La réussite dépend grandement des amis qui nous entourent. Cette phrase ne pourrait être plus vraie. Plus sincère. Alors, certes, je ne possède que très peu d'amies. Mais cette amie-là m'est précieuse. Sans elle, je ne serais pas celle que je suis, aujourd'hui. Je lui dois beaucoup. Chu Jin Hee. Je l'adore tellement. On s'est très vite bien entendues. Elle mérite tellement que je la remercie pour cela. Elle m'a aidé sans le savoir. J'aimerais tant le lui dire. Ou bien lui écrire. Lui faire le plus beau de tous les textes qu'on puisse faire, une fois dans sa vie, à celle qui lui a tant appris. Mais il y a tellement de choses à dire sur elle que je ne sais même pas par où je pourrais commencer. J'aimerais qu'elle sache qu'elle est la meilleure dans son domaine. La meilleure que je n'ai jamais vu. La meilleure que je n'ai eu. Sans elle, je pense que je ne serais pas là et je ne préfère même pas y penser. Elle est celle qui m'a fait croire en l'amitié, celle qui me soutient parmi tant d'autres personnes. Je m'attache rarement à ce point mais son attitude envers les enfants m'a fait découvrir en elle, une personne en or. Si, un jour, elle vient à tomber, je promets de toujours être là pour la relever, la réconforter, la soutenir. Elle le mérite.

Alors quel ne fut pas mon bonheur que d'apprendre son retour. Sa disparition soudaine au travail fut assez surprenante. Depuis, je n'avais eu aucune nouvelle. J'espère qu'elle se porte bien et qu'elle me donnera les réponses que j'attends. Je la rejoins, quelque peu perplexe par ce que vont donner nos retrouvailles mais heureuse de la retrouver, également. Elle m'a manqué. Je me suis beaucoup inquiété pour elle. C'est pourquoi je suis vraiment contente de la voir. Enfin. Aujourd'hui. Devant moi. Le travail nous a unit et j'en suis plus que comblée. Les études nous réunissent et je vais enfin pouvoir comprendre sa si soudaine disparition. Enfin.

- Coucou... Jin Hee... commençais-je, un peu mal à l'aise. Tu... Tu vas bien ? Je me pince la lèvre. Il y a longtemps qu'on ne s'était pas parlé...

La vie continuait son cours malgré les merdes qui lui étaient tombées sur le coin du nez. Apprendre qu’elle était stérile lui avait mis un coup, plus qu’elle ne l’aurait imaginé. Elle qui voulait à tout prix une famille, se retrouvait sans rien. Jinhee avait même quitté Nagisa, parce qu’elle n’avait pas voulu l’enfermer dans une relation où elle ne pourrait pas lui donner un autre enfant. Certes, il avait déjà Kenma, mais, même si elle aimait énormément ce petit, il n’était pas le sien malheureusement. Alors, elle avait préféré les quitter, donnant un prétexte qui n’en valait pas la peine et laissant son cœur se briser doucement petit à petit, à mesure qu’elle partait loin d’eux. Ils lui manquaient c’était certain, mais elle n’avait plus autant mal maintenant. Était-ce parce qu’elle passait son temps à sortir et à essayer de les oublier ? Ou parce qu’elle se voilait la face ? Elle n’en savait rien et ne préférait pas se poser de questions. En plus de cela, elle avait également arrêté d’aller à l’orphelinat. La raison en était simple : elle ne supportait plus de voir ces enfants qui avaient été abandonné par leurs parents de n’importe quelle manière que ce soit. Les enfants, qu’elle aimait tant, étaient devenus un cauchemar et elle avait eu besoin de s’éloigner de tout ça. Jinhee n’avait prévenu personne à l’orphelinat et elle savait que ce n’était pas vraiment bien, autant pour les enfants, que pour les autres bénévoles ou pour le personnel. Mais elle n’avait pas eu la foi de leur apprendre que le fait qu’elle ne puisse pas devenir elle-même mère, lui pesait trop. La jeune femme allait donc en cours en essayant de retrouver une vie à peu près normale. Et comme tous les jours, elle se rend à la cafétéria pour aller manger avant de reprendre les cours cet aprem. Elle n’a pas énormément de temps, surtout qu’elle a un projet à rendre bientôt. Elle pense à tout : la taille, la couleur, les coutures et d’autres choses qui lui prennent un temps fou. Jinhee est tellement plongée dans ses pensées qu’elle ne voit pas Hyemi. Ce n’est que lorsque sa voix retentie qu’elle relève la tête vers elle. Merde ! Elle avait aussi évité la jeune femme et les voilà toutes les deux devant l’autre. « Salut Hyemi. » lance-t-elle, tout autant mal à l’aise que la jeune femme en face d’elle. « Je vais bien et toi ? » Mensonge qui sort de sa bouche alors qu’un faux sourire s’installe sur ses lèvres. « Oui je sais, j’ai eu pas mal de boulot et pas vraiment de temps pour moi. » Dans un sens, ce n’était pas faux. Mais elle avait simplement fait ça pour éviter de se pencher sur les choses qui lui faisaient du mal. Jinhee ne relance pas la jeune femme, espérant qu’elle comprenne le message.

Je ne me sentais pas vraiment la bienvenue. Tout en elle respirait le fait que je la dérangeais et je regardais ses amis, autour d'elle. Je n'osais plus trop rien dire et je me contente seulement de rester là. Silencieuse. Je la regarde de nouveau et lui souris doucement. Je suis heureuse de la revoir. Elle me manque. J'avais pourtant l'impression que nous nous entendions bien, je n'ai donc pas compris son départ si soudain. Sans même une explication. Elle ne me doit rien, j'en suis bien consciente. Mais si elle s'en est allée ainsi, c'est parce qu'il devait y avoir une raison. Quelque chose de grave, je pense. Elle qui aimait tant les enfants dont on s'occupe. Je ne comprends pas comment elle pourrait s'éloigner d'eux s'il n'y avait pas un évènement grave derrière.

- Tu... commençais-je, en essayant de poursuivre la conversation. Je comprends. Est-ce qu'on aura la chance de te revoir à l'orphelinat dans les jours qui viennent ? Tu nous manques... ainsi qu'aux enfants...

J'ai très certainement dépassé la limite qu'elle me demandait de respecter à travers son regard et son silence. Mais tant pis. J'avais besoin de savoir. Voilà pourquoi j'ai légèrement forcé le passage. Et suivant sa réponse, je pourrais enfin prévenir le reste du personnel. Ainsi que les enfants qui demandent après elle, tous les jours. Se rend t-elle compte qu'elle manque énormément ?

Jinhee savait qu’elle avait mal agit en partant de l’orphelinat et en ne revenant pas, ni pour dire qu’elle arrêtait le bénévolat ni même pour revoir les enfants. Elle s’en voulait, mais n’avait pas tellement le choix. Elle ne supportait plus de voir leurs bouilles adorables alors qu’elle, elle ne pourrait jamais en avoir à elle, de son propre sang. Elle avait fui ses responsabilités et la vérité plutôt que d’affronter tout ça et revoir Hyemi lui renvoyait en pleine gueule ses erreurs passées. Elle n’avait pas fait le bon choix en s’éloignant de sa stérilité et des amis qui auraient pu l’aider. Elle répondit aux questions de la jeune femme, ne relançant pas la conversation. Jinhee espérait que Hyemin comprenne qu’elle ne voulait pas parler de l’orphelinat, pas plus qu’elle ne voulait, pour le moment, y retourner. Seulement, c’était sans compter sur la jeune femme qui enchaîna, lui posant la question qu’elle redoutait tant ainsi que la phrase qui la fit culpabiliser. Elle mordit légèrement dans sa lèvre, détournant le regard, se sentant énormément coupable. « Je sais pas Hyemi… » Et c’était vrai. Elle ne savait pas si elle pouvait y retourner ni même quand elle le ferait si elle le ferait. « Il s’est passé pas mal de chose récemment, et… » Jinhee lança un regard autour d’elle. Personne n’était au courant et elle voulait que ça reste ainsi. Elle n’avait pas besoin d’oreilles indiscrètes qui répèteraient tout ce qu’elles entendraient. « On peut aller discuter plus loin… En privé ? » Elle ne voulait pas qu’on les entende. Et elle devait bien des explications à la plus vieille.

Je ne savais pas vraiment si parler de l'orphelinat et des enfants était une bonne chose mais il fallait que je le fasse. Il fallait qu'elle comprenne qu'elle manquait à tout le monde et surtout aux enfants. Et lorsqu'on me demande de ses nouvelles, je ne sais quoi répondre. Nous avons beau fréquenter la même université, nous ne suivons pas les mêmes cours et cela faisait même plusieurs semaines que je ne l'avais pas croisé. Et ce n'était pas faute de l'avoir cherché. J'avais même fini par croire qu'elle me fuyait. Alors je retournais, sans cesse, à l'orphelinat avec zéro nouvelle et zéro excuse de sa part. Je ne pouvais rassurer personne et j'en avais gros sur le coeur. Car quand les enfants se montraient déçus du manque de nouvelles que j'avais à leur apporter, j'avais la drôle de sensation que c'était de ma faute. Je me sentais coupable de ne pas pouvoir leur dire clairement ce qu'il se passait. Alors maintenant qu'elle se trouvait face à moi, elle me devait bien quelques explications. Au moins ça.

- Oui, bien sûr ! dis-je, en acquiesçant.

Je regarde un peu autour de nous, puis m'éloigne dans l'espoir qu'elle me suive bel et bien. J'ignorais pourquoi elle semblait si mystérieuse et si timide tout à coup. Sans doute qu'elle ne souhaitait pas parler de tout ça devant tout le monde. Peut-être qu'elle avait une raison qui expliquait sa soudaine disparition. Et peut-être qu'elle ne voulais pas évoquer cette raison devant tout le monde. Elle a raison, après tout, ça ne regarde qu'elle. Je me sens, alors, tout à coup, assez coupable de l'avoir poussé à me rejoindre. C'est comme si je la forçais à me parler sauf que ce n'était pas mon intention. Cependant, je ne peux pas vraiment revenir en arrière. Maintenant qu'elle est prête, on dirait bien, à me parler, je dois l'écouter et cacher ma culpabilité.

- Est-ce que tout va bien ? lui demandais-je, à nouveau, comme pour m'assurer qu'elle ne m'ait pas menti la première fois.

En voyant Hyemi l’approcher, Jinhee avait légèrement paniquée. Elle ne voulait pas parler de ce qui lui était arrivé récemment, mais en même temps elle se disait qu’en parler à quelqu’un pourrait l’aider à aller mieux et surtout à avoir du soutien. Personne n’était au courant de ce qui lui était arrivé, pas même sa famille. Jinhee avait fait en sorte que ses parents ainsi que ses frères ne l’apprennent pas. Ils n’avaient pas remarqué d’ailleurs qu’elle avait arrêté d’aller à l’orphelinat pour aider les enfants. Elle n’avait pas réellement de jour pour y aller et quand elle voulait qu’ils pensent qu’elle y était, elle ne rentrait pas et allait à la bibliothèque pour travailler ou dans un atelier pour faire ses créations. Mais Hyemi elle, l’avait remarqué et c’était pour ça qu’elle était devant Jinhee, pour savoir quand est-ce qu’elle reviendrait à défaut d’avoir des explications. Pourtant, elle allait lui donner. Elle ressentait le besoin d’en parler. Elle aurait pu le faire avec Liena, mais elle n’aurait pas forcément saisi toute la portée de ses mots. Pas qu’elle était incapable de comprendre, simplement que le problème de sa meilleure amie était bien plus profond que ça et qu’elle vivait tellement dans in monde de bisounours qu’elle n’aurait pas forcément la réaction adaptée à la situation. Et Jinhee ne lui en voulait pas. C’était pour ça qu’elle l’aimait. Mais là, elle avait besoin de quelqu’un d’un peu plus adulte et avec la tête sur les épaules. Alors, elle demanda à la jeune femme d’aller plus loin. La coréenne allait lui expliquer sa disparition mais elle n’avait pas envie que d’autres personnes sachent. C’était trop intime et secret pour que la moitié de la faculté l’apprenne. Elle suivit Hyemi un peu plus loin et quand elles furent seules, cette dernière reprit la parole et cette fois-ci, Jinhee décida de dire la vérité. « Non tout ne va pas bien. » Sa voix tremblait déjà et elle détourna le regard. « Y a une raison précise pour laquelle j’ai arrêté de venir à l’orphelinat… » Elle poussa un soupir, avant de reprendre. « J’étais avec quelqu’un et en fait j’ai cru que j’étais tombée enceinte parce que j’avais pas mes règles… J’ai été faire un test auprès d’un hôpital… Et j’ai appris qu’en fait je ne pourrai jamais avoir d’enfants. » L’étudiante ne put pas continuer, sentant les larmes pointer au coin de ses yeux. Elle n’arrivait pas à dire qu’elle était stérile et que c’était trop compliqué pour elle de voir des enfants autour d’elle qui réclamaient de l’amour. Elle en avait à revendre, mais elle devait d’abord surmonter le fait qu’elle ne pourrait jamais en avoir naturellement.

Je m'attendais à ce qu'elle me réponde qu'elle allait bien. A vrai dire, je ne pensais pas qu'elle se livrerait aussi facilement à moi. On s'entend bien, c'est vrai. Mais je n'aurais jamais pensé qu'elle ait pu voir en moi quelqu'un à qui elle pouvait se confier. Il était pourtant évident qu'elle n'allait pas bien et quelque chose de grave s'était passé. Nous n'étions pas les meilleures amies du monde mais je la connaissais assez pour savoir à quel point elle aimait les enfants et c'est pour cette raison que son absence subite et sans explications était inquiétante pour les enfants comme pour le personnel de l'orphelinat. Mais aussi pour moi. J'espérais qu'elle allait bien mais je n'avais encore, jusqu'à maintenant, jamais eu l'occasion de la croiser et de pouvoir m'en assurer par moi-même. Voilà pourquoi je n'ai pas pu m'empêcher de saisir l'opportunité lorsque je l'ai aperçu plus tôt. Le fait qu'elle m'ait demandé de m'éloigner signifie peut-être qu'elle se sent prête à me dire quelque chose. A moins que ce soit pour me demander de la laisser tranquille et qu'elle ait préféré le dire à l'écart d'oreilles indiscrètes. Il faut dire que dans cette école, tout se raconte très vite mais toujours de manière déformée. Et Jin Hee n'est pas du genre à aimer les rumeurs à son compte. Moi non plus, d'ailleurs. Et finalement, à mon grand étonnement, elle finit par répondre à ma question mais négativement. Je fus alors surprise et l'écoute attentivement pour bien comprendre ce qu'il se passe. Mais son aveu fut si lourd de sens que je fus presque choquée de l'entendre. Je suis restée bêtement silencieuse pendant plusieurs secondes à la regarder. Une profonde et immense tristesse devait très certainement trahir mon regard. Celui que je porte sur elle, en ce moment même. Mais comment ne pas ressentir une tristesse en apprenant une telle chose ? Jin Hee et moi, nous nous ressemblons dans le fond. Surtout pour ce qui est du désir d'enfanter et de devenir mère. C'est d'ailleurs un point commun qui nous a très vite rapproché. Alors, apprendre qu'elle ne pourra jamais mettre au monde son propre enfant était une déchirure. Je n'osais imaginer à quel point elle devait souffrir de cette vérité.

- Je comprends mieux... murmurais-je, finalement, doucement. Je... Je marque une pause avant de lâcher un rictus contre moi-même. M'excuser n'avancerait à rien... je ne sais même pas pourquoi je comptais m'excuser auprès de toi, c'est déplacé. Je souffle doucement. A vrai dire, je n'ai même pas les mots... Personne ne peut trouver les mots face à ça...

Je me pince la lèvre et finalement, je décide de la prendre dans mes bras. C'est la seule chose, quelque peu réconfortante, que je pense pouvoir faire en ce moment. Aucun mot ne pourra l'apaiser. Aucun mot ne pourra la faire oublier. Aucun mot ne sera assez juste dans l'état actuel des choses, de toute façon. Alors, peut-être qu'un geste de réconfort et de soutien comme le fait de la prendre dans mes bras peut l'aider. Du moins, à lui montrer que je suis là pour elle si elle en ressent le besoin et surtout que je la soutiens dans cette épreuve loin d'être évidente.

Malgré la difficulté qu’elle ressentait à en parler, Jinhee ne pouvait pas garder ce secret aussi important et lourd à porter pour elle-même. Elle n’avait clairement pas les épaules pour le faire. La jeune femme avait beau dire que c’était le cas, ça ne l’était pas. Elle avait besoin de soutien et si elle ne voulait pas en parler à sa famille, parce qu’elle savait qu’elle ne récolterait que de la pitié, alors qu’avec Hyemi, elle était sûr d’avoir un soutien externe plus mature. Elle aurait pu en parler avec Liena mais encore une fois, elle savait qu’avec sa meilleure amie, elle n’aurait que de la pitié. Ce n’était pas mauvais, mais ce n’était pas ce dont elle avait besoin. Jinhee avoua donc, non sans mal, la raison principale qui avait fait qu’elle avait disparu, ne rentrant toutefois pas dans les détails. Hyemi n’avait pas besoin de savoir qu’après cette découverte, la coréenne avait quitté son petit ami et avait même fait en sorte de ne plus vouloir s’attacher à n’importe qui. Elle allait là où le vent l’amenait et c’était tout. Elle ne dit pas non plus à quel point elle avait souffert de cette nouvelle et que voir des enfants l’aurait plongé encore plus dans le gouffre. Elle ne dit pas tout ça, mais elle se doutait que son amie le voyait et même le savait.

« T’en fais pas… Je comprends ce que tu veux dire. » dit-elle, un léger sourire triste sur les lèvres tandis qu’elle fut surprise par le geste de la beolsae. Jinhee resta sans rien dire ou faire quelques secondes avant d’entourer le corps de Hyemi de ses bras et silencieusement, elle se mit à pleurer. Depuis l’annonce de sa stérilité, la jeune femme n’avait pas versé une larme à part dans le cabinet du docteur. Ça avait été un choc pour elle et elle avait mis pas mal de temps à s’en remettre et même encore maintenant ce n’était pas le cas. Elle avait même fini par se voiler la face, comme si ça allait changer quelque chose, comme si ça allait disparaitre. Mais ce n’était pas le cas. Ce serait toujours là, une ombre au tableau idyllique qu’elle avait peint dans son esprit pour son avenir. Pas d’enfants biologiques, pas de famille réellement à elle. Rien de tout ça. Jinhee pleura encore quelques instants dans les bras de son amie, avant de sécher doucement ses larmes. « Désolée, j’ai mouillé ton t-shirt… » fut ses premiers mots quand elle reprit la parole. « C’était trop dur de voir les enfants… Et je voulais pas en parler… C’est encore trop dur… » Le dire à voix haute changeait pas mal de choses. Ça rendait la situation plus réelle. Elle ne pouvait qu’y faire face maintenant.

Chaque blessure laisse une cicatrice et chaque cicatrice raconte une histoire. Et celle de mon amie était atrocement triste. C'était l'unique sentiment que je ressentais actuellement. De la tristesse. Certains pourraient se sentir désolées ou même ressentir de la pitié pour elle. Mais qui sont ces personnes, en fin de compte ? Personne. Nous ne sommes personne pour avoir pitié de quelqu'un. C'est encore plus affligeant et encore plus monstrueux de montrer de la pitié dans une telle situation. Je ne peux qu'être triste et comprendre sa souffrance interne. Je ne peux que la soutenir et me dire qu'à partir de maintenant, je ferais en sorte de ne plus la laisser seule face à cette terrible vérité. Elle était si loin ces dernières semaines. Et pourtant, j'avais la sensation de l'avoir près de moi dès que j'allais voir les enfants. Et pour cause, nous partageons le même amour pour eux. Nous partagions la même envie, le même désir : celui d'enfanter. Et aussi étrange que cela puisse paraître, sa peine m'a profondément touché. Sa peine m'a marqué au fer rouge et le fait de la prendre dans mes bras était aussi un moyen pour moi de panser cette plaie.

Lorsque je sens ses bras m'enlacer, je comprends alors qu'elle a décidé de lâcher prise. Je ferme les yeux et reste calme. Je la maintiens contre moi. Je l'enferme dans cette bulle qui lui permet de se soulager la conscience et le cœur à l'abri des regards indiscrets. Si je peux être son bouclier le temps de quelques minutes ou le temps de quelques secondes, ce sera avec plaisir que je le deviendrais. Mais je fus assez surprise de ses mots lorsqu'elle décida qu'il était temps pour elle de se reprendre. Je lui souris tendrement.

- Tu n'as pas à t'excuser pour ça ! Je ris légèrement. Je dirais que je me suis bavé dessus en faisant ma sieste.

Je hausse les épaules et essaie de détendre un peu l'atmosphère. Et lorsqu'elle continua en abordant le sujet de l'orphelinat et des enfants, je ne pus que lui prendre les mains. Je la regarde droit dans les yeux et lui offre un de mes plus beaux sourires.

- Prends tout le temps qu'il te faudra, je leur dirais que tu es partie en vacances pour te reposer !

Cette étreinte lui fait du bien. Bien plus qu’elle ne voudrait bien l’admettre. Jinhee n’est pas la fille forte et insensible qu’elle laissait parfois entrevoir. Elle avait un cœur, des expressions qui déformaient son visage et un trop plein d’émotions qu’elle gardait en elle. Depuis que le médecin lui avait dit qu’elle était stérile, la jeune femme n’avait pas versé une seule larme. Elle avait tout gardé en elle, tout refoulé parce qu’elle ne voulait pas paraitre faible. Mais là, dans les bras de Hyemi, alors qu’elle ressentait enfin de la chaleur humaine, l’étudiante en art s’effondra. Elle n’en avait encore parlé à personne, la beolsae en était la première au courant de cette histoire. Même les parents de Jinhee n’en savaient rien. Elle n’avait pas voulu les alarmer même si un jour, il faudrait qu’elle trouve le courage de leur dire. Parce qu’elle ne pouvait pas vivre dans le mensonge et encore moins dans le déni de sa condition. Elle était passée par cette phase et maintenant qu’elle l’acceptait pleinement, il lui fallait avancer. Or pour le moment, elle n’y arrivait pas encore. C’était encore trop frais dans son esprit pour qu’elle puisse retourner voir les enfants à l’orphelinat.

Jinhee finit par se détacher de la jeune femme, essuyant ses yeux doucement pour éviter de mettre du maquillage partout sur son visage. Elle mêla son rire à celui de Hyemi à cause de ses paroles. Il était un peu étranglé par les sanglots qui menaçaient toujours d’éclater. « Pas très glamour tout ça. » murmura-t-elle, alors qu’elle finissait de sécher la moindre trace de ses larmes. Il n’y eut bientôt plus aucun signe de pleurs sur son visage. La seule chose qui aurait pu trahir le passage de l’eau salée fut ses yeux rouges. Elle se recula encore un peu, expliquant à son amie qu’elle ne pouvait pas revenir maintenant. C’était trop dur pour elle de voir les enfants. Ça lui rappelait trop ce qu’elle avait malheureusement perdu. « C’est gentil merci… Je veux pas qu’ils pensent que je les ai abandonné… Mais je peux pas encore revenir. » Jinhee sourit doucement à la jeune femme avant de détourner le regard pour regarder autour d’elle. Le groupe d’amis de Hyemi l’attendait un peu plus loin. « Je voudrai pas te retenir plus longtemps… Je te ferai signe quand je reviendrai… Ce sera plus très long. » Elle espérait que ce serait le cas. Parce que mine de rien, les enfants lui manquaient énormément.