Etonné, il ne l’est pas. Pourquoi devrait-il l’être ? Sawan doit être ce genre de femme trop belle pour être intelligente. Pourtant lui n’en doute pas. A contrario de toutes ces autres filles qui écartent les cuisses trop vite pour une nuit de folie, ou pour juste frissonner. Sawan, lui donne l’impression d’être subtile, sa manière de manier les mots mais aussi son langage du corps, ne le laisse pas indifférent. Il l’observe juste assez pour remarquer cette musique sur son téléphone. Son cœur rate un battement, tandis qu’il réalise que cette rencontre n’est pas le fruit du hasard. Il n’en saura rien, se disant simplement que ce signe est… étrange ? Intriguant aussi, il sourcille et détourne le regard comme si de rien n’était. La nuit bien tombée, la musique, le bruit de la pluie… il se sent apaisé pour la première fois depuis longtemps en sortant de ces visites. Il n’a pas envie d’être ailleurs, lui qui se presse toujours pour retrouver Miso. Cette fois, il prend le temps, se trompe de chemin même mais il ne lui dira pas. Puis sa voix trouble ses pensées, il se tourne vers elle un petit sourire au coin des lèvres. Ses remarques le feraient rire si elles n’étaient pas aussi vraies. Troublé malgré tout, il détourne le regard vers la route. Cette femme sait viser juste « des chaines qui vous empêches d’être pleinement vous ». Ça lui va droit au cœur comme si en quelques secondes elle avait su transpercer cette carapace. Il ne dit rien, avant qu’un nouveau feu lui permette de la regarder « Comme vous venez le dire, j’aime trop ma liberté pour être derrière un bureau. » et il lui accorde un sourire désinvolte, d’un sale gamin qui aime dépasser les limites qu’on lui impose. Il ne dira rien sur le reste, car elle y voit trop clair et il reste perturbé par cet incroyable portrait. Une pointe de crainte, qui le renferme un peu sur lui-même. Il n’a pas l’habitude de ces femmes qui se risquent à la discussion. Il n’en laisse jamais d’ailleurs aucune parler avec lui car il se fout de savoir qui elles sont. Mais Sawan prend ses droits, toute seule sans qu’il ne puisse y faire quoique ce soit. Un silence s’impose, en temps normal il en resterait là, mais étrangement « A mon tour alors. » il s’y prête aussi, aimant ce petit jeu maladroit et intrusif. « Je dirais étudiante en littérature, bonne élève, vous êtes le genre de femme qui sait ce qu’elle veut. On vous jalouse pour votre assurance, car vous montrer aux autres cette image maitrisée, mais au fond vous manquez cruellement de confiance en vous. A tel point que vous préférez parfois vous réfugier dans ces livres que vous lisez. Une belle façon de fuir la réalité qui est parfois plus dure à affronter. » Son regard perçant encré dans le sien, il ne détourne les yeux que parce-que le feu devient vert. « Ais-je raison ? » il lâche un rire arrogant « J’ai toujours raison. » une assurance dont il ne se cache pas, malgré qu’il ne sache rien d’elle. Il pourrait se tromper, mais il est trop orgueilleux pour l’admettre. Une autre nuit, il se ficherait de savoir ce qu’elle pense de tout ça. Pourrait-il l’avoir vexée ? Ça n’aurait d’importance à ses yeux et pourtant ce soir il se permet d’ajouter « Vous n’êtes qu’un jolie bouton de rose qui demande à éclore. » car il aime ces phrases poétiques. Ces romans lui aussi, il en lit des tas. Il ne sait pas d’ailleurs si elle est comme lui. Il n’a fait que remarquer ce livre dans son sac, de ses yeux un peu fouineurs. Lui en voudra-t-elle ? Il ne sait pas et pour la première fois de sa vie il se demande si cette femme pourrait le fuir.

Il lui répondait avec ce même air détaché. Il lui répondait avec cette même nonchalance, et cette même retenue. Il lui répondait sans trop en dire, donnant juste les informations qu’il acceptait de partager. Sawan su alors qu’elle avait visé juste mais que le garçon se drapait de sa retenu légendaire pour ne pas trop se dévoiler. Elle acceptait, comprenait même. Elle aurait fait de même, n’aurait assuré les propos de cet inconnu qu’avec malice. Elle passe une main dans ses cheveux avec un petit air espiègle. Il était observateur. Un point de plus pour lui … elle se contente dans un premier temps de regarder en face d’elle sans se départir de ce sourire amusé. Hum. Elle lui lance une œillade, attentive à ses dires. Il était observateur, intuitif aussi. Il semblait être comme elle. Ne suivant que son instinct pour comprendre ce qui l’entoure. Elle est touchée, beaucoup plus qu’elle ne laisserait le voir. Elle est touchée par ses mots, ses vérités. C’était une sensation assez désagréable finalement, d’être mise à nue par un inconnu ainsi. Elle ne s’en offusquait pas, avait même initiée la partie, mais elle n’aurait cru avoir à faire à un adversaire de taille. Pour toute preuve de son trouble, elle humidifie le coin de sa lèvre avec le bout de sa langue. Rien de plus. Elle finit alors par pleinement le regarder et affiche un vrai premier sourire troublant à ne pas en douter par la beauté de la jeune femme. Son visage change du tout au tout quand elle sourit. « Une étudiante en littérature ? Vraiment ? » cela l’amuse, ça serait peu dire. Elle se plait à jouer à ce petit jeu avec lui. Elle se penche alors et sort de son sac le livre qu’elle lisait, (relisait pour être honnête) et lui montre, profitant du feu rouge pour prendre le temps de se pencher vers lui. A nouveau son parfum enivre l’homme à ses côtés. « Le portrait de Dorian Gray. » Elle lui montre la couverture qu’elle affection particulièrement. Ce n’est pas une première édition mais la reliure finement dorée témoigne du prix excessif qu’a dû coûter l’ouvrage. Et avec un sourire remplie d’une affection particulière, elle lui montre l’œuvre signé en fin de livre. Oscar Wilde. « C’est l’un de mes livres préférées. » souffle-t-elle, se livrer sur ses lectures, c’était lui donner un bout d’elle. Le méritait-il ? Non, elle n’en était pas certaine, mais ils sortaient tout deux des enfers … alors peut-être qu’il pourrait être le seul à réellement la comprendre. « Je dois avouer que je suis particulièrement fière de l’avoir entre les mains … » Même si elle n’en donnait pas l’air à le trimballer ainsi dans son sac, elle y tenait. Vraiment beaucoup. Tant que lorsque le garçon tendit la main pour le toucher elle se rétracta et récupéra rapidement le livre qu’elle serra contre elle. « Il sera bien plus facile pour vous de m’inviter à boire un verre qu’à toucher ce livre. » assure-t-elle avec une pointe de malice. Elle humidifie à nouveau le coin de sa bouche au souvenir de ses paroles et ajoute « Et sachez que les jolis boutons de roses possèdent déjà des épines. » elle arque un sourcil pour souligner sa phrase et range précieusement son livre avant de reconnaitre les abords de sa fraternité.