What consumes your mind controls your life

Sa réponse surprend et Miu perd le compte de ce qu'elle avait à dire. Ses lèvres entrouvertes n'en reviennent pas, la confession si soudaine qu'elle aurait pu deviner mais que pourtant jamais elle n'avait seulement osé espérer. C'était bien trop bête, de perdre du temps à se détester sans en avoir la raison objective. Et pourtant quelque part, ça devait les arranger. Blâmer l'autre et rester dans ses problèmes. Peut-être bien que c'était l'époque à laquelle deux imbéciles malheureux rejetaient sur l'autre les fautes de leur passé qui avait fait de leur présent une vie qu'ils n'avaient pas voulu. Encore plus bêtement, Miu se demandait maintenant si la clef pour avancer, ce n'était pas d'avouer ses torts et combien elle avait été stupide de lui en vouloir alors qu'il n'avait rien fait et qu'il n'aurait rien pu faire de toute façon. Tout ça était si bête. Elle se prenait à espérer de choses qu'elle s'était pourtant interdite. Elle se prenait à plaquer sa main contre sa poitrine tant son cœur battait et que pour une fois ce n'était pas dû à aucune substance nocive.

De ces mots maladroits elle aurait pu tirer des interprétations malhonnêtes et erronées qui n'auraient fait qu'envenimer les choses. Ce qu'il était nul avec les mots. Miu quant à elle, n'était douée qu'avec ça. Faire mal aux autres en leur assénant des paroles crues, brutes et désillusoires. Elle n'en avait plus envie. « On m'a toujours dit que seul les faibles s'inquiètent des autres » et ces mêmes personnes qui lui avaient dit ça ne s'étaient jamais inquiétées pour elle. Elle esquissa un sourire, dépassée par tout ce qu'il était entrain de se passer « Arrête de parler de ça » elle n'est pas agressive et sans y mettre les formes, plus qu'un ordre sauvage, il s'agit plutôt d'une requête, comme une supplication qu'elle n'oserait avouer « qu'est-ce que t'aurais pu y faire, tu n'y es pour rien de toute façon. » Dans l'ambivalence de son comportement, son air détaché et ses paroles un brin rassurantes. Est-ce que quelqu'un s'inquiétait vraiment pour elle ? Personne n'avait jamais su le faire.

Assez subitement elle eut un mauvais pressentiment. Un long frisson qui traversait son échine, peut-être n'était-ce que le vent frais qui faisait pâlir son visage et rougir ses pommettes. Elle jeta un coup d'oeil anxieux derrière elle à l'endroit même où les deux hommes avaient disparus « on ne doit pas rester là » erreur de débutante, ils pouvaient revenir à n'importe quel moment qui sait même les écouter.

Elle attrapa la manche de sa veste et l'obligeant à la suivre, pressa le pas jusqu'à une rue adjacente où attendait quelques mètres plus loin une voiture hors de prix et un chauffeur-voiturier contrit, presque inquiet. « Tu devrais partir » sa gorge se serra en l'admettant, rester près d'elle ne lui attirerait de toute façon que des ennuis.

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Il le dit. Il l’a avoué. Il l’a toujours su au fond de lui mais naïvement il a toujours eu le désir de l’ignorer, de se voiler la face. Parce que c’est plus facile de le faire. Parce que c’est moins douloureux. Parce que c’est moins compliqué. Miu est comme un puzzle qu’il ne parvient jamais à terminer, une pièce qui se perd, se retrouve tandis qu’une autre se perd, un cercle sans fin, un cercle vicieux. Il a toujours eu le désir de s’en rapprocher, mais a toujours eu peur de se brûler. Encore une fois. Parce qu’au fond de lui il y a encore cette âme d’enfant qui espère, dur comme fer, qu’il y a encore entre eux une once d’amitié. Quelque chose qui les relie. Et depuis quelques jours ce fil ne cesse d’apparaître, par intermittence, lui signalant alors qu’il y a encore des choses à faire. Qu’il existe encore quelque chose entre eux. Il baisse donc les yeux, honteux. Craignant aussi d’entendre les représailles de la jeune femme. Des reproches qu’elle formule toujours, à chaque rencontre. Mais elle n’en fait rien. Elle n’en dit rien, semblant toucher par ses mots. Et lui devient toucher par ce silence. Ce silence qui en dit pourtant beaucoup. Beaucoup plus qu’il ne pourrait le croire. Mais il finit par être brisé, les mots de la jeune femme résonnant dans son esprit, ses yeux se relevant alors pour croiser la lueur de ses pupilles, s’y noyant quelques secondes, pour y découvrir une autre femme, une certaine douceur. « On me dit souvent que je suis faible, c’est peut-être pour ça », il esquisse un fin sourire, presque amusé par cette étrange situation. Il inspire profondément, son cœur se serrant de nouveau. Il aurait pu faire quelque chose. Il aurait pu l’aider jusqu’au bout au lieu de la lâcher. Il aurait dû persister pour garder contact avec elle et qui sait, il aurait peut-être la sauver. Mais avec des si et des peut-être on ne peut refaire le monde et au fond de lui il sait pertinemment que cela aurait été un échec, surtout après son départ. « Peut-être que si Miu. . . », mais il n’a pas le temps de dire autre chose qu’elle le tire par la veste, l’entrainant alors jusqu’à son chauffeur qui l’attend toujours au coin d’une rue, lui demandant alors de partir. Et il devrait la laisser ? Alors qu’elle court sûrement un danger ? Impossible. Il lui attrape alors le poignet, pour l’empêcher de fuir. « Je te ramène Miu. Je ne peux pas te laisser seule surtout pas quand je sais qu’ils ne sont pas très loin ». Et sans même lui laisser le choix, il l’attire jusqu’à la voiture, et la pousse à l’intérieur, donnant alors l’adresse des sangos à son chauffeur. Il se met de l’autre côté, déposant son front contre la vitre, ne parlant pas une seule fois, quelque peu gêné par ce revirement de situation, ses pensées s’en allant follement pour essayer de réaliser tout ça, de prendre en compte tout ça. Est-ce que cela veut dire que sa relation avec Miu a changé ? Est-ce que cela veut dire qu’ils peuvent redevenir amis ? Il ne sait pas . . . il est juste perdu.

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Peut-être bien qu'ils l'étaient tous les deux. Faibles. Et à leur manière. Elle ne le montrait pas mais elle l'avait toujours pensé. C'était un comble qu'elle puisse tromper le monde entier alors qu'elle-même ne se faisait pas confiance. Ils étaient tous à la dire aventureuse et solitaire. La solitude c'est de ne pas affronter les autres et ce n'est pas très courageux. Alors peut-être bien qu'elle était faible et si Hyeon était le seul à le savoir, s'il était le seul qui avait su voir en elle ces choses que personne n'avait pu avoir, alors ça lui convenait. Pas totalement... mais elle s'en accommoderait. Quelque part elle avait confiance en lui. S'il se rapprochait d'elle pour la détruire il l'aurait abordé autrement. Elle se l'était demandé un million de fois. N'osant pas lui poser la question parce qu'il savait trop de choses et qu'elle ne voulait pas s'embarquer dans les sillages du passé. Pourquoi tu croises tout le temps ma route parce qu'elle n'y croit pas au destin, ce fichu destin... est-ce que c'est mon père qui t'envoie ? Probablement. Ce n'est pas impossible. Il savait trop de choses pour se retourner contre elle à la faveur de son père mais dans ce monde, on croit connaître des gens qu'on ne connaît jamais vraiment. Pourtant Hyeon était un garçon gentil et dans sa bouche, si ce compliment était rare, il était aussi particulier. On n'avait pas été gentil avec elle. On n'avait pas du être gentil avec lui non plus. A ses mots, l'ombre d'un sourire passa sur ses lèvres. Et ils étaient encore plus rares ses sourires.

Elle le coupa sans chercher à écouter ce qu'il avait à lui dire. Est-ce que c'était important ? La perspective de ne jamais le savoir la rendait curieuse bien que ce ne soit pas dans sa nature. Décidément, trop de choses changeaient et tirant sa manche jusqu'à la grande rue passante, passant devant une voiture qu'elle ne put que reconnaître, elle s'arrêta à contre-cœur et fit ce qu'elle savait faire de mieux ; le faire fuir. Impossible. Il la retient et plutôt que de passer son chemin comme une voleuse elle s'arrête et de sa main qui agrippe son poignet remonte à ses pupilles qu'elle n'avait jamais vu aussi sûres d'elles. Elle voulu répliquer quelque chose mais elle n'aurait que se répéter, s'embrouiller et tourner en rond. Elle allait le suivre. De toute façon, elle ne comptait pas y objecter.

Grimpant sur la banquette arrière, elle se positionna à l'exact opposé de Hyeon et boucla sa ceinture. Sa posture imitait la sienne, la tempe posée contre la vitre de la voiture en silence. C'était ça un acte sympathique ? Ce genre de choses pour lesquelles on fait des courbettes et des grands sourires pour flatter la personne. « Je ne vais pas te remercier, tu m'y as forcée. » De toute façon, sans que ses lèvres amères ne le lui disent, son regard exprimait une reconnaissance qu'elle-même ne s'expliquait pas. Sa tête bascula à l'arrière et sa nuque se posa délicatement sur l'appui-tête du siège arrière. Fermant les yeux un instant, elle hésita avant de demander « tu voulais me dire quelque chose avant que je ne te coupe ? »

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Il est surpris que pour une fois, elle accepte. Elle qui est si réticente, elle qui n’en fait toujours qu’à sa tête, elle qui s’envole toujours loin, elle qui le fuit. Mais ce soir, étrangement, elle ne le fait pas et se contente de le suivre. En même temps il ne lui laisse pas le choix. Pour une fois. Il sait ce qu’il désire et il sait qu’il ne la lâchera pas tant qu’elle ne pénètre pas dans la voiture, mais il n’a pas besoin de se faire prier puisqu’elle le fait. Alors, il se tait, ne sachant pas trop quoi dire, comment parler, se sentant soudainement gêné par sa présence. Cela fait bien longtemps qu’il n’est pas resté aussi longtemps à ses côtés. Cela fait bien longtemps qu’elle n’a pas été aussi douce avec lui. C’est perturbant, et Hyeon ne sait plus comment agir, quoi dire, se perdant dans ses pensées qui défilent à toute allure. C’est elle qui, finalement, brise le blanc, lui disant indirectement merci. Il se tourne vers elle, croisant rapidement son regard, un sourire se dessinant légèrement sur ses lèvres. Il ne pouvait attendre que ça d’elle, n’étant même pas surpris qu’elle use du négatif pour le remercier. Miu n’est pas de celles qui sont capables de dire merci pour un tel geste, et surtout pas en lui disant à lui. Mais il sait au fond que c’est ce qu’elle essaye de lui transmettre et qu’elle est tout simplement reconnaissante. « De rien » dit-il simplement, l’imitant inconsciemment, déposant sa tête contre le repose-tête, se détendant un peu plus. Il en oublie presque, pendant quelques secondes, leurs nombreuses altercations.
Il arque un sourcil lorsqu’elle lui demande ce qu’il souhaitait lui dire avant qu’elle ne le coupe. « Je ne sais plus », et il ne sait vraiment plus. Il y a tellement de choses à dire, il y a tellement de choses qu’il aimerait lui demander, mais il n’y arrive pas. Pas encore. Il sait que leur problème n’est pas totalement réglé et qu’ils ont beau se reparler correctement, demain, tout peut se modifier. Surtout avec elle. Un jour elle se dévoile et le lendemain elle se referme. Alors est-ce que demain sera la même chose ? Est-ce que demain elle lui tournera encore le dos ? Ou est-ce le début d’une réconciliation ? De leur réconciliation ? Il a envie de la questionner, mais il n’ose pas, car il craint la réponse et il n’a pas envie de l’entendre. Ils arrivent alors au dortoir, le chauffeur étant allé un peu trop vite à son goût. Il se tourne vers Miu et se racle la gorge. « Bonne soirée Miu et . . . sois prudente » dit-il simplement, ne sachant pas quoi ajouter d’autre. Il se tourne alors vers le chauffeur pour lui faire signe de démarrer, mais avant qu’il ne s’en aille il lance subitement à Miu, « un jour il faudra qu’on parle toi et moi », et ses paroles s’en vont en même temps que la voiture.

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Sois prudente. Elle lui jette un regard arrogant par-dessus l'épaule et pourtant. Elle sait comme elle devrait prêter une attention toute particulière à ce conseil, peut-être un conseil d'ami si son cœur n'avait pas pris l'habitude de se fermer à la moindre gentillesse qui en effleurait la surface. « Je croyais t'avoir déjà dit de ne pas t'inquiéter pour moi. » Un sourire énigmatique au coin de ses lèvres, elle se tourne légèrement vers la voiture, un brin espiègle malgré la remarque sarcastique. Est-ce qu'il va rester là ? Il ne partira pas tant qu'elle ne le lui promettra pas ? En réalité, la porte de la voiture s'était déjà refermée et le moteur vrombissait sur la chaussée. « Un jour il faudra qu'on parle toi et moi. » Sa voix disparaît en écho et bientôt, l'automobile ne devient plus qu'un petit point de lumière dont les phares disparaissent au croisement. Les mains dans les poches, Miu attend bêtement dans le froid de l'hiver. « Je ne saurais même pas par où commencer. » Et sans plus attendre, de sa démarche nonchalante, elle rentra au chaud.