Pourquoi n'avait-il pas fait plus attention à tout ça? Pourquoi n'avait-il pas ouvert ce fichu dossier, le préparant ainsi avoir la douce demoiselle sous ses yeux. Et il avait compris. Lui aussi. A sa réaction, qu'elle ne savait pas qu'il était là. Qu'elle ne savait pas que c'était lui. Qu'elle était dans l'ignorance la plus totale. Comme lui. Ils n'étaient que deux âmes dont le destin avait décidé de s'amuser. Ce fichu destin les entrelaçait ensemble et s'amuser de leur réaction.
Et Sang Jun se retrouvait comme un con. A ne pas savoir quoi faire. Ni comment réagir. Pour la troisième fois dans sa vie, il n'avait pas le contrôle. Non. Il n'avait jamais eu le contrôle dans sa vie quand Manah était présente. Elle était cet électron libre qui ne le laissait sans voix, incapable de faire ce qu'il pense. Son corps et son esprit travaillant en contradiction.

Comme à ce moment présent. Les questions fluctuaient sous ses lèvres, voulant comprendre, savoir. Et trouver une réponse rationnelle sur sa présence ici. Et oublier cette histoire de fichu destin. Ou peut-être le karma. D'être toujours autour d'elle sans le vouloir. Ou vouloir y croire. Il la regardait perdre confiance en quelques secondes rien que par sa présence. Et Sang Jun ne savait pas comment interpréter cette réaction. Ni comment le prendre. "Je n'ai jamais dit ça. Manah". Mais il l'avait sous entendu sans le vouloir.

Ses sourcils se froncèrent quand elle le reconnut. Lui qui avait voulu éviter cette situation. "Je ne vois pas de quoi tu parles" Autant jouer l'ignorance plutôt que de lui donner un espoir qu'il avait crée de ses propres mains. Puis il haussa un sourcil, comme troublé par ce changement de comportement avec lui. Mais il devait se ressaisir lui aussi. Il était son patron, non son amour d'été. Ou quelque soit qu'il était. "La formation barista qui commence dans deux jours?" demande-t-il simplement, lui faisant signe de s'asseoir. Il soupira passant une main dans ses cheveux. Que pouvait-il faire? Il ne pouvait pas la virer parce qu'il avait eu une liaison avec elle? Et dans un sens, ça le confortait de la savoir prêt de lui. Il grogna face à cette pensée plus que désastreuse pour lui. "Manah" reprit-il doucement, cherchant à savoir ce qu'il voulait dire, parler avec son coeur ou sa tête? "Tu te plais ici?" La raison avait pris le dessus. La lumière resterait à jamais dans la lumière. "Qu'as-tu apporté au café depuis ton arrivé?" Et il prit enfin son dossier en main, pour s'empêcher de la fixer, de détailler ce petit visage qu'il connaissait par coeur, jusqu'au moindre petit grain de beauté sur sa peau de pêche.

Ma Nah s’assoit en face de lui après qu’il lui ait fait signe. Elle devine qu’il ne veut pas reparler de cette nuit-là, qu’il préfère jouer les innocents, les ignorants. Alors soit, elle se pliera à sa volonté. Poupée docile qui craint de mettre en colère celui pour qui son cœur bat. Parce que de toute évidence, au vu de l’émotion qui la saisit et de ces mois à penser à lui, Sang Jun la possède encore totalement. Elle se force à se cantonner à leur deal. Rien qu’en Australie, rien de plus. A la fin de vacances tout se termine. Elle avait beau avoir pleuré et elle avait beau encore rêver de lui … ça ne changerait rien. Tout était fini et il fallait qu’elle s’y fasse. Mais de le voir en face d’elle aujourd’hui, lui rappelait avec férocité combien elle s’était attaché à lui. Il était évident qu’elle ne lui dirait jamais, gardant pour elle cet amour qu’il ne voulait pas avoir avec elle. il avait été des plus tendre, bienveillant, attentionné aussi … Mais ce n’était que parce qu’il était un homme bien, qui avait scellé avec une gosse un contrat d’adulte. Des sorties, des moments tendres, un peu de sexe sous sa plus belle forme, et c’est tout. C’est tout car la réalité les rattraperait. Elle l’avait fait et Ma Nah détestait ça.

 

Malgré qu’elle fasse des efforts, elle l’observait, repensait à leur baiser, à la façon qu’il avait de lui faire l’amour. Son corps nu, non pas pour ce plaisir charnelle, mais pas qu’elle chérissait au travers de leur nudité la complicité de leur moment volé. Parce qu’ainsi ils s’étaient mis à nue et s’étaient offerts l’un à l’autre. C’était important pour elle … Elle renifle piteusement en détournant le regard, elle acquiesce pour confirmer la formation. Elle avait hâte de pouvoir la faire, mais être ici avec lui, est-ce que ça ne changeait pas tout ? Elle l’écoute, cherche déjà à lui répondre mais elle reste silencieuse quelques secondes. Non pas qu’elle cherche ce qu’elle a pu amener au café mais parce qu’elle se sent soudainement ensevelit sous une tonne de souvenirs. Elle crispe ses doigts sur son tablier et se force à penser à autre chose qu’à la sensation qu’elle avait dans les bras de cet homme lorsqu’il l’étreignait pour un câlin. Il avait le même parfum et cette constatation lui retourna le cœur.

 

Elle relève alors son regard vers lui, pauvre enfant déboussolée et souffle « J’ai proposé des playlists de musiques plus actuelle que la bande son que le manager faisait tourner en boucle … Parce que la plupart des clients que j’ai pu croiser depuis que je suis là ont rarement plus de 30 ans … alors j’ai ciblé … la stylé musicale de notre génération. » elle marque une pause, déglutit et détourne le regard, c’était trop dur pour l’enfant de se perdre dans ce regard qu’elle aimait tant. « Je me plais beaucoup ici … » avoue-t-elle. « J’aime beaucoup le contact avec les clients et ils aiment les petits dessins que je rajoute sur leur gobelet à emporter. » elle ne s’en vante pas mais aime partager ces petits instants de plaisirs qu’elle a avec ses inconnus qui demande parfois des gobelets à emporter alors qu’ils restent sur place. Juste pour pouvoir poster sur Instagram ou leur story leur nom et les petits dessins de Ma Nah. « Ton café … votre café est … on s’y sent vraiment bien et mes collègues ne m’en disent que du bien. » dit-elle comme pour être certaine que Sang Jun sache que ses employés appréciaient son travail. « Tout le monde a été gentille avec moi. » termine-t-elle d’une petite voix timide craignant le silence. Cette enfant qui n’avait besoin que d’un sourire et d’une attention pour se sentir bien. Elle ose alors jeter un regard vers lui mais détourne à nouveau les yeux subitement en rougissant. Elle sait que sous ce costume se cachait un million de tatouage qu’elle avait aimé caresser et toucher. Et maintenant … tout ça c’était fini. Hors de sa portée, et elle craint un instant qu’il ne devine ses pensées, lui si fort à ça.