Je la sens se débattre et je l’écoute avec intérêt. Je ne me justifie pas parce que je suis lâche mais parce que je trouve inutile de provoquer une dispute de grande ampleur pour une simple affirmation de la réalité. Elle est pauvre, je suis riche et c’est une réalité, un fait. Même si elle ne veut pas du tout l’entendre, même si elle trouve ça impoli, cruel de l’affirmer, c’est ainsi que la réalité est faite. Je préfère ne rien répondre à ça malgré tout, pour ne pas rajouter de l’huile sur le feu. Je comprends bien qu’elle n’aime pas entendre ça et on en finira jamais, à ce rythme. Je rêvais de rentrer dans le dortoir et de me doucher. Je la lâche donc, histoire qu’elle se défoule si elle le désire et qu’on en finisse plus rapidement. Je ne vais pas me laisser frapper mais il me suffira d’esquiver et ça se passera vite. Cependant, contrairement à ce que j’avais prévu, elle n’essaie pas de me taper. Je rigole même en l’entendant dire que j’ai un « problème affectif ». Je ne comprends pas vraiment ce qu’elle veut dire par là mais c’est presque ironique qu’elle essaie d’être ma psychologue alors qu’elle voulait me frapper quelques minutes auparavant et qu’elle se débattait inlassablement. Elle prend son sac et me tourne le dos avant de me demander si je viens. Je hausse un peu les sourcils, pris de court. On rentre ensemble, finalement, après tout ce scandale ? Et puis, moi, bouder ? Ça m’arrache une nouvelle fois un rire que je n’arrive pas à retenir.

« Je ne vois pas du tout pourquoi j’aurais un problème affectif et figure-toi que je ne boude pas, je ne suis pas un gamin. »

Je la suis malgré tout. Pour les gens qui avaient regardé et qui nous voyaient rentrer ensemble désormais, ça doit ressembler à une scène amicale désormais. « Ils se battaient juste pour s’amuser et taquiner », doivent-ils penser, bien que « taquiner » et « Ji Hwan » faisait sans aucun doute tâche dans la même phrase. Après m’avoir traité de lâche, avoir essayé de me frapper et, en plus, tenté de me frapper, c’est parfaitement bizarre qu’elle accepte quand même ma compagnie pour rentrer. Me concernant, je ne suis pas rancunier, et, puisqu’on va au même endroit, je ne vois aucune raison de se fatiguer à s’éviter. Même si je ne traîne pas avec les pauvres, elle peut être une exception. Elle sait se défendre et ça m’arrange franchement, au moins, je n’ai pas de soucis à me faire si un jour je dépasse les bornes à cause de mon impulsivité. Si tout le monde était comme elle, je n’aurai besoin d’éloigner personne de moi.