Vous savez ce qui peut vous arriver de pire ? Avoir deux grandes sœurs et subir leur dictature, leur influence.

Si Satan avait un visage, il serait une femme, et s’il devait avoir un nom, il switcherait entre Kae Bom et Kae Joo. Des siamoises infernales qu’on a laissé en roue libre depuis le début. Depuis que je suis petit elles m’ont martyrisé d’un amour fraternel traumatisant. Il n’était pas rare de me voir fuir la maison en courant avec des mèches de rajouts colorés dans les cheveux, un œil à moitié barbouillé de maquillage et une main aux allures d’un Jackson Pollock, des effluves parfumées aux écœurantes notes sucrées me poursuivant.  

A l’école, j’étais connu pour être leur petit frère et je n’échappais pas non plus à leur emprise ici. Seulement un an et demi nous sépare, alors forcément, c’est compliqué de ne pas se suivre. J’ai pas passé une enfance et une scolarité malheureuses hein. En fait mes sœurs m’embêtaient parce que j’étais un gamin passif, mais elles m’aimaient vraiment beaucoup.

A côté de ça, elles m’ont permis d’avoir une petite longueur d’avance sur les autres en termes de maturité. Moi j’étais plus avec les grands, contrairement aux gens de mon âge, j’étais un petit protégé et ça m’allait très bien.

Je n’ai pas beaucoup changé depuis. Même si j’ai une personnalité plutôt passe-partout, que j’essaye de me faire discret, de ne pas me faire remarquer, il y a quelque chose dans mon apparence qui n’a pas suivi cette logique. Mon père travaillait pour une société d’exportation alimentaire et voyageait ainsi beaucoup au Japon pour les affaires. On ne le voyait pas beaucoup, tout ce qu’il y avait de lui à la maison, c’était ses collections de dvd de films japonais. Je m’étais dit à l’époque que ça me rapprocherait certainement de lui si je m’y intéressais. J’ai découvert la sage Crow Zero. Next thing I know, Serizawa était devenu mon modèle. Ajoutez à cela une mère restée bloquée dans les années quatre-vingt/quatre-vingt-dix niveau musical et vous vous retrouvez avec mon moi actuel.

Je ne suis pas brillant, je ne suis pas non plus stupide. Pour nos vœux d’universités, je n’avais pas spécialement d’ambition, je comptais intégrer une université publique à côté de chez moi et faire mon bonhomme de chemin. Mais c’était sans compter l’opinion de mes sœurs. Elles avaient intégré Yonsei l’année dernière et il était évident que moi aussi. Même si j’ai voulu protester, j’ai vite abandonné l’idée. Ma meilleure amie Ha Rim, du même âge que mes sœurs, m’a réconfortée, me promettant de belles années. Je me suis laissé aller.

Trois ans ont passé et je ne regrette pas d’avoir un peu plus bûché pour me retrouver ici. Ces histoires de fraternités ont peut-être un peu plus pimenté ma vie. Mes aînés ne me ménagent pas, je suis souvent celui qu’on envoie passer des infos ou faire les trucs chiants. Je paye pas de mine et dans le fond, ça me dérange pas. J’aime bien cette idée de communauté.

Toc toc.

« Haa *soupire* c’est Wan Kae Suuuung- »

Sa voix traîne, nez plongé dans son téléphone.
La porte s’ouvre, grince et il tend la main sans relever les yeux.
Un sac en plastique vient se pendre à ses doigts et aussitôt il tourne les talons.
Il agite sa main en l’air et repart d’où il vient sans même regarder ce qu’il y a à l’intérieur.

« Merci pour ta contribution. Haa *soupire* à la prochaine. »