Je doutais de moi, bien sûr. Je n’étais pas certain d’être à la hauteur. En réalité ces derniers temps je n’étais sûr de rien et encore moins de ma personne. Ce que j’avais découvert sur moi me hantait, me dégoutait même de ma propre existence. Ce visage que j’avais dévoilé, m’avait écœuré. Je ne pensais pas être capable du pire, de faire du mal par simple vengeance, réclamer justice ou la faire moi-même. Je ne pensais pas non plus me jeter aussi facilement dans les bras de ces démons qui m’avaient si souvent hanté. En réalité, j’avais choisis la facilité… face à moi, j’ai ce petit bout de femme, qui a su me pardonner mes affronts, mes mauvaises décisions et le mal que j’ai pu lui faire. Je sais que je ne la mérite pas, et pourtant je m’accroche à elle. Et j’aimerais qu’elle sache à quel point je tiens à elle. Sawan je veux être là pour vous deux… j’y crois vraiment quand je le dis, même si je ne sais pas de quoi je serais capable plus tard. Et ses mots me touchent, comme à chaque fois elle fait preuve d’une maturité que je n’ai pas. Parfois je m’agace, m’en veux d’être ce gamin irréfléchi. Elle a peut-être raison, peut-être vais-je trop vite. Mais je ne veux pas qu’elle pense que je changerais d’avis. Je ne veux pas me défiler ! Non, pour une fois je veux faire les choses bien. Et si c’est ce bébé qui peut m’ouvrir les yeux, alors je suis prêt à l’accepter. Je crois… un enfant ce n’est pas rien. Je ne veux pas qu’il manque de repère, je ne veux pas qu’à quinze ans il se demande lui aussi d’où il vient. Qu’il se mette à pleurer parce qu’il ne sait pas qui il est vraiment. Et malgré tout l’amour que pourra lui donner Sawan, il restera cette part d’ombre… celle que j’ai vécu moi aussi. Mes parents m’ont toujours tout donné, mais il y avait ce manque, cette tare dans ma vie… celle que je découvre peu à peu. Et ce lien si puissant qui m’unie à mon frère… je n’ose imaginer ce qu’on ressent quand on a une vraie famille. Un père, une mère avec qui on est lié autrement que par l’amour… je ne veux pas qu’il souffre. Je ne veux pas qu’il se réveille en me demandant un jour pourquoi je n’étais pas là. Pourquoi je n’ai pas su m’occuper de lui. Je ne veux pas être ce père-là. Et j’ai ce regard perdu quand je me projette dans l’avenir, quand je repense aussi à mon passé. J’ai trop longtemps ignoré ma famille pour me contenter de ce qu’ils m’ont donnés aujourd’hui. Je crois qu’une part de moi leur en voudra toujours, de m’avoir rejeté comme ils l’ont fait… et je sais putain, que j’ai une part de responsabilité. Que tout est arrivé par ma faute. Mais… je voulais qu’ils me comprennent, qu’au lieu de me juger ils cherchent à savoir pourquoi j’avais fait tout ça. Et si finalement plonger dans la drogue c’était pour combler un manque que je n’avais jamais soupçonné ? Toutes ces questions se bousculent, alors que je l’écoute, laisse échapper un soupir. « Je sais que j’ai l’air de me précipiter Sawan… mais je ne veux pas être un père absent… » Je ne veux pas de ça. Je ne veux pas qu’il lui manque quelque chose. Je veux qu’il ait des bases solides… celles dont j’ai manqué. « Je sais que je fais des conneries… je sais que personnes ne peut se reposer sur moi. Mais… je peux apprendre. » Oh putain, j’ai l’air de quoi ? D’un môme encore ? Je ne sais pas… « Je peux changer pour vous deux… » Me laissant retomber, je passe une main dans mes cheveux « Il faut que j’assimile l’idée… mais ça veut pas dire que je vais me défiler. Je sais que j’ai souvent changé d’avis, que j’ai fait des mauvais choix. Mais être là pour toi et lui… je ne crois pas que ça en soit un. » Tu ne crois pas Sawan ? Je pourrais être là pour vous. Pour vous aimer, et même si ce n’est pas de la meilleure façon, je serais là. « Tu n’as pas à l’élever seule… je ne veux pas qu’être un soutiens moral ou financier pour toi… je veux qu’il sache que si c’est moi son père, je suis là… » Et j’ai conscience que je m’embarque dans quelque chose de gros. De beaucoup trop gros pour moi. Et je m’en veux d’être ce type bancal, qui n’a rien à offrir à par une dépendance à des choses inutiles. Baissant les yeux, je laisse échapper un soupir « Après je comprendrais que tu te reposes davantage sur Seo Joon… il est plus apte que moi. » lui il n’a pas fait autant de mauvais choix que moi. Il est plus sain d’esprit et même de corps. Moi je ne suis qu’un vieux toxico qui ne sait pas avouer ses faiblesses… « Il est plus responsable que moi. Et il a moins de problèmes à gérer… » et je ne lui en veux même pas. Je sais qu’il est plus préférable pour elle de se savoir soutenu par Seo Joon que par moi. Pourtant, je n’ai pas envie de lui laisser ma place. Dans la vie de Sawan, mais aussi de ce bébé… je ne pense pas au fait qu’il puisse être de lui, que peut-être je m’investirais pour rien. Non, je pense à maintenant.

Assise en tailleur face à lui, elle le regarde. Elle le regarde changer d’émotions, d’intensité aussi. C’est un chamboulement dans sa vie. Comment un bébé ne pourrait-il pas l’être ? Elle pose une main sur son ventre avec un petit sourire fière face à ce qu’il avance. Elle savait son parcours, elle savait combien c’était dur, qu’il avait souffert. Qu’il avait souffert d’être incompris, de ne pas être aimé comme il l’aurait voulu de la part de ses parents biologique. Ne pas savoir d’où on venait était pire que d’être issu d’une famille déviante. Au moins Sawan pouvait prétendre à se construire sur du branlant, mais quelque chose qu’elle connaissait, qu’elle pouvait guérir, anticiper, détruire. Il Kyang, lui, n’avait que des questions … des questions sans réponse et ça créait un vide en lui que personne ne pourrait combler. Ni l’amour, ni l’amitié. Il pouvait se créer sa propre famille, choisir ses frères et sœurs de cœur, avoir un enfant … son bébé. Mais rien ne pourra remplacer cette famille de l’ombre qui l’avait abandonné. Elle le regarde et se penche vers lui le visage crispé par une peine immense qui l’envie à ses mots. Dieu que cet enfant n’avait plus aucune confiance en lui. Qu’il se détestait. Elle ne pouvait supporter de le voir souffrir ainsi. Elle caresse sa joue d’un geste maternant, rassurant avant de se pencher un peu plus pour coller son front au sien en soufflant tout bas. « Ne dis pas ça … » il était de toute évidence certains que Seo Joon ferait un père merveilleux. Il avait tout pour plaire et il avait des bases solides qui leur manquait cruellement à tous les deux. Mais Sawan savait aussi que Il Kyang pourrait faire un père fabuleux car il aimerait cet enfant … et l’amour pouvait changer beaucoup de choses … beaucoup. Elle reste de longues secondes ainsi, elle n’avait pas besoin de chercher ses mots, elle savait ce qu’elle voulait lui dire mais elle voulait lui prendre ses doutes, lui arracher et les envoyer valser loin … elle recule légèrement son visage et murmure « Je ne pourrais rêver mieux que toi pour être à mes côtés pour cette nouvelle histoire Il Kyang … Je sais que tu feras un père merveilleux, pour cet enfant mais pour les enfants que tu auras plus tard … quand bien même cet enfant n’est pas le tien … tu auras une place importante dans sa vie car je t’aime tellement … je ne peux pas imaginer voir cet enfant grandir sans toi … » assure-t-elle la voix pleine d’émotion. « Seo Joon est ce qu’il est … mais ne te dénigre jamais face à lui. Tu as de merveilleuses qualités et une vie que tu as surmonté seul. Moi je suis fière de toi … parce que tu grandis Il Kyang, tu changes, tu évolues … tu réfléchis … des merdes on en a tous fait … mais toi … toi tu te remets en question et ça c’est … la plus belle des qualités qui soit. Celle qui te rendra fort pour ce bébé. » elle attrape la main du garçon et la pose sur son ventre. « Ce bébé aura besoin de toi … J’aurais besoin de toi … qu’importe le lien qui nous unira … tu comprends ? » souffle-t-elle tendrement en cherchant son regard.

Je suis perdu, avoir un enfant maintenant ce n’était pas une bonne nouvelle en réalité. Parce-que je ne suis pas prêt. Je ne suis pas sain dans ma tête, ni dans ma vie. Plus rien ne va, je sombre, je me laisse aller. Je ne me fais plus confiance, et je me déteste. Tellement, si elle savait. Je pourrais tout donner pour échanger ma vie avec quelqu’un d’autre. Et pourtant, quand je la regarde je m’accroche à cette idée. Que c’est encore possible. Ses mots me réconfortes, tout comme ils m’adoucissent. Mais au fond de moi j’ai peur. Peur qu’elle ne me fasse pas réellement confiance, peur que tout ça change quelque chose entre nous. Elle a beau dire que je serais un bon père, je n’y crois pas vraiment. Je veux l’être, mais je mettrais du temps avant de comprendre et savoir comment agir. Je suis désolé... d’être moi au final. Elle tient à moi, et malgré ses mots, ses paroles rassurantes sur moi, mon expérience… j’en doute. Pas à cause d’elle, mais à cause de ces mauvaises pensées qui m’habitent alors que nous sommes là. Je crève d’envie de boire, de me laisser aller. D’oublier tout ça pour me sentir mieux. Je veux être quelqu’un d’autre pour assumer. Pour être confiant ! C’est surtout ça qui me manque. Cette confiance en moi. Ce vide terrible qui me hante à chaque minute de ma vie. Je garde un soupir pour moi, mon regard déjà humide. Ça me fait un bien fou de l’écouter, de voir qu’elle croit en moi. J’en ai tellement besoin… et je m’en veux d’être celui qu’on doit réconforter. D’être celui qui n’est pas assuré. C’est elle qui doit avoir la trouille de tout ça. C’est elle qui va devoir porter cet enfant… Alors quand elle pose ma main sur son ventre, j’ai l’impression de ne plus être assez fort. Larme qui coule déjà sur ma joue, alors que je relève les yeux vers elle. « Sawan… prend moi dans tes bras. » parce-que j’en ai besoin. Parce-que je veux te sentir près de moi, avoir ta chaleur. Et quand elle le fait, je m’accroche à elle, la serre un peu plus parce-que je tiens à elle. Beaucoup trop ! Et j’ai cette impression de ne pas savoir lui dire, lui montrer comme il faut. « Je ne te laisserais jamais tomber… » Je le promets encore une fois. Même si j’ai peur de cet enfant, même si personne n’était prêt. Qu’importe ! Je serais là pour elle et pour lui. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour l’aider, la soutenir et lui montrer qu’elle peut compter sur quelqu’un. Ce quelqu’un ça sera moi. « Je vais changer… » Et ma voix s’étouffe contre sa peau. Je veux m’en sentir capable, pouvoir lui prouver qu’elle a raison de mettre tous ces espoirs en moi. Je veux être celui sur qui elle peut compter et se reposer. Je serais là pour toi Sawan…