Comme toujours, Ji Hwan avait passé sa journée à travailler, se renseigner sur des choses qui pouvaient être importantes pour l’entreprise. La rentrée des classes et, par conséquent, son entrée officielle dans l’entreprise de son père approchant, il ne voulait pas laisser les choses se faire seules. Au contraire, ce qu’il souhaitait, c’était marquer son arrivée autrement que par la fête qui allait être organisée. Même si tous les employés le connaissaient depuis longtemps, puisqu’il passait là-bas presque tous les jours pour faire des tâches qui ne lui étaient pas encore obligatoires, il comptait devenir un président digne de l’entreprise qui lui serait laissée. Il avait toujours été trop occupée et pris par la finance, qui le passionnait, pour se consacrer aux amoures ou aux passe-temps des étudiants. Quelque part, il mentirait s’il disait que ce n’était pas un regret. Lorsqu’il était plus jeune, il aurait aimé ne pas avoir trop vite des responsabilités sur lui pour s’amuser un minimum. Maintenant, avoir des responsabilités était crucial pour lui, pour se sentir vivant ; c’était une habitude. Il ne s’imaginait pas pouvoir vivre sans ça, même si ces dernières étaient douloureuses par moment. C’était un pli qu’il avait pris, mais qu’il n’allait pas tarder à laisser tomber. Ça lui paraissait encore improbable mais il allait lui aussi contredire les désirs de son père pour se laisser un peu plus respirer, dans un futur plus proche qu’il ne le croyait.

En attendant, il avait passé sa Saint Valentin dans une routine qui le rassurait et le déprimait en même temps. Il avait entendu parlé d’un évent organisé par l’université mais il n’avait pas du tout intéressé par ça ; il trouvait même cela totalement puéril. C’était bien d’être en couple, et grand bien leur fasse, mais ce n’était pas forcément nécessaire de s’afficher dans des événements spécialement pour ça – en fait, plus radicalement, il trouvait que la Saint Valentin était très puérile. Cependant, il ne pouvait pas nier que du côté business, c’était très intelligent et ça fonctionnait à merveille. Tous les couples tombaient dans le panneau des achats obligatoires pour montrer à l’autre son amour. Il avait beau être matérialiste, il avait une idée de l’amour assez ridicule – c’était l’adjectif qu’il utilisait lui-même. Il se savait très ignorant et idéaliste pour ça, depuis que Miu lui avait démontré combien il ne voulait d’un amour que réciproque et officiel, pas du flirt. C’était aussi un moyen de se protéger, cela dit : il ne voulait pas être le seul à s’accrocher dans une relation où l’autre parti ne voulait que prendre du plaisir. Il préférait se priver totalement que blesser sa fierté en étant « celui qui aime le plus ». Alors, sa façon de voir l’amour, c’était un mélange d’égoïsme et d’idéalisations. Il avait encore cet image de l’amour beau, d’un couple uni. C’était pour ça qu’il réfutait totalement l’idée de ses sœurs mariées de force. Si lui devait se sacrifier pour l’entreprise, il voulait au moins qu’elles vivent dans un couple aimant. Si froid qu’il était, il croyait en un amour chaleureux. Il ne l’avait jamais vécu et ne pensait pas qu’il le vivrait un jour, cependant.

Son téléphone vibra dans sa poche et il fut déconcerté quelques instants en voyant le nom de son cousin s’afficher. Il n’avait pas l’habitude de recevoir des appels de sa part – ni des appels tout courts, en dehors de ceux professionnels – et il s’attendait encore moins à un recevoir un le soir de la Saint Valentin, alors qu’il était fiancé. Malgré tout, il décrocha, en se disant que c’était peut-être une erreur mais qu’il ne pouvait pas ignorer un appel de son cousin, surtout depuis qu’il avait été clair avec lui sur son attachement pour lui. « Allô ? Hyeon ? » Quelques secondes passèrent sans qu’une réponse ne se fasse entendre. L’hypothèse de l’erreur se confirmait mais quelque chose était louche ; si c’en était une, il devrait entendre Hyeon discuter avec Hera plutôt qu’une musique d’ambiance de bar, comme ça semblait sonner. Il ne traînait pas régulièrement dans ce genre de lieux, puisqu’il ne buvait jamais, mais il y était déjà allé pour accompagner certains de ses amis. Amis. Cette pensée le fit sourire : lui aussi en avait, après tout. « Où est-ce que tu es ? » La question lui paraissait adéquate, parce que décidément, il trouvait ça étrange. Peut-être que sa fiancée avait eu un empêchement ?

La voix qu’il entendit au téléphone était à la fois celle de son cousin et à la fois, une totalement différente. C’était la voix de l’alcool, c’était la voix d’une tristesse qu’il ne pouvait pas expliquer. Il ne savait pas pourquoi son cousin agissait de cette façon, pourquoi il l’appelait un soir de saint valentin et encore moins pourquoi il était seul, dans un bar, complètement alcoolisé, le soir de la saint valentin. Ça n’était pas non plus compliqué de tout relier et Ji Hwan avait des idées qui lui venaient en tête, mais il préférait ne pas y donner trop d’importance. Fait des conjectures, il avait toujours trouvé ça dénué de sens. « Oui, c’est moi. » Visiblement, il lui avait téléphoné sans vraiment le vouloir, ce qui n’était pas si surprenant vu l’état dans lequel il se trouvait. La description que son cousin lui donna était indéniablement celle d’un bar, mais il avait déjà deviné qu’il se trouvait dans un lieu pareil aux sons parasites. Ça n’avait pas été une précision nécessaire ni utile – il y en avait des centaines, des bars, à Séoul. Il n’allait jamais trouver celui où se situait son cousin avec de tels indices, ce qui le fit soupirer bruyamment. Il n’était pas en colère contre son cousin, bien au contraire – il l’était envers la personne qui l’avait mis dans un état pareil et qui n’avait même pas pris ses responsabilités en s’assurant qu’il ne finirait pas dans un tel état.

Au moment où il s’apprêtait à demander à son cousin plus de détails, il entendit une voix inconnu dans le téléphone. L’homme se présenta comme le barman et indiqua plus précisément la position du bar. Il raccrocha immédiatement après ça et se prépara à sortir rapidement, enfilant le premier manteau à sa portée et prit les clés de sa voiture pour arriver encore plus vite.

Ignorant exactement combien de temps ça lui avait pris, il arriva enfin au bar et n’eut pas de mal à reconnaître son cousin, endormi sur le bar, au milieu de toute la foule dansante. Il me dirigea vers lui et appela son prénom près de cinq fois avant qu’il ne daigne ouvrir ses yeux ; des yeux explosés par l’alcool et la fatigue. Cousin. Quelque part, ça lui fait bizarre d’entendre ce nom, et pourtant c’était ce qu’il était pour Hyeon, même s’il ne s’était jamais comporté comme tel. L’attitude de Hyeon, son intonation, tout n’était que le reflet de la boisson et non pas de son comportement habituel. Même s’il n’avait jamais bu de sa vie, il s’était déjà retrouvé en présence de personnes saoules et il savait les reconnaître rapidement. « Je ne suis pas certain qu’on ait la même définition de s’amuser, Hyeon. » Affirma t-il, calmement,son ton et son regard trahissant peut-être de la compassion. Boire pour oublier quelque chose, voilà à quoi ça ressemblait : et ça, il l’avait vu toute son adolescence chez sa mère. Le rire qui explose violemment n’a rien d’un rire de joie. « Je ne bois jamais d’alcool. » Rencontrer des femmes. Il préféra ne pas relever ce fait, qui confirmait ce que Ji Hwan avait imaginé à propos de ce qui le rendait ainsi. Jugeant qu’il était mieux d’attendre que Hyeon se sente mieux pour le sortir d’ici, il commanda un verre d’eau au barman et éloigna le verre d’alcool de son cousin, tout en prenant place à ses côtés. « Qu’est-ce qu’il se passe, Hyeon ? » Demanda t-il finalement, très sérieusement mais sans un brin de colère ou d’agacement.

Bien qu’il n’ait jamais vu Hyeon dans un tel état, il ne pouvait pas affirmer avec certitude que c’était la première fois qu’il se rendait ainsi. Après tout, pendant longtemps, ils n’avaient pas été si proches, pas assez pour que Ji Hwan soit celui appelé dans de telles circonstances. Ils avaient à peine commencé à être honnêtes envers l’autre, à dire ce qui pesait tant dans leurs silences jusqu’alors. Ji Hwan espérait tout-de-même que ce n’était pas quelque chose qui arrivait souvent – non pas parce que venir consoler son cousin était une plaie mais parce que boire de l’alcool était mauvais et ça l’était d’autant plus lorsqu’on le faisait pour y noyer sa tristesse. Ce n’était pas tristesse qui s’y noyait dans ces circonstances, c’était la personne toute entière. Il en avait été spectateur et ne souhaitait pas que Hyeon finisse comme sa mère avait fini, alcoolique suite à une peine de coeur dont il avait été acteur sans le vouloir. Un remord qui le faisait souffrir mais qu’il n’avait jamais extériorisé : si pendant des années, il n’avait pas caché les infidélités du père afin de se faire mieux voir par ce dernier, peut-être que la découverte aurait été moins horrible pour la mère et qu’elle n’aurait pas fini dans un tel état. Il ne pouvait rien y changer mais il se pensait en parti coupable pour ce qu’elle était devenue.

Mais il ne devait pas penser plus longtemps à ça. Ça faisait un bon moment que sa mère ne l’avait plus appelé parce qu’elle était dans un état pitoyable et qu’elle avait besoin de réconfort. Et ce n’était pas sa mère qu’il était venu aider mais son cousin. Les circonstances étaient bien différentes et trop similaires en même temps. La question que son cousin posa resta suspendue de longues secondes. Toi qui semble tout connaître. Il donnait sans doute cette impression, mais il savait au fond qu’il ne connaissait rien aux moments joyeux de la vie. On ne lui en avait jamais donné et il ne les avait jamais cherchés. Il ne connaissait que les études, les responsabilités. « Je ne m’amuse pas, en général. » Confession qu’il pouvait se permettre de faire à un homme bourré qui oublierait tout le lendemain – mais de toute façon, ça n’était un secret pour personne. Ji Hwan était sérieux, trop sérieux, et il ne savait pas s’amuser. « Mais je sais à quoi ça ressemble, quelqu’un qui s’amuse et je sais que tu n’es pas en train de t’amuser. »

Il ignore pourquoi son cousin paraît si surpris d’apprendre qu’il ne boit pas d’alcool. Il ne le lui avait jamais dit ou bien il avait oublié à cause de son taux d’alcool ? Les deux semblaient probables. À moins que les circonstances s’y prêtent, il n’avait pas besoin de confier son rejet total de cette boisson. Il déglutit en l’entendant le traiter de menteur, se doutant que ce n’était pas lui qui parlait mais l’alcool : il ne l’aurait jamais dit sur un tel ton autrement. « C’est vrai, je n’en ai jamais bu. Je ne dis pas qu’il faut faire comme moi, j’ai des raisons de refuser totalement l’alcool. »

À sa question, il regarde son cousin se renfermer dans sa douleur davantage. Peut-être qu’avoir plus de tact avec sa question n’aurait pas été de trop, mais il fallait de toute façon qu’il fasse sortir ce poids. Quand il dit enfin ce qu’il se passe, Ji Hwan n’est pas si surpris. Il l’avait presque deviné aux circonstances : c’était la raison qui justifiait avec perfection l’état de Hyeon un soir de saint-valentin. Il n’avait jamais vécu une peine de coeur si douloureuse que son cousin devait la vivre, puisque la seule fille qu’il n’avait jamais aimé l’avait rejeté très rapidement. Enfin, il aurait aimé être rejeté mais à proprement dit, elle n’avait cessé de le rejeter et de revenir vers lui, ce qui avait été une torture sans fin. Maintenant qu’il allait quitter pour de bon les dortoirs, il allait enfin pouvoir mettre la distance avec Miu. Il plaça lentement sa main sur le dos de son cousin pour l’encourager. « Tu peux pleurer, ça ne te fera pas de mal. Pleure toutes les larmes qui doivent sortir et ne la laisse plus jamais te faire pleurer. » C’est ce qu’il aurait dû faire aussi, au lieu de toujours enfouir la douleur par fierté.

Ji Hwan avait déjà rencontré Hera à diverses reprises. C’était, bien entendu, tout calculé par cette dernière qui avait probablement souhaité le rencontrer et voir si son avis envers elle était le même que celui de Ji Hye, qui ne l’appréciait pas du tout. Concernant ça, Ji Hwan avait été totalement neutre. Il s’entendait bien avec Hera et il avait apprécié l’initiative de s’intéresser – faire semblant de s’intéresser ? - à ce qu’il aimait mais il n’avait pas tendance à s’immiscer dans les histoires de couple. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi elle avait ressenti le besoin de se sentir soutenue au sein de la famille, si elle aimait Hyeon, elle aurait pu se fiancer avec lui que Ji Hwan et Ji Hye l’apprécient ou non. Ainsi, certes, il avait entretenu une plutôt bonne relation avec elle, mais ça en était resté là et il ne comptait pas essayer de trouver des excuses à Hera ou prendre son parti lorsqu’il voyait que son cousin était ainsi en train de se morfondre sous ses yeux. Elle lui avait fait du mal, en le faisant aussi soudainement mais en le faisant un quatorze février, en ne justifiant peut-être même pas cette rupture par de bons arguments et ça, Ji Hwan ne l’appréciait pas du tout. Hyeon et lui avaient beau n’avaient jamais peut-être parus très proches mais ils l’étaient ; et Ji Hwan considérait Hyeon comme un petit frère presque aussi précieux que ses deux petites sœurs. Il aurait de nombreux reproches à faire sur le façon dont Hera s’y était prise dans sa rupture avec Hyeon mais il n’était personne pour les faire sans l’accord de Hyeon. Comme il l’avait toujours fait, il ne s’en mêlerait pas. Les histoires de couple étaient privées et la seule chose qu’il ferait, c’était consoler son cousin brisé, l’aider à aller mieux.

Il observa son cousin s’excuser pour ne pas avoir pris au sérieux ses paroles ou pour avoir oublié un principe si important chez lui, mais il ne trouvait pas nécessaire de demander pardon pour ça. Peu importait, il ne lui demandait pas de le retenir et vu l’état dans le quel son cousin se trouvait, ce n’était pas le plus grand problème non plus. « Bien entendu que c’est stupide de boire, ça n’a jamais arrangé aucun mal, sinon ce serait connu et utilisé dans la médecine. » affirma Ji Hwan. « Cela dit, je ne suis pas venu ici pour te dire combien boire est inutile pour oublier ta douleur. Tu en as sans doute encore plus conscience que moi et tu es loin d’être le seul à cacher son chagrin dans la boisson. Le vrai problème, c’est lorsque ça devient une habitude à longue durée. » Et il savait de quoi il parlait, puisqu’il en avait été témoin toute son adolescence. Ce soir, il ne lutterait pas contre Hyeon pour lui expliquer qu’il ne devait pas remettre ça, parce que ça ne servait à rien. Il était déjà complètement ivre et expliquer à un homme alcoolisé que son état était mauvais était une des choses les plus inutiles. Ce serait mieux de le lui faire comprendre quand il serait sobre, avec de vrais arguments et de vraies façons d’oublier sa douleur plutôt que de lui donner de l’importance. Mais là, c’était trop tôt. Personne n’était capable d’oublier sa douleur le soir-même de sa rupture.

Il soupira en entendant Hyeon décrire ses sentiments. Il savait parfaitement ce que c’était, Ji Hwan s’était senti totalement vide bien plus d’une fois, mais lui, il pensait vraiment être vide. Pour son cousin, ça n’était que temporaire. Le temps de dé-saouler, le temps d’aller un peu mieux et de reprendre confiance en soi, de se dire que tout n’était pas de notre faute et que ce n’était pas la fin de la vie. Pour Ji Hwan, c’était quelque chose qu’il ressentait depuis si longtemps qu’il ne pouvait même pas donner une date de commencement. « Hyeon, tu ne pleures pas montrer que tu as des sentiments et tu ne pleures pas pour te sentir moins vide. Tu ne pleures pas pour t’exprimer. Tu ne pleures pas parce que elle, elle pleure. Qu’est-ce que ça change qu’elle pleure ? Elle a fait couler ses propres larmes, ce n’est pas ton cas. Toi, tu pleures parce que tu as besoin d’extérioriser la douleur, et ce n’est pas l’alcool qui va t’aider à faire ça. Bien sûr, tu peux t’empêcher de pleurer, parce que tu es un homme, parce qu’un homme ne pleure pas. » C’est ce qu’il avait fait, lui. « Mais je ne connais aucun homme qui soit parvenu à oublier totalement une douleur sans la pleurer. » expliqua t-il calmement.

Ji Hwan ne pensait pas que son image de son cousin était salie par l’état de Hyeon actuel. Il était vrai qu’il n’aimait pas l’alcool, ni en boire, ni voir l’effet qu’il pouvait avoir sur des gens pourtant sains en temps normal. Cela dit, c’était loin d’être la première fois qu’il se retrouvait en compagnie de quelqu’un saoul et il était loin de la désillusion. Il savait que n’importe qui buvait pour oublier quelque chose, que n’importe qui buvait pour fêter quelque chose. Bien que dans le terrain où il passait le plus de temps, celui des fêtes de la haute société, les invités ne buvaient pas à en devenir ivres afin de ne pas dépasser les limites de la politesse, il avait été plus d’une fois témoin des débordements que l’alcool provoquait. Il savait donc très bien que les mots et les actions de son cousin étaient contrôlées par l’alcool et pas par la raison, qu’il ne pensait pas forcément tout ce qu’il disait et qu’il n’était plus maître de lui-même. Jamais il n’avait pensé, depuis qu’il avait reçu l’appel de Hyeon, que son cousin lui faisait honte et qu’il aurait préféré ne pas le voir ainsi. Cela dit, il pouvait comprendre le sens des paroles de son cousin. Si Ji Hwan se retrouvait dans un état misérable, il préférerait être seul et que personne ne l’apprenne jamais. C’était une question de fierté. « Je ne pense pas que ce soit une bonne chose d’être seul dans ton état, Hyeon. » Ji Hwan le savait ; l’alcool faisait faire n’importe quoi. Si son cousin était amené à penser à faire des actions insensées, au moins il serait là pour l’en empêcher. Pour sa fierté, il valait mieux se montrer misérable face à une personne qui nous empêche de le devenir encore plus, que de faire des actes misérables devant des dizaines d’autres personnes.

En écoutant les paroles de son cousin, il se reconnaissant un peu. Il n’avait pas la prétention d’affirmer qu’il comprenait ce que son cousin ressentait ; certes, il avait déjà vécu une peine amoureuse, mais pouvait-il appeler ça de cette façon lorsqu’il n’était, de toute façon, jamais sorti avec la personne aimée ? Il n’avait, à proprement dire, aucun souvenir douloureux d’eux trop proches pour être oublié ni jamais eu de réel espoir qu’eux deux finissent leur vie ensemble, comme ça avait dû être le cas pour Hyeon. Malgré tout, il se reconnaissait un peu. Sans parler de peine d’amour, il avait vécu des moments difficiles où il s’était demandé s’il parviendrait un jour à surmonter la pente – et encore maintenant, il ne savait pas. Sauf qu’il ne pouvait pas l’admettre : il ne comptait pas perdre face à ses problèmes. « Ça n’arrivera pas. Si d’autres parviennent à remonter la pente, il n’y a pas de raison que tu n’y arrives pas. Tu n’es pas plus faible ni plus stupide qu’un autre. »

Sa main toujours sur le dos de son cousin, comme si c’était un soutien, il le regardait attentivement. De toute évidence, Hyeon se posait trop de questions mais comme c’était un trait de caractère qu’ils partageaient, il comprenait amplement. « Il n’y a pas besoin de mériter de pleurer. Si tu as envie de pleurer, tu pleures. Peut-être que ça ne changera rien, peut-être que c’est inutile. Mais retenir ses larmes, c’est aussi inutile, alors autant se laisser aller. » C’était plus fatigant de retenir ses larmes. Non seulement c’était éprouvant, mais en plus ça ne faisait que creuser davantage le mal-être. Ji Hwan ne le savait que trop bien. « Bien sûr que ça passera. Tout passe toujours. Peut-être que ça prendra du temps, peut-être que ce sera réglé en quelques jours… mais un jour, tu te réveilleras sans que ce ne soit un poids pour toi, sans que tu n’aies peur d’aller de nouveau vers les autres. La douleur n’est que temporaire. » Paraît-il. C’est ce qu’on lui avait dit à lui mais il souffrait depuis des années pour tant de raisons diverses qu’il ne pouvait pas être d’accord avec ça. Seulement, Hyeon n’avait pas besoin d’entendre la réalité des choses, il avait besoin d’espoir, alors il n’avait fait que des paroles. « Tu verras Hyeon, dans un certain temps, tu te rappelleras à peine d’aujourd’hui ;  et le peu de souvenirs que tu garderas de ton état, tu en riras en disant que tu t’es trop pris la tête pour quelque chose qui est passé. »