La neige recouvrait le paysage, anciennement verdoyant de la capitale norvégienne. Au domicile familial, tout semblait se compliquer à la venue des contractions d'Eivor Bekken. Son mari, Henke Bekken, se précipitait jusqu'au véhicule pour déposer les affaires de maternité de sa femme adorée dans le coffre et lorsque tout fut terminé, il l'emmenait avec sécurité à l'intérieur du bolide. Le chemin vers la clinique fut très douloureux pour la femme, mais tout deux, en s'échangeant un sourire complice, savait que leur poupée n'allait pas tarder à arriver. Ils étaient au comble du bonheur.

« Bya, bya, barnet
Mamma nøster garnet.
Pappa går til Langebro,
kjøper barnet nye sko.
Nye sko og spenner.
Så sover barnet lenger. »

Les bras frêles d'Eivor Bekken s'agitaient d'une douceur de soie, de droite à gauche. Eavan avait quelques mois. Son regard bleu allait partout et nulle part, sa peau était si pâle que les médecins avaient eu peur. Sa chevelure se confondait avec son épiderme blanchâtre. Le père, un Irlandais, venait de rentrer lorsqu'il entendit sa femme bercé l'enfant, qui peu à peu taisait ses pleurs en tétant le sein d'Eivor. Les deux amours s'étaient rencontrés durant un voyage, dans un bar, où leurs regards s'étaient mêlés. La complicité qui liaient le couple depuis des années ne s'était jamais estompée avec le temps. Il semblait même que leur amour s'était renforcé avec l'arrivée d'Eavan Bekken, leur jeune bébé qu'ils aimaient éperdument.

« Gratulerer med dagen ! »

Chantaient les parents Bekken à leur poupée qui fêtait ses six années d'existence. Le comité était restreint, ils n'étaient que trois. Une explication ? La famille d'Henke habitait en Irlande et Eivor avait perdu ses parents, fille unique. Elle n'avait jamais connu l'entièreté de sa famille. Ensembles, ils étaient si heureux. Un collier fut offert à la petite, un petit médaillon où était gravé les noms de la petite famille au devant et les dates de naissances derrière. Bien que jeune, la petite savait que ses parents seraient avec elle, contre sa poitrine, toute sa vie.

Eavan n'avait que huit ans lorsqu'elle fut placée en famille d'accueil. On lui expliqua que papa et maman étaient partis au ciel, rejoindre les oiseaux, s'allonger sur les nuages. Le traumatisme fut si important pour la fille de huit ans qu'elle refusa de prononcer le moindre mot pendant deux années, sous le choc. Plus tard, la belle comprit qu'ils étaient mort lors de leur croisière, écrasés par une poutre en fer tandis qu'ils couraient vers un bateau de sauvetage. La famille Hwang qui avait adopté la fille Bekken était originaire de Corée de Sud et s'étaient installés à Oslo pour une durée de huit ans, pour le travail du père. Ils couvraient la poupée d'attention et de tendresse, si bien qu'elle se remit à parler et même à apprendre la langue coréenne.

Bien que dévastée par la disparition de ses parents, Eavan était devenue une adolescente heureuse, gentille et joviale, une enfant solaire et talentueuse. Proche des autres et des animaux, elle devint végétarienne à quatorze ans, totalement soutenue par ses « parents ». Puis, lors de son seizième anniversaire, la famille accompagnée de leur enfant, regagnèrent la Corée du Sud.

En Corée du Sud, Eavan fut très longtemps complexée par la société coréenne. Elle était si différente, physiquement d'eux, que le moindre regard curieux ou méchant suffisait à angoisser la norvégienne. De plus, son accent, malgré sa maîtrise du coréen la trahissait dès qu'elle ouvrait la bouche. Une situation et une vie qu'elle mit longtemps à intégrer dans sa routine, mais loin d'être chose difficile. Eavan grandit, évoluait, devenait une jeune fille épanouie et tendre. Elle fit des études de décoratrice d'intérieur, ce métier était passionnant à ses yeux et la possibilité d'exprimer sa créativité était plus qu’intéressante.


« Quelle flamme pourrait égaler le rayon de soleil d'un jour d'hiver ? »