Quel est le sport le plus fruité ?

Je me sens admirative de toute son admiration. C’est bête quand on n’y connaît rien. Mais je me rends compte que je porte une admiration en tout point similaire à mon entraîneur de taekwondo. Il n’a pas changé. Toujours aussi sage. Aussi humble. Avec des punchlines de films qui remettent les plus téméraires à leur place en un coup de ceinture. A part qu’à l’époque où j’ai commencé le sport, et je crois bien que je n’avais pas plus de cinq ans, il avait des cheveux d’un noir de geais flamboyant qu’il n’a plus vraiment maintenant. J’imagine bien que ce ne doit pas être la même chose. Mais je me dis qu’on a tous ce modèle. Cette personne de laquelle on s’inspire, que l’on sait meilleure que nous et qui nous permet aussi de garder les pieds sur terre à défaut de penser qu’après plusieurs années de pratique, on pourrait survoler la matière en restant invaincu.

Je me laisse distraire toute seule et encaisse les coups tant bien que mal. Je sais bien que je devrais me concentrer. Mais j’étais d’humeur massacrante en arrivant. Je ne comprends pas comment une petite histoire de citron pressé a réussi à me déconcentrer. Je baisse ma garde, quelque chose qui ne me ressemble pas. C’est la première chose à laquelle je pense toujours. Malgré tout ce que j’oublie, baisser ma garde c’est l’erreur que je ne fais jamais. C’est un mécanisme tellement ancré dans mes muscles qu’il a dû s’inscrire dans mes gênes. Sans doute un peu moins avec des gants de boxe aux poings… il n’empêche que me faire reprendre par un coup qui heurte ma mâchoire m’empêchera sans aucun doute de réitérer l’erreur. « Erreur de débutant. » Je lâche d’un ton sec en m’appliquant à reprendre le dessus.

Je lui parle de ce qui me tracasse. Plutôt que de me déconcentrer, ce genre de conversation me reconnecte avec mes instincts primaires. Mes muscles tendus rendent coup pour coup. Comme si j’avais enfin compris que je n’étais pas là pour jouer. Et que le ring n’était pas non plus le divan d’un psychologue prêt à s’épancher sur mes questions de la vie.

Je marche à l’émotion forte. Quand je suis en colère, je frappe. Quand je ris à n’en plus pouvoir, je tape. Quand je suis blasée au possible, je ne retiens pas les coups. Alors parler de ces deux-là, c’est une source intarissable de force pour moi. Yong Min devrait le savoir, lui qui a bien failli finir en tapis de bibliothèque.

« Ils se sont fait dégager de leurs fraternités. » S’il veut des coups, je lui en donne. L’épaule, le torse, de nouveau l’épaule. « Ils se sont fait virer de l’université. » BON SANG MAIS JE VAIS FAIRE QUOI DE CES DEUX-LA ? L’abdomen, le plat de l’épaule. « Pendant une semaine ! » Tout ce que je donne, il me le rend au point que je sais même plus ce que je fais et qui de nous deux prend l’avantage. Sans doute lui. Je m’en rends compte parce qu’au lieu d’éviter ses coups comme la convenance le voudrait, je me retrouve à les parer en jetant la tranche de mon avant-bras à la rencontre de son bras pour désarmer son attaque. Le genre de technique pas tellement utilisée en boxe alors que les arts martiaux sont truffés de parades pour bloquer l’adversaire.

J’oublie même ce que j’étais en train de dire tellement je suis concentrée.
Mais vu que j’oublie tout à la limite.