Une poignée d’années. Qu’est-ce que ça pouvait représenter dans leur vie ? Une grosse partie, de toute évidence. Srey relève son minois innocent vers lui, sa queue de cheval tombe légèrement sur sa joue alors qu’elle serre ses jambes contre elle. Elle pose sa joue sur ses genoux et le fixe en passant sa langue sur la commissure de ses lèvres. Elle l’écoute, comme si leur histoire se faisait écho. Ne pas savoir qui on était vraiment, nos parents, notre famille, ces racines, n’était-ce pas tout aussi horrible que de prendre la vie d’un autre ? Perdre son identité, ne plus savoir qui on est, d’où on vient … se construire mais sur quelle base ? C’était branlant, incertain, inconfortable, douloureux, et pourtant ces deux gosses s’accrochaient à cette illusion de toute leur force. Ils n’avaient plus que ça … c’était aussi triste que beau à voir. Parce que plus que quiconque ils avaient de la force à revendre et leur jeunesse n’était plus un défaut, mais devenait la plus belle des qualités. Srey l’observe, chaque détail de son visage, ses émotions qui transparaissaient à chaque regard et crispation de son visage. Srey le dévisageait avec une certaine douceur, intérêt, de cet intérêt sincère et innocent. Elle laisse un petit silence s’installer, le temps de tout assimiler et de comprendre ce qu’il venait de lui dire. C’était une confession qu’elle analysait pour comprendre. C’était donc ça. Il était un autre, mais mettait un point d’honneur à rester Yohan. Parce que c’était sa bouée, parce que cette identité était ce qui lui permettait de rester à flot. Elle se redresse et se rapproche de lui à quatre pattes sur le lit. Elle montrait déjà des airs félins bien que délicat et jeune encore. Elle s’assoit sur ses talons, jusqu’à côté du garçon. Ses mains sur ses cuisses. Elle l’observe de longues secondes avant d’attraper son visage entre ses mains. Elle lui caresse ses pommettes rebondis et l’attire doucement à lui. Ses gestes ne prêtaient pas à confusion, il n’y avait aucune attirance (pour le moment), mais un sentiment très fort d’appartenance qui la soudait sans un mot au garçon. Elle plante son regard dans le sien et lui sourit tendrement en caressant sa joue doucement « Tu es celui que tu veux être Yohan … » le passé est une base mais Srey restait persuadé que c’était à eux de se construire « Personne ne nous a dit qui nous étions, personne ne nous a aidé jusqu’à aujourd’hui … alors soit qui tu veux être … un homme fort, plein d’ambition. Moi c’est que j’ai décidé d’être. Une femme forte. Et je ferais regretté à tous ceux qui m’ont abandonné, qui ont abusé de mon innocence. Je ne laisserais plus jamais personne me faire du mal … » assure-t-elle son minois si jeune mais si marqué par la vie déjà. Son regard mature défit toute concurrence et elle embrasse sa joue en murmurant « t’es plus tout seul maintenant. » Ses yeux brillent d’assurance alors que ses doigts glissent de ses joues pour se laisser retomber gracieusement sur ses cuisses. Elle se penche vers lui, ne jugeant pas sa proximité gênante ou déplacée bien qu’elle puisse être dérangeante pour le garçon. « C’est quoi ton vrai prénom ? » murmure-t-elle. Elle avait envie, besoin (d’une certaine façon), de savoir. « Moi c’est Khaliyan mais désormais tout le monde m’appellera Srey, parce que j’ai décidé d’être Srey à partir de maintenant. » Et elle savait que s’il acceptait de lui dire son vrai prénom, ça scellerait leur relation à tout jamais, lié par un secret qu’elle protégera au péril de sa vie. Elle jure par son regard silencieux de l’appeler Yohan pour le reste de sa vie, mais espère pouvoir être pour lui ce qu’elle voulait qu’il soit pour elle. Un allié de confiance dans cette vie qu’ils allaient mener à deux. Et c’était des plus étranges alors qu’ils ne se connaissaient pas, mais ces deux gosses étaient fait pour vivre ensemble ils ne le savaient juste pas encore.