Soo Hwan était immature mas loin d’être stupide. Si l’observation n’était pas son fort et si le tact n’était pas son talent, il savait quand même ressentir les choses. Il faisait d’ailleurs beaucoup confiance à son ressenti, sans doute trop, parce que le ressenti était trompeur – on voyait les choses comme on voulait les voir, pas comme c’était logique de les voir. Dès le début, avec Eun San, il avait senti que les deux s’entendaient particulièrement bien, qu’il y avait une sorte de complicité un peu différente qu’avec les autres filles. Ça n’avait pas pris de temps pour que Soo Hwan s’attache à elle différemment, pour qu’il sente parfois l’envie de la prendre dans ses bras, l’envie d’agir avec elle comme on agirait avec une petite amie et non pas une simple amie. Il ne se mentait pas à lui-même. Il savait que ce n’était pas anodin de la trouver si belle tout le temps, de vouloir passer plus de temps avec elle, de penser à elle souvent quand ils n’étaient pas ensemble. Soo Hwan était d’ailleurs un garçon qui exprimait ses sentiments spontanément, parce qu’il avait déjà perdu l’occasion de le faire avec son grand-frère et encore maintenant, ça le hantait. Pour autant, c’était beaucoup plus difficile de dire « je t’aime » à une fille qu’on aimait qu’à une simple amie. Par moments, il sentait bien qu’il n’était pas le seul à se sentir bien en la présence de Eun San. Ça lui arrivait de voir quelques regards en coin qui n’avaient pas lieu d’être s’ils étaient juste amis, quelques rougeurs qui n’étaient pas dues à la chaleur. Mais aussi bien que par moments, ça lui paraissait évident que ses sentiments étaient partagés, d’autre fois le pessimisme le rattrapait : et s’il ne voyait que ce qu’il voulait voir ? C’était ce pessimisme qui l’avait empêché de dire ses sentiments jusqu’à maintenant, cette timidité qui ne sortait que dans ces moments-là, ce doute omniprésent. Or, ces trois sentiments semblaient presque absents ce soir-là, peut-être grâce à l’alcool. Soo Hwan n’avait de yeux que pour elle, pour elle et ses sourires, elle et ses regards en coin, elle et ses petites rougeurs, elle et sa concentration, elle. Il n’avait même pas fait attention à son spare, il n’était même pas déçue qu’elle ait eu la chance de faire tomber les dernières quilles restantes. De base, il était pourtant bien là pour jouer au bowling, et pour gagner puisqu’il aimait ça, mais que ce soit l’alcool, ses sentiments pour Eun San ou les deux, il semblait avoir complètement oublié le contexte. « Bravo, bravo ! » dit-il en souriant en la voyant se retourner vers lui. L’enjeu n’était plus du tout de gagner, son esprit compétiteur d’il y a quelques minutes avait complètement disparu. Il jouait pour jouer, il jouait pour passer du temps avec elle. Il prit la première balle et fit semblant de se concentrer quelques secondes, alors qu’il laissait en fait le destin décider de son sort. De toute façon, il n’y connaissait pas grand-chose, en bowling. La boule roule seulement quelques centimètres avant de partir sur le côté, dans la gouttière. Soo Hwan se mord la lèvre, plus par réflexe que par réelle déception, et se tourne vers Eun San en rigolant. « Bon... eh bien je crois qu'il est temps pour moi de déjà déclarer forfait ? » s'exclama t-il.

Réussite : Dieu est avec lui et quatre quilles tombent (c’est déjà pas mal)
Échec : La boule part directement dans la gouttière, c’est un échec cuisant

( Pando )

tu voulais mettre tes réactions et les pensées que tu avais sur le compte de l'alcool, après tout vous aviez bu pas mal de verres jusqu'à maintenant, tu t'es laissée entraîner pour justement oublier que ce que tu ressentais pour lui ça allait bien plus loin que de la simple amitié. mais et lui alors ? tu savais même pas ce qu'il ressentais. peut-être qu'il ne te voyait que comme une amie, une partenaire du club de basket avec qui il passait du temps en bons copains tout simplement. tu doutais et pourtant il y avait des moments où tu voulais y croire, tu l'espérais tellement que ce n'était pas juste ton imagination qui te jouait des tours, que c'était bien cette lueur si particulière dans le fond de ses pupilles. t'étais pas douée en amour eun san, tu n'avais pas eu de nombreuses relations – si on pouvait appeler ça des relations d'ailleurs – pour être honnête avec toi-même, soo hwan était sûrement ton premier amour, le premier garçon pour qui tu avais de réels sentiments. ça devait expliquer pourquoi tu étais si nerveuse à l'idée de savoir, s'il ne ressentais pas les mêmes émotions que toi, ça va faire mal, très mal. en attendant tu chasses les doutes et les questions de ton esprit, tu avais un jeu à gagner, ton esprit de compétition qui prend le dessus, c'était comme la fois où il t'avait trouvé sur le terrain de basket. les conseils qu'il t'a donné, tu les gardes toujours dans un coin de ton cœur, parce que c'était le début de votre amitié, le début de vos conversations, de vos moments passés ensembles. ce soir, tu retrouvais avec une certaine nostalgie cette sensation de déjà-vu. tes boules que tu lances, et tu ne peux cacher la satisfaction de ton visage, tu tangues un peu sur tes jambes mais tu tiens debout, tu es présente dans cette partie. un sourire qui illumine ton visage face aux félicitations du jeune homme, tu te tournes vers lui avant de lui adresser un clin d'oeil. « merci soo hwan, je m'attendais pas à faire ça dès le début. » t'avais voulu faire la fière avant, mais au final c'était surtout la chance qui commandait. soit tu réussissais soit tu étais bonne pour voir tes boules partir dans la gouttière régulièrement. quand soo hwan lance sa boule, tu te mords la lèvre pour ne pas rire, tu ne voulais pas qu'il croit que tu allais te moquer de lui, ce n'était pas ton intention. « mais non il te reste un deuxième tir pour te rattraper. » c'est ça qui était bien avec le bowling, tu avais deux tirs à chaque fois. et tu avais raison de le dire parce qu'au deuxième essai, soo hwan fait tomber huit quilles, tu sautes par réflexe vers lui, un grand sourire aux lèvres. « tu vois qu'est-ce que je disais ! » tu t'exclames en jouant avec un de ses bras que tu avais attrapé. c'était à ton tour maintenant, tu prends une profonde inspiration. pitié que ce n'était pas juste un coup de chance !

( Pando )

La soirée battait son plein et l’alcool, même s’il était toujours présent dans les veines de Soo Hwan, commençait à perdre un peu son effet. Il avait mieux conscience de ce qui se passait et il se rendait désormais parfaitement compte qu’il venait de perdre complètement face à Eun San. La jeune femme venait en effet de lancer son dernier tir qui, sans réelle surprise, fit tomber toutes les quilles et elle se retourna avec un immense sourire sur le visage. Même sans ce strike, il était déjà certain qu’elle avait gagné : Soo Hwan avait misérablement montré son incapacité en ne renversant que une ou deux quilles à chacun de ses lancés. Si l’idée de perdre était toujours désagréable, surtout pour n esprit compétitif tel que Soo Hwan, joueur de basket-ball, il se dit que ça valait la peine de perdre s’il pouvait voir Eun San afficher un si grand sourire victorieux.

En effet, le jeune homme ne pouvait plus du tout nier les sentiments qui l’habitaient. Cela faisait déjà un moment qu’il avait remarqué que Eun San était plus importante à ses yeux qu’elle ne devrait l’être. Sincère avec lui-même, il ne pouvait que remarquer qu’il appréciait sa présence, que son coeur s’emballait quand ils étaient trop proches, qu’il souriait rien qu’en la voyant sourire et qu’il ne remarquait qu’elle même quand ils étaient entourés d’une foule. C’était encore plus le cas ce soir-là, alors qu’ils étaient seuls tous les deux. Bien entendu, Soo Hwan n’y connaissait pas grand-chose en sentiments amoureux : il n’avait qu’une seule ex et c’était à une époque où sortir ensemble était encore assez flou. Au final, ce qu’il avait ressenti envers son premier amour était différent de ce qu’il ressentait actuellement envers Eun San et à cause de ça, il s’était dit au début qu’il se méprenait peut-être, ou que c’était l’effet de l’alcool.

Cependant, à l’instant présent, alors qu’il se réveillait un peu de son ivresse alcoolique, c’était une autre ivresse qui s’emparait de lui. Jamais ses sentiments ne lui avaient paru aussi évident que dans l’immédiat, alors qu’il souriait bêtement en la voyant célébrer sa victoire. Décrire les sentiments amoureux était toujours très compliqué et même lui, qui passait beaucoup de temps à écrire, ne saurait mettre les mots exacts sur ce qu’il ressentait. C’était une sorte de chaleur, pas désagréable mais relaxante et chaleureuse, qui l’habitait. Elle n’était qu’à un mètre de lui mais elle paraissait trop loin et il lui semblait que toute la proximité du monde ne suffirait pas à le satisfaire. À cela, se mélangeait aussi une sorte d’anxiété : la soirée touchait à sa fin, ce qui signifiait que ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils ne se séparent. Et quelque chose lui dictait avec force que c’était maintenant ou jamais, qu’il regretterait s’il ne profitait pas de cette soirée pour être sincère envers la jeune femme. Il devait profiter d’être sûr de lui, parce qu’il savait que les doutes le gagneraient de nouveau dès le lendemain.

Son sourire disparut alors qu’il regardait Eun San droit dans les yeux. Il ne savait pas comment le dire : il ne trouvait ni les mots exacts, ni le courage pour le faire. Il voyait l’expression curieuse que la jeune femme affichait face à la soudaine ambiance sérieuse qu’il avait créé et il ne pouvait plus y échapper. À l’idée qu’il devait le faire, son coeur s’emballa et des milliers d’images se créèrent dans sa tête, le forçant à réaliser que les quelques secondes qui suivraient devenaient décisives. Jamais leur relation ne redeviendrait comme avant après qu’il se soit déclaré. Mais bien que la peur l’habitait, Soo Hwan ne connaissait que trop bien les regrets de ne pas avoir su exprimer ses sentiments au moment et ne voulait plus jamais les revivre.

Après de longues secondes de flottement causées par l’incapacité du jeune homme à user de sa voix, il parvint finalement à parler. « Eun San, tu veux sortir avec moi ? » Sa voix tremblait et trahissait combien son coeur s’emballait. Soo Hwan n’y connaissait rien en relation amoureuse, il ne savait pas si c’était le bon endroit pour le faire, ni le bon moment, il avait simplement agi sous l’impulsion de ses sentiments, sous l’ordre de cet instinct qui lui avait dit que c’était maintenant ou jamais. Il ne savait pas si les gens se déclaraient comme ça, ni si tout le monde se sentait aussi nerveux au moment d’être sincère. « Je pense que je t’aime. » compléta t-il, le visage infiniment sérieux. « Non. Je suis sûr que je t’aime. », se corrigea t-il. C’était absolument certain. Si ce n’était pas le cas, il ne se sentirait pas aussi effrayé à l’idée qu’elle le rejette et qu’ils ne puissent plus être ensemble.

( Pando )