Les souvenirs de cette nuit-là étaient flous. Elle ne perdait pas la mémoire en étant complètement saoule, alors elle se rappelait plus ou moins de ce qu’ils s’étaient dits et de comment elle avait agit. Le lendemain, en se réveillant, elle voulut presque mettre fin à sa vie en se rappelant de tout ce qu’elle avait fait, de tout ce qu’elle avait dit à Tae Woo. Mais elle aurait dû s’en douter, qu’en buvant autant, elle ne serait pas capable de dissimuler aussi bien ce qu’elle avait été amené à ressentir pour lui. Elle aurait dû prévoir la chose, l’éviter – parce qu’elle était certaine de ses sentiments mais certaine de l’effet qu’ils auraient sur Tae Woo s’ils les apprenaient. Elle savait qu’il avait peur d’aimer, elle savait qu’il avait peur qu’une tragédie se reproduise. Peut-être le savait-elle mieux que quiconque, parce qu’elle avait eu cette même peur quand son oncle et sa tante l’avaient recueilli. Que faire si elle était maudite et si ses nouveaux parents finissaient pas décéder aussi ? Mais elle n’avait pas fui, contrairement à Tae Woo, elle avait attendu que la vie lui montre combien ses craintes étaient futiles. Et la vie lui avait montré qu’il n’y avait rien de tel que des malédictions, qu’on ne vivait jamais deux fois la même chose. Elle n’avait pas encore eu le temps de bien enseigner cela à Tae Woo qu’elle lui avait fait comprendre, plus que clairement, qu’elle l’aimait.

D’abord, elle avait voulu rattraper son erreur. Trouver une excuse, déformer ce qu’elle avait dit, dire que c’était sous l’effet de l’alcool, ou dire que c’était pour quelqu’un d’autre et qu’elle avait halluciné ce soir-là. Mais encore une fois, Min Ah ne fuyait pas ses craintes. Alors, non, elle ne mentirait pas par peur qu’il l’évite. Non, elle ne mentirait par peur qu’il la déteste. Et elle ne l’abandonnerait pas non plus. Parce que qu’elle l’aime ou non, elle s’était engagée pour l’aider, et elle tenait ses promesses. Que ça soit souffrant pour elle ou non, elle resterait jusqu’à la fin aux côtés de Tae Woo pour lui faire surmonter ses craintes, pour lui enseigner ce que la vie lui avait appris. Dans cette optique, elle s’était rendue à la Yonsei aussi souvent qu’elle le pouvait. Elle l’avait appelé des centaines de fois et envoyé des messages autant de fois, mais rien de tout ça ne fut utile. C’était bien plus compliqué de le pourchasser quand les circonstances de la vie et d’un dortoir ne les amenaient pas à se rencontrer. Si elle était parvenue à l’entrevoir de temps en temps, il disparaissait toujours quelques secondes après, comme une hallucination.

Ainsi, plus d’un mois était passé. Min Ah n’avait pas baissé les bras mais si le poursuivre était inutile, il fallait qu’elle attende que la vie les force à se croiser. Alors elle sauterait sur l’occasion, elle l’obligerait à l’écouter, elle le convaincrait comme elle a toujours su le convaincre. Du moins, elle imaginait que leurs retrouvailles se passeraient ainsi jusqu’à ce qu’elle reçoive un message de lui lui donnant rendez-vous quelque part. Elle crut d’abord que le texto disparaîtrait au bout de quelques secondes, comme Tae Woo le faisait quand elle le voyait, mais non – il était bien là, et y resterait. Elle n’avait pas tardé à accepter l’invitation.

Elle avait tellement anticipé le rendez-vous qu’elle était même arrivé à l’avance – ce qui était, chez Min Ah, soit un grand miracle, soit une énorme démonstration de l’importance qu’elle portait pour quelqu’un. Elle était à l’entrée du parc lorsque la première goutte tomba et elle eut un soupir bruyant – pourquoi fallait-il qu’il pleuve à un moment pareil ?! Que faire si Tae Woo annulait le rendez-vous à cause de la pluie ? Dans cette inquiétude, elle se mit presque à courir jusqu’à ce qu’elle le voit. « Tae Woo-ya ! » , s’exclama t-elle en s’empressant de venir vers lui. Elle se couvrait les cheveux avec son bras – et jugeant que, vu les circonstances, il était prudent et intelligent de garder ses distances, s’empêcha de se mettre sous son parapluie. Tant pis si elle se mouillait, elle ne voulait pas laisser passer sa chance de lui parler, enfin. Le regardant droit dans les yeux, elle attendit une réaction de sa part, un signe qu’il ne disparaîtrait pas immédiatement à sa vue. Elle ne savait pas trop si c’était la pluie ou la joie de le revoir après tant de temps, mais elle sentait le bord de ses yeux légèrement humide. Malgré tout, elle avait tellement voulu le voir.

( Pando )

La scène semblait être au ralenti, comme celles que l’on voit dans les drama. Elle avait imaginé des centaines de fois le moment où elle reverrait Tae Woo après lui avoir dit ça, ce soir-là. Elle avait pensé à toutes les possibilités – sauf celle qu’il pleuve – mais la réalité surprenait toujours. Elle était toujours aussi surprise de voir Tae Woo revenir vers elle après l’avoir fuie, pourtant il l’avait déjà fait une fois. Mais surtout, elle ne s’était pas imaginé que revoir son visage après tant de temps la rendrait aussi émotive. Quitter le dortoir et perdre l’habitude de voir son visage presque tous les jours avaient déjà été un coup dur qui l’avait forcé à se rendre compte combien elle était déjà habituée à sa présence et combien elle aimait sa présence – mais ne pas le voir du tout pendant un mois, ne pas pouvoir entendre sa voix, poser son regard dans le sien, lui sourire ou le bouder, avait accentué ses sentiments plus qu’elle ne l’aurait jamais imaginé. On disait, loin des yeux, loin du coeur, mais pour Min Ah, cela semblait être l’inverse. Plus elle passait de temps sans le voir, plus elle l’aimait ; et plus le voir lu faisait de l’effet.

Elle était bien trop occupée à détailler le visage de l’homme qu’elle aimait, et ses expressions, pour se rendre compte de suite que la pluie ne la mouillait plus. Quelque chose semblait différent chez Tae Woo, mais maintenant qu’il savait qu’elle l’aimait, les choses ne pouvait que être différente. Lorsqu’elle vit les cheveux de Tae Woo humidifié par les gouttes qui tombaient, elle comprit enfin qu’il avait avancé le parapluie vers elle pour ne pas qu’elle se mouille. Elle se mordit les lèvres, peut-être dans l’espoir de faire taire son coeur, ou d’empêcher les larmes qui s’étaient crées de couler. Elle voulut s’avancer vers lui pour que le parapluie les couvre tous les deux, mais elle avait tellement peur qu’il s’évapore qu’elle n’osait pas bouger.

La voix de Tae Woo aussi paraissait différente. Inquiétante. Min Ah pouvait voir dans les yeux de Tae Woo, qu’elle ne quittait pas du regard, que quelque chose n’allait pas. Elle secoua doucement la tête pour refuser les excuses de Tae Woo, mais n’eut pas le temps de parler qu’il reprenait déjà la parole. Elle s’était habituée aux battements rapides de son coeur en la présence de Tae Woo, mais c’était la première fois que les yeux, les mots et la voix de Tae Woo trahissait autant d’amour à son égard. Elle n’eut cependant pas le temps de s’en réjouir que déjà, elle sentait une sensation désagréable à l’intérieur d’elle, comme si quelque chose venait de se briser, comme si le parapluie avait disparu et qu’elle recevait la pluie la plus froide sur son visage. Le léger sourire qui était resté sur son visage heureux de le revoir disparut et le contact de la main de Tae Woo pour qu’elle garde le parapluie lui parut trop court et éphémère. Bien trop vite, elle sentit une larme couler.

Dans ses scénarios, elle avait envisagé la possibilité qu’il coupe tous les ponts avec Min Ah. Non pas en l’évitant, parce que l’éviter laissait quand même à Min Ah une chance de croire à un retour, mais bien en le lui disant, yeux dans les yeux. Mais même dans le plus profond de ses cauchemars, elle n’aurait pas cru que ça arriverait et que ça la briserait ainsi. Elle le vit reculer, mais bien vite, une sorte de colère prit possession de Min Ah et se mélangea cruellement à la souffrance qu’elle ressentait. Elle avait lu quelque part que les larmes étaient créées par le mélange de la colère et de la tristesse – on pleurait quand on était attristé par quelque chose qui nous frustrait parce que c’était inchangeable. Mais, si elle était frustrée et blessée, elle ne comptait pas laisser les choses comme ça. Min Ah était téméraire, elle ne réfléchissait pas avant d’agir, pas autant que Tae Woo. Et si elle avait décidé qu’elle ne pouvait pas juste se souvenir de « je suis désolée de t’aimer » comme les derniers mots qu’elle entendrait de sa bouche, elle ne le laisserait pas partir.

D’une marche rapide, elle parcourut rapidement les quelques mètres qui s’étaient créés entre les deux et se plaça face à Tae Woo, de manière à l’empêcher de quitter le parc. Cette fois-ci, elle se fichait bien qu’il disparaisse, et se permit de se mettre assez proche de lui pour que le parapluie les protège tous les deux. Ce ne fut qu’au moment de parler qu’elle comprit que ce n’était pas de la colère qu’elle ressentait, mais de la peur. La peur que tout se finisse là, comme ça. «  Et pourquoi tu devrais être désolé ?! » s’exclama Min Ah, ses yeux remplis de larmes de nouveau dans ceux de Tae Woo. « Qu’est-ce qui te dit que je peux être heureuse si tu fuis ? Qu’est-ce qui te dis que la raison pour la quelle je t’aime, ce n’est pas justement parce que tu es faible, peureux et lâche ? Qu’est-ce qui te dit que tu me blesseras ? Qu’est-ce qui te dit que tu as le DROIT de fuir?! » Son bras qui tenait haut le parapluie pour les couvrir tous les deux tremblait.

( Pando )

Tout ce que pouvait dire Tae Woo ne suffirait pas à faire changer d’avis Min Ah. S’il avait vraiment voulu leur séparation, si vraiment de tout son coeur il avait voulu qu’ils ne se revoient plus, si vraiment tout en lui avait rejeté le bonheur que pouvait lui apporter une relation avec Min Ah, alors il serait apparu devant elle en étant sûr de lui, en montrant dans son regard combien il était persuadé que ne plus la voir était la meilleure chose pour eux deux. Or, tout ce qu’elle avait pu lire dans ses yeux jusqu’alors, c’était la joie de la revoir et la peur de ce qu’il s’apprêtait à faire. Tout ce qu’elle avait entendu dans sa voix c’était l’amour qu’il avait pour elle. Tout ce qu’elle avait compris dans les mots c’était combien elle comptait pour lui. Alors non, elle ne le laisserait pas choisir pour tous les deux. Non, elle ne le laisserait pas fuir aussi facilement, et non, il ne voulait pas vraiment fuir. Il le faisait juste par peur, il le faisait juste parce qu’il n’avait pas trouvé une autre solution pour se protéger. Mais Min Ah, elle, ne pensait pas à tout ça. Si le bonheur était à portée de main, elle le saisissait sans se demander ce qui était caché derrière.

Peut-être plus que la situation dans laquelle ils se trouvaient, le regard triste de Tae Woo déchirait le coeur de Min Ah. Elle avait déjà vu Tae Woo triste, notamment les fois où elle l’avait plus ou moins forcé à parler de son premier amour et des peurs qu’il avaient à la suite de la perte de ce dernier. Mais cette fois-ci, cette tristesse paraissait bien plus forte, parce qu’elle n’était pas provoquée par un événement du passé mais par le présent, parce qu’elle n’était pas provoquée par quelqu’un d’autre mais par Min Ah, et par l’amour qu’il ressentait pour l’autre plus exactement.

« Et alors ? » demanda Min Ah. Elle se voulait confiante mais sa voix tremblait, parce qu’elle utilisait toute sa force pour empêcher ses larmes de couler. « Moi je suis une gamine, égoïste, égocentrique, violente, bruyante, embêtante. Pourtant tu m’aimes aussi ! » Elle ne posait pas la question de pourquoi. Savoir pourquoi n’arrangeait pas les choses et ne les faisait pas disparaître, c’était inutile. « Si tu as peur, il suffit de te rassurer. Si tu as peur de m’aimer, je vais t’aimer assez pour que ça ne te fasse plus peur. Si tu as peur que je disparaisse, je vais te coller assez pour que tu veuilles que je disparaisse ne serait-ce que quelques secondes. Tu n’as pas le droit de décider si je vais regretter de t’aimer et tu n’as pas le droit de me fuir. Je vais t’empêcher de partir jusqu’à ce que tu cèdes, alors il vaut mieux pour toi de céder rapidement ! » Min Ah avait confiance en ses sentiments. Elle était certaine de l’aimer assez pour combler toutes les peurs qu’ils pouvaient ressentir. Qu’on appelle ça de l’immaturité s’il le fallait, mais si cela devait arriver, Min Ah préférait mille fois souffrir de la disparition de Tae Woo après avoir été heureuse à ses côtés que devoir subir le départ de Tae Woo avant même d’avoir pu l’aimer librement. « Je t’aime Tae Woo. » affirma t-elle, cette fois-ci sa voix bien plus confiante qu’avant. « Je t’aime trop pour oser envisager un quelconque bonheur en te laissant juste partir comme ça. » Alors elle ne le laisserait pas partir.

( Pando )

Min Ah pouvait observer le changement de regard de Tae Woo. Elle l’avait tellement regardé qu’elle remarquait tout chez lui, désormais. Elle lisait dans son regard clairement, elle savait que ses mots avaient un effet. Peut-être que si elle avait remarqué avant que ses sentiments étaient réciproques, ils n’en seraient pas là maintenant – mais peut-être que justement, si elle l’avait su plus tôt et s’était déclaré plus vite, Tae Woo n’aurait pas été prêt du tout et l’aurait définitivement rejeté, de sorte à ce que rien ne reste entre eux.

Elle avait été la première à lui dire que toutes les blessures guérissaient avec le temps. Que c’était justement pour ça qu’il devait soigner la sienne, que peu importe combien cela semblait insurmontable, rien ne l’était. Mais là, dans l’immédiat, les mots qu’elle avait prononcés et les règles qu’elle avaient donné en disant que jamais aucune blessure n’était immortelle venaient de trouver une exception. Parce qu’elle en était sûre, si Tae Woo partait vraiment et si aujourd’hui était réellement la dernière fois qu’ils se voyaient, elle ne s’en remettrait pas. Elle avait vécu des ruptures. Elle avait déjà souffert d’une rupture. Elle s’était relevée d’une grande chute en perdant ses parents. Mais à force de rouvrir les cicatrices, elles ne se refermaient plus. Et là, vraiment, elle était certaine que ce serait la fois de trop.

Alors oui, peut-être qu’avec le recul et les années passant, elle aurait réussi à faire sa vie même sans Tae Woo. Sans aucun doute, c’était l’instant présent et les sentiments puissants du moment qui la faisaient penser que jamais elle ne se remettrait de son départ. Bien sûr qu’elle aurait fini par s’en remettre, s’il était réellement parti. Mais ça n’avait pas d’importance, parce que quoi qu’il arrive, elle ne voulait pas avoir à vivre ça. Elle ne voulait pas que Tae Woo fuit, elle ne voulait pas se séparer de lui. Elle ne retrouverait jamais quelqu’un comme lui, c’était certain, et personne ne pourra jamais remplacé la place qu’il avait pour elle. C’était la première personne, en dehors de son frère, qui semblait la comprendre totalement – parce qu’ils partageaient la perte de quelqu’un de très proche, et ce même si lui ne le savait pas encore vraiment – parce qu’ils étaient différents mais complémentaires. Et surtout, parce que, à cet instant-là, Min Ah ne voyait que Tae Woo. Elle ne voyait que ses yeux, que ses larmes, que lui.

Quand elle sentit les bras de Tae Woo l’entourer et son corps contre le sien, tous les poids du monde semblaient s’être soudainement envolés. Elle sentit pleins de choses dans son ventre, les fameux papillons. Elle avait la sensation qu’elle n’aurait plus jamais faim, plus jamais besoin de rien d’autre que Tae Woo. Elle prit une grande respiration et sentit l’odeur de Tae Woo emplir ses narines. Elle ferma ses yeux et plaça ses bras autour de Tae Woo, comme si elle le consolait de la tristesse qu’il avait éprouvé en se forçant à essayer de fuir. « Alors ça suffit. Si tu m’aimes, ça suffit. Je te promets que rien de malheureux nous arrivera. Je ne laisserai rien de malheureux nous arriver. » murmura t-elle. Plus que jamais, elle était confiante. C’était sans doute stupide et idéaliste de dire que l’amour pouvait battre tout. Même Min Ah ne pouvait pas dire de tels mots sans être embarrassée. Mais à l’instant, elle avait l’impression qu’elle pouvait tout battre tant qu’elle était avec lui. De la même façon qu’un animal était prêt à tout pour trouver à manger s’il était affamé, Min Ah était prête à tout pour rester aux côtés de Tae Woo. Parce qu’elle avait autant besoin de Tae Woo que l’animal avait besoin de sa nourriture.

( Pando )

Est-ce que cela suffisait réellement ? Il s’était passé beaucoup trop de choses en si peu de temps pour que cela semble réel. Déjà, elle avait eu du mal à se dire que le message de Tae Woo était un vrai. Ensuite, elle avait pensé que l’homme qu’elle avait sous ses yeux risquait de s’évaporer à toutes secondes, comme s’il n’était qu’une illusion. Puis, il avait dit à Min Ah ses sentiments, avant de réellement disparaître, ou du moins de menacer de disparaître puisqu’elle n’avait pas laissé ça se faire. Et finalement, elle se retrouvait blotti dans ses bras, comme si au final, c’était ce que tous les deux avaient souhaité pendant si longtemps mais n’avaient jamais osé faire. Oui, c’était sans aucun doute vrai. Cela faisait un moment que Min Ah s’était aperçu de la place que Tae Woo avait pris dans son coeur, lentement mais sûrement. Elle n’avait rien dit parce qu’elle connaissait les blessures de Tae Woo et parce qu’avec ces dernières, elle avait douté que ses sentiments soient réciproques. Elle ignorait depuis quand elle l’aimait exactement, mais ce qui lui paraissait encore plus mystérieux, c’était depuis quand il l’aimait aussi. Elle n’était pas une bonne menteuse, alors sans doute que quelqu’un d’extérieur et de perspicace aurait pu voir rapidement que Min Ah n’était pas neutre face à lui, mais lui avait su correctement cacher ce qu’il ressentait, si bien que ça avait été impossible de lire à travers ce regard qu’elle pensait connaître par coeur.

Sentir Tae Woo s’éloigner légèrement l’effraya – elle eut de nouveau peur qu’il s’en aille, annulant ce qu’il venait de dire – mais cela lui permettait de pouvoir le voir, de pouvoir détailler son visage. Et en regardant droit dans ses yeux, elle comprit que non, il ne prévoyait pas de fuir une nouvelle fois. Elle leva ses deux mais pour les mettre sur le visage de Tae Woo et sécha les quelques gouttes qui avaient coulé sur son visage. À sa question, elle se contenta de hocher la tête et de sourire. Elle le lui promettait. Et elle savait que si la vie en avait décidé autrement, toutes les promesses du monde ne suffiraient pas à empêcher la vie de faire telle qu’elle le voulait, mais elle s’en fichait. Ce dont ils avaient tous les deux besoin, c’était d’être rassurés et d’être ensemble, non pas d’être réalistes. Peut-être que leurs visages n’avaient jamais été aussi proche – ou peut-être que si, puisque c’était déjà arrivé qu’ils finissent à proximité de l’autre sans le chercher – mais cette fois, cette proximité n’embarrassait pas Min Ah. Puisque les choses étaient claires, c’était confortable de se sentir près de lui, rassurant. Elle pourrait y rester des heures, à regarder son visage. Ses yeux louchèrent légèrement sur les lèvres de Tae Woo. Elle avait déjà imaginé les embrasser, mais elle ne ferait pas le premier pas pour ça. Pour diverses raisons, dont le fait que Tae Woo n’avait sans doute jamais eu de vrai relation amoureuse depuis bien plus longtemps qu’elle. On pouvait dire ce qu’on voulait, elle restait plus âgée que lui et elle le prenait en considération. Après tout, elle avait toujours vu Tae Woo comme un enfant qui se remettait d’une blessure et elle ne voulait pas trop le brusquer. C’était déjà suffisant qu’il n’ait pas fui, qu’il accepte de s’engager avec elle. Elle n’en réclamerait pas plus pour aujourd’hui. « Au final, heureusement que je n’ai pas pris de parapluie ! » s’exclama t-elle avec un petit rire, pour changer de sujet, peut-être légèrement gênée par ce à quoi elle venait de penser.

( Pando )