"Connasse !" "Salope !" "Vipère !" Ce que les gens savent être créatifs quand il s'agit d'insulter quelqu'un. Ca fait toujours autant sourire Jae Na, parfaitement immunisée contre ce qui peut blesser. Ne dit-on pas que la meilleure défense, c'est l'attaque ? Elle l'a appris à ses dépends, Jae Na. Toujours seule, elle ne peut compter que sur elle-même. Peut-être qu'elle serait différente si c'était sa mère qui avait récupéré sa garde lors du divorce... Mais papa a plus d'argent, une situation plus stable, tout est idéal pour élever une petite fille unique. Mais en réalité, c'est plus une descente aux enfers qu'elle a eu droit. Il est loin le temps où Gangneung rimait avec bonheur insouciant. L'écume des vagues qui s'écrase sur le sable fin des côtes. Ses petits pieds qui s'enfoncent, enlisés par le sel de la mer. Elle veut dormir dans un paradis blanc, Jae Na. Mettre sa vie en suspens, et rêver de ne jamais être devenue la femme qu'elle est aujourd'hui.

Elle n'a plus beaucoup de souvenirs de sa mère. Elle sait juste aujourd'hui qu'elle tient un petit restaurant de fruits de mer sur Gangneung, alors qu'elle a quitté sa ville natale avec son père après le divorce. Elle y aura vécu dix ans, de quoi se forger de précieux souvenirs. Mais c'est catastrophique, Jae Na ne saurait même plus décrire sa mère physiquement. Son visage est aujourd'hui devenu un mystère, et la demoiselle ne fait rien pour arranger les choses. Aller voir sa mère d'elle-même, malgré qu'elle soit majeure ? Pff. A quoi ça sert, la loi a décidé qu'elle grandirait avec son père, et peut-être que rentrer dans ce jeu-là cache en réalité un manque affectif bien trop évident. Elle est méchante Jae Na, même envers sa famille, et peut-être même envers elle-même.

Papa a fait carrière dans l'import-export de pêche, et malgré qu'elle ait été surnommée "la fille poiscaille", Jae Na n'en a cure. Si elle peut s'acheter toutes ces fringues, toutes ces chaussures et payer ses études prestigieuses à Yonsei, c'est grâce à tout ce poisson que Papa réussit à vendre à l'étranger. Ce que l'être humain peut être idiot. Critiquer ce que l'on peut envier le plus, Jae Na tente de le comprendre, mais elle passe plus son temps à s'en moquer. Elle est riche, et ne s'en cachera jamais. C'est qu'elle en a de la rancoeur, Jae Na. Tout d'abord envers son père indirectement, qui achète son amour avec de l'argent ou des babioles. Un père absent, et elle lui en veut au plus profond de son être, inconsciemment. Peste le jour, malheureuse la nuit, en réalité personne n'a vraiment cherché à briser sa carapace, tout simplement parce que Jae Na n'en laisse jamais l'opportunité.

Ses mots sont du poison. Son regard est de glace, et ses ongles des serres. Jae Na répand le mal avec tant de facilité, sans jamais se remettre en question. Briser des couples, draguer le mec d'une autre devant son nez, descendre en flèche la réputation de quelqu'un qui lui aurait simplement coupé la route, Jae Na n'est l'amie de personne, et ne veut être amie avec personne. Parce qu'elle ne compte que sur elle-même, et elle sert ses propres intérêts. Bien sûr qu'elle croit au karma. Elle l'attend de pied ferme, fière, altière. Et un jour, elle tuera l'ego qui lui fait croire qu'il n'y en a pas.