Wen Yi avait fui la salle de danse ce soir-là. Et chaque fois qu’elle y repensait elle culpabilisait. Elle n’osait imaginer ce qu’il devait ressentir. Qu’avait-il cru ? Que pensait-il ? Craignait-il que c’était de lui dont elle avait peur ? Que son geste l’avait blessé ? Elle lui avait déjà tout pardonné et sa peur n’avait été que viscérale. Un instinct de protection … S’il découvrait son secret, qu’allait-il faire ? Rien. Elle n’avait même jamais imaginé utilisé la vérité pour alléger la colère du garçon contre elle … Bien au contraire. Cette vérité était à taire absolument, de celle qui ne sont pas bonnes à dire, et encore moins à entendre. Jed, elle n’en doutait pas, chercherait à la sortir de son enfer et quand bien même ses sentiments pour elle aurait disparu après toutes ces années et sa trahison, il refuserait de la laisser là. Ainsi. Elle connaissait son histoire. Suffisamment pour savoir que c’était la dernière chose qu’il accepterait de faire subir à une femme. Alors de savoir que la mère de son enfant était une poupée battue ne pouvait lui être tolérable … elle aimerait aller le trouver, lui dire que ce n’était pas contre lui qu’elle était en colère ou qu’elle craignait … mais elle était … se sentait stupide … que pourrait-elle dire si ce n’est un mensonge de plus ? Elle était fatiguée de mentir Wen Yi, surtout à Jed … après toutes ces années, elle avait juste besoin d’un peu de répits. Epuisée de ces nuits blanches qu’elle enchainait, elle frottait une trace sur son avant, un ancien bleu qui était finalement partie, ne laissant qu’une légère tâche jaune quasi transparente. Adossée à son casier, elle se perdait à nouveau dans ses pensées, quand tous les autres se perdaient sur le téléphone ou dans des conversations animés et joyeuse, Wen Yi était seule. Elle n’avait plus aucun ami, ni famille à qui parler. Il ne lui restait que son mari. Et Jed … Son téléphone ne lui servait plus à rien et elle se contentait de faire semblant. La mine triste la jeune femme se redresse dans un soupire et se tourne vers son casier pour y récupérer le reste de ses affaires avant d’attaquer le reste de sa journée.

Il n’avait pas cessé d’y penser… de revoir ce geste maladroit et pourtant si écœurant. Jed s’e voulait, se remettait en question pour cet acte dégoutant. Jamais il n’aurait cru en arriver là avec elle. La haïr, vouloir la blesser avec les mots, ce n’était rien face à cette faiblesse physique. Renfermé sur lui-même, à bout de force, le jeune américain se laisse aller. Ne contrôle plus vraiment sa vie. Il n’a pas eu le courage de récupérer Ewen ce soir-là. Le laissant chez Eun Ji pour la nuit et les autres. « J’ai besoin de me reposer. » avait-il seulement dit. En vérité, il avait besoin d’être seul, de craquer un peu. Sans le montrer à personne, sans dire ce qui n’allait pas. Wen le bouleversait, tous ces souvenirs. Ils l’accablaient de culpabilité, de haine aussi. Tout se mélangeait dans sa tête, dans sa vie. Il avait beau avoir des amis sur qui compter, Jed ne voulait embêter personne avec ça. C’est son problème, voilà ce qu’il se dit à longueur de temps en y repensant. Souvent il s’isole, en rentrant trop tard ou trop tôt de soirée. Seul, dans sa chambre, les lumières éteintes. C’est toujours le même schéma, besoin de tranquillité, de silence pour penser. Mais tout lui tourne dans le crâne, l’assaille de reproche. Il sait qu’il doit aller la voir, s’excuser. Mais il n’a pas le courage… devoir l’affronter, après ce qu’il a fait. Jed se remet en question. Parce-que lever la main sur elle, c’est avouer qu’il est faible. Qu’il fait partie de ces hommes qu’il déteste et combat. Alors il s’en veut, culpabilité qui le ronge encore aujourd’hui, alors qu’il erre dans les couloirs. Un peu de force qu’il lui reste pour aller la voir. Il est là, dans le couloir à l’apercevoir. Toujours aussi belle, et pourtant triste. Il ne sait pas comment aller lui parler. Doit-il se contenter d’une simple excuse ou de plus ? Il déglutit, s’avance vers elle le cœur battant. Dieu qu’il la trouve irrésistible. Et il s’en veut de la voir toujours comme au premier jour. Tout proche d’elle, il se place sur le côté, assez pour qu’elle l’aperçoit derrière ce casier. « Salut Wen. » il ne sait pas comment l’aborder. Se sent déjà de trop. Alors il lui tend un sac, remplis d’affaire. « Tu as… laissé ça dans la salle de danse la dernière fois. » sa main tremble un peu quand il lui donne. Baissant les yeux honteux… il devrait partir, mais il ne peut pas. Il reste là, à humer son parfum qu’il adore et qui l’enivre. Se torturant l’esprit… « Comment… comment tu vas ? » réelle question, qui attends une vraie réponse. Il ne sait pas si elle comprendra ce qu’il veut lui dire, mais il a encore besoin de trouver ses mots face à son acte.

Dire qu’elle pensait souvent à Jed serait un euphémisme. Depuis qu’elle était inscrite à l’université et qu’ils avaient pris soin de s’éviter, elle n’avait jamais cessé de penser à lui. Ni même en 5 ans à vrai dire … elle avait observé Ewen grandir de loin. Mais lui … Jamais elle n’avait pu le revoir, le voir … l’apercevoir. Il avait été absent de sa vie pendant 5 longues années et soudainement sa présence à ses côtés, cette proximité, cette possibilité de le toucher changeait tout. Elle pouvait sentir sa présence, son parfum, sa chaleur … Elle pouvait sentir ses mains sur son corps et voir cette haine dans son regard. Pourtant … Pourtant quand ils ont dansé cette nuit-là. Tout semblait hors du temps. Hors de portée. Comme si leur attirance était restée la même. Peut-être même que l’absence de leur vue, leur a fait comprendre que les sentiments amoureux n’ont pas disparu non plus … qu’ils s’étaient juste enfouis très profondément derrière la haine et la rage. Elle s’était raccrochée stupidement à ce moment de flottement, sans plus jamais osé lui demander de bander ses yeux à nouveaux … Elle devait de toute évidence réaliser qu’il avait tiré un trait sur elle. Alors elle fut surprise de l’entendre et de le voir juste derrière la porte de son casier. « Salut Jed … » souffle-t-elle timidement sans savoir comment réagir. Elle avait été si … excessive à leur dernière entrevu. Mais ce qu’elle maudit surtout c’est son cœur qui vient de rater un battement à la façon dont il a simplement prononcé Wen … et pas Wen Yi. Un surnom. Qui la ramenait brusquement à leurs souvenirs les plus intimes. Elle avise le sac et souffle « Oh … merci. » elle s’en saisie délicatement, frôle ses doigts et leur chaleur l’électrise jusqu’à hérisser les petits cheveux de sa nuque. Elle se suspend à sa question et souffle « Je vais bien … ne t’inquiète pas … » et comme elle se doutait qu’il le verrait à leur cours de danse en commun le lendemain ajoute d’un ton qui se voulait rassurant « Ce n’est qu’un bleu. Rien de plus. » Un bleu, un hématome. Comment lui dire que ce n’était pas de lui. Elle avait parlé sans réfléchir et se maudissait déjà d’avoir osé lui dire ça … Oh non Jed ce n’est pas toi le monstre … vraiment pas … Je vais bien. Je vais bien sous ta coupe …