Ming Qi sait très bien que Sungjoo n'est pas con, loin de là, il le sait intelligent et pourtant il espère l'amadouer de ses paroles. Il ne veut pas que celui qu'il a toujours considéré comme son petit frère, son protégé même, ne découvre la terrible vérité. Ainsi, il essaye de l'amadouer et la réponse du jeune homme fait perdre son sourire à Ming Qi. Il l'observe un instant sans rien dire avant d'hausser les épaules, semblant silencieusement lui dire de croire ce qu'il souhaitait. À nouveau il scrute la salle du regard, essayant d'éviter les yeux de Sungjoo qui pourrait facilement apercevoir cette lueur de peur dans le regard de son ami. Cette peur qui ressort lorsqu'il évoque le fait de lui en parler un jour. Non... Ming Qi ne peut pas. Il n'y arriverait pas. Doucement ses doigts se mettent à tapoter nerveusement le bar. Soudainement un soupire de soulagement s'échappe de ses lèvres, lorsque son vieil ami lui donne l'occasion de penser à autre chose. Il se penche alors vers la vitrine pour retirer une part de sa fameuse tarte aux fraises et la faire glisser devant Sungjoo. Le sourire aux lèvres il le regarde alors dévorer la part de gâteau, s'amusant de le voir se régaler autant avec cette simple pâtisserie. Il acquiesce finalement à la question que lui pose son camarade avant de lui montrer deux de ses doigts. Ming Qi était en Corée depuis deux mois seulement et avait déjà arrêté les cours pour travailler ici, tout ça dans le dos de son père. Le chinois reprend finalement son calepin et vient y écrire « Parlons de toi. Comment tu vas ? Tu manges bien ? Où habites-tu ? On prend soin de toi ? Et Yibo comment va-t-il ? » cela faisait beaucoup de question à digérer pour Sungjoo, mais voilà tant d'années déjà qu'il les avait aidé à quitter la Chine et Ming Qi avait tant besoin de savoir si tous les deux avaient enfin la vie qu'ils avaient toujours mérité.

Revoir Mingqi ne faisait pas parti de ce que Sungjoo avait prévu. Cependant, il était plus qu’heureux que ce soit le cas. Après tout, ce n’était pas tous les jours qu’on revoyait la personne qui nous avait sauvé la vie. Il n’avait jusqu’à maintenant jamais montré réellement ses émotions et là, il avait tout laissé sortir. La joie de le retrouver, la peur de retourner en Chine et le soulagement de savoir qu’il était en vie. Pourtant, tout ça s’effaça bien vite pour laisser place à de la suspicion. Il ne crut pas du tout à son histoire concernant la perte de sa voix. Cependant, il laissa couler pour passer à autre chose. Ça ne servait à rien de s’attacher à quelque chose dont Mingqi ne voulait pas parler. Il le ferait lorsqu’il s’en sentira capable ou qu’il aura envie d’en parler. Pour le moment, Sungjoo se contentait de manger la tarte à la fraise qu’il lui avait passé. « Deux quoi ? Années ? Mois ? Semaines ? » L’inconvénient du fait qu’il ne pouvait pas parler était qu’ils étaient limités au niveau de la communication. Joo devait attendre que son ami écrive avant de lire pour lui répondre. Ce qu’il fit d’ailleurs et heureusement, il écrivit pas mal de questions. Questions auxquelles il répondit une à une. « Je vais bien Mingqi-ge. » Mensonge éhonté qu’il sortait, mais il avait toujours été bon pour mentir. Le chinois n’allait pas bien et il ne voulait pas entrer dans les détails de son alcoolisme pour le moment. Pas tant qu’il ne lui aurait pas parlé de ce qui s’était passé après leurs fuites de Chine. « Comme tu peux le voir, je me laisse pas mourir de faim. Je suis même plutôt en bonne santé. Je refuse de ne plus manger. Et donc, parfois je mange plus que je devrai. » C’était normal. Un autre traumatisme de sa vie dans cette usine. Il n’avait jamais à manger ou très peu et ne mangeait donc jamais à sa faim. Maintenant, il cédait à chacune de ses envies, peu soucieux de son corps. « J’habite chez les pyobeoms dans un dortoir de la fac Yonsei. Yibo est avec moi et il va bien. Il fait des études et a même commencé une carrière de mannequin. Moi je fais juste mes études. » Il lui sourit gentiment. « Le gouvernement coréen s’occupe bien de nous. Et on a trouvé des amis dans la fraternité. On est heureux. » Du moins, lui l’était en apparence.

Lorsque Sungjoo le questionne sur sa date d’arrivée en Corée, Ming Qi lui montre deux de ses doigts souriant en coin lorsqu’il lui demande de préciser sa réponse. Le chinois pose alors à nouveau son regard sur son carnet, avant de venir griffonner sa réponse sur un bout de feuille encore vierge « Mois. » écrit-il avant de lui tendre son carnet, attendant qu’il lise pour reprendre son bien et tourner la page afin d’y écrire plusieurs questions les unes à la suite des autres. Sourire aux lèvres, Ming Qi l’écoute attentivement ne pouvant cacher sa joie et son bonheur à l’entente de ses réponses. Naïf, le chinois le crois mots pour mots ne comprenant pas que derrière ces paroles réconfortantes et cet immense sourire se cachait en réalité une âme tourmentée sans aucun doute rongée par la peine. « Je suis heureux. Tu vis enfin la vie que je voulais pour toi. » écrit-il dans son carnet, attendant qu’il lise pour ajouter « La Yonsei est une bonne école. Tu apprendras tout ce qu’il te faut. Tout comme Yibo. Je suis heureux pour voir … Vous êtes loin de ce monstre désormais. » achève-t-il avant de venir dessiner à la fin de sa phrase un petit cœur, souriant de sa bêtise tandis qu’il relève son regard vers le visage de son vieil ami. .

Deux mois, c’était le temps qu’il avait passé en Corée du Sud. Il avait quitté la Chine et était arrivé depuis deux mois. Ça faisait plaisir au plus grand et en même temps, il n’arrivait pas à se dire que quelque chose ne clochait pas. Après tout, il ne parlait plus et puis il avait quitté son pays natal pourquoi ? Des questions qui resteraient sans réponses parce que Sungjoo savait que Mingqi ne lui en donnerait pas. Il n’insista donc pas, préférant laisser ça pour plus tard. Il savait qu’un jour, il finirait par apprendre la vérité, que ce soit de la bouche du jeune homme comme de celle de quelqu’un d’autre. Il n’avait pas de doute là-dessus. Joo lui parla de leur vie en Corée à Yibo et lui et omettant délibérément certains travers de sa vie, notamment l’alcool et la nourriture qu’il ingurgitait parfois beaucoup trop jusqu’à en avoir mal au cœur et au ventre. Il lit ce qu’il a écrit sur son carnet et hausse les épaules. « De ces monstres… » Parce qu’ils n’avaient pas qu’un bourreau à l’époque, même si le pire, était son père le « chef » de l’usine de textile dans lequel ils avaient vécu une grande partie de leurs vies. « C’est derrière nous… En quelque sorte. » Il soupira avant de reprendre. « Yibo a des cauchemars. Il ne supporte pas les bruits trop fort ou les gens qui crient… Et il fait trop vite, trop confiance aux autres. » Et ça, c’était ce qui lui faisait le plus peur. Que son grand frère se retrouve dans la merde parce qu’il n’était pas assez vigilant.

Jamais auparavant les paroles de quelqu’un avaient résonnées aussi douloureusement aux oreilles de Mingqi. Ces monstres en effet, ils étaient plusieurs à s’en prendre à ces pauvres enfants, mais le pire était sans aucun doute son père. Le regard dans le vague le jeune pâtissier se laisse aller à ses pires souvenirs. Les souvenirs de cette nuit où sa vie entière a basculé en enfer. Nerveusement, il passe sa main dans sa nuque et hoche simplement la tête, essayant de retirer toutes ses images de sa tête avant de se concentrer à nouveau sur Sungjoo. Il observe autour de lui rapidement pour s’assurer que l’on avait pas besoin de lui, avant de passer de l’autre côté du bar pour s’asseoir sur une chaise aux côtés du chinois. Il reprend ensuite possession de son carnet, tourne la page déjà remplis d’encre avant de recommencer à écrire. A nouveau, le même manège s’opère, il écrit, achève ses mots, et vient tendre son carnet à Sungjoo. « Yibo a toujours été comme ça, tu te rappelles qu’il était le premier de vous deux à me faire confiance ? Yibo n’est pas qu’un simple naïf, il a également du flair alors ne t’inquiète pas pour lui. Puis après tout, dorénavant nous sommes tous les deux là pour lui pas vrai ? Pour ces cauchemars … Il en fait souvent ? Et toi aussi j’imagine n’est-ce-pas ? Vous êtes suivie psychologiquement tous les deux ? »