Je lui accorde un nouveau sourire espérant qu’il pourra un peu la rendre plus sereine. J’inspire doucement, tiens sa main dans la mienne et la suit dans cette chambre étrangère. De mon regard curieux, j’observe les lieux. C’est aussi froid que je l’imaginais, d’un blanc beaucoup trop pur, une chaise et un lit avec… des sangles. Je déglutis, malgré moi l’endroit me rend mal à l’aise. Un frisson me parcours la peau, tandis que Sawan lâche ma main pour aller retrouver sa mère. Je reste un peu en retrait, guettant ses réactions et écoutant sa voix si douce. Elle a l’air juste épuisée, comme une femme qui aurait déjà vécu trop de choses et qui n’a plus la force de les assumer. Mon cœur se serre à cette idée… la scène est touchante, Sawan si tendre avec cette femme. Je m’approche doucement, m’inclinant un peu pour me présenter « Merci. Je suis ravi de vous rencontrer. » Je n’ai jamais été aussi poli de toute ma vie. Même avec mes propres parents. J’ai l’air d’un petit garçon qui doit avoir de bonnes manières. Je passe une main dans mes cheveux, pour avoir une apparence encore plus lisse peut-être. Je m’approche assez pour apercevoir complètement son visage. La ressemblance avec Sawan est déroutante, presque malsaine et me frappe de plein fouet. Je n’avais pas imaginé qu’elles étaient aussi semblables. Je tente de ne rien laisser entrevoir tandis que je décide de dire « Je sais d’où Sawan tiens sa beauté. » je décide de lui parler, sans savoir dans quoi je mets les pieds. Tout m’a l’air normal, bien que je garde les conseils de Sawan en tête. « Votre fille et moi on est dans la même université. Je suis musicien. » Pourquoi je lui racontais ça ? Pour faire connaissance. Je n’allais pas rester en retrait. Rien ne paraissait impossible, elle avait l’air d’être réceptive et de pouvoir parler comme une personne saine d’esprit. Je ne doute pas qu’il doit y avoir des hauts et des bas, mais pour l’instant tout paraissait possible. 

Tout était doux, délicieux, presque magique. Une aura tendre dans un milieu aussi hostile. Je me laissais bercer au rythme des sourires et des rires. Elle était aimable, aussi belle que sa fille et à la fois malicieuse. Nos échanges étaient courtois, presque plaisantins. Et il n’a suffi que d’une seconde, juste une parole pour que tout bascule. Je reste là, assistant à quelque chose que je ne comprends pas. Sa mère s’agace, ses mots sont forts. Ils deviennent blessants. Je serre les dents, me retenant de dire quelque chose, mais je sais que je n’ai pas le droit. C’est un conflit entre les deux femmes. Mais ça dérape, ça devient plus intense. La violence de ses propos me choque, ses gestes me brûlent. J’esquisse un mouvement en direction de Sawan, j’aimerais la sortir de là mais elle m’en empêche. Subissant avec douleur cet amour contrarié. Je me sens mal tout à coup. J’ai envie de vomir, à l’entendre déblatérer ces horreurs sur cette fille que j’admire. Elle n’a pas la moindre idée de qui elle est. Sawan est belle, aussi bien physiquement que mentalement. C’est une jolie personne qui a tant d’amour à offrir. Sans elle j’aurais sombré, je me serais laissé aller à des cauchemars plus sombres. Je la déteste ! Cette femme m’attise une haine que je n’ai jamais connue. Mon poing serré, je n’ai presque pas la force de continuer à regarder. Mais je reste là, pour elle… J’ai des hauts le cœur, cette méchanceté, elle est si brutale. Mes yeux se chargent de larmes, je me sens triste, touché par ce qu’elle vit. Mes problèmes me paraissent subitement ridicules. Je n’ai le droit de rien dire, ni rien faire. Je veux aller la sauver, sa chute me fait vriller. Je n’ai plus les idées claires et pourtant, je tente de me raccrocher à ses paroles à ce qu’elle veut. Je ne peux pas empirer les choses. Démunis, elle finit par saisir ma main. Fuir cette pièce est la meilleure chose qui soit. Je suis choqué, j’ai du mal à réaliser ce qui vient de se passer. Je vois Sawan devant moi, qui me tire avec force. Je finis par souffler « Sawan… » Mais c’est inaudible. Pour moi-même. Chargé de tristesse et d’inquiétude « Sawan ? » je parle un peu plus fort pour qu’elle m’entende, mais la jeune femme m’ignore. Perdue dans ses pensées et son mal-être. Alors j’insiste, « Putain Sawan parle-moi ! » je m’arrête net. La forçant à en faire autant. Je suis brusque mais je ne peux pas rester là à attendre. J’ai conscience de ma brutalité, je serre un peu plus sa main « ça va ? » ma question est idiote, bien sûr que non ça ne va pas. Et je le sais ! J’ai peur de troubler ses tourments. Je regarde son visage, si triste… je me mords la lèvre, retenant une larme qui manque de s’échapper. Et sans lui rien lui demander, je m’empresse d’attraper l’arrière de sa tête pour l’attirer à moi. Je la serre aussi fort que je peux, contre mon torse pour la rassurer. « Je suis là… je suis désolé… pardonne-moi. » parce-que je m’en veux de ne pas avoir su lui dire non. D’aller à l’encontre de ce qu’elle me disait. Je m’en foutais ! J’aurais dut me prendre les coups à sa place. Je suis trop lâche cette fois, une larme finis par rouler sur ma joue. Je ne m’attendais pas à autant de violence. Je suis sous le choc, presque aussi tremblant qu’elle. Ce n’est ni l’endroit, ni le moment mais je n’ai pas la force d’avancer dans cet état. Je baisse la tête, mon visage contre elle, j’embrasse ses cheveux, dans un geste pressé. Déserrant un peu mon étreinte, je prends son menton entre mes paumes « Est-ce que t’es blessée ? » et je ne peux pas lui cacher mon émotion. Cette peine que j’ai, cette rage qui m’envahie le cœur. Pauvre petit bout de femme que je me jure de protéger.

Bien sur que non ca n’allait pas, et le jeune homme le savait. Elle se laissa aller contre lui parce qu’elle n’avait plus la force de rien. Ni de se redresser, ni de s’enfuir, et encore moins d’affronter la maladie de sa mère. C’était rare que sa mère se montre aussi virulente, mais ce n’était que trop peu souvent qu’elle arrivait à se contrôler. La violence était alors coutume et Sawan n’en tenait jamais rigueur à sa mère … pourtant dieu qu’elle souffrait. Accrocher au garçon on pouvait entendre ses gémissements d’enfants apeuré et esseulé remplir le couloir. Ses gros sanglots secouaient ses épaules alors soudainement frêle et lasses de porter le poids du monde. Elles e laissa aller un peu plus contre Il Kyang et se perdit dans son étreinte avec l’envie de disparaitre, que tout ça soit derrière elle et que tout aille mieux à nouveau … pourtant elle le savait, plus rien ne serait comme avant. Plus encore alors qu’elle entendait sa mère hurler du fond de sa chambre « Sale catin du diable. Tu ne changeras jamais ! » Sawan attrape alors les mains d’Il Kyang et les plaquent sur ses oreilles pour ne plus avoir à entendre ses mots. Comme si les paumes du garçon pouvaient couvrir l’horreur des propos tenus par sa mère. Elle reste ainsi, de longues minutes, plantés au milieu du couloir, les yeux fermement clos et la bouche pincée. Ce n’est que lorsqu’elle ne tenait plus et que les propos de sa mère injurieux continuaient de couler à flot qu’elle opta pour la fuite. Elle attrapa la main du garçon et le tira derrière pour quitter cet endroit maudit le plus vite possible. Ce n’est qu’une fois dehors qu’elle reprit son souffle, réalisant qu’elle se retenait de respirer sans avoir conscience. La première respiration lui brûlant les poumons, si douloureusement qu’elle en grimaça. Bon sang … que c’était douloureux. Mais bien moi que son échange avec sa mère. Tremblante et vacillante elle se tint à la balustrade de l’entrée et ferma les yeux cherchant son souffle. Elle avait, au passage, jeté son badge sur le comptoir de sortie et se trouvait alors débraillée. Les mains tremblantes elle fixait le sol encore sous le choc. Elle leva alors les yeux vers Il Kyang et réalisa qu’il avait dû pleurer. Ses yeux brillants la fixaient et la jeune fille craqua à nouveau, elle gémit dans un sanglot désespéré « C’est pas sa faute … »