junji dépose tout de même quelques baisers, comme une pause dans la tempête. Les gémissements emplissent la pièce. Mélodie préférée de Junji. Et puis vient une question. La sienne. Nao, Nao. Est-ce qu'il en veut plus ? C'est surtout parce que lui, il n'en peut plus. Il le veut. Petite pique qu'on lui lance. « Je peux me contrôler, même avec toi. » Il feint la certitude mais un doute subsiste. Passion trop prenante, qui sait. Mais Nao tend la main vers son bras. Il l'attrape et c'est naturellement qu'il lui revient. Vite sur ses lippes; ça lui arrache un sourire. Il continue d'arborer cette stupide esquisse. Les mots. « Moi aussi. » Il s'approche un peu plus pour murmurer la fin. « Moi aussi j'ai envie de toi. » Dernier sourire avant que tout ne s'efface. Leurs murmures disparus tous les deux et Nao qui lui mordille l'oreille. Junji sent ses jambes qui glissent sur ses hanches. Il n'en fallait pas plus pour qu'il revienne à la charge. Ses lèvres sur celles de Nao. Il ne les lâche plus. Et il le ramène tout contre lui. Echange intense, au bord du précipice parce que leurs corps se rencontrent. I n t i m i t é. Le premier coup de rein; Et Junji qui ne le quitte pas des yeux. Il est comme ivre de Nao. De lui, de ses lèvres, de ses gémissements qu'il veut entendre encore plus fort. Alors il va toujours plus vite; va et vient incessant. Nao, poupée de chiffon qu'il malmène de son bassin. Mais ses mains le caressent, ses lèvres aussi. Il mordille son cou, attend la réciprocité. Et quand vient le meilleur moment, il l'enlace encore. Juste pour lui chuchoter au creux de l'oreille. « T'aimes ça ? » Junji, enfant. « Nao...» Prénom murmuré alors que le dernier coup de rein vient l'assassiner. Junji sans pitié mais ils sont pareils. Ils se complètent sur ce point. Et c'est pour ça que l'accord en est parfait. Délivrance que de goûter à Nao entièrement. Le plaisir de la chair mais aussi d'être avec lui,
tout simplement.