Mes mots devraient entraîner un écho à ce rythme. Or, je ne peux pas reprocher à Yury de ne pas pouvoir m’écouter, même si je le voudrais. J’aimerais pourtant qu’il soit en mesure de relever un peu le menton. Il a effectivement le droit de pleurer la perte de sa sœur mais sa réaction m’inquiète de plus en plus au fil des minutes. Je ne parviens pas à le consoler. Le raisonner ? C’est impossible vu les circonstances mais j’aimerais déjà qu’il cesse de pleurer pour éviter qu’un mal-être plus puissant frappe l’esprit et le corps du jeune homme. Cette histoire ne fait que commencer, je vais devoir également m’armer de patience et je serais en mesure de le faire. Je n’ai jamais bousculé quelqu’un dans la vie de tous les jours, même le plus inconnu des hommes qui passerait à côté de moi. Comment pourrais-je me comporter autrement vis-à-vis d’un ami très proche de moi ? Je voudrais juste qu’il s’impose des limites et ce n’est pas ses murmures presque inaudibles qui seraient en mesure de me faire changer d’avis. En fait, j’ai comme la sensation que Yury est tombé dans une hystérie, une mauvaise hystérie. Ses pleurs sont incontrôlables. Nous passons globalement tous par cette étape, le truc, c’est qu’il s’agissait de sa jumelle. D’après de nombreuses émissions, ce lien est plus fort que tout. Est-ce que le décès de sa sœur pèse sur le cœur de Yury quitte à le pousser à s’arrêter ? Je vais trop loin, certes, mais son état manque de me faire paniquer. De toute manière, il est difficile d’agir raisonnablement quand je suis moi-même touchée par cette perte. Rien de bien comparable. Dans un geste répété et silencieux, j’essuie une nouvelle fois les larmes du jeune homme et l’inviterait à crier de toutes ses forces si nous n’étions pas dans une salle d’attente. Cette foutue ambiance morbide, peut-être que… Encore une fois, je glisse ma main dans ses cheveux et dépose un léger baiser sur son front comme une mère le ferait peut-être avec son enfant. Dans une autre situation, je suis certaine qu’on rigolerait tous les deux de cet agissement mais pour le moment, nous avons d’autres chats à fouetter. « Viens. On va prendre l’air. » Ayant peur de ne pas être entendue, je fixe tant bien que mal mon regard dans le sien et ajoute : « S’il te plaît. » Puis, je glisse mes doigts sur son poignet prêt à l’aider à se relever si le chagrin serait en mesure de lui faire perdre l’équilibre.

risae a toujours été là, pour les jumeaux. toujours. une amie fidèle, sur qui on peut compter, dans les bons, comme dans les pires moments. yury le sait bien, minhee aussi le savait. la preuve en est, elle ne lui a toujours pas lâché la main. il est détruit, au plus mal, il est vidé de tout courage, de toute force, de toute envie, mais elle est là, près de lui, et ne compte pas partir. son monde s'écroule sous ses pieds, il ne sait même plus ce qu'il dit, il est complètement abasourdi par tout ça, la souffrance qu'il ressent à cet instant le tue à petit feu sans même qu'il ne s'en rende réellement compte. il sombre, frôlant la folie à de nombreuses reprises. il préfère être fou, être taré, que d'accepter cette cruelle vérité. il ne peut pas souffrir de la sorte, on ne peut pas lui retirer sa jumelle. il peine à sentir les mains de la jeune femme se déposer sur ses joues pour essuyer, à plusieurs reprises, les larmes qui roulent le long de sa peau. elle glisse même sa main dans ses cheveux, venant déposer un baiser sur son front. quelques secondes pendant lesquelles yury se sentait en sécurité, quelques secondes, seulement, mais il en avait presque déjà oublié cette sensation. elle lui adresse quelques mots, il relève son regard larmoyant vers elle, le chagrin l'ayant rendu à moitié sourd, elle veut prendre l'air, il secoue positivement la tête, aucun son ne sort de sa bouche, il hoche seulement le visage, de haut en bas, avant de serrer ses doigts dans les siens lorsque son amie lui prend la main. il n'avait plus autant de force, la tristesse l'accable au plus au point, sa démarche est des plus fébrile, il bascule même quelques fois, en voulant contourner certaines personnes mais à aucun instant il lâche la main de risae, elle est son guide, tout repose sur elle, arrivé dehors, le jeune chu prend une bouffée d'air frais, il y a moins de monde autour de lui, il se sent beaucoup moins compressé. il regarde autour de lui, le regard vidé de tout espoir, le regard submergé de tristesse. « m-merci. » merci d'être là, de supporter tout ça, de ne pas le laisser seul, merci à elle pour tout ça. il ne l'a pas remarqué, mais il n'a toujours pas lâché sa main, comme si le fait de briser ce contact le séparerait d'elle. « j'ai peur. » avoue t-il, alors qu'une nouvelle larme roule le long de sa joue. il n'était plus serein, plus du tout. il a peur. peur de tout ce qu'il aura à affronter, de tout ce qu'il affronte déjà. il souffre tellement.

Nous sommes des milliards, formés de la même façon, et pourtant, chaque âme reste unique. Yury n’aura pas une autre sœur jumelle comme Min Hee. Je n’aurais jamais une amie comme cette fille, et si c’était possible, je déclinerai cette horrible proposition. Prendre l’air ne nous aidera pas à faire notre deuil mais ne pas être coincé entre ces quatre murs sera une maigre bouffée d’air. Toujours mieux que rien, n’est-ce pas ? De la même façon, sentir sa main resserrer la mienne est comme un soulagement. Yury est peut-être plongé dans ses pensées mais il continue de m’entendre. C’est idiot à dire, j’exagère peut-être pour beaucoup de personnes mais notre différence se traduit également par nos propres réactions. Après avoir vécu deux drames familiaux, je n’arrive plus à être surprise par cette sensation qui déchire notre cœur. Aidant le jeune homme à se relever, je me colle légèrement contre Yury afin de servir d’appui s’il en ressent le besoin. Jetant un regard vers les autres personnes qui se tiennent dans la salle, puis dans les couloirs qui traversent, je retiens un soupir. La curiosité malsaine ainsi que la pitié sont deux sentiments à qui je pourrais facilement déclarer la guerre. Est-ce que je gagnerais ? Non. Il faudrait pouvoir changer les hommes pour atteindre cet objectif. La lumière extérieure vient brûler mes yeux encore et encore rouges. Je m’écarte un peu à peu de mon ami pendant qu’il commence à bouger la mâchoire. Il m’avoue avoir peur. Sûrement de vivre sans sa sœur. A moins qu’il ait peur d’être vu comme le responsable de sa mort ? Ce point de vue serait égoïste mais derrière cette apparence, se cache une possibilité. Il arrive qu’on ressente le besoin d’avoir un coupable pour surmonter ses peines, surtout pour une personne de cet âge. Je doute que ses parents soient assez fous ou irresponsables pour provoquer la perte d’un second enfant. Hm. Je devrais avoir honte d’envisager toutes les probabilités. Yury avait quand même évoqué l’idée au début de notre rencontre. Je dois faire attention à lui… Avoir toutes mes pensées focalisées sur lui me permet d’éviter à songer à mon amie. Fais chier. Murmurant doucement, je regarde le jeune homme qui tient toujours ma main. « Peur de quoi, Yury ? »

la vent frais cognant contre ses joues humides lui arrache un frisson qui lui parcourt le corps, une sensation qu'il lui rappelle alors, qu'il est bel et bien en vie, bel et bien présent, une sensation qu'il aurait aimé oublier, ne serait-ce que quelques heures. pourtant, il y a son coeur déchiré, son coeur qui saigne, qui lui rappelle à chaque seconde, qu'il ne rêve pas. il est ailleurs, yury, peut-être même en plein délire, qui sait ? est-ce que la douleur aura raison de lui ? son regard est submergé de tristesse, perdu dans le vide, son corps ère, sans qu'il contrôle réellement ses faits et gestes. son amie est là, à ses côtés, elle ne le lâche pas, et il pourrait s'en sentir chanceux, s'il n'était pas dans un état second. parce qu'il souffre, il a peur. peur de quoi, yury? peur de vivre sans elle, peur de souffrir continuellement, peur de ce qu'il peut devenir sans minhee à ses côtés, peur que ce vide qu'il ressent tout au fond de son cœur ne le quitte jamais. sa vie ne sera plus jamais pareil, tout va changer. il laisse un silence s'installer, alors que son regard se baisse sur le sol. il est silencieux, il ne bouge à peine, malgré les frissons que ce vent frais lui provoque. un silence qui maquille un champ de bataille dans son esprit. il n'a toujours pas lâché la main de risae, à vrai dire, il ne s'en rend même pas compte. il a besoin de ce contact, hors de question pour lui de lâcher sa main. « de vivre sans elle. » avoue t-il, finalement, d'une fine voix, qui trahit ─ tout comme son attitude, son état actuel. en prononçant ses mots, qui lui déchirent le coeur, il vient inconsciemment serrer la main de la jeune femme dans la sienne. plus les secondes passent, et plus l'idée que tout ça ne soit qu'un cauchemar s'évapore, la douleur, elle, reste belle et bien ancrée en lui. brusquement, ses yeux se ferment, alors qu'une larme vient rouler le long de sa joue. le mur derrière lui le maintient debout, il laisse tout son poids tomber, contre ce dernier.

Quitter cette pièce ne changera pas les choses. On ne peut quitter cette horrible réalité dans laquelle la famille Chu est plongée. Je présenterai mes condoléances à ses parents plus tard. Premièrement, il est bien trop tôt pour que je puisse tenir ce genre de discours. Deuxièmement, je ne peux pas laisser mon ami dans un tel état. J’aimerais avoir des pouvoirs magiques pour remonter le temps, pour prévenir du danger ou bien réinventer la médecine moderne. Le choc avait été trop fort. Invitant Yury à se diriger dehors, je ne lâche pas le jeune homme une seule seconde, par le biais de mon regard ou bien encore de ce contact physique de nos avant-bras respectifs. Puis, je lui pose une question qui risque de l’achever encore plus. Si c’est possible. Enfin, dans le cas où ça serait réellement possible. Mon cœur se brise une nouvelle fois. Au même moment, je sens sa main serrer la mienne un peu plus fort. C’est pour cette raison que je ne dis rien, quand je le vois pleurer tout en collant son dos contre le mur. Je ne vais plus envahir son espace si privé. Je vais juste lui tenir la main afin de lui montrer que je le soutiens. De toute façon, je n’ai finalement aucun mot à lui dire pour le consoler. Il faut laisser le temps agir sans qu’il puisse trop le brusquer. Je te promets de rester à côté de toi, Yury. Je te promets d’épauler ton frère, ma chère Min Hee. Pour toujours.