“Garder le secret”, là était la devise de la famille Noh. Cachés en haut de leur grand duplex en pleins centre de Gangnam, ils ne laissait rien entrevoir de leur vie considérée comme parfaite aux yeux de la population. Les rares contacts qu'ils pouvaient avoir n'étaient que des familles, elles aussi, issues de la haute société, que ce soit des amis ou de simples liens professionnels. Cette discrétion, leur étant propre, les amenait à être sujets à bien des rumeurs, certaines relevant souvent plus de l'imagination fantasque de certains que de vrais faits avérés. Et pourtant, la naissance de leur premier fils se fit rapidement savoir. Monsieur Noh n'avait pas caché sa fierté, et tous savait que l'homme avait déjà de grande attentes de la part de cet enfant, tout juste né. Noh Chae Min se devrait d'être le fils parfait, de répondre aux attentes de ses parents sans un mot, et c'est ce qu'il fit. Jamais il n'osa contredire ses géniteurs ni leur donner tort. Il se contentait d'obéir à chaque ordre qu'il recevait, en plus d'être un étudiant modèle. Car oui, il était de notoriété publique que les Noh ne supportaient pas l'échec.
Huit années après la naissance de Chae Min, madame Noh mit cependant naissance à un second fils, Noh Raesung. La venue au monde de ce dernier fut bien plus dissimulée. Pourquoi donner la vie à un second enfant alors que Chae Min emplissait déjà la riche famille de fierté, de part son investissement scolaire malgré son jeune âge et de ses ambitions déjà hautes ? Madame Noh convoitait en vérité une fille depuis bien des années, mais la nature n'avait pas semblé vouloir lui accorder cette faveur, lui offrant un nouveau-né pleurnichard à la place. Monsieur Noh avait déjà ordonné à sa femme de s'occuper de l'éducation de Raesung tandis qu'il se concentrait sur celle de l'aîné de la famille, qui lui d'ailleurs, se réjouissait déjà d'avoir un petit frère. Et pourtant le sort avait été contre les deux frères, qui, forcés de rester chacun de leur côté encadrer par un parent, n'avaient pas forcément l'occasion de se croiser régulièrement. Forcément, pour le plus jeune, avoir un aîné bien plus vieux que lui le poussait à vouloir admirer et copier ce dernier bien qu'on ne l'autorisait pas à réellement le côtoyer plus que cela. "Chae Min doit travailler, Chae Min est occupé, Chae Min à mieux à faire." D'abord sa mère, sa nourrice, puis les servants. Du haut de ses quatre ans, il en faisait qu'observer son grand frère de loin, se demandant ce qui pouvait bien lui demander autant de temps, et surtout si l'aîné connaissait réellement son existence.

cette nuit là, il s'était réveillé alors que des cris résonnaient au premier étage. sans un mot, il s'était glissé dans les escaliers, pas à pas, plus discret que jamais. il s'était abaissé, pensant que la rampe pourrait parfaitement l'empêcher de se faire remarquer par les deux silhouettes à une poignée de mètres. l'enfant de cinq ans avait cependant pu entrevoir son père qui venait d'à nouveau hausser la voix, et son frère de treize années, là, agenouillé les larmes aux yeux. ils se tenaient tous deux devant la porte de cette salle ce fameux bureau dans lequel il n'avait pas le droit d'entrer. une salle dans laquelle Chae Min restait souvent tard dans la soirée, là où on disait qu'il étudiait sans relâche, là où leur père entrait certaines fois, un endroit qui restait toujours dissimulé. son paternel disait toujours qu'isoler le bureau serait bénéfique aux études de l'aîné des deux frères, et qu'à part eux deux, personne ne pouvait y pénétrer. mais pourquoi est-ce que son frère pleurait, et pourquoi leur père prenait ce ton effrayant qui faisait presque frémir l'enfant ? et puis, sa mère était arrivée, si silencieusement qu'il en avait sursauté. d'une voix douce, elle lui avait demandé de remonter se coucher, et de ne se mêler de rien. le petit s'était exécuté, mais cette scène n'avait pas quitté son esprit, elle.


Noh Chae Min avait été admit comme meilleur élève dans un collège très réputé de la capitale, faisant la fierté de ses parents. Son père le voyait déjà faire des études de droit pour devenir avocat ou bien procureur, ambition que le garçon possédait, lui aussi. Du haut de ses six ans, le petit Noh dont personne ne savait rien n'avait jamais été envoyé au jardin d'enfants ni même à l'école primaire. On lui avait engagé une tutrice qui lui avait apprit à lire et à écrire à la maison, à l'abri des regards. Il s'était toujours montré peu enclin à apprendre, mais était plutôt doué. À cinq ans, l'enfant savait déjà presque complètement lire et il s'entraînait tous les jours à l'écriture, domaine où il excellait un peu moins. Mais alors que sa jeune enseignante avait souhaité lui apprendre à compter, elle s'était vite rendu compte que le petit garçon semblait mémoriser les informations assez rapidement. « Qu'est-ce que ça fait "26+11 ? » Il n'avait mis qu'une demie seconde à répondre, sans même prendre le temps de compter dans sa tête. Surprise, elle s'était attaqué à de plus grosses sommes ne posant pas plus de questions que ça à son élève. Interdite, elle n'avait plus rien trouvé à dire, puis elle s'était doucement levée en appelant madame Noh.

« Il semblerait que votre fils ait des capacités plutôt développés en calcul mental en plus d'avoir une mémoire visuelle et auditive bien supérieure à celles des enfants de son âge. Par contre, il semble que l'écriture pose un peu plus problème, mais ça peut se solidifier avec le temps. » Sa mère avait décidé de lui faire passer un test de QI, et le bilan du docteur l'emplissait presque de fierté. Son fils avait des capacités assez impressionnantes, à presque à peine six ans. Elle ne pouvait plus s'empêcher d'emporter avec elle la fiche contenant les résultats, l'exposant à toutes ses amies et au reste de la famille. Elle voulait en faire un génie.

sa craie martelait le tableau noir, lui brisant les tympans à chaque fois que cette dernière trouvait son chemin. juste derrière lui, il pouvait entendre les doigts de sa mère taper contre le bois du bureau alors qu'il venait de se stopper, hésitant. la réponse à ce problème, il n'arrivait pas à la trouver et la femme semblait s'impatienter. « Tu n'y arrives pas ? » un frisson l'avait parcouru alors qu'il venait de lui répondre un « non » à peine audible. il savait très bien ce qui allait suivre, alors qu'elle se levait, attrapant au passage le bâton posé contre un coin de la pièce. il s'était avancé, déposant ses deux mains sur le bureau avant de fermer les paupières. « Tu vaux bien mieux que ça. » le premier coup était toujours le plus douloureux. le second était souvent le moins précis, et le troisième était le plus brutal, mais aussi le plus rassurant quand on se disait que c'était le dernier. le gamin les connaissait par cœur maintenant, eux et ce qu'il les accompagnaient. il savait qu'après ça, il ne pourrait pas quitter la pièce avant d'avoir résolu les nombreuses équations présentent au tableau.

Chaque soir, il observait chaque nouvel hématome, ravalant doucement les larmes qu'il ne pouvait pas montrer devant elle, doucement, afin qu'on ne l'entende pas. Et ses doigts bleutés, il les cachait afin que les employés travaillant pour les Noh ne voient rien, car c'était ce qu'elle lui avait demandé. Chaque coup était un nouveau supplice plus difficile à endurer que le précédent, mais l'enfant n'avait pas le droit à l'erreur, jamais. Sa mère avait souhaité l'instruire d'elle-même, mais Raesung enviait son frère, qui lui, avait pu aller à l'école primaire. Les seuls amis que l'enfant avait pu se faire restaient les enfants des connaissances de ses parents qu'il rencontrait pendant certaines fêtes, et même, il n'avait pas l'occasion de les voir souvent. Chaemin, sortait souvent et voyait du monde, lui, laissant son cadet l'envier de loin.

« C'est un honneur de pouvoir compter votre fils parmi nos grands vainqueurs madame Noh ! » Encore l'un de ces concours ou sa mère l'inscrivait sans qu'il puisse avoir son mot à dire. Ces compétitions, il ne les aimait pas tant que ça, mais sa génitrice lui répétait que cela lui donnait une occasion de se vanter, d'être supérieur. Alors il l'écoutait sans sourcilier en travaillant à chaque fois le plus durement possible afin qu'il puisse toutes les remporter. C'était bien simple, elle le voulait toujours premier, lui son fils, et sans ça, elle ne pouvait plus être la femme éduquant son fils surdoué, elle ne pouvait plus s'en vanter devant le reste de ses amies qui élevaient elles aussi leurs enfants comme la prochaine élite. Et alors, inlassablement, elle laissait toutes ces idées de grandeur monter la tête de son enfant d'à peine dix ans avant qu'il entre au collège.


Noh Chaemin venait d'être accepté au sein de la plus grande université de droit de Séoul. Forcément, le père de famille s'était empressé de convier tout le monde à une grande fête en l'honneur du petit prodige. Mais son frère âgé de onze années ne s'était pas montré du tout. L'admiration qu'il portait envers son aîné se transformait petit à petit en jalousie maladive. Lui avait le droit de recevoir les compléments de leur père, il ne subissait pas les horribles colères de leur père, il avait le droit à un traitement de faveur, là, derrière la porte du bureau scellé. À chaque fois qu'il s'efforçait d'y penser, son sang se mettait à bouillir sans qu'il ne puisse comprendre d'où venait cette infâme rancune. Mais il s'apprêtait à entamer ses premières années de collège, de quoi se réjouir d'enfin pour pouvoir quitter le domicile.

une journée bien trop épuisante, qu'il venait de vivre. son premier réflexe avait été de jeter son sac de cours à l'entrée du bâtiment, et levant les yeux au ciel en direction de l'étage, Rae était monté, appelant son aîné pour savoir s'il était rentré. aucune réponse, sa chambre vide. l'adolescent ne s'était pas posé de questions, pour lui, son frère n'était simplement pas rentré. vingt heures, puis vingt-et-une heures. où était-il ? dévalant les escaliers, l'idée d'aller interroger sa mère lui était venue. et cette réponse, il n'aurait au final jamais voulu la connaître. effectivement, la chambre de son frère lui avait semblée bien plus vide qu'à l'accoutumée. Chaemin était bel et bien parti pour une raison que sa mère ne disait pas connaître. "c'était quelque chose entre ton père et lui". les disputes se faisaient plus récurrentes oui, ça, Rae l'avait remarqué, mais est-ce que cela justifiait forcément le départ de son aîné ? le frère prodige avait subitement décidé de quitter la maison sans un mot, et ça, il ne pouvait pas le supporter.



Puis vient un temps où l'on réalise, ou l'on change d'idée sur l'environnement dans lequel on vit. Environnement que le garçon pensait sain, jusqu'ici. Les autres devaient vivre de la même manière, tous les parents voulaient le meilleur pour leur enfant, quitte à utiliser la manière forte. C'était ce qu'il pensait, depuis toujours. Mais non. Il ne voulait plus se laisser faire, il ne voulait plus être le gamin de qui on se moque dans son dos aussi aisé sa famille soit-elle, il ne voulait plus être cet enfant naïf qu'il avait fini par détester. Il ne voulait plus avoir à en vouloir au monde, à son frère, à sa mère, à lui. Alors du jour au lendemain, il s'était mit à parler différemment, à frapper s'il le fallait, à boire avec les gamins dit "problématiques" avec lesquels sa mère refusait qu'il traîne auparavant, il avait jeté tous ses prix, et tout cela sans que personne n'en ait la moindre idée. Plus besoin d'agir comme on lui demandait, le génie était devenue l'affranchi, et il comptait le rester.