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Tu étais en retard. Tu n'étais jamais en retard, ou alors vraiment très rarement. Ce qui en revient presque au même. Tu avais tout juste eu le temps d'attraper tes livres de cours avant de sortir de ta chambre et de courir vers l'amphithéâtre. En plus tu trouvais le moyen de te perdre. Tu as dû demander ton chemin à deux étudiants en gestion qui t'ont indiqué la direction opposée. Fantastique. Tu repartis donc dans l'autre sens. Tu ne comptais même plus le nombre de têtes qui se tournaient sur ton passage. Certains devaient penser halluciner en voyant une fusée rose leur passer sous le nez. Tu détestais ça, être en retard. Si ton alarme n'avait pas soudainement décidé de faire grève, tu n'en serais pas là, essoufflée, les cheveux en bataille et toujours à deux doigts de faire tomber tes livres. Finalement arrivée dans le bon bâtiment, tu reçu un message d'une de tes camarades de classe. Hallelujah! Votre prof était lui aussi en retard! Ralentissant automatiquement, tu reprenais doucement ton souffle tout en continuant ton chemin, un sourire soulagé sur les lèvres. Tu renvoyais un message de remerciement, les yeux fixés à ton téléphone sans faire attention à ce qui pouvait bien se trouver devant toi. Et ce qui devait arriver, arriva. BOUM. Tu te pris un mur. Enfin, tu croyais que c'était un mur, puis tu as réalisé que c'était un être humain. T'excusant à profusion, tu t'empressais de ramasser tes livres tombés sous le choc de la collision. Quand tu levas finalement le regard vers la personne que tu venais de bousculer. Le temps s'arrêta. C'était lui. C'était Jin Hyun. L'espace d'un instant, tu croyais rêver. Ce n'était pas possible, pas vrai? Ce n'était pas vraiment lui. Et pourtant, si. Tu en avais même arrêté de respirer. Tu devais avoir l'air d'un poisson rouge, avec ton air hébété, la bouche entre-ouverte, incapable de dire quoi que ce soit. Tu ne pouvais que le fixer. Incrédule. Prise de cours. Tu avais déjà imaginé vos retrouvailles. D'un millier de façons différentes. Tu pensais que tu serais prête, depuis le temps. Mais maintenant que ça arrivait pour de bon, tu te rendais compte à quel point tu étais loin de l'être. Ça ne faisait pas longtemps que tu étais de retour, et tu avais déjà essayé de savoir où tu aurais pu le trouver. Et voilà que sans rien demander, le voilà devant toi. Bon sang tu venais carrément de lui rentrer dedans! Tu voulais dire quelque chose, mais rien ne semblait venir. Un grand vide s'était installé dans ta tête. C'était comme si Méduse t'avait pétrifiée de ses yeux implacables. Et maintenant, quoi?

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Son premier cours de la journée ne commence que dans un peu plus de deux heures. Pourtant, il est déjà là. Comme à son habitude depuis qu'il travaille à la Yonsei, il est arrivé plusieurs heures en avance pour pouvoir revoir certains pas de la chorégraphie, avant que ses étudiants n'arrivent. Chose plutôt surprenante venant de lui. Faut dire que Jin Hyun n'a jamais été un étudiant très assidu, du temps où il était encore élève en ces lieux. Sûrement parce que ce qu'il faisait à l'époque ne l'intéressait guère. Commerce et communication internationale... A son arrivée à l'université, il n'avait pas tellement eu d'autres choix de cursus. Non pas parce que rien d'autre ne l'intéressait. Au contraire, si ça n'avait tenu qu'à lui, il se serait sûrement tourné vers un cursus artistique. Mais c'est son père qui mettait la main au porte monnaie et si les études n'ont jamais été le point fort de Jin Hyun, celui-ci était quand même conscient qu'avoir un diplôme en Corée relevait presque de l'obligation. Alors il a dû se résoudre à faire ce que son père voulait, pour ne pas se retrouver sans rien. Du moins, ce fut le cas, jusqu'à ce qu'une troupe de danseurs, aujourd'hui plutôt renommée en Corée, lui donne l'opportunité de pouvoir enfin vivre de sa passion et lui offre son billet pour une indépendance totale. Et ne plus dépendre de son père, autant vous dire qu'il en rêvait depuis des années... Alors quand cette opportunité s'est présentée à lui, il n'a pas hésité. Il a tout abandonné pour enfin pouvoir voler de ses propres ailes. Et le voilà ici, aujourd'hui, à jouer les professeurs à temps partiel dans cette université qu'il a presque quitté sur un coup de tête, trois ans auparavant. Si on lui avait dit, à l'époque, il aurait sûrement ri au nez de la personne. Lui, professeur ? Quelle bonne blague. Et, pourtant, c'est bel et bien arrivé. Jin Hyun est devenu professeur. Il semblerait même, contre toute attente, que cette activité lui plaise beaucoup. En témoignent d'ailleurs son assiduité et les heures qu'il consacre à ce tout nouveau poste, malgré son emploi du temps déjà très chargé avec la troupe. Sur le chemin de la salle, le jeune homme se repasse d'ailleurs la chorégraphie en boucle dans sa tête, se remémorant ainsi les quelques parties qu'il lui faut retravailler. Mauvaise idée, cela dit, puisque bien trop perdu dans ses pensées, il ne voit pas arriver la tête rose en face de lui. Aoutch. Grimaçant légèrement au moment de la collision, Jin Hyun réprime un juron. Évidemment, il fallait s'y attendre. Cette journée avait, hélas, beaucoup trop bien commencé. Le fait de ne pas se retrouver bloqué dans les embouteillages pour venir jusqu'à la Yonsei aurait déjà dû lui mettre la puce à l'oreille. Mais que voulez-vous ?! Laissant échapper un soupir, il observe la jeune femme, tandis que cette dernière s'emploie à ramasser ses livres, puis il se penche à son tour pour en récupérer un qui a glissé jusqu'à ses pieds, avant de le lui tendre quand, de nouveau, elle lui fait face. Ils auraient alors pu s'en tenir à ces quelques « convenances » mais, pour x raison, quand leur regard se croise enfin, la demoiselle se fige instantanément. Changement de comportement soudain qui ne manque pas de faire arquer un sourcil au jeune professeur qui, commençant à perdre patience au bout de plusieurs secondes, finit par agiter légèrement le livre sous le nez de la jeune femme. « Hey ho la Terre, ici la Lune ! Ton livre ! » Toutefois, devant l'air hébété que cette dernière arbore toujours, il se résout finalement à venir déposer lui même le bouquin sur la pile de livres que la jeune femme porte déjà et esquisse ensuite un faible sourire quelque peu moqueur. « T'es sûre que ça va ? » Il préfère demander, on ne sait jamais...

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Il faudrait quelqu'un pour te pincer le bras, histoire de te faire réagir, parce que parti comme c'était, t'allais pas passer pour la fille la plus éloquente de la Terre. Dire que tu étais prise de cours serait un euphémisme. En vérité, tu ne savais absolument pas quoi faire ou dire. C'est à peine si t'as eu un mouvement de recul quand il t'as agité un de tes livres sous le nez. T'aurais voulu lever le bras et le prendre, le remercier. T'aurais voulu lui sauter au cou et lui dire comme t'étais heureuse de l'avoir retrouvé. T'aurais voulu dire tellement de choses. Mais il faudrait déjà que t'arrives à sortir un son de ta bouche, et que tu bouges enfin les muscles de ton corps. T'étais même pas certaine de respirer. Bon sang. Se mettre dans un état pareil, y avait bien que toi pour le faire. Même en ayant imaginé cette scène des centaines de fois, avec ce que tu dirais et ce que tu ferais, tu étais incapable de reproduire le moindre scénario sorti de ta tête. Tu n'arrêtais pas de le scruter, comme si tu cherchais quelque chose. Pourvu qu'il ne te prenne pas pour une folle, à rester plantée comme une idiote à le fixer sans rien dire. Tu ignorais sa question. C'était pas comme si t'étais capable de répondre de toute façon. Si tu allais bien? Honnêtement t'en avais aucune idée. Ton cœur tambourinait sous le coup du stress et de la surprise. Tes pensées tourbillonnaient dans ta tête sans que tu puisses les arrêter et les mettre en ordre. Vite Eun Mi, dis quelque chose, n'importe quoi! Il n'allait pas attendre une heure que tu te décides à réagir. Il fallait que tu fasses quelque chose, et rapidement si possible. Tu perçu un mouvement de sa part. Il allait partir. Eun Mi bouge toi. Il va te filer sous le nez sans que t'ais pu faire ou dire quoi que ce soit. Est-ce que t'allais vraiment le regarder s'en aller comme ça? Après toutes ces années à te dire que tu le retrouverais, ce serait vraiment comme ça que ça se passerait? Un espoir tué dans l'œuf? Eun Mi. Bouge. Toi. Tes pieds te répondirent et tu restais devant lui, l'empêchant de passer. Tu pris une inspiration, te souvenant que oui, tu avais besoin d'air pour vivre. « Jin Hyun? » Bon ok. C'était que deux mots, et pas la meilleure introduction du monde, mais au moins t'avais son attention pour les prochaines minutes qui suivraient. Respire Eun Mi. Tout va bien. Tu cherchais son regard, resserrant tes livres contre toi, t'accrochant à eux comme à une bouée de sauvetage. « C'est-c'est bien toi? Park Jin Hyun? » Sérieusement. T'avais envie de te mettre une claque toute seule. Bien sûr que c'était lui! Tu le savais pertinemment! Pourtant le doute était omniprésent dans tout ton être et t'embrouillait l'esprit. Tu déglutis, continuant de l'observer sous toutes les coutures. Il y avait quelque chose de changé chez lui. Oui, il avait grandi, comme toi, rien de plus normal, mais il y avait autre chose. Tu te sentais minuscule sous son regard - et t'étais déjà petite en temps normal, c'est pour dire. Aller Eun Mi, un peu de courage! Ce n'était que Jin Hyun après tout! Il était toujours ce petit garçon que tu avais connu et adoré, celui qui t'avait défendue contre ces autres enfants, ce meilleur ami à qui tu avais écrit des dizaines et des dizaines de lettres. Rien de méchant ne pouvait t'arriver avec lui, pas vrai?

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Au début, le comportement de la jeune femme ne le surprend pas plus que ça. Faut dire que Jin Hyun croise de plus en plus de personnes qui le reconnaissent, depuis que la troupe a gagné en popularité. Que ce soit dans la rue, au supermarché ou quand il va prendre un bon p'tit déjeuner dans l'un des cafés du coin. Vraiment n'importe où... Et c'est d'autant plus vrai ici, à la Yonsei, dans ces couloirs qu'il a arpenté pendant près de 6 ans. On peut donc dire qu'il commence un peu à en avoir l'habitude. Et, qu'on se le dise (parce que Jin Hyun ne serait certainement pas Jin Hyun s'il n'était pas un tant soit peu moqueur), les réactions des personnes qu'ils croisent, dans ce genre de situations, ont souvent tendance à le faire marrer. Entre les personnes qui tentent de le prendre en photo et celles qui murmurent des « tu crois que c'est vraiment lui ? » à leur amie, pensant être discrètes. Ou d'autres qui, à l'image de la jeune femme ici présente, vous regardent bouche bée comme si vous veniez d'une autre planète, il y a vraiment de quoi en rire. Ceci étant dit, dans l'immédiat, au vue de l'absence de réaction chez l'étudiante qui ne prend même pas la peine de répondre à sa question, Jin Hyun en vient presque à se demander s'il ne devrait pas appeler les secours. Ou au moins l'infirmière de l'établissement. Sait-on jamais, peut-être a-t-elle pris un mauvais coup lorsqu'ils se sont foncés dedans ? Quoique, non... A bien y réfléchir, la thèse de la nana qui l'a juste reconnu et ne sait tout simplement pas comment réagir face à lui, lui semble être la plus probable. Laissant donc échapper un faible soupir, il quitte quelques secondes la jeune femme du regard, juste le temps de prendre connaissance de l'heure sur l'écran de son portable, et range ensuite ce dernier dans sa poche. Non pas qu'il soit pressé de lui fausser compagnie mais ses élèves vont se pointer dans un tout petit peu plus d'une demi-heure et il lui faut absolument revoir la chorégraphie avant... « Bon ben... Salut, hein ! » finit-il donc par lâcher, s'apprêtant à reprendre son chemin. Toutefois, le danseur est stoppé dans son élan quand la jeune femme se poste juste devant lui, l'empêchant d'avancer. Le sourcil légèrement arqué, surpris de la voir enfin réagir, il l'observe donc, la moue interrogatrice, avant de lui répondre : « Oui, c'est bien moi... » Qui d'autre ?! « On s'connait ? » Bonne question ! D'ailleurs, il n'y avait pas vraiment fait attention au départ, mais après l'avoir observé plusieurs secondes, il est presque certain d'avoir déjà vu son visage quelque part. Où, cela dit ? Ça aussi c'est une très bonne question. Et comme la jeune femme semble avoir de nouveau perdu l'usage de sa langue, Jin Hyun finit tout simplement par lâcher, quelque peu moqueur :  « Ah, c'est bon, j'ai compris ! T'es une de mes fans, c'est ça ?! » Cependant, même si le jeune homme est loin d'être sérieux, ceci pourrait finalement expliquer beaucoup de choses quand on y réfléchit bien. Comme le fait, par exemple, qu'elle donne clairement l'air d'avoir vu le Messie. Ou le fait qu'il eut déjà vu son visage quelque part, par le passé...

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Bon. T'avais déjà réussi à retenir son attention, c'était une bonne chose. Mais question introduction, t'étais vraiment pas au point! Même lui semblait amusé de ta réaction. Au moins tu le faisais pas flipper, c'était déjà ça pas vrai? La surprise passée, tu essayais de trouver tes mots. Qu'est-ce qu'on pouvait bien dire dans une situation pareille? Salut, c'est moi, la gamine avec qui tu jouais y a seize ans, tu te rappelles? Non, peut-être pas. Quoique? Il ne semblait pas te reconnaître... Est-ce qu'il t'avait vraiment oubliée? Et si c'était le cas? T'allais faire quoi? Non, Eun Mi, reprends toi! Tu t'étais même pas présentée encore, il ne fallait pas sauter aux conclusions trop vite. Il acquiesça à la question dont tu connaissais déjà la réponse. Tu le savais que c'était lui. Si vous vous connaissiez? Peut-être bien qu'il t'avait oubliée finalement ... Tu te reperdis dans tes pensées quand tu entendis son ton moqueur. Ça t'avait fait réagir automatiquement, comme un vieux réflexe. « Non! Enfin .... si! C'que tu fais c'est vraiment génial! T'as beaucoup de talent! » Tu lâchas un soupir, exaspérée par ta propre personne. C'était vrai qu'il en avait, et quand t'avais vu ses vidéos t'avais pas pu t'empêcher de ressentir de la fierté. Et c'était sans parler de ta mère! « Je ... en fait, oui. On se connait. » Tu progressais, c'était bien! T'arrivais enfin à parler normalement. Il fallait juste que tu passes le choc, et c'était parti. Tu repris un semblant de contenance, le fixant d'un air encore peu sûre de toi. Autant se lancer directement. « C'est moi, Eun Mi... ? » Tu savais pas si en entendant simplement ton prénom il allait te remettre. « Byeol Eun Mi ? » Tu le scrutais attentivement, analysant la moindre de ses réactions. Est-ce que tu avais vraiment disparue de sa mémoire, de ses souvenirs? Est-ce qu'il allait te dire que tu te trompais de personne et s'en aller comme ça? Est-ce qu'il allait te rire au nez? Ou t'envoyer balader? Au point où tu en étais, peu importait ce qui allait se passer. Tu l'avais retrouvé, t'allais pas le laisser filer maintenant! Tu décelais une incertitude dans ses yeux. Comme s'il fouillait dans sa mémoire. Tu décidas de l'encourager. « Ma mère était ta nourrice jusqu'à tes onze ans, on était amis, tu ... tu te souviens ? » T'étais prête à lui ressortir tout ce dont tu pouvais te souvenir de cette époque. Les jeux vidéos. Le parc. T'étais même capable de courir jusqu'à ta chambre pour récupérer ta boîte à chaussures et y retrouver les quelques photos que tu avais de vous deux enfants. Si ça pouvait l'aider à se souvenir, tu n'hésiterais pas une seule seconde, quitte à passer pour plus folle que tu ne semblais déjà l'être!

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Si cela ne fait que quelques petites minutes qu'ils sont là, au beau milieu de ce couloir vide, Jin Hyun commence sérieusement à trouver le temps long. C'est qu'il n'est pas forcément très patient, le bonhomme. Et puis, il a des choses bien plus importantes à faire que rester planter là, à regarder la jeune femme qui lui fait face dans le blanc des yeux. D'ailleurs, pour être honnête, ça devient légèrement embarrassant, tous ces longs silences entre deux phrases prononcées. Non pas qu'il préfère les discussions plus animées. Ce n'est pas son genre non plus... Mais, pour le coup, le jeune professeur ne dirait pas non à ce que l'on vienne l'extirper de cette situation, ni vu ni connu. Cependant, pile au moment où l'idée de lui fausser compagnie traverse une nouvelle fois son esprit, la langue de la jeune femme décide finalement de se délier et si, dans un premier temps, il est forcément flatté d'entendre quelques compliments, il ne peut néanmoins s'empêcher de lui lancer un regard intrigué. Parce que c'est vrai qu'elle l'intrigue un peu cette nana. Cela dit, s'il s'attendait à ça... Fixant la jeune femme quand elle se présente, il ne sait d'abord pas trop quoi dire, bien trop occupé à tenter de remettre ses pensées en ordre. Puis, ensuite, et alors qu'elle poursuit sur sa lancée, il a cette réaction pas du tout originale, que bon nombre de personnes auraient certainement également eu à sa place et qui consiste à regarder de façon répéter autour de soi, comme pour vérifier qu'il ne s'agit pas d'une caméra cachée. Que l'on est pas en train de se payer sa tête... Et, finalement, quand il se rend compte que c'est bien réel, qu'elle n'est pas en train de lui raconter des cracs, parce que ce serait clairement impossible qu'elle sache pour Eun Mi et pour leur passé en commun si elle n'était pas la personne qu'elle dit être, les traits de son visage se crispent, s'assombrissent, sans transition aucune, alors qu'il finit par lâcher : « Non, désolé, je ne me souviens pas. Et je ne connais pas de Byeol Eun Mi non plus. » Mais son ton, particulièrement froid, et son visage sur lequel il est possible de lire ce qui s'apparente à de l'amertume le trahissent. Car, évidemment, qu'il se souvient... Comment aurait-il pu oublier ? Pourtant, le voilà en train de feindre l'ignorance. Parce que c'est ce qu'il a trouvé de mieux à faire, dans l'immédiat. Et parce que merde, quoi ! Pourquoi a-t-il fallu qu'elle réapparaisse maintenant ?! Après toutes ces années ?! « Tu te trompes de personne. » Le visage fermé, le jeune professeur se veut catégorique. Elle se trompe de personne ! Le Jin Hyun qu'elle a connu il y a une quinzaine d'années n'existe plus... « Maintenant, tu m'excuseras mais j'ai des choses à faire. » Et sur ces mots, il contourne la jeune femme, bien décidé à lui fausser compagnie cette fois...

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La situation t'avais paru trop irréelle pour arriver à réagir correctement jusqu'à maintenant. Mais t'avais repris tes esprits, et tu comptais bien profiter de ces retrouvailles impromptues! Quand t'as prononcé ton nom, tu l'as observé tourner la tête et regarder un peu partout, t'étais pas trop sûre de ce qu'il faisait ni de ce qu'il lui prenait, si bien que toi aussi t'as regardé autour de vous, ne sachant pas trop quoi chercher. Mais tu voyais rien, alors tu t'es de nouveau concentrée sur lui. T'attendais qu'il te réponde, mais il avait juste l'air surpris et perdu, donc t'as continué sur ta lancée, évoquant des détails que vous seuls pouviez connaître. Et là t'as eu une réaction de sa part. Si c'était ce que t'espérais? Pas vraiment. Tu vis son visage se fermer en un instant. Et sa voix se fit aussi glaciale que le pôle nord. Pourtant ses mots n'allaient pas avec son expression. Si il ne te connaissait vraiment pas, pourquoi réagir comme ça? Pourquoi faire ce visage si dur? Elle sentirait presque un orage gronder tellement l'ambiance avait changée. Non. Tu ne te trompais pas. Tu savais que c'était lui. T'aurais pu douter si son regard ne trahissait pas autant ses émotions. Menteur. Tu ne pus que le regarder bouche-bée, alors qu'il te planta là, s'éloignant sans attendre que tu lui répondes. Alors ça, non... Il n'allait pas s'en tirer comme ça! Il avait déjà fait quelques mètres quand tu l'interpellas. « PARK JIN HYUN. » Il n'y avait presque personne dans les couloirs, donc tu t'en fichais si tu devais crier un peu pour qu'il t'écoute. En fait, il y aurait même pu y avoir du monde, tu t'en serais moquée de la même façon. D'un pas décidé tu le rattrapas avant qu'il ne s'échappe de nouveau. Tu le forças à s'arrêter, te plantant de nouveau devant lui, l'empêchant de passer, prête à en découdre avec lui s'il le fallait. « T'as jamais été un excellent menteur tu sais? » Ton regard planté dans le sien, tu avais laissé de côté la Eun Mi perdue d'il y a cinq minutes. Tu pris une profonde inspiration, parce que tu le voyais bien, qu'il n'était pas heureux de te voir, qu'il était en colère, amer, mais raison de plus pour ne pas le laisser partir comme ça. « Ecoute, je vois bien que t'es pas ravi de me voir mais... tu peux pas juste t'en aller et faire comme si de rien n'était. » Tu prenais sur toi, mais ça te faisait mal de le voir comme ça et de savoir que c'était de ta faute. « Et compte pas sur moi pour te laisser filer avant qu'on ait discuté. » T'étais plus déterminée que jamais. S'il avait changé, c'était aussi ton cas. Tu n'étais plus aussi passive et craintive qu'avant. Tu ne fuirais plus, c'était ta plus grande résolution.

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Il avait seulement 11 ans quand c'est arrivé. 11 ans lorsqu'on lui a enlevé l'une des personnes qui comptaient le plus pour lui. Pourtant, cela ne faisait qu'une petite année à peine, peut-être même quelques mois seulement, qu'ils se connaissaient tous les deux. Mais la petite fille qu'Eun Mi était à l'époque, cette petite fille avec laquelle il n'aurait certainement jamais pensé lier un quelconque lien au départ, car absolument tout les séparait, avait en l'espace de très peu de temps réussi à se faire une place dans sa vie et dans son cœur. Il n'était qu'un gamin, à l'époque. Juste un gamin... Et si, du haut de ses 11 ans, il avait déjà conscience de la cruauté dont pouvaient faire preuve les adultes, encore plus dans le milieu dans lequel il a grandi, il demeurait tout de même encore trop naïf. Ou assez, tout du moins, pour penser que jamais ô grand jamais son père (ou géniteur comme il a pris l'habitude de le nommer dorénavant) pourrait lui arracher volontairement et sans éprouver le moindre scrupule l'une des seules vraies amies, si ce n'est la seule, qu'il possédait. Il en a d'ailleurs souffert. Énormément... Et si, pendant un temps, il pensait avoir réussi à laisser tout cela au passé, de nombreux événements ces dernières années n'ont eu de cesse de lui rappeler que la blessure ne s'était jamais réellement refermée. Et, maintenant, voilà qu'elle se trouvait, là, devant lui. La raison de cette blessure.... Il aurait voulu que cela ne soit qu'un mauvais rêve dont il aurait fini par s'extirper. Un mirage qui aurait fini par disparaître... Mais lorsqu'il entend cette voix crier son prénom, il est forcé d'admettre que c'est bien réel. Qu'elle est bien réelle... Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, voilà qu'elle lui fait de nouveau face dans ce couloir presque vide. Soutenant alors son regard, il ne décolère pas et finit par lâcher, toujours sur ce ton sec et insolent qu'il n'aurait pourtant jamais pensé employer devant elle un jour : « Ah ouais ? Pourtant c'est exactement ce que je comptais faire. » S'en aller et faire comme si de rien était... « J'ai pas le temps de discuter avec toi, Eun Mi ! » Et pour parler de quoi, de toute façon ? « Je ne suis plus le gamin que tu as connu quand tu avais 10 ans. Ça fait longtemps que je suis passé à autre chose et que je t'ai oublié... » Si seulement c'était vrai... Mais tout, absolument tout, porte à croire que ce n'est pas le cas. Sa réaction lorsqu'elle s'est présentée à lui, la colère qu'il a ressenti et qu'il ressent toujours... Sans parler de son regard fuyant lorsqu'il prononce finalement ces quelques mots : « Et tu devrais en faire autant, de ton côté... » Un bien piètre menteur, effectivement...

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Tu le vois à présent. A sa réaction, à cette  colère, il a souffert autant que toi de votre séparation. Ça pourrait te rassurer, mais ça te fait juste encore plus mal de le voir comme ça, de l'entendre te parler avec ce ton sec. Vous n'étiez que des gamins à cette époque. Tout ce que vous vouliez c'était vous amuser et rire. Qu'est-ce qu'il pouvait bien y avoir de mal là-dedans? Jin Hyun était devenu ton premier véritable ami, et le fait que vous viviez dans deux mondes opposés, ça ne t'avait jamais posé problème à toi. Mais il faut croire que tu étais particulièrement naïve à cet âge-là. Ton cœur s'était brisé quand ta mère t'avait annoncé que vous deviez déménager. Et plus encore, quand on te refusa la possibilité de lui dire au revoir. Tu t'en étais tellement voulu. Tu t'étais persuadée que tout était de ta faute. Combien de fois tu t'étais excusée auprès de ta mère? Et combien de fois t'aurais aimé le faire auprès de Jin Hyun? Combien de fois tu l'as écrit dans toutes ces lettres que tu n'as jamais envoyées? Enfant, tu t'étais répété que plus grande, tu serais plus courageuse, et que te retournerais le voir, que tu le retrouverais. Et c'est le cas aujourd'hui. Tu l'as en face de toi, en chair et en os. Mais le garçon de 11 ans a grandi, tout comme la fillette de 10 ans. Oui. Vous avez tous les deux changés. Mais à quel point? Au point de tout oublier et de s'ignorer? Et comment ce serait possible? Même si ça n'a duré qu'un an, votre amitié, elle a été réelle. Tous ces souvenirs, ils restent les plus heureux de ton enfance, peu importe ce qu'il peut dire ou faire. Tu l'écoutes sans dire un mot, clouée par sa colère et son amertume. Quand il te dit qu'il est passé à autre chose et qu'il a oublié, ça te fait l'effet d'une lame qu'on plante lentement dans ton cœur. Tu caches la peine qu'il te fait. Peut-être que c'est ce qu'il veut, te faire fuir avec ses paroles. Ou peut-être qu'il est aveuglé par sa colère et qu'il ne réalise pas ses mots. Quelle importance? L'effet est le même. Devant son regard qui te fuit, tu souris malgré toi, les yeux brillants. Et tu lâches un soupir amusé à sa dernière phrase. « Même pas en rêve. » Oublier? Et puis quoi encore. Jamais de la vie. Ces souvenirs te sont bien trop précieux. Jin Hyun t'est bien trop précieux pour que tu l'effaces de ta mémoire, même après toutes ces années. Tu passes une main dans tes cheveux, retenant du mieux que tu le peux la tristesse que ces retrouvailles t'inspire. Tu cherches son regard. « Qu'est-ce que tu crois? Moi aussi j'ai changé. Moi aussi j'ai grandi. C'est pas pour autant que je vais oublier les enfants qu'on était... » Ta voix est beaucoup plus douce que la sienne. Tu as presque peur de le faire fuir si tu parles trop fort. Pour être honnête, tu ne sais pas quoi lui dire pour l'apaiser. Ou peut-être qu'il y a trop de choses que tu veux dire, et que tu n'as aucune idée de par où commencer. Alors tu vas au plus simple, au plus juste. « Je suis désolée Jin Hyun... » Une sincérité à fleur de peau et au bord des yeux. Ces mêmes mots que tu as écrit en boucle pendant des années, ils sont enfin sortis.

we were just kids. we weren't doing any wrong. and now we've grown up. we both changed. we both made mistakes. and none of us can change the past. so why? who said there always should be someone who's wrong and someone who's right?  

Il y a encore quelques années, Jin Hyun aurait prié le ciel pour pouvoir la croiser par hasard... Il aurait tout fait, tout donné, juste pour la revoir. Ne serait-ce que le temps de quelques minutes. Quelques secondes... Mais à présent, maintenant qu'elle se tient là, juste en face de lui, tout ce qu'il souhaite c'est qu'elle disparaisse... De sa vue et de sa vie. Parce que ça le met hors de lui de repenser à toutes ces années pendant lesquelles il n'a eu de cesse de la chercher, d'essayer de la contacter... Ça le met hors de lui de repenser, de songer au mal être qu'a causé son départ. Ce sentiment d'abandon qu'il a ressenti quand elle est partie et à cause duquel il a, pendant longtemps, érigé une barrière entre lui et les autres, refusant catégoriquement de laisser entrer de nouvelles personnes dans sa vie. De peur que l'on puisse le faire souffrir de nouveau... Mais ce qui le met encore plus en rogne dans tout ça, c'est le fait de repenser au temps que cela lui a pris d'essayer de l'oublier, pour ne plus avoir à souffrir de son absence. Et tout ça pourquoi ? Pour finalement se rendre compte que ce n'est pas le cas. Malgré tous ses efforts et malgré ce qu'il tente de faire croire, il ne l'a pas oublié... En même temps, comment aurait-il pu ? Elle avait été sa première véritable amie. La seule avec qui il se sentait bien, à l'époque. Sa meilleure amie, tout simplement... Ce qui avait, évidemment, rendu la séparation encore plus douloureuse. Et, qu'on se le dise, même 15 ans plus tard, il est clair que la blessure ne s'est toujours pas refermée... Alors, forcément, qu'elle se repointe comme ça dans sa vie, cela ne le met clairement pas en joie. En témoigne d'ailleurs le rire quelque peu ironique qu'il finit par lâcher et la froideur de sa voix. « Et toi, qu'est-ce que tu crois ? Que t'as le droit de réapparaître dans ma vie, comme ça ? Qu'un simple "Je suis désolée, Jin Hyun" suffira à me faire oublier ce que j'ai pu ressentir pendant ces 15 dernières années ? Rassure moi, t'es pas assez idiote pour croire une telle chose ?! » Question rhétorique. Eun Mi est  loin d'être une idiote et, ça, Jin Hyun le sait très bien. « Qu'on soit bien clair, Eun Mi. Je sais très bien pourquoi tu es partie et ce n'est pas à toi que j'en veux pour ça. » Non, bien sûr que non... S'il y a une personne à blâmer pour son départ, c'est bien Monsieur Park. D'ailleurs, même 15 ans après, la rancune du jeune homme à l'égard de son paternel ne s'est pas estompée. On peut même dire que cela n'a fait qu'aller de mal en pis. Ceci étant dit... « Mais, en 15 ans, tu n'as rien fait ! Nada ! T'es partie, et ensuite c'était comme si tu n'avais jamais existé... » Et, pour ça, il en veut à la jeune femme. De ne pas avoir donné le moindre signe de vie. D'avoir attendu 15 longues années pour revenir... Avait-elle au moins essayé de le recontacter, d'ailleurs ? Il n'en sait rien. Et, honnêtement, il ne sait pas non plus si il a envie de savoir. De toute façon, ce n'est pas comme si cela pourrait changer grand chose. Le mal est fait... « Alors désolé mais, personnellement, je ne vois pas pourquoi je devrais encore accorder de l'importance, aussi petite puisse-t-elle être, aux enfants qu'on était à l'époque... » qu'il finit donc par lâcher, aveuglé par toute cette rancœur qu'il n'a cessé d'accumuler durant toutes ces années.