Ça avait été plus difficile que je ne le croyais. Je pensais être fort, savoir garder la tête froide, mais la scène qui s’est déroulé sous mes yeux m’a… choqué. Je l’admets. Je n’arrive pas à faire semblant, à faire comme si j’étais assez courageux pour affronter ça. Pourtant j’essaye, pour elle, de ne pas flancher. Quel enfant supporterait ça ? Quand je pense à ces nombreuses fois où je me suis plain, à dire que ma famille me détestait… mais putain ! Ça n’a rien à voir. C’est idiot, stupide et je me rends compte à quel point les choses peuvent s’arranger pour moi. Il suffit de faire un effort, de ranger cette rancœur et d’aller leur parler. Une bonne fois pour toute leur dire ce que je ressens et ce besoin de les retrouver. Mais Sawan… elle n’a pas cette chance. Et je le sais ! Sa mère a beau avoir été douce, la maladie a finis par gagner et l’emportera quoiqu’il arrive dans ce monde horrible où sa fille n’est qu’un être malveillant. Et je déteste cette idée ! Elle n’aura plus rien à quoi se raccrocher. Alors je la serre autant que je peux, je la laisse faire tandis que mon cœur se serre. Je pleure malgré moi, touché comme je ne l’ai jamais été. Je ne suis pas un homme sensible, j’ai arrêté depuis bien longtemps de verser des larmes pour les choses qui me blessent. Seulement, là j’en suis incapable. C’était trop puissant, troublant aussi. Je ne bronche pas, je la laisse nous sortir de là, comme un pantin qui n’a désormais plus aucune conviction. A l’extérieur, je me sens mal, je cherche l’air qui me manque. Nos regards se croisent, celui de trop peut-être, avant qu’elle ne s’effondre. Je m’approche d’elle, l’attrape pour la serrer à nouveau et l’entraine avec moi plus bas. Jusqu’à ce qu’on puisse s’assoir tous les deux sur ces marches interminables. Posant sa tête sur mon épaule, je caresse ses cheveux, dans un geste réconfortant. « Sawan, ça va aller… je te laisserais pas. » non jamais. Je suis triste aussi, des larmes coulent sur mes joues, discrètes, silencieuses alors que je viens perdre à nouveau mon visage dans ses cheveux. Je n’ai aucun mot pour décrire ce qui vient de se passer. Ni aucune parole qui pourrait la réconforter. Parce-que quoique je fasse ça ne sera jamais vrai. Elle ne changera pas, elle ne redeviendra pas qui elle était. « Je suis désolé… tu ne mérites pas ça. » Sawan est une belle personne, qu’importe ce que les gens disent. Elle mérite d’être heureuse. Je m’éloigne un peu, relève son menton pour la forcer à me regarder. La voix chargée d’émotions je finis par lui confier « Tu sais que c’est pas vrai. T’es la plus belle chose qui me soit arrivé ces trois dernières années. » Je n’ai que Kitae sur qui compter. Mon monde est devenu plus sombres depuis que je suis à l’université. Mais Sawan m’apporte ces moments de répits. Sans elle j’aurais finis à la rue durant mon exclusion. Et ce mois que nous avons partagé ensembles était magique. J’ai appris à la connaitre et la voir différemment. Je sais qu’elle fait partie de ma vie intégrante maintenant, ce n’est pas qu’une simple amitié d’école. C’est vrai entre nous. Et ce qu’elle me donne aujourd’hui, c’est encore un petit bout d’elle. « Et je ne veux pas que tu crois que je regrette d’être venu. Je veux être là pour toi. » c’est mon rôle. Celui qu’on s’est donné à chacun. Elle n’a pas à hésiter ou à avoir peur de ce que je ressens.

La jeune femme met de longues minutes à retrouver son calme et à apaiser son esprit. Elle peut l’entendre pleurer. Sentir ses larmes se mélanger aux siennes. N’était-ce pas là une belle preuve d’amour ? D’amitié ? Il tenait à elle si fort qu’il était touché par ce qu’il avait vu. Sawan n’aurait pas pensé que la crise de sa mère soit aussi violente. Elle aurait cru pouvoir l’apaiser plus facilement, lui faire plaisir. Mais on ne pouvait contrôler un démon. Elle l’apprenait encore à ses dépens. Elle redresse son visage vers lui et le fixe, ses yeux plongeant dans le regard rougi de son ami. Il lui paraissait à cet instant que seul IL Kyang puisse la comprendre. Comprendre sa peine, sa douleur. Il venait de voir derrière le miroir. Ce reflet si parfait qu’elle ne cessait d’exposer aux yeux du monde venait de se briser lui laissant voir la vérité. Une vérité nue, sans lumière, sans conte façon. Une vérité abrupte et grossière. Elle avait été sans filtre devant lui, aujourd’hui abaissant la dernière barrière qui la dévoilait entièrement à son regard. Sawan avait plus de facilité à se dénuder qu’à lui montrer ce secret qu’elle cachait dans une pièce mal éclairée de ce centre … elle qui détestait son corps et son paraitre aurait préféré avoir à s’exposer au monde entier qu’à dévoiler cette part d’elle. Pourtant, à ses yeux, rien n’avait autant d’importance que son bien-être. C’est vrai, aux yeux d’Il Kyang tout ce qui comptait ce n’était que le bonheur de Sawan. La jeune femme en tremblait, consciente qu’Il Kyang représentait un part plus qu’importante à sa vie. Elle ferme les yeux pour laisser rouler deux perles sur ses joues et se redresse sur la pointe des pieds pour coller son front au sien.  La plus belle chose qui lui soit arrivée ces dernières années. Etait-elle vraiment aussi précieuse pour le garçon ? Ses mots sont beaux, suffisamment doux pour apaiser ses maux. Elle esquisse une grimace tant l’affection qu’elle lui porte est alors brûlante à son pauvre corps. Elle noue ses bras frêles autour de sa nuque et se colle à lui pour absorber sa force et sa chaleur. « On est des âmes sœurs. Tu te souviens ? » murmure-t-elle tout bas comme s’ils partageaient un secret. Ils le savaient, à un autre temps, une autre époque, ils auraient pu s’aimer. S’aimer véritablement, mais quelques choses les retenaient comme si le destin leur soufflait d’être encore un peu patient et que leur tour viendrait avec les bonnes personnes. Mais c’était dans ce cocon bienveillant et tendre qu’ils s’étaient retrouvés. C’était tout ce qui comptait. Elle se blottit contre lui et dépose un baiser dans son cou. Elle y niche son visage et souffle « Et je n’aurais voulu personne d’autre que toi pour être là pour moi … » confesse-t-elle comme une enfant rassurée. Elle resserre sa prise pour l’inciter à faire de même. Elle avait besoin de cette étreinte chaude et délicate. Une de celle qui la marquera pour le reste de sa vie.