Ah des fois, Chully, il est dur à comprendre ! Sachant très bien qu’il pourrait se mettre à bourder, je ne cherche plus à comprendre et lui donne alors raison. Puis, quand même, on va pas se disputer au sujet de notre meilleure amie. Bien sûr qu’elle est belle, Mi, mais Chull est tout de même censé être d’accord avec moi quand je dis qu’elle est dangereuse. Et je parle en connaissance de cause ! Fin bref, pour le moment c’est pas mon expérience avec les prises du ninja qu’est le plus important. J’ai beau jouer les justiciers, j’en reste pas moins humains et n’ayant pas de pouvoir ou de force surhumaine comme un certain héros en bleu et rouge, je ne trouve pas l’ascension si facile. Mais merci, je m’en sors tout de même sans l’aide de Chull. À peine arrivé que je lui obéis déjà. En peu de temps, me voilà torse nu et à l’ouvrage. L’immonde drapeau est vite viré et mon immense sourire aux lèvres indique que je suis fière de nous. J’attends les instructions du caporal et celui-ci me félicite alors. Tel un bon soldat, je viens lui faire un salut, tout en me redressant droit comme un i. Je l’observe accroché nos beaux tee-shirts sur la corde et agite la tête avec hâte. Sans hésiter, je le rejoins et tire sur la corde pour faire monter nos tee-shirts haut dans le ciel. « Regarde les flotter, ils sont si magnifiques… » dis-je ému, manquant presque de lâcher une larmichette tandis que Chull passe un bras autour de mon épaule. Mon sourire s’agrandit à l’entente de ses mots. Et comme pour illustrer ses mots, un paparazzi armé de pizzas surgit alors de nulle-part, sortant son téléphone. Devinant qu’il cherche à nous prendre en photo, je me mets à faire de grands gestes tout en bougeant les bras tel un idiot acclamé par la foule. Mais les mots de Chull me font vite revenir à la raison. Je le regarde sans comprendre. « Qui ça ? Le livreur de pizza ? » C’est qu’il a fait vite ! Pourtant, Chull a l’air très sérieux, bien trop sérieux. Ne comprenant pas, je m’avance vers la porte et l’ouvre. Là, il m’a fallu même pas une seconde pour reconnaître la personne. Je lâche immédiatement un cri avant de claquer de nouveau la porte, m’adossant contre celle-ci pour la bloquer de mon poids. « Oh mon dieu, on est foutu ! » Que va-t-on faire ? Je peux même sentir ses coups contre la porte ! À moins que ce ne soit mon cœur qui s’affole bien trop sous le coup de la peur ? J’inspire et expire longuement pour me calmer. « Chacun pour soit, hein ? C’est ce qu’on a dit ? » Attrapant le poignet de Chully, je le tire vers la porte pour qu’il se retrouve à ma place et l’empêche d’entrer. « Retiens-la ! Moi, je file ! » Je me précipite alors vers le bord du toit, je regarde tout en bas, cherchant quelque chose qui amortira ma chute. Allez, je peux bien faire un saut de la foi, ça doit pas être bien compliqué. Au pire, les étudiants d’en bas me permettront d’amortir ma chute. Je lance un dernier regard à Chully et sentant qu’il ne va plus tenir, je fléchis les genoux, prêt à sauter.

Je crois que j’ai jamais été aussi en colère que la fois où Sae Jin nous a fait l’hélicoptère avec l’œuvre principale de son service trois pièces à l’heure de la cantine au lycée. Je m’en souviens très bien parce que le jour-même on était convoqués dans le bureau du directeur. Le suivant en s’entretenait avec le conseil de discipline de l’école. Et au troisième jour, on visitait les locaux du commissariat de police pour atteinte à la pudeur.

JE VAIS LES TUER.
Pour être des idiots. Pour m’avoir menti. Pour ne pas savoir créer une conversation privée sur le chat Kakao Talk. Pour être incapables de réfléchir plus deux secondes. Et pour TOUJOURS trouver le moyen de me mêler à leurs affaires qui vont pas plus loin que des idées stupides mises à exécution sans jamais réfléchir aux conséquences.

Pour toutes ces raisons, je vais mettre fin à leurs jours. Aujourd’hui. Je ferai disparaître les preuves. Et personne n’en entendra plus parler. Je serai veuve de la meilleure amitié mais au moins j’aurai la paix.

Je détale de l’amphi sans même noter les chapitres à lire pour la prochaine fois. Je fais bien de compter sur ma mémoire comme ça au moins je suis bien certaine de pas m’en souvenir parce qu’au moment où je sors du bâtiment des sciences j’ai déjà tout oublié.

Et je les aperçois mes deux idiots. Ils batifolent fièrement en haut d’un bâtiment et j’ai de suite les articulations qui me démangent. Je suis prête pour un cent mètres course-poursuite avec tout ce que j’ai couru ; mais vu les brèles sportives un vingt mètres c’est largement suffisant et c’est même trop.

J’ai pas le temps de prendre mon temps. Je pousse violemment la porte des escaliers. Elle tape contre le mur adjacent, elle résonne en écho et moi, je suis déjà presque arrivée en haut de la tour des deux bouffons. J’avais même pas réalisé à quel point mon souffle s’était saccadé et quand je vois la porte qui s’ouvre, le visage de Ho Chull qui se décompose et la porte qui se referme sur mon nez…

Il a pas fait ça.

« YA ! » Je sais pas où je puise la force. Sûrement dans un puit pas très loin du puit sans fond de leur connerie. Parce que je vois que ça, une débilité extrêmement profonde pour avoir l’idée complètement timbrée de se foutre torse-poil sur le toit de l’université pour troquer le drapeau contre deux pauvres tee-shirts auréolés. « VOUS ÊTES QUE DES CRETINS ! BANDE D’IDIOTS ! » Je tape contre la porte en gueulant comme un putois tous les trucs qui me passent en tête.

Je m’arrête deux secondes. Je passe une main à la racine de mes cheveux pour constater à quel point mon front est brûlant. Dans ce court laps de temps, la porte s’ouvre sur Sae Jin – qui a perdu son tee-shirt – et se referme aussi rapidement qu’elle s’est ouverte. « Vous vous foutez de moi ? YA ! » Je vais pas les laisser briller par leur stupidité. Je vais pas non plus leur laisser l’opportunité de se faire virer.

Je claque un grand coup de pied dans la porte et je suis prête à coller Ho Chull au sol en deux secondes quand… « Sae Jin ? » Il est debout au bord du vide. Quoi ? Il s’est pris pour un oiseau ? Il croit qu’il peut voler. MAIS J’EN AI MARRE !

« Suis-moi. » J’attrape le premier par le lobe de l’oreille et je fonce sur le deuxième comme un boulet de canon. (Toujours en tirant Ho Chull derrière moi, c’est pas marrant sinon.) Il a plus son tee-shirt mais je l’attrape par l’élastique de son boxer Batman qui dépasse de son pantalon et je lui laisse pas le temps de penser à un truc encore plus stupide. Je le tire d’un coup sec vers l’arrière, je le cloue au sol et je m’assoie bien sur lui pour l’empêcher de se faire la malle. « TU M'EXPLIQUES CE QUE T'ESSAYES DE FAIRE ? Bon sang mais qu'est-ce qui tourne pas rond dans cette tête ! » Je claque une dernière fois son torse (et ça claque dix fois mieux parce que c’est à même la peau) et me redresse rapidement pour rattraper Ho Chull en l’envoyant au tapis parce que quand il panique, on dirait un Sims devant un incendie de cuisinière.

Je me relève en soufflant bruyamment, mains sur les hanches pour reprendre mon souffle. Mon dieu ! ça faisait une éternité que j’avais pas fait ça… je les fusille du regard et pointe mon index droit sur eux. Je laisse passer un silence et puis, je leur laisse pas le choix.

« Remettez vos tee-shirts. » C'est pas une question.

Mon prénom est crié pendant que Sae Jin monte nos t-shirt. Je jette un regard vers le bas avant de faire des grands signes à Jae In et autres. C'est déjà bien, il ne s'enerve pas pour une de mes conneries. Mon meilleur ami vient près de moi et prend la pose. Arf ! Franchement, là, je me demande si c'était une super bonne idée. Quoi que c'est Mi Ran qui m'a demandé de sortir Sae de mon boudisme. Donc en gros, c'est moi qui râle et je dois rassurer monsieur. Faut pas essayer de nous comprendre. Le forfait accompli, j'ouvre la porte du toit pour descendre par les escaliers quand je tombe nez à nez avec ma meilleure amie qui n'a pas l'air heureuse. Sur le coup, je referme la porte en annonçant que nous allons avoir des problèmes. Sae Jin pense que c'est la pizza. Depuis quand on a parlé de pizza? Je le regarde ouvrir la porte et la refermer au nez de Mi Ran. Hé ! Rev. Il va pas sauter, je me tape le front quand la porte s'ouvre en grand. Je fais même pas attention à Mi Ran tellement là, il me fait peur. Mi Ran crie après Sae Jin tout en attrapant mon oreille pour me tirer vers lui. Non, non y a pas des Lâche-moi tu me fais mal. mais plus des Aie, ouille. Pendant qu'elle le fout au sol, je fais semblant de rien et part sur la pointe des pieds, ni vu ni connu avec les mains en l'air hein. Totalement paniquer. C'est au dit que je me retrouve au sol. Et l'ordre est donné. Je lance un regard à Sae Jin avant de croiser mes bras l'air boudeur. Nous sommes en mission pour conquérir le monde. Quoi que vu son regard, je décide de me lever et descendre les nouveaux drapeaux. Tu crois qu'elle a des pouvoirs? question posé à Sae Jin. strong>Comment elle savait qu'on était ici?

On est foutu. Je répète, on est FOUTU. Miran débarque en mode bonhomme prêt à nous mettre une véritable raclée. Et le fait de lui avoir claqué la porte au nez deux fois a certainement dû signer notre arrêt de mort. Mais je refuse d’en rester là. Chully, il a dit ; chacun pour sa peau. Alors, je le laisse s’occuper de retenir la porte le mieux qu’il peut (vu sa faible force face à Miran) et m’apprête à prendre mon envol. Courant jusqu’au bord du toit, je prends une grande inspiration, me préparant mentalement à faire un véritable saut de la foi tel un vrai assassin. Après tout, ça doit pas être bien difficile. Et puis, l’atterrissage fera bien moins mal que les coups de Mi ! J’ignore les cris, fermant les yeux pour le concentrer. Je m’apprête à sauter lorsque je sens un poids me retenir. Je n’ai pas même le temps de me retourner que l’on me tire soudainement par le boxer. Je lâche un couinement tout en me plaignant et finalement, je me retrouve au sol. Mais ça fait mal bordel ! Je tente de me relever, mais Miran vient m’écraser en s’asseyant sur moi. « Tu m’écrases ! » commençais-je à me plaindre mais je m’arrête bien vite lorsque le ninja me crie dessus. Elle a l’air vraiment très énervée, je n’ose plus rien dire. Je déglutis nerveusement et voilà qu’elle me claque le torse. « Ouch ! » Par chance, elle se redresse et part s’occuper de Chull. Elle nous ordonne ensuite de remettre nos tee-shirts qui sont encore en train de flotter fièrement tout en haut. On s’échange un regard avec Chully et immédiatement, on se met à bouder. Toujours allongé sur le sol, je bouge les bras tout en complétant les dires de Chully. « Le monde, Mi, le monde ! Et bientôt, l’univers tout entier ! » Pour ce qui est du tee-shirt, je n’ai clairement pas envie de le remettre. Tel un enfant capricieux en pleine crise, je gigote, roulant par terre. « Nos tee-shirts sont très bien où ils sont, laisse un peu les autres admirer nos corps de rêve ! » Sauf que Chully, lui, il obéit et fait déjà descendre nos drapeaux. Non, mais vraiment ! Pour la peine, je ne l’aide même pas ! Néanmoins, face à sa question, je jette un coup d’œil discret à Miran avant de reporter mon attention sur Chull. « J’en sais rien… C’est peut-être une alien avec des pouvoirs de télépathe ? » Je me redresse alors sur mes coudes tout en réfléchissant. « Pourtant, on a fait gaffe à tous les détails, je comprends pas… » M’asseyant alors, je tourne la tête vers Mi, l’air plus que sérieux.  « Dis, Mi, pourquoi tu nous as caché que t’as des pouvoirs ? »

Je jette un œil sur la droite et fusille Ho Chull d’un regard froid, net et tranchant. « Accroche déjà ton tee-shirt dans le bon sens avant de vouloir conquérir quoi que ce soit. » On voit l’étiquette, c’est quoi ce travail d’amateur ? Je secoue la tête. Ce n’est vraiment pas le moment de leur filer le mode d’emploi de la conquête parfaite.

Je m’oriente cette fois-ci vers le plus récalcitrant des deux. Je le déteste ! Je le déteste, je le déteste et je le hais ! Mon cœur est encore tout retourné rien qu’à l’idée de le voir penché au-dessus du vide. Et lui, il me parle comme si on était au café.

Ou plutôt, ils se parlent entre eux, ils parlent de moi et je me sens vraiment invisible au milieu de leur conversation. J’en profite que Jin soit toujours vautré au sol pour lui envoyer mon pied dans l’épaule. « Alien toi-même, espèce de crétin ! QUI VOUS COLLE DES IDEES PAREILLES EN TÊTE ? HEIN ?! » J’ai jamais vu des agents secrets aussi nazes. Mon seul pouvoir, c’est celui de savoir lire une conversation Kakao Talk. Bah ouais. Faut se dire que le pire reste quand même qu’ils n’aient pas pris la peine de fabuler leur grande épopée ailleurs que sur notre conversation groupée.

Où est-ce que j’ai merdé dans leur éducation ?

« La prochaine fois que tu fais un truc stupide— non, la prochaine fois que tu PENSES à un truc stupide, souviens-toi de mes superpouvoirs et oublie. Ok ? » Un jour, je ferai breveter pour GPS à conneries.

Je le presse pour qu’il se relève. Je suis prête à le tirer par les oreilles pour le remettre sur pied et lui faire remettre son haut. « J’y crois pas. MAIS VOUS IMAGINEZ SI QUELQU’UN VOUS VOIT ? La seule chose que vous irez conquérir, c’est le bureau du CPE ! »

Je me tourne vers Chull. « Toi, on te renverra direct aux Etats-Unis. »
Et puis, vers Jin. « Et toi… toi purée, mais je sais même pas ce qu’on va faire de toi. »

C’est si mal que ça, que je veuille les protéger de leur propre connerie ?

Dès qu'elle donne l'ordre,
je redescends nos t-shirts vaut mieux faire ce que Mi Ran elle veut quand elle est en colère. Même si elle est très jolie avec ses joues rouges et son regard qui veut nous tuer, même je tiens à ma vie. Sae Jin se roule au sol faisant bien comprendre qu'il n'est pas d'accord. Je peux pas m'empêcher de grimacer au coup de pied qu'elle lui donne. Mais elle est au courant comment? Car bon, on a tout fait dans les règles quand même. Vraiment tout de chez tout. Alors je pose la question au seul qui peut me répondre, mon meilleur ami. Et la voilà qui crie à nouveau.

Je la regarde canton de baisser les yeux sur mon t-shirt pour le remettre à l'endroit. Je crois qu'on doit pas lui dire qu'on a été prit en photo. Vraiment pas sinon elle ne tue vraiment. Je passe une main dans mes cheveux en souriant. Mi, je repars aux Etats Unis. Elle est folle de dire ça devant Sae Jin, il va avoir peur maintenant. Je propose d'aller manger un barbecue ? Qui veut de la viande ? Règle n°123 toujours proposés de manger à Mi Ran quand elle a peur.

Et voilà que nos drapeaux ne flottent plus fièrement dans le ciel, mais quel dommage ! Mais avec Mi le ninja qui débarque en mode furie, ça serait vraiment risqué de désobéir. N’empêche que je boude un peu quand même. Je suis sûr qu’on aurait réussi à convaincre Mi que c’était une bonne idée. Chully est vraiment trop obéissant ! Espèce de trouillard… « Itaiii ! » criais-je en imitant les filles dans les hentai animes lorsque le pied du ninja vient d’abattre sur mon épaule. Je me calme immédiatement lorsqu’elle m’engueule. Elle me traite d’alien mais je suis sûr que c’est une diversion. Si ça se trouve, Mi est vraiment une alien. Je me demande bien comment elle serait avec la peau orange… Sauf que bon, j’ai pas vraiment le temps d’imaginer ça parce qu’elle me crie de nouveau dessus. Pas juste, pourquoi elle m’engueule autant ? J’ai rien fait de mal ! Je déglutis nerveusement et hoche docilement la tête. « Oui… Oui, je recommencerai pas ! » Poussé par Mi, je finis par me relever même si j’en ai pas envie. Tandis que je récupère mon haut entre les mains, le ninja nous fait de nouveau la moral. Mais lorsqu’elle parle du cpe puis de Chully aux USA, je commence petit à petit à paniquer. « Pas les Etats-Unis ! »

Comment ça, elle sait pas quoi faire de moi ? Elle s’adresse au futur président, quand même ! Enfin, bon, je préfère me faire discret. Chully, je sais pas comment il fait pour être aussi souriant alors qu’il parle de partir aux usa. J’ai pas envie qu’il parte ! Et Mi non plus ne veut pas qu’il parte ! À contre cœur, j’enfile enfin mon tee-shirt. « Oh oui, j’ai faim ! Allez, Mi, c’est Chull qui paie ! » Comme d’habitude quoi. « J’suis sûr que toi aussi ça t’as donné faim de monter jusqu’ici ! » Je retrouve alors mon sourire et venant me mettre entre mes deux meilleurs amis, je viens passer mes bras autour de leurs épaules. « Comme ça on pourra te parler de nos plans pour conquérir le monde et tu verras qu’on est des génies ! »