Red blood in dark coffee [pv Jordan]
「 Frapper pour se défendre
Déchirer la tranquillité d'un lieu
En payer le prix, par le sang et par l'argent... 」
Pénétrant dans le lieu, une forte odeur de café emplit mes narines sans pour autant que ça ne soit dérangeant. La pièce n'est pas pleine à craquer, au contraire et cela ne peut que jouer en ma faveur. Je capte quelques regards qui me reconnaissent probablement vu les rumeurs qui ne cessent de me précéder, telles mon ombre. Ils ne m'intéressent pas et je me contente de les pousser à détourner leurs regards en ancrant mes yeux sombres dans ceux-ci. Je repère rapidement le trafiquant d'armes qui tente de prendre trop peu habilement la place de Mr. Rhee.
Rester calme
Je me place devant lui et quand il remarque ma présence, il quitte sa tasse de café fumante du regard pour se lever et me saluer. Les yeux qu'il pose sur moi sont peu amicales et j'y lis déjà ses intentions dénudées de caractère pacifique. Je m'assieds sur la chaise face à la sienne et constate que la situation dans laquelle il se trouve est inférieure à la mienne. Deux hommes l'entourent tandis que je suis accompagné de trois de mes semblables. Il ne pensera cependant pas à cela avant d'engager le combat, se souciant peu d'avoir l'avantage ou pas. Je le sais puisque je l'ai déjà rencontré par le passé. Son sourcil s'élève, ses premières paroles sont provocantes. Il ne cherche pas d'accord, il veut utiliser ses poings pour prouver qu'il peut être supérieur à moi et donc à mon patron. Je le fixe sans réactions tandis que ses mots tentent de me toucher par leur venin. Mes hommes sont déjà raides, ils essayent de retenir la haine et la violence qui déjà, brûlent dans leurs veines et font bouillir leur sang. Je reste impassible et cela ne semble pas lui convenir, il me demande ce que je veux, pourquoi cette entrevue a-t-elle lieu. Il me pousse à prendre la parole et je ne compte pas me faire prier. Mes lèvres s'entrouvrent et je pèse chaque mot pour ne commettre aucune erreur qui pourrait être fatale pour l'affaire que je dois conclure.
Éviter les combats, leur faire comprendre qu'ils ne doivent pas s'en prendre à cette famille sans en venir aux mains.
Argumenter, parler sans hausser le ton malgré les provocations qui coupent mes phrases, convaincre que Mr. Rhee n'est pas quelqu'un qu'il faut avoir comme ennemi. Il s'entête, dépourvu d'une intelligence et d'une rationalité qu'il est conseillé d'avoir dans ce milieu. Supériorité des mots, il ne s'en rend peut-être pas encore compte mais je gagne déjà puisque ses seuls arguments sont la provocation. Il n'est pas venu ici pour me convaincre à l'aide d'arguments mais je ne me défile pas. Chirurgical, je transforme chacune de ses provocations en arme pour les retourner contre lui. Ses hommes de mains s'agitent, se prépare sûrement à ce que leur patron explose tandis que les miens sourient, connaissant mes méthodes souvent convaincantes auprès des plus malins. Mais il ne l'est pas, ses joues se rougissent à cause de la honte que mes mots lui envoient sans gants ni sentiments. Professionnel, je reste immobile, installé sur ma chaise, j'attends sa décision. Se retirer, abandonner le combat qu'il souhaite tant commencer ou céder à l'ardeur que mes mots ont fait naître dans son coeur. Je n'ai pas été provocant et c'est cela qui l'énerve à un point que je devine facilement.
S'il attaque, se défendre mais surtout, le vaincre.
Il se lève, sa main tremblante sous la haine attrape mon col pour me forcer à me mettre également sur mes pieds et rapprocher son visage malodorant du mien. Des mots menaçant, des mots me faisant comprendre que sa décision n'a fait que se raffermir et que sa révolte contre mon patron va se dérouler. Un soupir déçu, le choix n'est plus mien et il semble que mes hommes l'ont également compris. J'attrape le bras qui s'est accroché à moi et d'une prise faite avec une facilité qui ne m'étonne plus, je fais passer le patron au-dessus de la table puis au-dessus de moi pour le laisser s'écraser sur le sol dans mon dos. Je retrousse mes manches, je n'aime pas particulièrement me battre, c'est devenu une façon d'obtenir victoire bien trop simple à mes yeux. Hochant la tête en direction des trois hommes qui m'entourent, j'ignore les cris qui ont emplis l'espace auparavant si agréablement calme et leur donne le signal de commencer à se battre. S'occupant des deux molosses amenés par le patron, ils me laissent tout le loisir de m'occuper de mon adversaire se redressant avec difficulté. Nous nous mettons en position et commençons à nous battre. Lent, imprécis, prévisible, trop haineux. Je ne me prends que quelques coups qui bien que chanceux, sont d'une violence que seule une colère noire peut donner. Je suis tout de même plus fort, il n'est qu'un trafiquant sans avenir comme l'était mon père biologique, il n'a donc aucune chance. Ses côtés se brisent sous mes coups froids mais tranchants, ses dents s'arrachent quand mes poings fracassent sa mâchoire trop accessible. Il perd ses forces avec sa colère et déjà, vacille au fil de mes coups. Il recule et tombe en arrière, emportant avec lui une table et les tasses et verres qui la ornaient, s'écrasant dans un bruit de verre se brisant sur le sol. D'un mouvement circulaire, je fais craquer ma nuque en me rapprochant de l'homme à terre. Je constate que mes hommes ont eux aussi mis leurs ennemis à terre et qu'ils sont, comme leur patron, hors d'état de nuire. Je me penche sur celui-ci et l'attrape par le col de la même façon que lui un peu plus tôt. Je murmure quelques mots en ancrant mon regard dans le sien, effrayé, puis le force à se remettre debout pour le pousser sans intérêt vers la sortie. Il a compris maintenant et je suis sûr que je ne risque pas de le revoir de sitôt. Il me lance un regard noir qui me tuerait sur le champs s'il en avait la possibilité mais surtout la capacité. Il rappelle ses soldats qui s'extirpent avec difficultés des mains de mes hommes pour se trainer vers la sortie dans un piteux état et je souris légèrement quand ils disparaissent en me disant qu'une fois de plus, j'ai accompli ce que l'on m'a demandé. Je renvoie les hommes soigner leurs bénignes blessures au QG et les remercie pour leur aide. Je me rappelle seulement après cela de l'endroit où je me trouve et me rends compte que la bagarre à mis le café dans un état presqu'aussi épouvantable que les hommes contre qui nous nous sommes confrontés. Je m'approche d'une table renversée et la remets sur pied avant de faire de même avec une chaise et m'installer calmement dessus. Tout est silencieux autour de moi, c'est paisible et agréable, il ne manquerait qu'un café. Je me tourne vers les serveurs s'étant probablement réfugiés derrière le comptoir. Je souris discrètement en essayant de ne pas paraître trop agressif ou dangereux, essuyant le sang qui perle tel des larmes sur ma lèvre ouverte.
-Puis-je avoir un café, s'il-vous-plaît?
「 Frapper pour se défendre
Déchirer la tranquillité d'un lieu
En payer le prix, par le sang et par l'argent... 」
La soirée était plutôt calme et j’étais de fermeture ce soir. Je me sentais plus en sécurité ici qu’aux Etats Unis, alors quand on me l’avait demandé, je n’avais pas refusé. Il restait une heure avant la fermeture. Quelques étudiants trainent encore, ils n'avaient sûrement pas envie d’aller en cours demain et préféraient profiter de leur nuit. Je n’avais jamais eu aucun problème avec l’école. Mon Q.I me permettait de toujours obtenir la première place. J’aurai dû aller à Harvard, et devenir avocate. Je le serais simplement dans un pays différent. Je n’étais pas prête à retourner là-bas. J’y avais laisser mes mauvais souvenirs et cette situation me convenait tout à fait. Quelques-uns de mes amis me manquaient mais j’en avais rencontré d’autres ici.
Mon regard se posait sur un groupe d’hommes qui me paraissaient un peu louche, mais je ne pouvais pas juger au premier regard. Je n’étais pas vraiment rassurée et j’avais hâte qu’ils s’en aillent. Je me concentrais sur mon service pour laisser mes craintes de côté. Je lâchais une tasse vide qui s’éclata sur le sol en entendant le ton monter entre ces hommes. Je me reculais mon dos s’écrasant contre le bar. Je grimaçais de douleur. Ils n’allaient quand même pas se battre ? Pas ici. J’allais me faire tuer s’ils se mettaient à casser la vaisselle ou bien le mobilier. Il n’y avait qu’une seule autre serveuse avec moi qui avait l’air de paniquer encore plus que moi. Je restais immobile, tétanisée. Je n’arrivais plus à suivre les coups qui pleuvaient dans un brouhaha déstabilisant. Je fermais les yeux en entendant d’autres tasses se briser. Le peu de clients qui restaient avait fini par s’enfuir en criant et surtout sans payer.
Je posais ma main sur ma bouche pour retenir un cri en entendant des os se briser, un son qui allait sûrement me hanter plusieurs nuits. Je sentais mon corps entier trembler sous la peur, reprenant doucement mon souffle en les voyant presque tous s’en aller. Sauf un. Comment est-ce que j’allais expliquer à mon patron que des mafieux avaient presque dévasté son si précieux café. Je faisais signe à ma collègue de sortir. J’allais fermer le café et essayer de réparer tout ça. Je restais bouche bée en l’entendant. Un café s’il vous plaît ? L’adrénaline me rendais sûrement plus téméraire qu’en temps normal. Je n’étais pas sûr d’agir de cette façon si les choses venaient à se reproduire. Je fermais la porte à clé et retournait le panneau pour prévenir que nous étions fermés avant de m’approcher doucement de lui encore un peu effrayée.
« Un café s’il vous plaît ? Un … café … s’il vous plaît ? »
Je sentais la colère m’envahir. Ses amis et lui avaient brisé beaucoup de choses ici et il ne partirait pas sans payer. Il était hors de question que tout me retombe dessus. Je n’allais pas perdre mon travail à cause d’un idiot comme lui.
« On n’est pas sur un ring ici. C’est un café pour les gens civilisés. Alors non, y’aura pas de café. En revanche y’a un balai là-bas. »
Je fixais sa lèvre qui saignait, ça ne devait pas être son unique blessure. Je soupirais avant de récupérer des serviettes propres derrière le comptoir. Je trainais une chaise encore entière derrière moi pour la poser en face de lui et m’y assoir. J’appuyais doucement la serviette sur sa lèvre. Il fallait arrêter le saignement, je pourrais ensuite aller chercher la trousse de premier secours qui m’avait bien servi quelques jours plus tôt quand je m’étais coupé en essayant de préparer des fruits. Je ne savais absolument pas cuisiner. J’étais une véritable catastrophe.
« Vous voyez le bazar que vous avez mis ? Va falloir tout nettoyer et payer pour les réparations. Sinon je vais me faire virer demain. Et ça sera de votre faute. »
Je prenais mon air sévère qui ne collait pas avec mon attitude. Mais il était blessé et je n’étais pas du genre à le laisser en galère. J’avais parfois tendance à vouloir trop en faire, mais c’était dans mon caractère. Je n’étais pas une fille hautaine et superficielle. J’étais douce et je le prouvais.
« On verra pour le café une fois que tout sera remis en ordre. »
J’appuyais sur sa lèvre un peu plus fort pour qu’il arrête de saigner mais aussi pour lui faire mal et me venger de la peur que j’avais eu. Il n’y avait plus que nous deux au milieu des débris. Je ne savais pas pourquoi est-ce qu’il ne me foutais pas la trouille, il y avait même quelque chose de rassurant venant de lui.
「 Frapper pour se défendre
Déchirer la tranquillité d'un lieu
En payer le prix, par le sang et par l'argent... 」
Ne jamais fuir, assumer chaque acte posé.
Elle s'approche et je ne voudrais que pouvoir reculer. Déjà, je sens mes joues brûler d'un feu ardent qui s'allume chaque fois qu'une femme approche son corps du mien et pose ses yeux sur ma simple personne. Elle a l'air remontée, répétant ma demande que je regrette une fois de plus. J'avale difficilement ma salive à ses mots, ce n'était pas censé se passer de cette façon, je n'avais prévu de détruire l'endroit que j'avais justement choisi pour son calme et son charme. J'aimerais lui dire tout cela mais chaque syllabe se coince dans ma gorge et je ne peux que baisser mon regard pour fixer, mal à l'aise et coupable, mes mains abîmées par les coups donnés il y a quelques instants. Je ne suis même pas sûr que dans mon état, je pourrais tenir un balai entre ses doigts dont les blessures ne sont qu'habitude même plus douloureuse. Je dois avoir une côte cassée, peut-être deux, mais ce ne sont que des coups bleus à mes yeux et je m'occupe plutôt de constater qu'avoir retroussé mes manches avaient été intelligent puisque mes bras sont parsemés de coupures qui auraient gâché une belle veste. Ce ne sont même pas ses petites blessures qui m'empêchent de prendre mes jambes à mon cou ou même de fermer mes poings. Son simple regard me fige, m'immobilise avec plus d'efficacité qu'un paralysant et je me sens jusqu'à incapable de formuler une simple excuse. Elle s'était éloignée, me permettant de respirer à nouveau quelques secondes mais elle n'est partie que pour mieux revenir... Plaçant une chaise à côté de la mienne, elle fait un geste qui me surprend, m'arrachant un sursaut et un expression étonnée sur mes traits d'habitude si fermés. Elle presse doucement une serviette sur ma lèvre douloureuse et ouverte, comme pour me soigner, dans le but d'arrêter le saignement. Je la dévisage, perdant le reste de mes moyens en ancrant mon regard déstabilisé dans ses grands yeux envoûtants et étrangers. Son air sévère m'effraie bien plus qu'une arme pointée sur moi et j'aimerais être toujours en plein combat plutôt que de devoir faire face à ses mots visiblement énervés contre le désordre que j'ai mis. J'entrouvre mes lèvres et bien que mes joues continuent de chauffer comme je me permets de ne pas lâcher son visage de mes yeux écarquillés. Mon courage se rassemble enfin pour que quelques mots bégayés s'échappent maladroitement.
-Je... Je suis d-désolé... Je ne v-voulais pas faire autant de d-dégâts...
Je ne peux plus la regarder suite à ces phrases qui me ressemblent si peu. J'embrasse alors des yeux le lieu autour de moi et me demande si je suis réellement l'auteur de cette triste pagaille. Je me dis que mes hommes auraient dû faire plus doucement, ayant détruit une partie du mobilier. Je suis pourtant le plus coupable dans ce combat, cette destruction et je dois apparemment en payer le prix. Elle m'annonce d'une voix qui, je le ressens, se veut décidée et sévère que j'aurais peut-être droit à mon café si je répare ce que j'ai causé. La boisson chaude ne m'intéresse plus tellement, je préférerais plutôt m'éloigner de cette beauté dangereuse, de cette jeune fille ayant le pouvoir de me déstabiliser par sa simple présence. Je grimace, ma lèvre tremblant sous la pression volontaire qu'elle y applique, vengeance probablement fondée mais qui ne fait que renforcer en moi ce sentiment de culpabilité. J'essaye de me reprendre, je ne sais pas pourquoi elle ne prend pas la fuite après ce qu'elle vient de voir et suppose que j'aurais préféré la voir s'échapper, s'éloigner loin de moi et me laisser dans la solitude qui me réconforte tant. Je me détourne alors, de manière douce pour ne pas la brusquer, considérant l'avoir assez fait en quelques minutes. La serviette se détache ainsi de ma lèvre inférieure et je tente de reprendre contenance sans que ce ne soit évidemment convaincant. Je prends avec délicatesse une des serviettes qu’elle tient entre ses doigts et passe celle-ci sans ménagement sur mes bras parcourus de longues gouttes pourpres. Ignorant la douleur, je me contente d’essuyer du mieux que je peux mes bras pour ne pas être dérangé par ce liquide parcourant trop souvent ma chair. Je baisse la tête en fixant la serviette ayant perdu sa couleur immaculée mais finis par tourner mon regard vers la jeune serveuse.
-M-merci pour la s-serviette… Je vais remettre tout ça en ordre… Di-dites-moi combien je vous d-dois et je p-payerais…
Je me lève maladroitement, trop mal à l’aise d’être seul face au regard de cette jeune femme. Je ne souffre que très peu de mes blessures, je me demande pourquoi elle a pris la peine de tenter de me soigner, je ne prends jamais ce temps, préférant laisser mes douleurs se débrouiller toutes seules. Je continue de me questionner sur son geste et me rends compte que je suis depuis m’être levé rester immobile, mon regard accrocher à mes pieds. Je m’incline alors poliment sans relever mon regard vers la représentante du sexe féminin assise devant moi.
-Je… Désolé pour les dégâts… Sachez que… que j’aurais préféré les éviter…
Je recule mais dans ma maladresse et mes gestes beaucoup précis que lors du combat, je fais tomber la chaise sur laquelle j’étais assis il y a une seconde. Mes joues s’empourprent à nouveau et je mordille ma lèvre inférieure déjà en sang en me retournant vivement pour ramasser le siège ayant heureusement survécu à cette nouvelle chute.
-P-pardon…
J’ai l’impression de ne faire que m’excuser et ça m’enlise davantage dans mon malaise alors que je refais face à la jeune fille. J’aurais mieux fait de partir avec mes hommes, ça m’aurait évité une situation gênante comme celle dans laquelle je me trouve. Je passe ma main écorchée par mon précédent combat dans mes cheveux et préfère m’éloigner de cet être aussi charmant que dangereux pour commencer à remettre le plus vite possible les meubles sur pieds, cachant ma nervosité derrière ce rangement.
「 Frapper pour se défendre
Déchirer la tranquillité d'un lieu
En payer le prix, par le sang et par l'argent... 」
Je haussais les sourcils en l’entendant bégayer. Je ne m’attendais pas vraiment à cette réaction. Je pensais qu’il allait plutôt m’envoyer balader pour ce que je lui demandais. En général ce genre d’homme prenait ce qu’il voulait sans se soucier des dommages collatéraux. Il avait l’air différent. Je me sentais un peu perturbée par sa façon d'agir. Quelques minutes auparavant, il avait l’air sûr de lui et dégageait une aura imposante, qui vous forçait au respect. Je me détendais un peu en entendant ses excuses. C’était agréable et poli, tout ce que j’aimais. J’avais toujours été bien élevée et j’appréciais qu’on me le rende. Je penchais la tête un peu surprise en le voyant s’éloigner légèrement. Est-ce que j’étais si effrayante que ça. Je regardais mon reflet dans la vitre du café, mais je me trouvais tout à fait normal.
« Y’a un souci avec moi ? »
Je soupirais en le voyant essuyer ses bras avec les serviettes, il n’allait faire qu’empirer les choses de cette manière. Ce n’était pas possible de jouer les durs et de ne pas savoir s’occuper de son propre corps. Les hommes d’aujourd’hui ne savaient rien faire seul. Pour se battre il était doué, mais pour tout le reste …
Il allait vraiment payer ? Je ne m’y attendais pas non plus. Je souriais légèrement rassurée. Si je trouvais une solution et que j’arrivais à gérer la situation peut être que je finirais par être augmenté.
« Faut que j’estime les dégâts… Je vous dirais le montant un peu plus tard. »
J’avais une vague idée de tout ce qui avait été cassé, mais il me fallait plus d’information. Je comptais bien tout remettre en ordre avant pour être certaine de ne rien oublier. Je me sentais presque amusée de réussir à le troubler à ce point. Je ne voulais pas en jouer, mais peut-être qu’il le méritait un peu. J’avais surtout l’impression de faire face à un gamin timide, alors qu’il avait vraiment l’air d’un homme.
Moi aussi j’aurai préféré éviter ce genre de dégât, surtout lors de mon service et au milieu de la nuit. Je tendais le bras en me relevant d’un seul coup en voyant la chaise tomber. Je me sentais presque désespérée devant tant de maladresse. Je n’allais pas lui hurler dessus encore une fois, ça ne servait à rien.
« Evitez juste de casser autre chose s’il vous plaît… »
Je le regardais relever les meubles, certains encore entiers. Je me rendais rapidement dans l’arrière-boutique pour récupérer la trousse de premier secours. Je vérifiais qu’il y avait bien des compresses et du désinfectant à l’intérieur. Je ne pouvais pas le laisser dans cet état. Même s’il ne semblait pas souffrir, voir ses blessures me faisaient du mal. Je me mettais un peu à sa place. Si on savait que je prenais soin d’un type douteux et qui avait mis un bordel monstre dans l’établissement, on m’aurait sûrement fait la morale avant de me tuer. Je revenais dans la salle principale avec mon balai que j’avais récupéré au passage. Je le posais contre le comptoir.
Je n’osais pas trop m’approcher de lui, je ne voulais pas lui faire peur ou qu’il fasse un geste brusque.
« On n’a pas fini, asseyez-vous. On terminera après »
Je lui montrais la chaise sur laquelle il était assis quelques instants plus tôt. Je ne lui laissais pas le choix en fait, et il avait l’air d’obéir à mes ordres ce qui était une bonne chose, je ne voulais pas me disputer encore une fois. J’étais déjà assez épuisée de ma journée. J’attendais qu’il pose ses fesses et attrapais ses mains pour les regarder sous toutes les coutures. Ce n’était pas la première fois qu’il se battait. Je prenais une compresse imbibée d’alcool que je passais délicatement sur chacune des coupures avant de remonter les longs de ses bras. Je prenais mon rôle très à cœur. Je remarquais des cicatrices plus anciennes et mon regard se faisait involontairement moralisateur. Je n’étais pas sa mère, je n’avais rien à dire, mais l’envie me démangeais.
« J’aurai dû être infirmière et pas avocate finalement. »
Je riais légèrement, un peu plus détendue J’en avais assez de cette tension entre nous. Je n’allais pas le mordre. Je voulais juste être certaines qu’il n’allait pas sortir d’ici avec une infection.
« Ça devrait aller mieux comme ça. »
Je récupérais les compresser tachées de sang pour les mettre dans la poubelle et commençait à balayer en chantonnant. Je faisais de mon mieux pour prendre les choses du bon côté et pour ne pas me dire que je m’étais enfermée de mon plein gré dans ce café avec un possible psychopate.
「 Frapper pour se défendre
Déchirer la tranquillité d'un lieu
En payer le prix, par le sang et par l'argent... 」
Plus facile à dire qu’à faire quand l’on se retrouve face à une créature si déstabilisante qu’est la femme. Je dois être pitoyable, je suis toujours pitoyable quand mes yeux croisent ceux d’une personne pourvue de formes féminines. Cela aurait été tellement plus simple face à un membre du même sexe que moi, je n’aurais pas eu de mal à me montrer distant, froid et à sortir de ce café sans me préoccuper des dégâts que j’ai causé. Mais puisque ce n’est pas un « il » mais un « elle », je perds mon autorité, je perds ma froideur pour me consumer dans un feu qui me fait perdre mes moyens. Je m’excuse, évidemment, en bégayant et perds la fierté et l’aura que je dégageais il y a quelques instants à mon plus grand damne. Elle me demande si elle me cause des soucis et cette phrase m’arrache un sourire gêné, intimidé. Je devrais avoir d’autres soucis en tête qu’une simple demoiselle et pourtant, c’est elle qui attire toutes mes pensées et m’empêche de rationaliser pour le moment. Je fronce légèrement mon nez rougis par ma timidité et continue de fixer mes bras où perlent de nouvelles gouttes de sang.
-N-non, au-aucun soucis…
J’annonce ensuite sans pour autant me détendre que je vais remettre ce que j’ai détruit en état et que je payerais aussi ce qui ne peut pas être réparé. Je sais déjà que l’argent ne viendra pas de mon patron et de moi, cette pensée, parmi toutes les autres concentrées sur la serveuse, m’embête déjà. Je ne suis pas aussi riche que l’est ma famille adoptive, je n’ai pas les moyens qu’ils ont pour réparer les erreurs qu’ils leur arrivent de faire et j’espère déjà au fond de moi d’avoir assez pour rembourser la totalité de ce que j’ai saccagé. Je ne veux pas chercher les problèmes, j’ai déjà tenté sans résultat de les contourner alors à présent, je préfère accepter sans ennuis et même si ce n’est pas l’attitude la plus virile que je pourrais avoir, c’est la seule que je peux adopter pour faire ce qui me semble le plus juste. Je hoche simplement la tête quand elle m’annonce qu’elle doit d’abord estimer les dégâts et qu’elle ne pourra me dire le montant que par après. Je me lève alors et m’excuse une nouvelle fois, manquant par la suite de lâcher un juron face à cette maladresse qui colle à mes semelles depuis que l’échange avec la serveuse à commencer. Elle me demande d’éviter de casser d’autres choses et une grimace gênée et coupable plisse mes traits empourprés. J’ai l’impression de passer pour une brute qui ne sait que casser ce qui l’entoure, c’est dérangeant d’être aussi maladroit simplement en étant sous le regard d’une jeune femme. M’inclinant dans une nouvelle excuse, je m’éloigne de cette beauté dangereuse pour tenter de remettre mes esprits en place. Loin d’elle, mes poumons se remplissent à nouveau et mon cœur semble recommencer à battre de façon plus régulière. Elle quitte la pièce principale du café et je soupire doucement, sentant mes muscles se détendre et mes joues calmer leurs ardeurs. Je secoue légèrement ma tête pour défaire les nœuds dans mes pensées et reprendre contenance. Je me redresse en posant avec une facilité que me permettent mes muscles une large table là où il me semblait qu’était sa place première. Je passe ma main sur le bois lisse comme pour vérifier qu’il n’est pas abîmé, que ce n’est pas un dégât que je devrais payer en plus. Je ne l’entends pas revenir, je ne sais pas ce qu’elle est en train de faire, si elle fuit l’établissement ou pire, si elle appelle la police, peu m’importe, au final. Je vais remettre tout cela en ordre, payer un montant pour m’excuser du désordre causer et m’en aller comme si je n’étais jamais venu. C’est ce plan que je me dresse en tête quand elle vient à nouveau me déstabiliser juste par sa présence, emmêlé mon esprit qui était enfin redevenu clair et dégagé de pensées parasites. Je la suis du regard lorsqu’elle pose un balai contre le comptoir, seul meuble resté à sa place lors de la bagarre. Elle me demande de m’asseoir et je mordille ma lèvre moins douloureuse qu’avant en me demandant ce qu’elle veut encore me faire subir, ce que je vais devoir endurer par sa présence déjà bien assez dévastatrice. Je me dirige sans un mot vers la chaise où j’étais installé il y a quelques minutes et me retrouve une fois de plus face à sa chevelure de feu et son visage si doux qu’il me suffit d’effleurer du regard pour reprendre des couleurs peu naturelles au niveau de mes joues.
Elle attrape mes mains, ce geste soudain m’arrachant un mouvement de recul, je tente doucement de retirer mes doigts du contact de sa paume mais elle ne semble pas vouloir me laisser les récupérer. Elle les observe avec une attention que je ne comprends pas. Mes mains sont horribles et disgracieuses à cause des trop nombreux combats que j’ai endurés, couvertes de cicatrices et de blessures qui vont bientôt se transformer en nouvelles cicatrices. Elle attrape une compresse et je la suis d’un regard étonné et déstabilisé déposer le coton froid et brûlant à la fois sur les coupures laissant encore échapper des bulles de sang. Elle longe les lignes rouges qui parcourent mes bras, les désinfectant les unes après les autres avec une délicatesse qui fait s’emballer mon cœur et perds complètement mes pensées dans un flot de timidité. Elle annonce qu’elle aurait dû devenir infirmière plutôt qu’avocate et je penche un peu la tête, ne m’attendant pas à ce qu’elle me dise cela aussi soudainement. Je ne l’imaginais pas avocate, je ne l’imaginais pas dans un métier comme cela mais à mieux y penser, je ne sais pas vraiment dans quel autre métier je la verrais. Personne ne m’avait encore soigné de mes plaies, personne n’avait jusqu’ici pris soin de mes blessures comme elle vient de le faire et c’est pour cela qu’une question me vient à l’esprit et que je laisse celle-ci s’échapper de la barrière de mes lèvres.
-P-pourquoi m’avez-vous soigné ? J-je veux dire… Je viens quand même de… détruire votre lieu de travail…
Elle récupère les compresses tachées par mon sang impur et se lève pour aller les jeter puis commencer à balayer en chantonnant comme si ma présence n’était plus dérangeante alors qu’à mes yeux, la sienne l’est toujours un peu. Je me lève et passe une main dans mes cheveux, tic qui ne cesse de se manifester lorsque je ne suis pas tout à fait à l’aise. Je pose mes yeux sur mes bras ayant cessé de saigner et dont les blessures sont pour la première fois désinfectées. Je serre mes poings piquant toujours sous l’effet de l’alcool puis rassemble mon courage pour m’approcher d’elle et me placer devant pour m’incliner légèrement une nouvelle fois. Mon regard parcourt ses traits étrangers tout de même si agréables à mes yeux, fascinés par la beauté des femmes qui m’entourent et je finis par ancrer mes yeux sombres dans les siens pour la première fois de mon gré.
-M-merci de m’avoir soigné… Je m’appelle… Se Jin, je suis désolé de ce qu’il est arrivé… Ce-ce n’est pas habituel que cela se déroule dans des lieux publics…
Je tiens à m’excuser, si je le pouvais, je le ferais encore et encore pour être certain qu’elle croit en ma culpabilité mais je pense que j’ai assez dit pardon pour le moment et que cela risque de la déranger. Je me détourne pour retourner au rangement des meubles, chaises et tables qui sont éparpillés un peu partout dans le café. Je sais que c’est moi qui ai choisi cet endroit pour donner rendez-vous à l’autre trafiquant d’armes par conséquent, c’est entièrement de ma faute. Je ne regarde plus la jeune femme, trop gêné pour oser l’observer sans y être invité bien que –je ne vais pas l’ignorer- elle soit d’un charme qui ne me laisse pas indifférent. Je devrais probablement essayer de contrôler ce malaise que je ressens face à chaque femme que je croise mais je suppose que je n’en suis pas encore capable vu mes réactions exagérées qui ont si souvent entraînés mes échecs amoureux. Je laisse échapper un soupire de mes lèvres blesser tandis que je termine de rassembler les meubles brisés, tels des membres désarticulés au centre de la pièce ayant presque retrouvé son état initial. Me plaçant à côté d’eux, je croise mes mains dans mon dos et attends que la jeune femme ait jeté tous les débris de verres ramassés dans un silence que je ne côtoie que trop souvent, attendant ses ordres suivant comme je le ferais avec mon patron.
「 Frapper pour se défendre
Déchirer la tranquillité d'un lieu
En payer le prix, par le sang et par l'argent... 」
Je sursautais en le voyant surpris par mon contact. J’avais dit pas de geste brusque, mon cœur allait finir par s’arrêter. Je ne savais pas pourquoi je prenais ce genre de risque. J’avais tout ce que je voulais dans la vie et j’avais besoin d’un peu d’adrénaline, de quelque chose en plus. Il était déjà assez abimé, mon but n’était pas de lui faire mal, mais de le soulager. Vu son regard, il ne devait pas avoir l’habitude que l’on prenne soin de lui. Je me doutais de ce qu’il faisait dans la vie, ça n’avait pas l’air très légal, mais ça ne me regardait pas. Je n’allais pas me mêler de ces petites affaires. Je ne cautionnais absolument pas ce genre d’acte, mais qui étais-je pour donner mon avis. Sa question me fit hausser les sourcils. Je ne m’y attendais pas. Pourquoi est-ce que je l’avais soigné ? Parce qu’il était blessé et que c’était ce que les gens normaux faisaient. Il n’avait pas tort, il avait détruit une bonne partie de la pièce, mais il ne m’avait pas fait de mal et s’il n’avait pas mis ses hommes à terre, la situation aurait pu être pire.
« Parce que c’est comme ça que j’ai été élevée. On vient en aide aux gens dans le besoin. Peu importe ce qu’ils font. Même si je ne suis pas certaine d’apprécier ce que vous faites. »
Mes études me poussaient du côté de la loi et non pas des trafiquants. Je m’arrêtais de balayer en le voyant s’approcher de moi. C’était la première fois qu’il faisait un pas vers moi et je soutenais son regard. Ses yeux étaient sombres et froids ce qui ne collait pas avec son attitude maladroite. Je me sentais idiote de ne pas m’être présentée avant. Ce n’était pas très polie, mais j’avais eu l’esprit un peu occupé. Je m’inclinais légèrement, encore peu habituée à cette coutume. Je vivais ici depuis plus de sept ans et j’avais toujours du mal à me faire à certaines façons d’agir.
« Jordan. Je m’appelle Jordan. Euh… oui, c’est pas censé se dérouler du tout ce genre de chose. »
Je haussais les épaules avant de reprendre mon ménage. Je ramassais le gros des débris pour les mettre dans la poubelle. Je regardais les quelques meubles brisés s’amasser en soupirant. Je n’avais aucune explication pour mon patron. Il allait sûrement me demander pourquoi je ne l’avais pas appelé pour lui expliquer la situation. Mon job était sérieusement en jeu. C’était étrange d’avoir un homme si impressionnant sous mes ordres, je n’en n’avais pas l’habitude et son air désolé continuait à m’empêcher de me mettre en colère. Je me baissais pour ramasser les derniers morceaux de verre et les jeter. Je me coupais légèrement le doigt et grimaçais en voyant le sang couler. Je le mis immédiatement dans ma bouche, le goût acre du sang prenant le dessus. Il n’était pas le seul à faire preuve de maladresse. Je me tournais vers lui pour l’observer encore un peu.
« Pourquoi est-ce que vous faites ça ? Je veux dire, ce genre de boulot ? »
Ma question était personnelle, mais je la trouvais légitime après les dégâts qu’il avait causés. Je me dirigeais vers la trousse de secours, de moins en moins perturbée par sa présence. Je me disais que mon patron l’avait sûrement acheté pour moi. J’étais la seule à me blesser le plus souvent parmi les employés. J’attrapais une nouvelle compresse pour nettoyer mon doigt et lui faisais un signe de la main pour qu’il s’approche. Je le lui tendais un pansement pour qu’il m’aide un peu. Il me devait bien ça.
Je baillais légèrement couvrant ma bouche avec ma main de libre. Mes cheveux étaient en batailles et mes traits sûrement fatigués. Je n’avais pas le courage de calculer tout ce qui avait été brisés. Quelques chaises, et surtout beaucoup de vaisselle. Je pourrais me débrouiller pour en racheter avant l’ouverture.
« Vous allez devoir m’aider demain matin. »
Ma présence avait l’air de le déranger, mais je n’avais pas d’autre choix. Il allait devoir me supporter encore quelques heures. Je ne pouvais pas porter les meubles toute seule et jeter ceux-là non plus. Je me sentais un peu désolée pour lui. Je lui offrais un petit sourire pour lui faire comprendre que je ne pouvais pas faire autrement.
« Il va encore falloir supporter ma compagnie… et vous serez complètement libre. »
Il pourrait retourner à ses activités de brigand et moi je pourrais garder mon boulot. Je n’aurai pas de mal à en trouver un autre, mais j’aimais cet endroit. Je le trouvais chaleureux et j’étais attachés aux habitués.
「 Frapper pour se défendre
Déchirer la tranquillité d'un lieu
En payer le prix, par le sang et par l'argent... 」
-Je n’étais pas spécialement dans le besoin…
Je n’ai jamais ressenti le besoin d’être soigné, après tout, en tant que pupille de la famille Rhee, j’ai toujours été élevé pour endurer, pour encaisser ce que je vivais et je considère que je le fais assez bien puisque me soigner ne me semble même pas utile. Mais le fait qu’elle ait pris ce temps me reste dans la gorge, bloquer dans mes pensées. Je suis comme… touché par ce geste et je me rappelle alors que je dois l’en remercier. Me levant, je prends mon courage et pose le geste en ancrant pour la première fois mon regard dans le sien sans vraiment hésiter. Je la remercie alors et me présente enfin, ayant l’impression que j’aurais dû le faire il y a bien longtemps. Elle s’incline et pour la première fois, je la vois un peu maladroite, moins sûre d’elle comme si elle n’avait pas l’habitude de ce genre de geste qui sont comme un automatisme chez moi. Elle s’appelle donc Jordan, prénom que j’entends pour la première fois et dont la prononciation étrangère me semble déjà assez complexe. Je rougis en espérant ne jamais avoir le prononcer dans le futur ou le présent en fait. Je suis étonné qu’elle fasse comme remarque que ce genre de choses ne devrait pas du tout se passer et je l’observe, baignant mon regard dans ses traits.
-C…Ce genre de choses m’arrive presque tous les jours pourtant…
C’est toute ma vie, c’est le cas de le dire, je vis de cela, j’ai toujours vécu dans ce monde et je n’ai pas l’impression qu’il ne devrait pas exister. C’est la seule chose que je connaisse après tout, je commence à tout remettre en place et rassembler au milieu de la salle ce qui est détruit par ma bagarre d’un peu plus tôt. Cela va plus vite que je ne le pensais bien que j’ai l’impression de perdre un temps qui pourrait s’avérer précieux auprès de mon patron. Je me place au centre de la pièce en attendant patiemment qu’elle ramasse les derniers morceaux de verre. Son doigt frôle l’un d’entre eux et déjà, des gouttes de sang perlent sur sa peau claire. Elle met sa blessure dans sa bouche pour couper le saignement et je me dis que finalement, je ne suis pas le seul à me blesser et à être maladroit. Elle se tourne vers moi et je détourne immédiatement mon regard, me demandant pourquoi je l’observais depuis aussi longtemps. Sa question me perturbe, me raidit d’un seul coup et je me demande pourquoi elle se demande de telles choses. Mon regard parcourt le sol tandis que mes pensées s’activent une nouvelle fois dans le but de trouver une réponse correcte, une réponse qui a du sens. Je finis par hausser les épaules et me convaincre de dire le peu que mes pensées ont réussi à trouver.
-C’est ce que j’ai toujours fait… J’ai été élevé pour faire ça, c’est tout.
J’hoche la tête comme pour me convaincre de mes dires mais au final c’est tout simplement vrai. Je ne suis né que pour faire cela, la famille Rhee m’a adopté pour que je devienne homme de main, pas pour avoir un fils en plus, sûrement pas. Mais ce métier ne me déplaît pas, j’ai très vite compris que le choix n’était pas mien et ai appris à l’apprécier puisqu’il était la seule chose que j’avais appris à connaître. L’homme qui est mon patron est comme un père pour moi et je n’hésiterais pas une seconde à donner ma vie pour lui. Elle se redirige vers la trousse de secours et je devine qu’elle va à son tour se soigner, prenant une compresse pour nettoyer sa blessure. Elle me fait signe de m’approcher et j’obéis tout naturellement puisque c’est ce que j’ai l’habitude de faire. Je prends le pansement qu’elle me tend, comprenant qu’elle veut que je l’aide à se soigner. Elle baille alors qu’avec beaucoup de douceur et de précaution, j’enroule son doigt blessé du pansement et je me permets alors de remarquer qu’elle semble bien fatiguée. Je ne connais pas vraiment ce sentiment, la fatigue, je ne suis que très rarement exténué par mes journées comme si je débordais constamment d’une énergie débordante mais c’est probablement mon calme qui me permet de conserver mon énergie. Je tique tandis qu’elle me parle de devoir l’aider demain matin, pourquoi donc ? Suis-je d’un coup à son service simplement pour avoir causé une petite bagarre. Je m’apprête à protester mais mon regard croise le sien et je me pétrifie une nouvelle fois, incapable de faire autre chose que de hocher la tête. Elle me sourit comme d’un air désolé et je retiens un soupire, bien embêté de voir cette simple histoire prendre des proportions exagérées. Elle se sert presque du fait que j’ai commis ce désordre pour que je me sente suffisamment coupable et accepte de l’aider sans problème. Elle m’annonce qu’il faut que je la supporte encore quelques heures avant de pouvoir être libre et mes sourcils se haussent malgré eux.
-Votre présence n’est pas gênante ! J-je veux dire, je vous dois bien mon aide puisque j’ai causé t-tout ça…
Je rougis évidemment, c’est presque plus fort pour mes joues et je ne manque pas de me dire que ce n’est pas très naturelle comme réaction. J’aimerais pourtant rentrer chez moi, me cuisiner un bon repas pour me chasser tous ces événements de la tête et me reconcentrer un peu mais elle semble tenir à son travail autant que je tiens au mien, je peux au moins comprendre ça et puis, dans la situation où je suis, je ne peux pas me permettre de lui dire non et m’en aller.
-Je m’occuperais de jeter les meubles détruits si vous me le permettez mais avant cela… N’y a-t-il pas une petite cuisine, ici ? Si vous acceptez… Je me ferais un plaisir de nous cuisiner un repas avant de nous remettre au travail…
J’ai faim sans pouvoir l’avouer et je me mets à espérer qu’elle accepte ma demande pour pouvoir me nourrir avant d’entreprendre cette soirée et nuit qui promet d’être longue vu le travail qui nous attend…
「 Frapper pour se défendre
Déchirer la tranquillité d'un lieu
En payer le prix, par le sang et par l'argent... 」
Chacun gagnait sa vie comme il pouvait, mais j’étais partisante de la légalité. Je n’allais pas clairement pas le dénoncer, il n’avait peut-être pas le choix non plus. Il avait sûrement grandi entouré de gangsters qui lui avaient fait un sacré bourrage de crâne. Et puis peut-être qu’il aimait ça après tout. Je posais vraiment la question par curiosité, pour essayer de comprendre ce qui le poussait à rencontrer des hommes dangereux dans un petit café. Ma mère avait galéré quand j’étais petite, je n’avais pas toujours vécu dans une immense villa beaucoup trop grande, je pouvais comprendre ce que c’était d’être dans le besoin.
« Je trouve ça un peu triste. D’être élevé pour être un chien de garde. Vous devriez essayer autre chose. »
Ce n’était pas méchant, simplement honnête. Est-ce qu’il avait déjà pensé à faire un autre métier ? Je n’étais même pas certaine qu’il en ait le droit. Je souriais en le voyant déposer le pansement avec une grande délicatesse. Il était assez touchant. Il faisait de son mieux pour être doux, mais je remarquais qu’il n’était pas très doué pour ça. La tendresse ne faisait pas partie de son quotidien. Cette personnalité timide ne collait pas du tout avec son attitude de tueur à gage que j’avais pu remarquer un peu plus tôt. Il avait l’air gentil, il méritait mieux que ce type de boulot, dangereux et violent.
Je laissais échapper un petit rire en le voyant paniquer et rougir d’un seul coup. C’était toujours aussi perturbant d’avoir autant d’impact sur lui. Bien sûr que ma présence était gênante, sinon il ne se mettrait pas à bégayer à chaque fois que je posais le regard sur lui. C’était… mignon. Je n’avais pas en tête de le garder sous mes ordres durant plusieurs semaines, juste qu’il m’aide à tout remettre en ordre et j’appréciais vraiment qu’il soit resté et qu’il ne m’ait pas laissé tout gérer seule. Je me serais sûrement mise à pleurer.
« Il y a une boutique de meubles pas très loin, c’est simplement pour m’aider à porter les nouvelles chaises avant l’ouverture. Rien d’autre. »
On avait des femmes de ménages, des jardiniers, des cuisiniers à la villa, mais je ne les avais jamais considérer comme de simples employés. J’avais grandi à leur côté et ils faisaient un peu partie de la famille, alors j’avais un peu de mal avec le concept de donner des ordres. Je n’étais pas toujours facile à vivre, mais je ne manquais jamais de respect. Sa question me surpris. Faire à manger ? J’entendais mon ventre gargouiller et je n’étais pas contre un petit repas. Je ne savais pas cuisiner, je n’avais jamais été très douée dans ce domaine. A l’université, je me faisais livrer des plats directement dans ma chambre et chez mes parents, on cuisinait pour moi.
« Tant que je ne touche à rien, ça devrait être possible. »
Je lui faisais signe de me suivre et l’emmenait dans la cuisine un peu en retrait. Je n’avais pas le droit d’y mettre les pieds en général, mes collègues savaient que j’étais une véritable catastrophe. C’était une attitude d’enfant pourrie gâtée, mais c’était sûrement une des seules choses que je ne savais pas faire. Je n’avais pas honte, toutes les femmes n’étaient pas obliger de savoir faire à manger, je détestais ce genre de cliché. Je restais près de lui pour essayer de l’observer. Je n’allais pas apprendre grand-chose, mais c’était toujours intéressant de voir les autres réussir.
« Beau, grand, fort et en plus il cuisine. L’homme presque parfait ! »
Je savais que cette remarque allait le mettre mal à l’aise, mais je n’avais pas pu m’en empêcher. J’adorais voir son air gêné et ses joues devenir de plus en plus rouge. Il commençait à être vraiment tard, mais personne ne m’attendait, alors je n’avais pas de compte à rendre, je pouvais continuer à trainer un peu. C’était étrange, mais je me sentais en sécurité à ses côtés. Je savais que si quelqu’un venait à passer la porte, il ne m’arriverait rien. Je l’avais vu à l’œuvre et il était assez impressionnant. Les femmes devaient être sa grande faiblesse et j’avais bien envie de me risquer sur ce terrain.
« C’est le quoi le souci avec les filles ? »
Il n’était pas obligé de me répondre, ça ne me regardais pas, mais son attitude avait piqué ma curiosité, et je pouvais parfois manquer de tact.
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-Je… Je n’ai jamais réfléchi à autre chose… Je pense que ce serait dangereux pour ma vie, j-j’en sais beaucoup trop. Mais ne soyez pas triste, ç…ça n’en vaut pas la p-peine, je suis heureux comme cela.
Je tente un sourire trop maladroit puis obéis comme je le fais d’habitude pour lui mettre le pansement avec le plus de douceur possible mais évidemment, un peu maladroitement. Je ne me sens pas à l’aise bien que j’essaye de détendre mes muscles crispés par la timidité et chasser le rouge qui continue de teinter mes joues. Je suppose qu’elle ne croit pas en mes paroles tentant de la rassurer sur l’aisance de sa présence et cela ne m’étonne pas, c’est prévisible au final. Je bégaye, perds mes moyens, suis maladroit, bref rien qui ne prouve que je sois détendu à ses côtés. Elle m’annonce que je dois simplement l’aider à aller chercher les nouveaux meubles avant l’ouverture de demain et comme un automate, je hoche la tête et attends ensuite sa réponse à ma question sur la cuisine. Je laisse échapper un petit sourire gêné lorsqu’elle annonce que cela devrait être possible et suis d’un côté content d’apprendre que je vais pouvoir un peu me détendre en faisant cette activité que j’apprécie tout particulièrement. Elle me conduit jusqu’à la cuisine et comme je tente de détendre l’atmosphère bien que ce ne soit pas très efficace, je reprends la parole avec une question que ses mots ont fait naître en moi.
-Vous… Vous ne savez pas cuisiner ?
La plupart des gens qui m’entourent ne savent pas le faire et c’est souvent à moi de remplir cette tâche sans qu’évidemment, cela ne me dérange. Je rentre dans le petit espace et découvre que cela conviendra tout à fait pour un repas pas trop compliqué à faire pour nous redonner des forces. J’attrape avec une habilité qui me facilite l’activité un couteau pointu et ouvre le frigo pour sortir des ingrédients simples mais qui me permettront de faire un plat sortant de mon imagination. Je commence à faire bouillir de l’eau avec un sourire éclairant mon visage d’un coup moins tiré par l’anxiété de la présence féminine. Je commence rapidement mais avec précision à couper les légumes que j’utiliserais en fines lamelles qui feront partie du plat. Je manque de lâcher le couteau que je tenais pourtant avec force lorsqu’elle laisse échapper de ses lèvres fines des mots qui me font perdre mes moyens. Mes joues deviennent aussi rouges que la tomate que j’étais en train d’émincer et j’avale difficilement ma salive en baissant le regard.
-Je… Je ne suis pas si p-parfait v-vous savez mais… M-merci…
Je replonge mes yeux dans les entrailles du fruit et recommence mon émincé pour tenter vainement de cacher mon malaise et ma timidité bien trop prononcée suite à ce compliment qui fait battre mon cœur trop vite, me brûle les joues et mélange mes pensées déjà emmêlées de nœuds que je ne parviens pas à défaire. Elle sait pertinemment qu’elle me met dans cet état mais c’est comme si… elle faisait exprès de renfoncer le couteau dans le légume et cela me met encore plus en panique puisque, naïf comme je suis, je ne suis pas sûr de pouvoir m’en rendre compte et me contrôler. Je me concentre sur la recette qui s’inscrit dans mes pensées, mettant les légumes découpés avec facilité et rapidité dans une poêle pour pouvoir m’occuper de la viande que j’ai par chance trouvé dans les ingrédients à disposition. Elle me pose une question qui suspend mon geste de préparation de la viande, je tourne mon regard surpris et gêné vers elle et reste quelques secondes silencieux avant de reprendre comme un geste naturel ma cuisine.
-Je… Je ne suis vraiment pas à l’aise avec elles… C’est p-plus simple d’être f-froid avec un homme… Une femme est tellement… déstabilisante par s-sa beauté, son regard, t-tout ce qui fait qu’elle n’est pas un homme… Je n’arrive pas à garder mon sang-froid à leurs côtés…
Je commence à faire cuire la viande, dépité par mes mots qui sont complètement désespérant à mes yeux, moi qui aime tellement contrôler les situations dans lesquelles je suis, la simple présence d’une jeune femme peut perturber tous mes plans, c’est presque insupportable. Je pose mon couteau, attendant que les morceaux de légumes et de viande soient prêts pour la suite du plat, je me tourne vers la belle jeune femme et ose poser mes yeux sur ses traits.
-Vous avez le don pour m’empêcher de penser… J-Je ne sais pas vraiment pourquoi…
Je me mords la lèvre inférieure et passe ma main dans mes cheveux comme d’habitude puis retourne mon attention vers le plat qui continue de rissoler tranquillement sur les plaques. Je finis par faire cuire les nouilles et mettre le tout dans deux assiettes avec méticulosité pour que tout soit parfait et appétissant comme dans un restaurant. Je l’invite ensuite à rejoindre la salle où nous avons tout remis en ordre un peu plus tôt. Je place les deux assiettes de part et d’autre de la table et tire la chaise pour que Jordan puisse s’installer devant son plat puis retourne dans la cuisine pour amener les couverts, les verres et les boissons et mettre tout en place avec perfectionnisme avant de m’installer face à elle sans un mot, mal à l’aise malgré la belle table que je trouve avoir préparé.
-J’espère que ça… vous plaîra…
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« Non, je n’excelle pas vraiment dans ce domaine. Je pense que ça pourrait être tout aussi dangereux pour moi que pour ceux qui goûteraient à ma cuisine. »
J’assumais mes faiblesses, elles faisaient partie de moi et je n’avais pas à avoir honte de qui j’étais. Je le regardais prendre ces marques dans cette petite cuisine où je n’avais pas le droit de mettre les pieds en temps normal. Mais je n’allais toucher à rien, alors il n’y avait pas de soucis. Il semblait savoir ce qu’il faisait et j’étais assez impressionné. Ce n’était pas le fait qu’il soit un homme qui m’étonnait, mais qu’il puisse être délicat après tout ce que j’avais pu voir ce soir. J’avais eu l’impression d’avoir un éléphant au milieu de la porcelaine. Je souriais gentiment en observant chacun de ses gestes. J’avais eu l’envie de le taquiner et j’avais taper dans le mille. Mon cœur avait raté un battement en voyant le couteau vrillé. Je m’en serais voulu s’il s’était blessé à cause de ma bêtise. Je ne comprenais pas pourquoi il se sentait aussi gêné. Ce n’était qu’une petite blague. Je préférais le laisser tranquille pour éviter un autre accident. Il était déjà assez amoché.
L’odeur de la viande venait me chatouiller les narines, et mon estomac me faisait comprendre qu’il m’en voulait de ne pas l’avoir nourri ce soir. Jusqu’à maintenant je ne m’étais pas rendu compte à quel point j’étais affamé.
Il avait une image de la femme qui me surprenait. J’avais toujours défendu ma condition, je ne m’étais pas laissé marcher sur les pieds et lui nous mettais sur un piédestal, ce qui était assez rare dans ce monde un peu trop masculin, en particulier dans ce pays. Il se laissait complètement bouffer par sa peur des femmes et ce n’était pas vraiment sain.
« En général c’est pas vraiment les yeux qui font cet effet-là, c’est plutôt les seins. Mais c’est honorable d’être un des seuls à me regarder dans les yeux. »
Certains pensait qu’être serveuse voulait dire répondre à toutes leurs attentes, ils pensaient qu’ils pouvaient nous toucher, qu’ils en avaient le droit. Mais mon corps n’appartenait qu’à moi et il n’était absolument pas mon outil de travail. Je m’appuyais contre le plan de travail en continuant de l’observer. Il commençait à s’ouvrir un peu j’avais l’impression de pouvoir avoir une vraie discussion avec lui. Cet homme qui m’avait semblé si froid et fermé. Je penchais la tête en l’écoutant, retenant un rire. Il y avait bien longtemps que je n’avais pas rencontré quelqu’un d’aussi honnête et je le remerciais d’être comme il était.
« Déjà je suis une femme, ça a l’air de vous perturber. Et en plus, je suis super canon. »
Je lui faisais un clin d’œil pour lui faire comprendre que je plaisantais. J’étais tout à fait consciente de mon charme, mais je n’en jouais que très rarement et ce soir je ne voulais pas le mettre encore plus mal à l’aise. Je quittais à la cuisine à contrecœur pour m’installer dans la salle à peu près rangée. Son plat me donnait l’eau à la bouche et j’avais hâte de le goûter. Je le regardais s’installer face à moi avec tendresse. Je ne doutais pas que j’allais adoré. Il l’avait fait pour moi, je ne pouvais être que reconnaissante.
« Un vrai petit dîner aux chandelles. Très romantique. »
Je riais doucement avant de planter ma fourchette dans la viande. Ce n’étais pas très polie mais je ne pouvais plus attendre. Je fermais les yeux quelques secondes pour apprécier pleinement les sensations. Je n’avais pas mangé quelque chose d’aussi bons depuis bien longtemps. Je commençais à manger en silence, avant de m’arrêter.
« C’est parfait. Merci beaucoup. »
J’avais voulu lui faire croire que c’était raté, mais je n’avais pas eu le cœur à le blessé. Il l’aurait sûrement pris encore au premier degré. Il ne semblait pas saisir mon sens de l’humour, un peu particulier, je devais l’avouer. La pièce était calme et c’était vraiment appréciable après tout ce vacarme. Je n’avais pas mangé en tête à tête avec un homme depuis bien longtemps, et j’avais un peu oublié ce que c’était. C’était un quasi inconnu un peu louche mais un homme quand même.
« Comment vous faites pour draguer une fille ? »
Je savais que j’allais le gêner, mais je n’avais pas pu m’empêcher de demander. Il devait bien avoir eu quelques histoires, il n’était pas désagréable à regarder, il imposait un sacré charisme et il était plutôt gentil malgré tout.