Il n’a plus de mots pour elle, ni pour lui… plus aucune excuse à lui trouver. A part qu’il ne sait surement pas l’aimer... Mais Kitae refuse de lui dire. Le poing serré, il accuse le coup. Puis tristement, il se demande lequel lâchera le premier. Combien de temps cela prendra avant qu’il n’arrive quelque chose de plus grave ? Il a peur tout à coup… peur de perdre son meilleur ami. Celui qu’il a toujours considéré comme son propre frère. Une amitié comme la leur ça n’existe que dans les films… alors quelque part il lui en veut aussi. A Ye Won, comme a Il Kyang. S’il venait à le perdre, jamais il ne lui pardonnerait. Il ne pouvait pas inlassablement se mettre en danger sans que rien ne lui arrive… il relève les yeux, peiné et un peu agacé malgré lui. Mais il ne lui dira rien, restera silencieux avant de devenir un peu plus fou. Désemparé face à la détresse de son meilleur ami. Nouvelle vague d’angoisse qui le prend lorsqu’il se charge de le ramener à la douche. Scène déjà vécue, douleur qui le prend à la gorge alors qu’il peine à le mettre dans la cabine. Il Kyang s’en va, pars dans ce monde moins trouble. Et il déteste ça, le voir aussi inerte. Il n’a pas le temps de se concentrer sur Ye Won, pourtant déjà affaibli. Il se mord la lèvre, retient à son tour un sanglot et s’agace de le voir toujours aussi peu actif. Il remet le jet sur lui, décide de se mouiller aussi pour attraper son meilleur ami et le secouer. Gifle qu’il lui donne « Il Kyang !! », rien… il est désemparé, angoissé. Il s’en veut d’être aussi violent, mais il le gifle une seconde fois. Plus fort… sa main claque violemment contre sa joue mouillée. Réaction qu’il reçoit, d’un Il Kyang qui entrouvre les yeux et cherche l’air qui lui manque. La scène est déplorable, une insulte qui traverse ses lèvres enflées, Kitae n’en peut plus. « Putain !! Arrête de faire le con. » Cette fois il serait prêt à le cogner pour la simple et bonne raison qu’il a peur. Mais Il Kyang est trop fragile, trop ailleurs encore pour saisir ce qui lui arrive. Il marmonne des choses… grimace sous cette eau glacée. Alors Kitae le pousse plus loin, colle presque trop brusquement son dos contre la cabine et laisse l’eau couler sur lui. Il se tourne, trempé en direction de Ye Won. Incapable de la laisser elle non plus dans cet état. S’approchant d’elle, avec douceur, il se penche pour attraper son bras et l’aider à se lever. « Je t’en supplie Ye Won. Me lâche pas ce soir. » Supplique qu’il sait égoïste. Il a les larmes aux yeux en lui parlant. Mais il ne peut définitivement pas lui en demander trop. Alors il l’emmène avec précaution dans la chambre, tire la chaise du bureau pour l’y assoir. Il caresse ses cheveux, comme un ami le ferait « Je suis… désolé de t’imposer ça. Reste-là… je m’occupe de lui. Mais… je t’en prie, me laisse pas tout seul… » parce qu’il ne sait pas de quoi il serait capable. Et il s’en veut encore de lui demander ça. Si il était plus tactile, il attraperait sa main et la supplierait une nouvelle fois. Mais il se contente de ses mots et repars affaibli vers son ami en refermant la porte derrière lui.

Les minutes passent, terribles, longues et interminables… quand enfin, il ouvre à nouveau cette porte, il craint de ne plus la voir là. Regard qu’il jette en direction de la chambre… soulagement en apercevant sa silhouette angoissée. Sur son épaule un Il Kyang encore ailleurs, changé, cheveux mouillés et croute de sang sur ses lèvres. Nouvelle image horrible qu’il s’en veut de lui imposer. Mais malgré tout il lui lâche un sourire. Peut-être pour lui faire comprendre qu’Il Kyang a parlé, dit quelque chose qui ressemblait à une phrase. Il ne va pas les lâcher si vite… mais il a besoin de repos et surtout de décuvé. Alors il le traine jusqu’au lit, le couche une nouvelle fois, en prenant soin de ne pas le brusquer… Il Kyang fronce les sourcils, torturés surement dans ses pensées, son esprit non apaisé… à quoi peut-il pensé là maintenant, alors que Kitae le regarde. Il pousse un soupir, jette un regard en direction de Ye Won… « Est-ce… que ça va ? » il se sent minable à lui poser la question. Il connait la réponse, mais il n’a jamais été très à l’aise pour ces choses-là. Lui il n’a que ses amis à gérer et sa vie est plus simple. Parce-que Kitae fait de ses faiblesses une force. Jamais il ne lâche ! Il ne sait pas ce que ça fait d’aimer au point de se détruire… Il disparait à nouveau dans la salle de bain et en revient avec un verre d’eau qu’il lui tend. « Tiens, ça te fera du bien. » puis il s’appui au bureau, se passe une main dans les cheveux « Ye Won… je veux pas vous juger. Mais… ça peut plus durer. » Ce soir c’est la soirée de trop. « Je… je crois pas qu’il se soit drogué… mais il a bu assez pour sombrer… et… j’ai pas envie de rejouer à ça. D’avoir peur à chaque fois qu’il disparait, de devoir lui courir après… je veux pas avoir toujours cette boule au ventre. » Il n’ose pas la regarder, Kitae n’est pas toujours bon pour trouver les mots. Mais il connait Il Kyang, alors il se permet « Je te dis pas que ce qu’il a fait c’est bien… mais je ne sais pas… c’est trop. Pour toi, comme pour lui… et aussi pour moi. » Il la regarde, l’air presque désolé « Je sais que tu lui en veux… et que jamais tu lui pardonneras. Mais… franchement, regarde-le ! » Il est triste, quand il pose ses yeux sur Il Kyang, il a mal. « Il a fait des erreurs… mais… j’en sais rien, je sais pas quoi te dire… je voudrais juste que vous avanciez. Que vous preniez les bonnes décisions… » Il se redresse un peu, se met face à elle « Il tient enfin son rêve entre ses doigts… et regarde ce qu’il en fait. » il désigne la chambre. Ce bazar monstre qui règne. « La laisse pas tout gâché… » C’est une demande qu’il lui fait. Il ne sait pas ce qu’elle répondra, ni même ce qu’elle peut y comprendre. Mais il aimerait qu’elle y réfléchisse. Que même si c’est douloureux, il est temps de faire des choix.

L’amour, ce sentiment indomptable, trop abstrait pour pouvoir réellement se rendre compte de ce qu’il peut provoquer. La haine, sensation puissante qui peut naître d’un tout, d’une erreur telle que son contraire se fane, s'effrite pour laisser le néfaste prendre le pas sur le reste. On a souvent du mal à croire que ces deux sentiments peuvent cohabiter, se côtoyer. Qu’ils peuvent se mêler, s’entrecroiser pour mieux subsister. Elle s’en rend compte ce soir, Ye Won. Elle comprend qu’elle aura beau le détester, son amour pour lui restera toujours ancré en elle. Il Kyang, son premier véritable amour, certainement le dernier. Elle ne pourrait jamais aimer quelqu’un comme elle l’aime lui. Si passionnément, si douloureusement. Elle se sait incapable de ressentir autant pour une autre personne, elle ne pourra jamais offrir autant son coeur et son âme comme elle l’a fait avec lui. Parce qu’elle lui a tout donné, et qu’il a tout brisé, d’un revers de manche. Parce qu’il a tout envoyé valser, pour tout récupérer, et détruire à nouveau. Elle lui en voudra toujours, d’en être arrivé à ce point de non-retour. A cette limite qu’elle a repoussé encore et encore. Et elle s’effondre à cette seule pensée. Quelques heures en arrière, elle fermait cette porte derrière lui, se faisant la promesse de ne plus l’approcher, et la voilà à quelques mètres à peine de lui. La voilà à supporter une nouvelle nuit d’effroi, de peur et de doutes. Elle n’en peut plus, craque sous cette pression trop forte. Elle ne saurait retenir ces frissons qui la secouent toute entière. Elle ne trouve plus aucun courage à supporter cette scène, alors qu’elle se bouche les oreilles. Ses sanglots qui redoublent alors que la voix de Kitae tremblant dans la pièce la maintien éveillée. Elle croule sous le poids de cet amour trop destructeur, de ces souvenirs qu’elle avait cru avoir effacé de sa mémoire. Ses yeux clos devinent amplement ce qu’il se trame juste devant elle. Ils redessinent dans son esprit toutes ces nuits volées par la drogue et les mauvaises fréquentations qu’il a pu avoir. La culpabilité la ronge, alors qu’elle savait, au fond d’elle que tout ça était une mauvaise idée. Elle l’avait su au moment même ou il est revenu dans sa vie. Mais elle s’est laissé berner. Par ce coeur qui le réclamait encore et encore. Par son corps tout entier qui voulait simplement retrouver cette meilleure partie de lui-même. Elle ne supporte plus rien, pas même le contact de Kitae, ni même ses suppliques. Pourtant, son corps réagit seul, se redresse dans un effort surhumain. Ses pas la guident vers la chambre, ses jambes vacillent, jusqu’à ne plus être capable de la retenir lorsqu’elle s’écroule sur cette chaise. Et même cette caresse dans ses cheveux ne saurait la réconforter. Elle a trop donné, à tel point qu’elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Qu’elle devient une coquille vide, qu’on pourrait briser à tout instant. D’un geste de la tête, elle acquiesce, sans comprendre ce que son ami lui demande. Elle accepte ce qu’il dit sans être certaine de réellement en comprendre le sens. Et elle reste là, le regard dans le vide, son coeur ratant un battement. Elle est là, sans savoir ce qu’elle attend exactement. Son esprit ne pourrait la laisser en paix, alors que tout lui revient en tête. Ces disputes, cet accident. Ce séjour au ski, ces aveux. Plus rien n’a de sens, pas moins que ces derniers mots qu’il a osé lui adresser, qui restent gravés dans son esprit, bien malgré elle.
Des secondes, des minutes qui s’écoulent, et elle n’ose pas bouger. Elle tremble, elle a froid. Elle se sent misérable et détruite. Un simple bruit de porte pour la sortir de sa torpeur, pour découvrir Kitae lui imposant une fois de plus cette vision d’Il Kyang, loin de celle qu’elle voulait garder. Elle ne répond pas à cette simple question, n’aurait rien à en dire. Elle est vidée, épuisée. Ye Won, poupée calcinée, réduite en cendres. Une minute de plus à rester là, avant de récupérer ce verre d’eau qu’on lui tend. Une minuscule gorgée qu’elle peine à avaler, essuyant une fois de plus ces larmes qui reviennent bien rapidement. Et la voix de Kitae qui prend à nouveau toute la place, qui fait vriller son coeur. Une vérité certaine qu’il ose exprimer, mais qu’elle ne saurait accepter totalement. « Parce que tu crois que ça m’fait plaisir ? » lâche-t-elle froidement. Elle n’arrive même plus à regarder son ami en face, tourne la tête pour ne pas avoir à observer l’un ou l’autre. « Tu crois qu’il y a que lui qui souffre ? Tu crois qu’il y a que moi qui fait de la merde dans cette histoire ? Ouvre les yeux putain. C’est pas moi qui suis revenue dans sa vie en me tapant tout ce qui bouge, et en lui faisant croire que j’serais là pour lui. Ton meilleur ami est un connard fini et tu penses qu’à sa gueule. T’en as rien à foutre des autres parce que sans lui, c’est ton putain de rêve qui tombe à l’eau aussi. » siffle-t-elle, méchante, agressive. D’une attitude qui ne lui ressemble pas, qu’elle n’a jamais eu auparavant. Elle se redresse, tangue, se rattrape au bureau, alors que cette colère nouvelle ne pourrait être supportée par ce corps devenu trop frêle. « Il a osé me dire qu’il n’a fait que jouer avec moi. Et regarde moi ! J’suis encore là, comme une pauvre conne à me soucier de lui. J’suis pitoyable putain… » Elle essaie, avec le peu de courage qu’il lui reste, d’avancer dans cette pièce, se raccroche au mur pour ne pas sombrer davantage. Un coup de poing muet qui s’écrase contre celui-ci, et cette eau salée qui continue inlassablement son chemin jusqu’à s’écraser au sol. « J’suis vraiment trop conne… » qu’elle souffle à elle-même, son front se collant contre la paroi froide devant elle. Une inspiration, un soupire. Elle se redresse enfin, après de longues secondes à fermer les yeux, tenter de faire taire ces larmes de sang qui coulent en elle. Le regard de Kitae qu’elle ose finalement affronter, qu’elle ose lui donner pour qu’il puisse voir par lui-même, à quel point elle a sombré. « J’vais partir. J’vais quitter le dortoir et le laisser faire sa vie. » Elle avance d’un pas vers Il Kyang, l’observe alors qu’il semble être dans son monde. Ca lui fend le coeur une fois de plus, elle s’inflige une torture supplémentaire, elle le sait. Des secondes qui paraissent être des heures, avant de se retourner vers Kitae. Elle se persuade qu’elle arrive à reprendre un peu de contenance, et se décide à faire un dernier acte pour lui. Guidé par l’amour qu’elle lui porte encore, bien malgré elle. « Rangeons sa chambre. Qu’il puisse prendre un nouveau départ autrement que dans ce bordel. Et je disparais de sa vie. J’irais lui parler, quand il sera en état. J’irais lui dire que je m’en vais, alors s’il te plait, ne lui dit rien avant que je puisse le faire. » Et à ces mots, elle se retourne vers le bureau, commence à arranger tous ces papiers qui traînent. Un dernier acte désespéré, qui annonce déjà cette véritable fin, celle qu’elle aurait du prononcer il y a bien longtemps. Malgré les espoirs qu’il lui avait donné.

Il écoute, il encaisse, sans réellement savoir quoi lui dire. Il sait qu’elle souffre, mais… la vérité c’est qu’il se rangera toujours derrière Il Kyang. Malgré ses bêtises, malgré son manque de tacte, ses erreurs… Kitae est égoïste quand il s’agit de lui. Il ne veut pas le perdre, et il aimerait parfois retrouver son ami d’avant. Celui qui était inconscient, qui aimait s’amuser, partir en vadrouille du jour au lendemain et qui n’avait d’yeux que pour leur duo. Alors oui, c’est vrai, elle n’a pas tort. Il pense à lui aussi, malgré qu’il aimerait que les choses s’arrangent. Il serre les dents, détourne le regard. Il est désolé… en réalité, il est juste lassé que ça continue. Que tout ça ne trouve aucune fin heureuse. Il a essayé pourtant. Au Japon, il a essayé de les sauver, de les confronter à ce qu’ils ressentaient. Mais il n’est pas parfait lui non plus. Et ces histoires finissent par le dépasser lui aussi. Il n’y connait rien à l’amour, alors au fond en quoi peut-il juger leur relation ? Il se sent bête tout à coup, triste aussi qu’elle a cruellement raison. Son rêve à lui se brise aussi si Il Kyang n’est pas là… il a autant besoin de lui, dans sa vie comme dans son avenir. Et ça le tue de devoir l’admettre ! Il fronce les sourcils, déçu sans réellement comprendre. Pourquoi Il Kyang lui aurait dit des horreurs pareilles ? Jamais il n’a joué avec elle. Kitae le connait, il est peut-être maladroit, idiot sur les bords mais jamais il ne serait aussi manipulateur. Bien qu’il fut surprit à son tour en le voyant agir avec Sawan… en réalité depuis quelques mois, il est perdu lui aussi. Il ne sait pas vraiment qui il est devenu. Il pensait avoir le courage de l’affronter, de lui reparler de ces choses qui l’embêtait. Mais au final Il Kyang revenait toujours. Alors à quoi bon s’engueuler ? Il baisse de nouveau la tête, peut-être devrait-il lui dire qu’elle se trompe. Qu’il sait pertinemment qu’Il Kyang l’aime et plus que de raison. Il ne l’a jamais vu autant accro à une fille. Depuis qu’ils se reparlent, c’est devenu pire… parfois il en devenait même un peu jaloux. Car il consacrait plus de temps à Ye Won qu’à lui. Et oui ! C’est idiot, mais c’est ce qu’il ressentait. Les filles ça fout toujours les embrouilles dans les amitiés… et il a beau adoré Ye Won, parfois il lui arrive de lui en vouloir aussi. D’être aussi brute, un peu amère envers Il Kyang. Démuni, il l’observe… mais il ne dira rien. Il préfère se taire, se dire qu’il est temps pour eux de prendre un autre départ. Il n’est pas bon conseillé, et il sait que si Ye Won s’en va… lui restera. Il se maudit d’y penser et d’y croire. Mais il est comme ça. Il pense à Il Kyang… à lui. Plutôt qu’à eux. Il observe d’ailleurs son meilleur ami, surement endormis cette fois. Et il n’attend que demain, pour pouvoir le voir s’éveiller et lui dire qu’il est désolé… les mots de Ye Won, l’oblige à la regarder, il se sent mal. Impuissant et il n’est pas doué non plus pour conseiller les autres. Il tente toujours avec Il Kyang, mais Ye Won… Min serait mieux le faire que lui. Il déglutit, la regarde lorsqu’elle se tourne vers lui. Le regard désolé peut-être, il ne sait pas trop… s’excuser y changera-t-il quelque chose ? Il se pince les lèvres, souffle juste un « Ok… » Sans savoir ce qu’il doit faire. Est-ce que Il Kyang lui en voudra s’il savait ? Qu’il ne fait rien pour la retenir ? Il n’y pense pas, lui tourne déjà le dos pour récupérer les affaires qui trainent ci et là. Sur des papiers il trouve des notes, des paroles surement qu’il trouve triste… Il Kyang s’enferme dans l’écriture, il compose surement pour se soigner à sa façon. Et ça le tue ! Parce qu’il n’est pas capable de le comprendre. Qu’il s’agace trop vite et désespère de ne jamais le voir à l’agence. Lui qui y passe ses journées… Il Kyang reste ici, solitaire, penché sur ces multitudes de feuilles rayées. Des notes, partout… il serait trop cruel d’en parler à Ye Won. De lui montrer ces rimes, qui parlaient surement d’eux. Alors, il les froisse, et les jette comme si de rien n’était. De toute façon ça ne servirait à rien. Et il retombe aussi sur cette chanson… celle qu’il lui avait chantée ce soir-là, pour s’excuser dans ce carnet ouvert et tâché. Travaille-t-il dessus ? Veut-il l’arrangé ? Son cœur se serre, il referme le cahier, tente de ne pas y penser et le range avec un tas d’autres pour qu’il se perde. Il ne sait plus combien de temps il prend à tout ranger à ses côtés… quelques minutes, peut-être même une heure ou deux. Mais lorsqu’il termine, il se tourne vers elle… triste « Est-ce… que… ça veut dire que pour nous aussi, c’est un au revoir ? » parce qu’il le sait. Si Il Kyang et elle ne se parlent plus, il n’aura pas le courage de rester ami avec elle. Comme il l’avait déjà fait la première fois. Il n’avait rien contre elle, mais il refusait de lui parler tandis que son ami tentait de l’oublier… « Je… suis désolé Ye Won. » parce-qu’il choisit une fois encore son meilleur ami…

Odieuse, méchante, elle le devient sans même s’en apercevoir. Ca ne lui ressemble pas. Elle a toujours été franche, à dire haut et fort ce qu’elle pense, mais jamais de cette manière. Jamais de façon aussi crue et blessante. Qu’importe, que Kitae lui en tienne rigueur ou non. Elle sait qu’il sera toujours de son côté. Elle sait aussi qu’il disparaitra de sa vie au moment même ou elle quittera celle d’Il Kyang. Comme il l’a fait la première fois. Il a cette part d’égoïsme pur qui est parfois difficile à comprendre, alors qu’elle avait simplement espéré un message de sa part, lorsque celui qu’elle aimait avait simplement disparu de la circulation. Alors elle se doute, au fond d’elle, que ce mots qu’elle lui crache en plein visage ne changeront rien. Qu’importe la vérité qu’ils renferment, il le mettra simplement de côté pour reprendre le cours de sa vie. Et le silence dont il fait preuve ne fait que confirmer ce qu’elle pense, alors qu’elle se met finalement à ranger cette chambre, dans un silence pesant, compliqué à encaisser. Par moment, elle croit n’entendre que le souffle d’Il Kyang, dormant paisiblement. Elle se concentre sur autre chose, termine rapidement de ranger ce bureau. Un court instant, à voir ces feuilles rangées, elle pense lui écrire une lettre. Mais elle sait qu'elle ne saura pas trouver les bons mots ce soir. Elle ne saura exprimer correctement ce choix qu'elle fait. Alors, elle s’attaque bien vite aux cadavres de bouteilles qui jonchent le sol, aux verres vides qu’elle part nettoyer, sans jamais prononcer un mot. Elle a tout dit, elle n’a plus rien à exprimer, plus rien à ressentir désormais. Une ombre, ténébreuse, aussi sombre que la nuit, voilà tout ce qu’elle est. Une silhouette fade qui, par amour pour celui qui plonge dans son monde, tente de lui offrir un nouveau départ, loin d’elle. Aurait-il fait la même chose pour elle ? Dans son esprit embué, elle ose penser qu’il n’aurait jamais fait ça pour elle. Après tout, il lui a bien prouvé une fois. Peut-être que l’amour est le premier moteur à ce geste désabusé, mais les regrets qui s'immiscent en elle y jouent aussi. De cette énième dispute, de cet état déplorable dans lequel il s’est retrouvé quelques heures plus tard. Machinalement, elle plie les affaires d’Il Kyang, les range dans son armoire. Un geste qu’elle ne fera plus jamais, une ancienne habitude dont elle se défait entièrement ce soir. Au fur et à mesure des minutes, ses larmes ont fini par cesser. Concentrée sur cette tâche, elle peine à mettre toutes ces choses de côté. Peine à croire en cette décision qu’elle vient de prendre. Mais elle n’a plus d’autre choix. Si elle veut pouvoir avancer, si elle veut lui rendre sa liberté, que peut-elle bien faire d’autre ? Parfois, un soupire, une supplique du coeur pour lui rappeler que cette fin était inévitable. Elle ne saurait dire, combien de temps elle est restée là, à ranger tout ce qui pouvait traîner. A offrir une dernière chose à Il Kyang, un nouveau départ. Ses lèvres qui se pincent dans un geste fin, lorsqu’elle peut voir l’ordre enfin revenu dans cette pièce. Silencieusement, elle remercie Kitae de l’avoir aidé, posant son regard sur lui. Sa question laisse échapper un rire désabusé, alors qu’elle passe sa main sur son visage. « Kitae, tu sais aussi bien que moi qu’au moment ou j’aurais disparu de sa vie, tu m’auras supprimé de la tienne. Mais j’t’en veux pas. Tu retrouves tout ce que t’as toujours voulu, ton meilleur ami et ton rêve. Le reste ne compte pas, pas vrai ? » Une fois de plus, sa voix froide et distante contraste avec son allure, si fragile et abîmée. Mais elle sait qu’elle a raison. Elle n’a pas besoin de l’entendre dire. « Je sais bien que t’es pas désolé, mais c’est pas grave. J’espère pour toi qu’un jour tu tomberas amoureux toi aussi. Peut-être qu’à ce moment là, t’ouvriras les yeux sur beaucoup de choses qui t’échappent encore complètement. » Voilà les derniers mots qu’elle offre à son ami. Il n’y a aucune rengaine, aucune colère, juste une triste vérité qu’elle s’efforce d’exprimer. Ca ne changera rien, pas même l’avis qu’il peut avoir sur cette situation désastreuse. Elle aura au moins le mérite d’avoir été elle-même, une fois de plus, à dire ce qu’elle pense à voix haute. Et peut-être bien qu’un jour, il s’en souviendra. Elle n’attendra aucune excuse de sa part, après tout elle sait comment il est. Elle espère simplement qu’un jour, il puisse se rendre compte qu’il a aussi commis certaines erreurs. Qu’en étant égoïste comme il l’est, lui aussi a déçu des gens. Une part de soulagement s’empare d’elle lorsqu’elle se dirige enfin vers cette porte, prête à quitter la chambre. Elle se tourne une dernière fois vers Kitae, sans un geste affectif à son égard, elle en serait incapable. « Si tu tiens un tant soit peu à notre amitié, je compte sur toi pour ne rien lui dire. Au revoir, Kitae. » Sa voix plus faible, cassée par toutes ces émotions qui la gagnent encore, elle s’en va, disparait dans le couloir de ce dortoir bien trop étroit. Il lui faudra reprendre ses esprits avant de trouver le courage d’annoncer ce choix à Il Kyang, mais une part d’elle se sent plus sereine. Elle sait qu’elle prend la meilleure décision, autant pour elle que pour lui. Et même si cette dernière discussion risque d’être mouvementée une fois de plus, elle sait que ce sera la dernière. Et c’est avec cette idée en tête qu’elle tentera de trouver un peu de réconfort ce soir. L’idée même que pour une fois, elle prend les devants, pour tourner définitivement cette page. Pour espérer l’oublier une bonne fois pour toute, même s’il y aura toujours une part de lui ancrée en elle, jusqu’à son dernier souffle.