T’as pas énormément de souvenirs de ton enfance. C’est un peu comme si ton esprit avait décidé d’annihiler toutes les souffrances que t’as pu ressentir de l’absence de tes parents dans ta vie. Ils étaient là, ils prenaient soin de toi mais ils ne te parlaient pas, ils ne te regardaient pas. T’étais bavarde petite mais t’as bien vite remarqué que c’était pas avec tes parents que tu serais arrivée à avoir une véritable discussion et t’en as énormément souffert. La pauvreté, tu l’as connue dès le bercail et t’étais de ces rejetons que tout le monde évitait ; tes vêtements étaient pas assez propres, t’avais pas assez de jouets pour avoir des amis ; ou c’était juste parce que c’était toi, que t’avais ce comportement depuis le début. T’étais mauvaise, que tes parents te répétaient toujours. Une bouche de plus à nourrir, un monstre qui n’aurait jamais dû naître. T’as pas beaucoup de souvenirs de ton enfance, juste celui de t’isoler seule pour danser, ce chaton sauvage que tu avais recueilli en cachette et le goût fruité du bonbon qu’une enfant comme toi t’avait offert un jour en apprenant que c’était ton anniversaire. T’en gardes un souvenir vivide alors que c’est pas grand chose au final. T’as l’habitude de goûter un de ces bonbons à chaque fois que ton anniversaire arrive, un peu comme un rituel qui te réconforte.


T’es de ces enfants qui ont grandi trop vite, qui ont pas eu la chance d’avoir du temps pour jouer innocemment. à peine entrée dans l’adolescence t’as dû trouver une façon d’être indépendante : t’avais pas l’impression de vraiment vivre, enchaînée à un quotidien que tu détestais entre les cours qui t’intéressaient pas, ton entourage que tu ne portais pas dans ton coeur et les innombrables heures de travail mal payé que tu n’assumais pas. C’était ta vie à présent et t’avais aucun moyen d’en sortir si tu voulais survivre et garder ce toit au dessus de ta tête. Tu rêvais d’une vie où tu serais capable de briller, tu voulais être suffisamment forte pour continuer à rêver et c’est ce que t’as fait en continuant de danser, en utilisant tes économies pour te payer des cours quitte à ne pas être capable de manger ensuite.

Drôle d’étape de la vie où t’es devenue irritable, perturbée. Tu rejetais ta colère sur les filles de ta classe, t’avais aucune raison d’être aussi agressive mais t’étais pas non plus dans le bon état d’esprit pour le remarquer. T’as eu tes premiers copains mais t’as jamais senti ton coeur palpiter une seule fois : tu te dis que t’avais pas le temps de penser à l’amour, que t’étais trop brisée pour ressentir quelque chose d’aussi beau. T’as eu tes premières cuites, tes premières cigarettes, t’es rentrée dans un cercle vicieux, entourée de personnes que t’aurais probablement jamais dû fréquenter. Ils étaient comme toi, brisés, différents.


Tes efforts n’ont pas été inutiles puisque t’as réussi à décrocher une bourse d’études pour poursuivre tes études à Yonsei, ton talent repéré via des vidéos que tu postais régulièrement sur les réseaux sociaux. Tout allait mieux dans ta vie, t’adorais ta vie d’étudiante à présent et t’as même réussi à te faire quelque amis avant que la réalité sur ce que t’étais éclate au grand public : des rumeurs qui ont circulé sur ton comportement violent envers tes anciennes camarades de classe ; des informations qui ont été exagérées, amplifiées, mélangées à des mensonges qui n’ont fait qu’empirer la situation. T’as presque perdu ce que t’avais de plus précieux dans la vie et t’avais personne d’autres à blâmer que toi même.


Pourtant, ça n’a rien changé à ton comportement. Au contraire, tu t’es d’autant plus imprégnée de ce cynisme qui a fait éloigner tous tes proches. Tu t’es concentrée sur tes cours et tes nombreux jobs étudiants en pensant que t’avais besoin que de ça pour être heureuse. Depuis cette période sombre de ta vie, t’as réussi à regagner un peu de popularité. T’as un but précis dans la vie et t’arrive pas encore à faire confiance aux autres, à les laisser entrer dans la vie. T’es encore cette ado en galère, perdue et fragile. Même si tu penses aller bien, ton cœur est malade. T’arrive pas à accepter que t’es toujours pas heureuse, que t’as toujours ce vide en toi qui a besoin d’être comblé, ces vérités que t’as pas envie d’accepter, que c’est pas seulement à cause de l’argent ni de la faute de tes parents si t’es si mal. T’es assaillie par toutes ces insécurités qui te noient et tu penses pas pouvoir sortir la tête hors de l’eau un jour.