En la forçant à avouer, il savait qu’il ne devait pas à s’attendre à des réponses plaisantes. Il savait que quelque part ça lui briserait le cœur. Mais il n’en pouvait plus d’imaginer, de penser que tout était faux. Ces scénarios qu’il s’était souvent inventé à une époque il savait s’en contenter. Mais depuis qu’elle était revenue… tout avait changé. Il n’arrêtait pas d’y repenser, de se refaire ces scénarios sans fin. Alors à quoi bon lutter ? Il n’en peut plus. Regarde-moi Wen, je suis à bout. Je suis épuisé… qu’elle lui dise cette vérité. Et ça le tue de l’entendre parler. De la voir hurler de cette façon. Encore une fois elle ne regrette rien. Elle assume ce choix. Et ça le brise. Il aurait souhaité qu’elle lui mente finalement. Il reste là devant elle, à l’écouter. Se torturer… elle le touche, il voudrait fuir déjà mais il ne peut pas. Ses yeux brillent. Son regard le brûle. Tout est confus. Ça n’a pas de sens pour lui, il ne comprend pas. Pourquoi tant d’acharnement ? Pourquoi toutes ces paroles ? Il reste interdit, se tord l’esprit. La regarde, la dévisage. Ses mains tremblent, son cœur saigne. Son geste le fait sursauter, elle est en colère. Contrariée surement. Mais il a osé ! Et il ne regrette rien ! Pas une seule de ses questions. Il serre les dents, malgré tout ce qu’elle lui dit, il n’arrive pas à se tranquillisé. A calmer cette colère qui gronde depuis trop longtemps en lui. « T’as pas le droit de me dire ça ! » c’est sorti tout seul. Trop vite surement. Et malgré l’épuisement de Wen Yi il ne cède pas. Reste bien droit face à elle, cette rage au bord des lèvres. « Comment t’as pu choisir pour moi ? Pour nous ? » elle pense que c’est facile. Que cette excuse suffit à ravir sa vie ? « C’est moi qui joue dans un film ? Et ton histoire alors ? Tu crois qu’elle sort d’où ? » Incrédule ? Non, juste blessé. A terre, il est furieux ! Si agacé contre elle. Et elle le sait, elle peut le voir. Jed a beau être un garçon à l’écoute, attentif aux autres, il a aussi cette part de noirceur. Celle où il se retranche, pleines de rancœurs, pleines de haines et de souffrances. Et face à elle il ne peut être quelqu’un d’autre. Cet homme qu’elle lui a appris à devenir. Il n’est que l’ombre de lui-même. Ce même type, qu’elle a connu à ses débuts. Fougueux, turbulent, sans rien pouvoir contrôler de sa vie. « Si tu m’aimais tu serais jamais partie ! Moi je t’aimais putain Wen. Je t’aimais tellement que j’aurais tout laissé tomber pour toi. » Et elle le savait. Jed lui avait tout donné, sa confiance, ses secrets, ses mauvais côtés comme les bons. Il lui avait tout offert, tout comme il avait appris ce que c’était d’aimer à ses côtés. Jamais il n’était tombé amoureux avant. Wen Yi avait bouleversé son existence. Elle lui avait donné un sens. Pour la première fois il avait cru pouvoir faire de grande chose. Même si Eun Ji le poussait, ce n’était rien face à ce que Wen lui faisait. Cet effet bénéfique, elle l’avait changé. Elle l’avait transformé. « Même cette école putain ! Je l’aurais abandonné. Tu t’es barré mais au final, j’ai tout assumé seul. J’ai tout abandonné, juste pour notre fils. Ça aurait pu être un choix merde ! J’aurais pu choisir ça pour toi, et pas parce-que tu me l’imposais ! » Il ne sait pas si elle comprendra la nuance. Pour lui les choses sont ainsi. Il a subit son départ… il a dut s’adapter. « Qu’est-ce que ça peut me foutre que tu l’aimes pas ? T’es pas là ! T’es pas là avec moi depuis six ans et ça me tue putain. J’arrives pas à comprendre. J’aurais tout donné, on aurait pu fuir, j’en aurais rien eut à foutre. Personne ne comptait à part toi merde ! » Et il pensait avoir été assez courageux en lui disant. En s’exprimant à de nombreuses reprises. Il n’avait jamais eu honte de lui dire. Plein de fougue il avait été le premier à lui dire qu’il l’aimait. A se livrer à elle ! Presque trop gamin pour se rendre compte, mais il savait ce que ça impliquait. Il s’approche d’elle, le regard de plus en plus flou « Arrête de me dire que tu m’aimes. C’est pas vrai ! Tu le penses pas bordel. Si tu nous aimait tu serais pas partie. » Et il n’en démord pas. Jed est peut-être trop inconscient encore. Il a encore cette fougue qui lui appartient. Cette naïvement de gamin trop vite devenu adulte et qui voulait s’envoler. Et il s’en veut ! De ne pas être assez mature. De croire encore à ses rêves comme un ado. Il voulait sa vie avec elle, son futur avec elle. « Je t’en veux putain… si tu savais… » Et sa voix s’affaiblie, alors qu’une larme finit par couler. Lui qui ne cesse de toujours se mentir, et de dire aux autres que tout va bien. Regardez-le comme il tremble, comme il se sent faiblir face à elle. Qu’est-il encore capable de dire en la regardant ? A part qu’il meurt d’envie qu’elle regrette. Qu’elle lui dise que tout ça n’était qu’une mauvaise plaisanterie. Il n’en sait rien, il est lassé… fatigué de tout. « Moi je t’aime plus Wen… »

Finalement elle réalisait que c’était la deuxième option qui se produisait. Parce qu’il ne comprenait pas. Ne voudrait jamais comprendre. Parce qu’il avait son point de vu. Elle le respectait. Elle pensait vraiment qu’elle aussi pouvait être assez forte pour l’aimer et les protéger. Elle avait cru pouvoir le faire, ignorer pendant des mois les avertissements de sa mère et de son père … Puis elle a compris, quoiqu’ils fassent, qu’ils fuient, qu’ils tiennent tête … son père obtiendra ce qu’il veut. Peut-être qu’il ne réalise pas parce qu’il n’a jamais rencontré son père. Elevée à la chinoise stricte, macho, dur, le père de Wen Yi prends et ne donne pas. Il l’a élevé avec férocité et acharnement. Il l’a élevé pour qu’elle soit sa fille parfaite, qu’elle aille jusqu’au bout des choses. Elle n’a même pas su lui tenir tête. Elle le déteste. Elle déteste sa mère, soumise et silencieuse, qui accepte de laisser son enfant se faire battre. Wen Yi a peur, peur d’être enceinte à nouveau. Peur de voir que son mari rentre dans une rage folle chaque fois qu’il découvre qu’elle a ses règles. Il veut un enfant, non, il veut un héritier et Wen Yi ne lui donne pas. Il l’accuse souvent de prendre la pilule dans son dos, de faire en sorte de ne pas tomber enceinte. Elle subit ses coups. Ses viols. Elle ne dit rien, se laisse faire. Elle sait que le problème vient de lui, qu’il est sûrement stérile. Mais elle refuse d’avoir recours à des opérations. Elle lui dit non, le supplie. Il la gifle, lui dit alors qu’il lui ramènera un batard dont elle devra s’occuper. Elle n’aura pas le choix. Il veut un enfant et elle … elle, elle veut le sien. Supporte à peine l’idée qu’il puisse grandir sans qu’elle ne le voit. Pas de photos, pas de souvenir. Elle l’observe de loin … et cet enfant, son enfant, lui manque à en crever. Les derniers mots de Jed lui sont fatal. Mais moi je t’aime plus … elle laisse éclater un sanglot et pendant de longues secondes on n’entend que ses pleures dans la salle. Interdite, Wen Yi se repasse en boucle ses paroles. Elle ne s’y était pas attendu, pensant même avec ses précédentes paroles qu’il tenait encore à elle. Mais tout ce qu’il ressent c’est de la haine, et de l’incompréhension. Voilà tout. Elle retient un gémissement, rassemble ses forces. Elle se redresse et lui fait face, croise son regard, le visage dévasté. Elle s’approche de lui. Cherche quoi dire, qu’est-ce qu’elle pourrait dire de toute façon ? Elle essuie son visage, laisse le noir qui coule sous ses yeux. Elle capitule. « Tu as raison. Tu as raison, j’ai tout gâché, j’ai tout détruit et mes raisons ne sont pas valables. J’aurais dû t’en parler. Prendre cette décision à deux. A deux. » elle ravale ce flot de larmes. Elle lui accordera au moins d’avoir raison. Peut-être qu’il pourra ainsi soulager sa conscience. Dans le fond il a raison. « Je pensais bien faire mais j’avais tort. Tort depuis le début. » elle serre les dents, vacille légèrement mais reprend contenance. « Finalement je regrette, je regrette d’avoir agis ainsi et si c’était à refaire je t’en parlerais. Parce que c’est ainsi que je t’aime. Trop, beaucoup trop. » mais toi non. Elle détourne son regard et avise son téléphone au sol. Elle le ramasse doucement et grimace en le voyant l’écran brisé. Elle se promet de lui racheter un téléphone dès demain. Mais ne lui dit pas, parce qu’elle sait qu’il n’en voudra pas. Elle lui donne. Le glisse dans sa main avant de se détourner. Elle ne savait pas comment lui annoncer la suite, car elle craignait qu’il lui dise qu’elle prenait encore la décision toute seule, et si elle lui demandait son avis elle craignait qu’il ne lui réponde qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait maintenant, qu’il s’en foutait. « Si ma présence devient trop dur à supporter je demanderais à changer d’école. Sinon je resterais mais je me ferais discrète. » A mesure qu’elle parlait Wen Yi s’était éteinte, et plus aucune lueur ne brillait dans son regard. Sa voix était presque robotique. Lointaine. Elle ramasse son sac et souffle « Maintenant je crois que je vais aller prendre une douche. » elle le regarde mais ses yeux paraissent vides, sans vie. Mais moi je t’aime plus Wen.