(( midnight))  —  Tout avait commencé quelques heures plus tôt, à l’heure où j’avais décidé de quitter le dortoir des Cheonglyong, comme c’était prévu depuis le début de la semaine. Je devais retrouver Skyla à l’appartement, au lieu de rester étudier à l’université pour les examens qui arrivaient à grands pas. Jusque-là, tout allait bien : j’avais pu faire mon sac dans les temps, emporter quelques livres pour lire, une fois que ma sœur serait couchée, et j’avais quitté les lieux sans rencontrer âme qui vive pour troubler mes plans en décidant de soudainement me faire la conversation, comme cela arrivait bien souvent.

Ce que je n’avais pas prévu, en revanche, c’était la suite de mésaventures m’avait ensuite poussé à arriver avec près de deux heures de retard à l’appartement que je partageais avec Skyla. Qui aurait pu prévoir, en effet, que la ligne que j’empruntais pour faire le trajet qui séparait le dortoir des Cheonglyong du centre-ville allait connaître des problèmes techniques et que j’allais me retrouver coincé dans une rame de surchargée, sans le moindre moyen de contacter ma sœur car, bien évidemment, le réseau était précaire dans de telles conditions ? Jamais un soulagement n’avait été aussi grand que celui qui me saisit au moment où je pus quitter la voiture et retourner à l’air libre.

C’est après quelques minutes de marche rapide et sportive, car n’oublions pas que j’avais encore à l’épaule le sac que j’avais préparé à mon départ du dortoir, que j’arrivai enfin à l’appartement, deux heures plus tard que ce que j’avais prévu à l’origine. Je montai les marches quatre à quatre pour atteindre notre palier et je dus fouiller un instant dans mes poches pour dénicher mes clés, où pendait une photographie de Skyla et moi-même miniaturisée, dont je ne me séparais jamais. Par habitude, je tentai d’ouvrir la porte avec la clé du dortoir. Je m’insultai tout en roulant des yeux alors que je cherchais rapidement la bonne clé, que je fis tourner dans la serrure de la porte qui pivota lentement sur ses gonds… Pour m’offrir une vue à laquelle je ne m’attendais pas.

« Skyla ? » La surprise peinte au visage, je fronçai finalement les sourcils, perplexe. « Tout va bien ? » J'étais en retard, certes, mais de tels événements arrivaient. Ne l'avais-je pas prévenue ? ... Le doute me saisit doucement. « Il y a eu un problème sur la ligne, désolé. Je pensais t'avoir prévenu.»

(( midnight))  —  Skyla avait l’habitude de vivre seule maintenant et de prendre les précautions qu’il fallait pour sa propre sécurité. Il n’y avait eu qu’un raté, mais le pire de tous. Elle n’avait pas su se protéger suffisamment, se défendre suffisamment et elle restait aujourd’hui traumatisé de cette nuit d’agression. Il n’avait réussi à porter atteinte à son corps mais avait marqué son esprit au fer rouge. Douloureux et difficilement oubliable. Elle avait l’impression que ce monstre connaissait tout d’elle, son boulot, son appartement. Il avait le pouvoir de l’atteindre et de lui faire du mal. Elle le savait, et pire encore de venir faire exploser son intimité et sa tranquillité. Il était hors de question qu’à cause d’elle quelque chose arrive à son frère …

 
 
 

(( midnight))  — Imaginez ma surprise, quand j’avais vu Skyla munie de cette batte, de l’autre côté de la porte. Je n’aurais pas pensé la trouver dans une telle position, encore moins armée (car je doutais qu’elle s’en soit munie pour s’exercer aux home-runs dans le confort de notre appartement). Mes sourcils se froncèrent naturellement, alors que je l’interpelais, j’attendis qu’elle réagisse pour entrer dans l’appartement, jetant par réflexe un coup d’œil rapide autour de nous. Y avait-il une chose dont j’aurais dû me méfier ? Un danger quelconque ? Je n’étais pas suffisamment naïf pour croire à un parfait hasard.

Sans hésiter, je nouai les bras autour de Skyla, tapotant doucement son dos, pour la rassurer alors que mes réflexions s’ébranlaient. Pourquoi s’était-elle trouvée là, comme dans l’attente d’un événement terrible ? Il y avait forcément une explication, mais j’avais l’impression d’être face à un puzzle sans image, sans référence, avec ma seule pensée comme guide. Il me fallait plus d’informations. « Peur de quoi ? Que je me perde en chemin ? » demandai-je sur le ton de la plaisanterie, bien que je sois toujours perdu dans mes pensées. Ce n’était pas la première fois que j’arrivais en retard, bien que je déteste être aussi peu ponctuel.

« Non, pas encore… Toi oui, j’imagine ? Merci... » Elle évitait mon regard. Cela la rendait plus suspecte encore, mais je m’efforçai de ne pas l’écraser de questions alors que je venais d’entrer. J’allai porte mon sac dans ma chambre, ôtant au passage mes chaussures et ma veste avant de revenir vers Skyla, sur qui je posai les yeux, essayant de croiser son regard à la première occasion. « Skyla ? » Elle n’y échapperait pas, maintenant que je m’étais débarrassé de tout ce qui me travaillait. « Pourquoi tu m’attendais avec une batte ? » Je savais qu’elle ne m’attendait pas, mais le but n’était pas de l’assaillir avec des questions dont je connaissais déjà la réponse. J’avais bien compris, avec les années, que ce n’était pas de cette façon qu’on arrivait où l’on souhaitait en venir.

Dans tous les cas, je me rendis à la cuisine pour récupérer la nourriture qu’elle m’avait laissée et revenir vers elle, prenant de quoi manger. Il était hors de question que je m’éloigne tant que je n’étais pas satisfait des réponses qu’elle me donnait. J’étais bien trop inquiet pour cela.
 

(( midnight))  —  Peut-être que pour se soulager du poids de tous ces mensonges elle devrait finalement lui dire la vérité … ? Au moins une partie, une de celle qu’elle pourrait aisément expliquer … Elle ne voulait pas l’inquiéter mais parfois, partager son fardeau et son vécu avec une personne qui nous était proche facilitait à le porter. Elle ne devait plus voir Sawyer comme un enfant … Mais il était difficile pour elle de lui avouer avoir manqué de jugeote et de ne pas avoir fait ce qu’il fallait. Skyla n’était pas dans un monde d’hyper contrôle mais … elle faisait toujours son maximum pour éviter le plus possible les surprises … surtout les mauvaises. Elle aurait pu essayer d’éviter son regard, de trouver une fausse excuse, un truc bidon … mais cela aurait été stupide de sa part. il était évident ce soir qu’elle n’était pas capable de lui mentir, pas totalement.

 
 

(( midnight))  — Les minutes passaient et les questions ne trouvaient pas les réponses que j'attendais. Quelles raisons étranges avaient pu pousser ma soeur à se trouver derrière notre porte, munie d'une batte, comme si elle avait attendu la visite d'un ennemi quelconque, une menace dont j'ignorais tout ? Ces interrogations, que j'estimais légitimes, m'autorisaient à insister, à poser davantage de question, quand bien même cela n'allait peut-être pas être du goût de ma précieuse grande soeur. Je n'avais pas envie de la faire paniquer ou de l'inquiéter, tout comme je n'avais pas envie qu'elle me cache la vérité, alors je me promis de ne pas trop insister, quand bien même je connaissais ma capacité à aller chercher la petite bête. Mon intention était avant tout de la protéger, mais aussi de lui faire confiance : elle était suffisamment grande pour prendre des décisions par elle-même.

Laissant retomber un semblant de silence dans l'appartement, j'étais allé à la cuisine pour récupérer la nourriture qu'elle avait mentionnée, acceptant la bière qu'elle me tendait avec un petit sourire. « Merci. » Je retrouvai bien vite mon sérieux, alors que je commençais à manger ce qui se trouvait dans mon assiette, l'esprit tournant à plein régime alors que je me permettais de nouvelles interrogations. Qui, quoi, comment, pourquoi. Les questions étaient là, sans réponse. C'était profondément frustrant. Je ne pouvais qu'attendre que Skyla me donne ces réponses que je n'étais même pas certain d'avoir. Alors, en silence, je portai la bière à mes lèvres pour en prendre une gorgée avant de recommencer à manger. Cette batte m'intrigait plus que tout le reste. Je n'étais pas suffisamment bête pour imaginer qu'elle faisait des lancers contre la porte. D'autres peut-être, mais pas moi. Elle le savait parfaitement, et j'en étais convaincu, alors j'osais croire qu'elle allait me dire la vérité.

Mais même si j'avais imaginé une situation plus que problématique, son aveu m'arrêta alors que je portais une nouvelle fois ma bière à mes lèvres. « Pardon ? » Je lançai vers elle un regard furieux, pas contre elle, cela allait de soi, mais à l'égard de l'imbécile qui avait essayé de faire du mal à ma soeur. « Tu le connaissais, ce gars ? » Mes sourcils s'étaient froncés de colère. Il était hors de question que je reste passif face à une telle situation : si Skyla se retrouvait dans une situation problématique ou qu'elle avait des problèmes, je devais être là. « Je vais rester à l'appartement un moment avec toi, et je viendrai te chercher au travail. » dis-je simplement, en reportant mon attention sur la nourriture après avoir reposé ma bière sur la table. Je mangeais avec un peu trop de colère, malgré les gestes lénifiants de Skyla. D'ailleurs, je ne tardai pas à laisser tomber mes couverts pour me tenir le visage. « Pourquoi tu m'en as pas parlé, bordel ? » On devait prendre soin l'un de l'autre, elle et moi. Pourquoi avais-je l'impression que ça n'allait que dans un sens, aujourd'hui ? J'avais failli à mon rôle de frère. 

(( midnight))  —  Elle voyait combien sa nouvelle l’avait touché. L’intelligence poussé de son petit frère lui faisait parfois raté quelques émotions des plus basiques chez les individus. Il était un homme de logique, qui gérer ses émotions comme on gère un problème en math. Avec concentration et méthode. Mais il n’en restait pas moins sensible et Skyla savait que tout ce qui la touchait le touchait … Peut-être même avec plus de force. Depuis la mort de leur parents et leur fuite de chez leur tante, Skyla et Sawyer s’étaient retrouvés tous les deux. Tous les deux contre le reste du monde. Ils prenaient soin l’un de l’autre et se protégeait. Mais Skyla avait fait des choix, l’avait poussé à vivre ses rêves, à entrer dans cette école, à vivre à l’université. Elle était là chaque fois qu’il avait besoin d’elle, mais elle voulait qu’il apprenne à vivre sa vie et … elle ne pourrait mentir, elle voulait qu’il puisse être loin d’elle pour qu’elle puisse cacher plus aisément sa réelle activité, celle qui leur amenait de l’argent … Elle veut l’apaiser, mais voit bien que malgré sa douceur et ses caresses il se perd dans sa colère. La façon dont il mange lui fait mal au cœur et après quelques minutes vient poser une main délicate sur les siennes, pour l’arrêter, le stopper, qu’il cesse de se faire du mal. La culpabilité qui accablait les épaules de son frère la tuait. Elle ne voulait pas lui faire de mal avec ce mensonge, cette omission, elle voulait juste lui épargner cette douleur qu’il ressentait ce soir. Cette frustration. Elle embrasse sa nuque en retenant ses larmes et murmure « Je suis désolée … » Elle ne voulait pas lui cacher, ni lui mentir. Elle voulait simplement régler ses soucis seule … Elle le voulait épanouit, insouciant, heureux … Elle voulait lui donner la vie qu’il méritait, cette vie que la mort de leur parent avait fait basculer … elle le contourne, vient s’asseoir à côté de lui et attrape sa main. « J’aurais dû te le dire tu as raison … Mais je ne voulais pas t’inquiéter pendant ta période d’examen et après … après j’ai pas trouvé le courage de te le dire … » Elle savait qu’il était sérieux en disant vouloir venir la chercher après son travail, et il était certain qu’il découvrirait ce qu’elle faisait vraiment s’il venait, mais elle ne s’en inquiétait pas, car elle savait qu’elle saurait détourner son attention. Elle humidifie sa lèvre et murmure « Sawyer … j’ai rencontré quelqu’un. » enfin, retrouvé, serait plus judicieux. Sawyer n’avait jamais rencontré Il Kwon, mais il avait ramassé sa sœur à la petite cuillère après leur rupture. Elle n’avait jamais mentionné son prénom, car c’était pour elle une chose trop dure à faire, mais elle savait que si Sawyer découvrait que l’homme qu’elle a rencontré, c’était l’homme qui lui avait brisé le cœur, elle savait qu’il n’apprécierait pas. « Je bosse avec et ... » elle pince ses lèvres « Je l’aime bien … » la façon dont elle baissait ses yeux trahissait qu’elle l’aimait en réalité beaucoup … Mais ils n’avaient jamais vraiment parlé de leur histoire de cœur. « Et je … enfin c’n’est rien de bien concret … on s’entend bien et je … je sais pas trop si on pourra donner suite mais … enfin tout ça pour dire qu’il me ramène tous les soirs donc tu n’as pas à t’en faire … » souffle-t-elle. C’était vrai d’ailleurs, mais elle s’en voulait de repousser Sawyer à nouveau. C’est pour ton bien petit frère. Crois-moi. Car si elle y était habituée à son enfer, le choc de cette nouvelle détruirait son frère et leur relation. 

(( midnight))  — Voilà de longues années désormais que j'avais la fâcheuse tendance à essayer de toujours justifier chaque événement, chaque chose qui se produisait dans mon quotidien. J'avais besoin d'établir des liens, de connecter ce qui semblait ne posséder aucun rapport, ce qui était fatiguant au plus haut point, même pour un esprit comme le mien. Alors, voir Skyla m'ouvrir la porte comme elle l'avait fait, sur la défensive et munie d'une batte de baseball, avait tout pour me mettre dans la confusion la plus totale.

Que s'était-il passé ?
Pourquoi ?
Comment ?

Tant d'interrogations qui ne trouvaient pas de réponses, ou seulement les pires que mon esprit pouvait trouver au bout de longues et pénibles réflexions. Je m’étais installé pour manger la nourriture que Skyla avait mise de côté pour moi et, quand j’avais enfin entendu son explication, ma réaction ne s’était pas fait attendre. S’était-elle vraiment mise en danger sans même me tenir au courant ? Je fronçai les sourcils malgré tous mes efforts, profondément mécontent, alors que je continuais à manger malgré tout.  Je refusais qu’elle aille travailler seule dans de telles conditions, encore plus si elle se retrouvait face à des individus comme celui qui avait tenté de porter atteinte à sa pudeur. Je continuai à manger avant de reprendre la parole, bien plus vivement que je ne m’y étais attendu.

« Mais il s’agit de toi, Skyla. Tu es plus importante que mes examens. Tu le sais, ça, non ? » Ma chère sœur était, à vrai dire, l’une des seules personnes pour qui j’éprouvais une réelle sympathie. Les autres n’étaient que des gens de passage qui tout au plus m’agaçaient la moitié du temps, pour la majorité. Une existence bien triste, j’en convenais volontiers, mais qui correspondait malheureusement à ce que j’avais compris des autres : ils n’aimaient pas qu’on les remette à leur place et qu’on leur dise qu’ils avaient tort.

Skyla, au contraire d’eux, était ma chair et mon sang, rien ne pourrait jamais changer cela. « Qui donc ? » Les questions, encore et toujours. J’étais prêt à la cuisiner toute la nuit, s’il le fallait, pour avoir des réponses à mes questions. Des réponses satisfaisantes, j’entendais, et ça n’était pas encore le cas. « Je peux avoir son nom ? » L’insistance. Encore, toujours. Je ne pouvais m’en empêcher, scrutant d’un regard attentif les réactions de ma sœur, qui m’échappaient parfois. J’avais toujours eu un peu de mal à appréhender les autres, en particulier lorsqu’il était question d’émotions. Pas que je sois profondément indifférent, je réagissais juste différemment, avec une grosse dose de cynisme et de sarcasme. Oh joie.

Je continuai à manger, prenant une gorgée de bière sans quitter des yeux mon assiette, trop absorbé par mes réflexions pour penser à relever les yeux vers ma sœur.  « Je veux son numéro et son adresse, au cas où. » ajoutai-je après un moment, déterminé à ne pas laisser la moindre possibilité à ce gars de tenter de m’échapper. « Et assure-toi que c’est la vraie, au cas où quelque chose arrive. » Si elle ne le faisait pas, je le ferais moi-même. Il ne fallait pas me prendre pour un imbécile. « D’ailleurs, tu te rappelles à quoi ressemblait ce gars ? » Celui qui lui avait fait du mal, évidemment. Je refusais de laisser ce genre de chose se produire à nouveau. « Il faut que tu ailles faire une déposition à la police. Si ça se reproduit, tu recommences. C’est important. » Dans cette usine qui m’habitait le crâne, j’élaborais encore de bien sombres scénarios, incapable d’apporter le calme à mon âme.

(( midnight))  — Elle savait qu’il disait ça pour la protéger. Après tout, ça n’avait jamais été qu’eux contre le reste du monde. Elle avait beau être l’ainée, maintenant que Sawyer était devenu un homme il tenait à prendre soin d’elle. Il avait ce caractère tranché, parfois étrange, déroutant, mais qu’il saurait maitriser pour obtenir ce qu’il voudrait. Elle n’avait jamais su s’inquiéter pour lui parce qu’elle savait qu’il atteindrait ses objectifs. Il ne pouvait en être autrement. Elle était fière de l’homme qu’elle voyait ce soir. Ses questions étaient dérangeantes simplement parce qu’elle lui mentait, qu’elle lui cachait le pire des secrets, mais il était concerné, il était inquiet. Il cherchait la meilleure des solutions pour elle. Elle était touchée par tant de véhémence de sa part. il ne laisserait pas les choses se passer ainsi. Elle aurait aimé qu’il puisse simplement oublier, parce que cela voudrait dire qu’il restait éloigné de son secret, mais elle ne pouvait lui dire ainsi. Elle devrait se montrer habile pour éloigner ces idées de la tête de son frère. Mais des deux Eom, il aurait été bien difficile de savoir lequel des deux étaient le plus têtus.

 
 

Elle se dresse sur la pointe des pieds pour attraper un mouchoir dans le placard et se tourne finalement vers lui. Elle aurait aimé pouvoir juste rire de ses remarques et passer à autre chose en lui faisant comprendre que ce n’était pas une chose à demander. Mais … elle était fatiguée, elle vivait dans la peur depuis des semaines et maintenant que son petit frère était là elle n’était même pas foutue de lui dire la vérité et de se réfugier dans ses bras ; ce soir Skyla était fatiguée de tout. Elle se mouche doucement et se lave les mains, prenant du temps simplement pour rassembler ses idées. Puis elle retourne vers lui, perdue dans ses pensées. Il lui parlait sûrement mais la jeune femme était perdue dans ses pensées. Elle pose sa joue dans le dos de son frère, alors qu’elle l’enlaçait par derrière. « Sawyer … » murmure-t-elle. « Je sais plus quoi faire … » c’était la première fois qu’elle se confiait à lui ainsi. « Byun Il Kwon, c’est Byun Il Kwon son prénom … » elle ferme les yeux comme si ces quelques mots étaient déjà de trop. « T’as déjà été amoureux Sawyer … ? Je veux dire, à tel point que t’as peur … peur que la personne ne t’aime pas, peur de le perdre … peur de … de n’avoir droit qu’à des instants volés … » Ils ne parlaient jamais de ça entre eux … mais ce soir serait une exception. A qui aurait-elle pu en parler de toute façon. « Je l’aime tellement Sawyer … que ça fait mal. »

(( midnight))  — Je ne pouvais supporter l’idée que l’on puisse chercher à faire du mal à ma sœur. J’étais certes raisonnable, peut-être trop, si l’on en croyait certains, mais j’étais également extrêmement buté, quand on commençait à toucher à mes valeurs, et le respect des autres, à commencer par Skyla, était une des plus importantes à mes yeux, avec l’honnêteté. Alors, savoir que quelqu’un avait essayé de poser la main sur elle m’énervait tout particulièrement. Un énervement que je peinais à cacher, alors que j’essayais de contrôler la colère qui bouillait dans mes veines. J’avais froncé les sourcils, écoutant ce qu’elle avait à dire pour se défendre, pour expliquer cette situation. Plus important encore, j’avais besoin des informations qu’elle refusait de me donner, afin d’être certain qu’elle ne mettait pas sa vie entre des mains mal intentionnées. Je ne pouvais pas la perdre. Pas elle, pas alors que j’avais déjà perdu mes parents. Nous étions tous deux la seule chose qu’il restait à l’autre.
Alors tant pis si mes questions étaient trop curieuses, si je n’avais pas à savoir toutes ces choses : à mes yeux, elles étaient importantes. Une nécessité sur laquelle je n’aurais pas pu faire une croix en cette période de crise. J’avais gardé les yeux posés sur Skyla, alors qu’elle prenait son mouchoir, attendant qu’elle s’exprime, pour refuser mes questions ou pour y répondre. Je pinçai pensivement les lèvres alors qu’elle s’installait contre moi, laissant mes bras rencontrer les siens avec une certaine douceur. Une douceur que j’avais avec bien peu de monde, étant donné que je ne me laissais pas approcher trop facilement. « Byun Il Kwon… » J’allais le retenir, faire de mon mieux pour ne pas l’oublier, pour le graver dans ma mémoire, au cas où quelque chose arrivait. Je fronçai les sourcils à ses questions… « Pas vraiment, non… » Parmi les hommes et les femmes qu’il avait pu fréquenter, rares avaient été ceux qui avaient réussi à se tailler une place un peu plus affirmée dans son cœur. Son univers était bien trop hermétique, bien trop rationnel… À se demander si quelqu’un allait pouvoir s’y faire une place un jour. « Ce n’est pas censé faire mal, si ? » La douleur n’était-elle pas un symptôme d’anomalie, après tout ? Je ne pus que froncer les sourcils en l’entendant parler. « Tu devrais faire attention, Skyla… Je ne connais pas ce Il Kwon et j’imagine très bien que les sentiments ne se contrôlent pas… Mais j’ai peur pour toi. Je n’ai pas envie que tu souffres à cause d’un homme qui ne te mérite pas… Un homme qui ne fera pas tout ce qui est en son pouvoir pour te protéger et s’assurer que tout ira bien pour toi… » Pourtant, un jour, il faudrait bien que j’apprenne à vivre sans elle… C’était si compliqué. « Tu me promets que si quelque chose va mal, tu m’en parleras ? »

(( midnight))  — La logique de son frère la faisait sourire, parce que dans le fond il avait raison. L’amour n’était pas censé faire mal, mais quand il était contrarié, voire impossible, dieu que c’était une douleur impossible à supporter. Dans le fond la jeune femme était triste que son petit frère n’ait jamais goûter au plaisir de l’amour mais d’un autre côté elle était soulagée qu’il n’ait jamais eu le cœur brisé. Et lui ? En avait-il brisé des cœurs ? Il était si unique dans sa façon d’être, elle l’aimait ainsi, d’autre avait dû succomber à son charme unique, à ses avis tranchés. Elle n’avait pas de mal à imaginer de jeunes filles, un peu fleur bleu, craquer pour sa beauté et ne faire de son caractère qu’un élan d’amour à maitriser. Parce qu’il était certain qu’avec son visage il attirait les regards. Le désir peut-être ? Skyla était suffisamment bien placer pour comprendre ce que l’attirance représenter pour l’homme, pour l’humain. Le plaisir pouvait être différent des sentiments et le fantasque vous posséder à en déroger à toutes vos valeurs. Mais son frère était si différent, ne ressemblait en rien aux clients qu’elle avait … Se demandait même s’il serait capable de coucher ainsi avec une femme pour de l’argent. A cette pensée elle embrasse sa nuque d’un geste affectueux, ne devient jamais comme ces hommes mon chéri. Mon tout petit frère. Elle le voyait toujours aussi innocent et candide, même s’il était certain qu’au vu de son âge il avait déjà dû connaitre le plaisir de la chaire. Elle sourit de la ferveur de l’attention qu’il lui porte, qu’il veut qu’un homme lui porte. Ils se sont toujours protégé l’un l’autre, il était dur d’imaginer devoir laisser un autre le faire à sa place. Elle se glisse face à lui et caresse sa joue « Personne ne saurait me protéger aussi bien que toi, tu fais ça merveilleusement bien … » souffle-t-elle avant d’acquiescer « Je lui apprendrais à prendre soin de moi … C’est encore récent alors … prenons le temps de comprendre ce qu’on veut l’un de l’autre … et dans tous les cas, oui, je te promets de te le dire si quelques choses va mal … » Et dans sa sincérité Skyla ne réalise pas qu’elle ment. Car elle se promet de lui dire si quelqu’un l’agresse à nouveau, mais ne semble pas comprendre que la demande de son frère pouvait inclure l’argent que leur tante à dilapider, et son corps qu’elle vend. La vérité c’est que cette vie était devenue son quotidien et qu’elle n’en voyait plus le mal. Puis, toujours dans cette idée de vouloir le rassurer, elle ajoute « Je suis juste un peu fatiguée en ce moment … je crois que j’ai juste besoin d’un week-end hors de la ville pour me changer les idées. Tu n’aurais pas un peu de temps pour qu’on puisse partir tous les deux à Busan rien qu’un peu ? » propose-t-elle avec l’envie de passer un peu de temps avec son petit frère. Elle reprend place en face de lui et se remet à manger, les émotions ça creusent autant que ça coupe l’appétit.