Quand elle lui disait qu'elle devait apprendre à se débrouiller seule, Mee Joo ne plaisantait pas. Elle préférait réellement ne pas penser à ce qui se serait passé si jamais elle n'était pas intervenue. D'autant plus que le taux de probabilité pour qu'elle soit là au bon moment était très faible. Néanmoins, pour une fois, elle ne pouvait pas faire le moindre reproche à Dambi, et puis la pauvre devait avoir passé un suffisamment mauvais moment que pour en rajouter une couche. « Mouais. Ou alors il t'aurait trouvée trop douce que pour te tuer tout de suite, t'aurais embarquée dans une camionnette blanche, et tu aurais fini ta vie dans une cave. » Oui, Mee Joo était spécialiste pour voir les choses du bon côté. M'enfin, ça faisait une partie de son charme, non ? « Ils étaient à toi au moins, ces collants ? » la taquina-t-elle avant de sincèrement espérer qu'elle n'avait pas été les piquer chez sa colocataire. Mee Joo n'avait clairement pas envie de devoir aller s'en racheter. « Tu n'es pas trop blessée au moins ? On peut s'arrêter dans un night shop acheter des pansements si tu veux... sinon, je désinfecterai en rentrant. » C'était sans doute la première fois qu'elle se montrait aussi attentionnée, un aspect qu'on ne lui connaissait que trop peu, qu'elle ne laissait que très rarement voir, sauf quand elle était avec sa soeur, et encore. Les deux passaient plus de temps à se disputer qu'autre chose. « Ou alors on peut passer chez moi, c'est moins loin et j'y ai tout ce qu'il faut ... » réfléchissait-elle à haute voix, se demandant quelle était la meilleure des trois solutions.

J’avais conscience qu’il fallait que j’apprenne à me débrouiller seule, mais malgré mes efforts pour changer, douceur et tendresse persistaient. C’était presque une réflexion à plein temps, car je devais faire le contraire de ce que j’étais au quotidien. Si je relâchais ma vigilance, le naturel revenait. Et avoir une telle attention sur une seule chose en permanence, me fatiguait l’esprit plus qu’autre chose. Elle n’avait pas tort que cette fois, mes jolies fesses avaient eu chauds. Heureusement qu’elle était intervenue, car ma soirée aurait sans doute été entre les mains de trois brutes épaisses. Si je racontais cette mésaventure à Iggy, j’étais certaine qu’il allait encore m’engueuler de m’être mis dans une situation où je ne pouvais m’en sortir seule. Je grimaçais, gonflant mes joues tel un poisson, mine boudeuse. « Arrêtes de dire de telle horreur. Ce n’est pas gentil. » D’un côté, elle avait raison, mais je ne voulais pas donnée vie à quelque chose qui ne s’était pas réalisé finalement. Alors que je voyais le positif partout, elle ne voyait que le négatif. Je fixais les collants, me demandant un instant si il était bien à moi avant de relever la tête vivement. « Non ce sont les tiens… » Plaisantais-je, la taquinant sur le même ton. Elle l’avait cherché cette fois ci, mais ces collants étaient bien les miens, mon noms étaient dessus. Je la suivais à petit pas, légère comme cette brise nocturne qui soufflait dans ma chevelure. Auprès de Meejoo, j’en avais oublié ma mésaventure. Ne voulant pas lui donner plus de soucis, je secouais la tête. « Ca peut attendre qu’on soit rentré, regardes ! Je ne sens rien du tout. » Je sautillais sur moi-même pour lui en témoigner la preuve de mes dires, mais un picotement me prit au dépourvu me faisant grimacer. Je la fixais une seconde, la tête penchant sur le côté. Je n’avais pas réellement réalisé, mais elle était plutôt protectrice en cette nuit sans étoile. Puis, la curiosité de voir comment c’était chez elle me piquait au vif. « j’ai jamais vu où tu habites … » murmurais-je sans vraiment dire à haute voix ce que je désirais réellement.

Mee Joo ne put retenir un petit sourire satisfait ; après tout, elle n'était pas connue pour sa légendaire gentillesse. C'était même plutôt le contraire. Rares étaient les gens qui appréciaient réellement l'héritière Rhee pour la simple et bonne raison que rares étaient ceux qui prenaient réellement la peine de la connaître. La plupart se buttaient à l'image qu'elle renvoyait, froide, hautaine, supérieure, sans jamais prendre la peine de gratter la surface. Il fallait admettre que la jeune coréenne faisait tout ce qui était en son pouvoir que pour les en dissuader. Elle laissa néanmoins un petit rire s'échapper comme Dambi la taquinait. Au fond, ça aurait pu être les siens, que Mee Joo s'en serait moquée. Elle n'était pas non plus à une paire de collant près. Mais l'occidentale faisait beaucoup d'efforts depuis la dernière fois, il fallait au moins lui laisser cela. Puis la noiraude secoua la tête comme Dambi tentait de lui montrer qu'elle n'avait pas mal « Raté. » souffla-t-elle du bout des lèvres. Elle décida alors que le plus simple était d'aller chez elle. Ne prenant pas la peine d'y réfléchir deux secondes supplémentaire, la jeune-fille s'empara de son téléphone et composa un numéro qu'elle connaissait par coeur, réclamant sans la moindre politesse qu'on lui fasse amener une voiture à l'adresse à laquelle elles se trouvaient. Réflexe de gosse de riche qui avait toujours eu tout ce qu'elle souhaitait, probablement. Mais qu'importe, elle n'était pas d'humeur à arpenter la ville à pied, surtout pas avec un faon écorché à ses côtés. « Un chauffeur va arriver, on ira chez moi, comme ça tu verras à quoi ça ressemble » la taquina-t-elle, ayant senti la curiosité dans sa voix. Son appartement était certes bien différent de la fraternité, et au fond, Mee Joo était elle-même curieuse de voir la réaction de la jolie blonde.

Je tentais de faire la grande devant Meejoo, face à laquelle je ne voulais plus porter cette image d’enfant sans défense. Et surtout, fragile. Et tout ce que j’étais parvenue à faire en gigotant était de me faire d’avantage mal. J’avais cherché à cacher ma douleur, mais ma grimace n’échappait pas à la ténébreuse. Raté, c’était le juste mot. J’émis une moue boudeuse, baissant les yeux quelque peu déçue. Je l’observais se démener pour nous trouver un moyen de transport alors que j’étais blessé. Je lui amenais que des problèmes au fond. « Tu n’es pas obligé de faire tout cela pour moi. » déclarais-je timidement, honteuse de ne pas avoir sa force de caractère que j’enviais tant parfois. Lenny me disait toujours que j’étais parfait comme j’étais alors qu’Iggy cherchait toujours à ce que j’apprenne à me rebeller. Pourtant, ma curiosité concernant son domicile prit soudainement le dessus. Il me tardait à présent de voir ce chauffeur arriver. Si cette écorchure me permettait d’entrevoir un peu plus de la vie de ma nouvelle amie, ca valait le coup d’avoir une cicatrice. « C’est comment chez toi ? » je ne pus m’empêcher de demander avec impatience alors que la voiture n’allait pas tarder. Comme de fait, une Berline noire se garait non loin de nous. Un chauffeur en sortit, nous faisant signe d’approcher. « C’est lui, ton chauffeur ? » demandais-je sans trop savoir s’il s’agissait d’un inconnu ou non.