Il avance comme une habitude, vers ce tunnel sans fond. Il toque, plus par politesse que réel intérêt. Personne ne lui répondra, il le sait. Inspirant doucement, il ouvre la porte, laissant derrière lui le manque de courage dont il pourrait faire preuve. A l’intérieur, le garçon est prostré devant la fenêtre à observer la pluie, l’esprit ailleurs. Hwan se glisse derrière lui, d’une délicatesse presque interdite, il ne le brusque pas. Sa main posée sur son épaule il lui signifie sa présence. Le garçon, jette un regard vers lui, un petit rictus au coin des lèvres. Un bon signe pensait Hwan en s’asseyant à ses côtés, mais il ne sera pas aussi réceptif qu’il l’espérait. Aujourd’hui, plus que les autres l’ambiance sera maussade difficile. Les jours de pluies sont les plus troublants pour le garçon. Seule sa tristesse est lisible dans ses yeux. Hwan a un pincement au cœur, pourtant il essayera désespérément de l’intéresser. Il lui a apporté ce jeu auquel ils aimaient joués. Il n’y a prêté que peu d’attention… un nouvel essai avec les origamis, mais rien. Le nord-coréen parlait tout seul, faisant les réponses, les questions. Il riait en espérant. Le temps est plus long, tout est lourd et son cœur s’arrache à chaque regard vide qu’il croise. Finalement, il ne restera pas longtemps, le regard humide, il quitte cette pièce. D’un revers de bras, il essuie ses yeux et renifle pour regonfler son orgueil. Il n’a plus envie de rien, sa soirée lui parait désormais interminable. Comme à chaque fois qu’il quitte cet endroit, il se sent désespérément seul dans cette ville hostile. Pourtant, il sait que quelque part sa sœur l’attend, mais elle n’est pas toujours là… comme une mauvaise habitude qu’il a prise. Il reprend son chemin, l’ascenseur vide cette fois. Arrivé à l’accueil il dépose son badge, esquisse un sourire triste et se cache derrière une assurance démesurée. Se passant une main sur le visage, il prend la direction de la sortie avant que son regard surprit n’aperçoive cette silhouette familière. La jeune femme de tout à l’heure… elle est encore là. Visiblement en train d’attendre quelque chose. Curieux, il s’approche à son tour des portes. La pluie est plus forte qu’à son arrivée, une vraie tempête. Il jette un coup d’œil au temps puis à cette femme. « Vous êtes à pieds ? ». Il ose faire le premier pas, n’hésitant pas à venir la regarder dans les yeux. Tout devient plus flou autour d’eux, son regard plongé dans le sien, il n’existe plus rien… ce mauvais tour, se rejoue devant lui. Envoutante, enivrante, il n’est pas intimidé, mais horriblement attiré. 

 

Sawan avait quitté la chambre dès qu’elle avait vu les premiers signes de la maladie de sa mère pointer le bout de son nez. Elle était triste de voir que ses visites se raccourcissaient de plus en plus. Elle n’avait tenue cette fois que 15 minutes. Elle avait eu droit à une étreinte et un peu de douceur. Plus qu’elle n’en avait reçu de son père ces dix dernières années … la jeune femme ressortie dans le couloir le cœur lourd. Elle savait qu’un jour elle ne pourrait plus lutter contre la maladie et qu’elle perdrait définitivement sa mère … elle ne connaissait que trop bien les conséquences et l’évolution de la maladie de sa mère, ce qu’elle voyait de sa mère ces derniers jours étaient l’annonce d’une fin proche. Bientôt elle n’aurait plus que la maladie pour parler et sa douce maman disparaitrait. C’était lourd pour son cœur d’enfant solitaire. Elle décida alors d’aller voir le médecin qui accepta de la recevoir dans son bureau. Pendant de longues minutes, elle ne sait combien exactement, elle discuta avec lui. Elle voulait y trouver un peu d’espoir dans cette discussion, mais elle ne pouvait que faire face à la réalité et ne pas quémander de miracle, même si la période de l’année si prêtait. Le cœur aussi lourd qu’alléger elle sortie du bureau et tenta de ne plus penser à la suite … profiter de l’instant et se dire qu’elle avait passé un bon moment avec sa mère lui suffisait. Elle avait pu lui lire quelques pages de son livre préféré et elle lui avait refait son chignon, seul signe visible de son passage. Avisant la pluie qui tombait en trombe sur la ville, Sawan soupira. Elle fixa les rues inondées et les routes noyées. Elle reste sur le parvis du centre sans trop savoir ce qu’elle voulait faire. Peut-être devrait-elle commander un taxi pour qu’elle mette moins de temps pour rentrer et avec beaucoup de confort, mais la jeune femme n’avait pas envie de rentrer. Vraiment pas. Elle retient un soupire entre ses lèvres rosées et passe une main dans ses cheveux avant de sortir son téléphone de sa poche. Elle commanderait un Uber et irait se poser dans le petit café cosy qu’elle appréciait particulièrement. Elle avait encore un livre qu’elle devait finir de lire pour l’école … et une fiche de lecture à rédiger quand bien même elle n’avait pas l’esprit à travailler. Puis cette voix derrière elle, elle aurait pu être familière si ce n’était pas la première fois qu’elle l’entendait. Elle y trouvait pourtant quelque chose de réconfortant et de rassurant. Elle tourne délicatement sa tête et ne peut retenir un sourire quand elle croise son regard. Elle retient un petit rire et acquiesce. « Je pensais prendre le bus ou commander un taxi pour rentrer. » admet-elle bien que son arrêt soit sûrement bondé à l’heure qu’il est, les gens tassés sous l’abri bus pour se réfugier de la pluie. Elle avait, en plus, oublié son parapluie à sa fraternité. Elle se sentait plus sereine par la présence de cet inconnu. Comme si … elle oubliait tout le reste, comme cette pluie qui s’intensifiait à mouiller ses chevilles de ses éclats de gouttes. Le vent fit virevolter légèrement les volants de sa jupe et Sawan ne le sentit même pas, bien trop plongée dans son regard. 

 

Il est insistant, pour certain il serait presque gênant. On ne regarde pas quelqu’un dans les yeux comme il le fait. Il en serait désinvolte, pourtant il ne peut s’en empêcher. Son regard est profond, une lueur malicieuse s’y cache. Certaines femmes diraient que c’est cet éclat qui peut les briser. Hwan ne s’en vante pas, il n’est pas de ces hommes qui a besoin de parler de lui. Il fait les choses, comme il le sent. Il ne rend de compte à personne, hormis sa sœur. Sa liberté il la prend, comme il peut. Cette visite est l’un de ses secrets. Il n’en joue pas, il les dissimule pour ne montrer aucune faiblesse. Un léger sourire apparait au coin de ses lèvres alors que la jeune femme lui répond. Elle aurait pu l’ignorer, se dire qu’il n’était qu’un homme comme les autres. Mais elle ne semble pas hésiter, inconsciente surement dans quoi elle met les pieds. Il reste courtois cependant, s’interdisant de dévorer sa silhouette parfaite du regard. La pluie est un peu plus forte, bien que sa tenue soit féminine et la mette en valeur, elle reste légère pour ce temps. Il s’avance vers elle « Pas de parapluie ? » ce n’est pas vraiment une question en fait. Il le constate de son regard averti. Une opportunité, qu’il saisit avec insolence. « Je peux attendre avec vous qu’il arrive. Pour vous éviter la pluie. » Ses yeux noirs cernés de khol, la courtisent, alors qu’il se glisse à ses côtés et l’incite à sortir. Il ne force pas les choses, il les provoque, avec une telle assurance. Il en devient déconcertant, Hwan est bon à ce jeu-là. Mener les gens là où il le souhaite. La pluie s’abat sur eux, alors il retire sa veste et décide de la mettre au-dessus de leur tête. Ce geste l’incite à être plus proche de la jeune femme. Une liberté qu’il prend, alors qu’il lui donne un sourire aimable. Il n’a pas envie de jouer, ce n’est pas une proie. C’est une jolie rose, à peine éclose, qui demande un peu d’attention pour s’épanouir. Il n’a pas la moindre idée de ce qu’elle a vécu ici. Comme lui elle doit y passer des bons et des instants plus difficiles. Il n’est pas intrusif, il ne lui demandera pas, comme il appréciera le fait qu’elle ne le fasse pas. Ce qui est important, c’est ce destin qui a décidé de la mettre sur son chemin aujourd’hui. Il n’est pas très bavard. Hwan parle très peu, encore moins lorsqu’il ne connait pas les gens. Pourtant, il ne sent aucun malaise entre eux. Sa silhouette masculine, finit par coller celle de la jeune femme. Un peu en retrait pour la laisser protéger sous sa veste hors de prix. A cette place, il sent un peu plus ce parfum enivrant. Il aime associer des odeurs à des gens, des souvenirs… comme cette nuit-là, celle du sol humide, du sang… 

La jeune femme regarde la pluie tomber puis l’homme. L’aura qu’il dégage est énigmatique et précieuse. Il semble lui parler sans qu’elle n’ait besoin d’entendre de mots. Un simple regard et ils pouvaient se comprendre. Qu’elle magie était-ce là ? Comme un papillon attiré par la lumière, Sawan se laissa charmer. Etait-ce à cause de son rendez-vous, de ses traumatismes, ou était-ce parce qu’elle voulait croire, rien qu’une fois, qu’elle pouvait réussir ... qu’elle se laissa dompter, et si elle devait s’en brûler les ailes … alors tant pis. Au moins son ascension à la lumière aura été douce et belle. Ce noir qui cernait les yeux du garçon était d’une ligne parfaite intensifié ce regard déjà perçant. Elle se laissait mener, apprivoiser bien qu’elle ait conscience que son regard ne laissait pas le garçon indifférent. C’était un jeu silencieux et pourtant si intense. Suffisamment pour que la ville disparaisse autour d’elle. Plus aucun bruit de klaxon, ni de roues sur les flaques d’eau. Le brouhaha ambiant de la ville laisse place à un silence uniquement entrecoupé par le bruit de la pluie, délicate, amicale, fine, et son souffle, celui qu’elle peut désormais sentir sur sa nuque. Tout lui parait alors facile, simple, prenant. Elle se laisse faire, marchant sous cette veste. Ses chevilles délicates son rapidement mouillé mais elle ne le sent même pas. Seule cette chaleur irradiante de son corps importe. Elle pose un regard sage sur la route, sur ce qui les entoure. Mais Sawan a perdu la vue. Son esprit ne s’intéresse pas aux alentours, elle le voit mais ne retient rien. Comme une aura lumineuse, ce garçon l’éblouie. La trouble, plus qu’elle ne voudrait bien l’admettre. Sage, elle se contente d’attendre. D’attendre un chauffeur qui tarde à venir, ou bien était-ce le plaisir des secondes qui défilent lentement qui ravi la jeune femme ? Elle peine à retenir un frisson qui lui parcours l’échine à ce souffle sur sa nuque et son épaule. Elle se demande pendant une seconde ce que serait cette sensation si elle avait les cheveux relevés. Elle déglutit et pose alors son regard sur son écran. 4 minutes. Bien trop cours et si long à la fois. La pluie s’abat comme un torrent menaçant et furieux. Pourtant ils semblent à l’abris sous cette petite veste, hors de prix qui sera sûrement bonne à être jetée … Elle passe le bout de sa langue sur le bas de sa lèvre et relève le visage vers lui d’une douceur, qui contraste avec ce caractère de feu qu’il peut pourtant déceler dans son regard Puis elle lui souffle « Sawan. » l’originalité de ce moment allait jusqu’à ce prénom que peu de coréen avait pu entendre. Une jolie métisse asiatique qui se collait à lui sans vulgarité. Puis une alerte, une course annulée et un minois faussement déçu. « Mon carrosse vient de me faire faux bond. » souffle-t-elle dans un sourire qui se veut complice et délicat. Elle se tourne alors vers lui posant une main sur son torse comme si elle voulait le préserver, l’empêcher de reculer. Tout de son visage gracile et son regard tendent à quémander une invitation muette. Elle frissonne à cause du froid, mais n’en ressent pourtant pas les méfaits. Tout ce que sait Sawan à cet instant, c’est qu’elle veut rester avec son bel inconnu.