Wearing ✻✻✻ D'un point de vue extérieur, on pourrait tout à fait croire que notre relation ne se résume qu'à ça : s'envoyer des vacheries. Et c'est assez vrai que l'on ne peut pas passer une seule journée sans se tirer dans les pattes au moins une fois. Cela est d'ailleurs le cas depuis que l'on se connait et cela sera très certainement le cas pendant longtemps, encore... Cependant, on ne peut pas dire que notre relation se résume juste à ça. Ou, en tout cas, ce n'est plus le cas, à présent. Après tout, il nous arrive parfois d'hisser le drapeau blanc. D'avoir quelques discussions bien plus sérieuses et enrichissantes... Avant de finalement retomber dans nos travers... Levant d'ailleurs les yeux au ciel à la réponse de ma camarade, moi qui espérais réellement une réponse des plus sérieuse pour le coup, je ne peux toutefois m'empêcher d'esquisser un sourire en coin. « Tu prends vraiment trop tes rêves pour une réalité, petite. Je ne rêve pas de toi, je cauchemarde ! C'est différent... » Et, sur ces mots, je lui balance dans la gueule l'un des petits oreillers qui se trouvaient à côté de moi, sur le canapé. « Et puis, tu peux parler de ma tête au réveil mais la tienne n'est vraiment pas mieux ! D'ailleurs, je plains celui qui devra se réveiller à côté de toi, tous les matins ! Quel pauvre homme... » Bon, ok, j'exagère un tout petit peu. Cela ne doit pas être si désagréable que ça de se réveiller aux côtés de Ivy. Ceci étant dit, je ne pouvais décemment pas la laisser évoquer ma dégaine de zombie en toute impunité. Oeil pour oeil, dent pour dent, comme on dit... Qui plus est, ça lui apprendra à plaisanter alors que, pour une fois, j'étais vraiment sérieux. Buvant une gorgée de ma boisson chaude, je m'apprête d'ailleurs à relancer le sujet mais je suis stoppé dans mon élan quand la jeune femme reprend la parole, me coupant ainsi l'herbe sous le pied. Me contentant donc de l'observer, dans un premier temps, je finis par lâcher un « Hm... » pour toute réponse. Effectivement, sa plus grande peur n'a rien de bien originale. Après tout, de nombreuses personnes sont également terrifiées à l'idée que l'on puisse les abandonner un jour. Néanmoins, cela ne la rend pas moins digne d'intérêt qu'une autre pour autant. D'ailleurs, en terme d'originalité, je ne suis pas beaucoup mieux loti qu'elle, pour le coup, et alors que je repose ma tasse sur la table, un silence de quelques secondes s'installe entre nous, avant que je ne me décide toutefois à le briser. « Pour être honnête... » Et je lui dois bien ça, étant donné qu'elle l'a été avec moi à l'instant... « J'ai peur d'un tas de choses ! » Et l'abandon en fait parti. « Mais si je ne devais en choisir qu'une... » Une nouvelle fois, je me stoppe quelques secondes, juste le temps de mettre un peu d'ordre dans mes pensées. Puis, je finis par reprendre : « Tout à l'heure, tu évoquais la peur de ne pas savoir ?! Et bien, je pense que c'est ça qui me fout le plus la frousse... » L'inconnu... Etre totalement à la merci de quelque chose dont tu ignores tout... « D'ailleurs, quand j'étais gosse, j'étais terrifié par le noir parce que je ne savais pas ce qui pouvait s'y cachait... » Evidemment, aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Je ne dors pas avec une veilleuse à côté de mon lit et je ne cours pas pour rejoindre ma chambre le plus vite possible, après avoir éteins la lumière du couloir. Mais la peur de l'inconnu demeure bien, elle... « M'enfin... » Haussant doucement les épaules, j'esquisse un léger sourire et m'exclame, un brin amusé : « Toi qui trouvais ta plus grande peur plutôt basique, qu'est-ce que je devrais dire de la mienne, hein ?!  » Laissant échapper un rire, j'attrape l'un des tomes de ma petite pile et me cale confortablement contre le dossier du canapé. « Allez ! Maintenant, boucle là un peu ! J'ai besoin de calme pour lire ! » A croire qu'Ivy était la seule à user de son don de parole jusqu'à présent...

Wearing ✻✻✻ C'est vrai que je ne donne pas vraiment l'impression d'être de ceux qui prévoient tout à l'avance. De ceux qui vouent un culte aux listes en tout genre et pour qui quotidien rime forcément avec emploi du temps bien organisé et carré. Et pour cause, je ne fais absolument pas parti de ces gens qui cherchent à tout prix à tout contrôler pour ne pas avoir à faire face à l'inconnu... En fait, c'est même tout le contraire et les quelques vingt trois années de ma vie, rythmées en grande partie par nombre d'imprévus, sont là pour en témoigner. « T'as raison... J'ai beau avoir peur de l'inconnu, je ne fais pas grand chose pour ne pas y être confronté. » que je finis donc par lâcher, un fin sourire accroché aux lèvres. Et la vérité c'est que, même si j'avais voulu être de ces personnes, je ne l'aurais pas pu, tout simplement parce que jusqu'à présent ma vie n'a été qu'une succession d’événements que même la personne la plus prévoyante au monde n'aurait pas été en mesure de prévoir. Et s'il est terriblement compliqué, parfois même terrifiant pour moi de vivre en me demandant sans cesse de quoi demain sera fait ou même quelle merde me tombera encore dessus, je me suis finalement résolu à vivre avec... Vivre en acceptant le fait qu'il y a des choses dans la vie que je ne peux malheureusement pas prévoir... Comme ce sourire un peu trop niais, à vrai dire, que je vois prendre forme sur le visage de ma camarade, alors que celle-ci semble totalement plongée dans le manga qu'elle est en train de lire. D'ailleurs, un brin curieux, je finis par me redresser légèrement, faisant preuve de la plus grande discrétion possible pour ne pas qu'elle me remarque – mais elle est tellement concentrée que c'est à se demander si même un obus explosant à quelques mètres d'elle saurait la tirer de sa lecture -  et, finalement, je parviens à en lire le titre, malgré la pile de tomes qui nous sépare. Un sourire quelque peu moqueur prend alors possession de mon visage, tandis que je fixe la jeune femme, et quand son regard croise enfin le mien, je suis partagé entre l'envie d'exploser de rire et celle de lever les yeux au ciel à ses paroles. « Va savoir... Toi, par contre, tu semblais comme totalement obnubilée par ce que tu lisais. » C'est le cas de le dire... « J'aurais limite pu danser la Macarena à poil devant toi que tu ne l'aurais certainement pas remarqué. » Bon, j'exagère peut-être un peu. Ou pas... « Franchement, qui l'aurait cru ? La petite rebelle Ivy qui se prend de passion pour un manga à l'eau de rose... » Sérieusement, osez dire que ça n'a rien de perturbant ?! « Faut croire que le monde ne tourne vraiment pas rond... » Laissant échapper un rire, j'hoche la tête de gauche à droite, la moue obstinément moqueuse, avant de me replonger dans mon tome. Puis, de nouveau, le silence s'installe entre nous durant de nombreuses minutes, peut-être même un peu plus d'une heure, jusqu'à ce qu'enfin je n'atteigne la dernière page de mon bouquin que je finis par refermer, plutôt satisfait...