Le réveil avait été brutal, douloureux. Un acte désespéré, qui reflétait parfaitement l’état de Ye Won depuis plusieurs jours. Blessée, anéantie, sans aucune force face à tout ce qu’elle endurait depuis quelques mois, elle ne tenait plus. Elle n’avait plus aucune force, plus aucun espoir de croire encore au bonheur. Tout s’était enchaîné trop vite, trop intensément. Ses sentiments avaient été mis à mal, par trop de personnes à la fois. Par Ye Jun, ces retrouvailles insensées, inattendues. Par Wen Yi, ce retour fracassant, qui touchait trop de gens. Mais aussi et surtout par Il Kyang, ses mensonges, sa nouvelle vie cachée. Elle n’en pouvait plus, ne pouvait plus rien supporter. Et tout avait éclaté, quelques heures plus tôt, dans ce magasin. La goutte d’eau qui avait fait déborder le vase. Elle était à bout de force, l’idée omniprésente qu’il n’y avait plus personne pour la sauver, pour la sortir de ce cercle vicieux. Une envie certaine d’en finir avec toute cette souffrance qu’elle avait emmagasiné, et le besoin d’en finir. Plus qu’un appel à l’aide, elle demandait au monde de la laisser en paix, enfin. Mais à peine avait-elle eu le temps d’ouvrir les yeux, qu’Il Kyang était là, encore une fois. Qu’il avait enfin osé dire ce qu’il ressentait. Mais elle n’arrivait plus à le croire. Elle ne voyait plus la sincérité dont il avait su faire preuve lorsqu’ils étaient encore adolescents. Et ça la détruisait davantage encore, d’entendre tout ça maintenant, après tout ce qu’il s’était passé. Ca la rendait plus vulnérable encore face à ce qu’elle éprouvait. Ji Ho avait pris le relais, mais rien n’y faisait, il y avait toutes ces images qui tournaient en boucle dans son esprit. Elle avait beau avoir accepté de commencer une nouvelle histoire, elle n’avait toujours pas tourné la page de la précédente. Elle qui pensait qu’il y aurait encore tant à écrire sur eux, s’était trompée. Pourtant, dans toute cette peine, dans toute cette douleur, elle avait ressenti le besoin de revoir son frère. Celui pour lequel elle éprouvait encore trop de rancune. Mais les liens du sang étaient bien plus forts que le reste, elle voulait s’en persuader une fois de plus. Même dans tout ce malheur, elle avait encore besoin de voir un peu de lumière, tentait encore maladroitement de la trouver par elle-même sans être sûre d’y parvenir. Quelques minutes à peine avec lui, et elle avait demandé à Ji Ho de partir, la laisser seule. Elle avait demandé à une infirmière d’appeler son frère, lui demander de venir. Elle avait besoin de se raccrocher à quelque chose, à quelqu’un. Et voilà qu’elle était là, recroquevillée sur elle-même, à attendre que Ye Jun arrive. Ca n’avait pas de sens, alors que quelques semaines en arrière, elle était encore là à lui cracher sa rengaine. Mais à cet instant, elle n’avait besoin que d’un peu d’amour, pur. Celui qui ne meurt jamais. Qui sera toujours présent quoi qu’il arrive. Et il n’y avait que Ye Jun qui pourrait lui apporter.
i need you - junwon
Comment cet appel avait-il pu faire exploser la belle petite bulle qui entourait ma personne ? Pourquoi ma douce Yewon avait-elle eu la sombre connerie de faire une overdose ? Je vous promets que je tentais de prendre sur moi pour ne pas éclater tout. Heureusement que je ne possédais pas le numéro de Il Kyang parce que ma première réaction aurait été de lui téléphoner afin de lui dire ses quatre vérités. Cependant une partie de moi plus raisonnable avait choisi de laisser le bénéfice du doute au jeune homme. Il n’avait peut-être aucun lien avec ce geste désespéré. BORDEL ! POURQUOI ? Je ne comprends pas ses raisons. Qu’est-ce qui se passait dans sa tête ? Mon cœur me faisait mal tant il se serrait d’angoisse. J’avais la sensation de me noyer tout en sentant le poids de ma responsabilité : ma sœur avait perdu ses repères après mon départ. Elle avait avancé seule, gardée la tête haute devant nos parents, affrontée les obstacles sans soutien. Yewon me faisait payer mon erreur en me repoussant, m’excluant de son existence. Evidemment je ne joue pas la victime car la seule personne qui mérite ce titre dans toutes ces histoires, c’est bien ma petite sœur ! Je suis même loin de me douter de tout ce qu’elle a vécu. Je suis perdu dans une certaine mesure parce que je sens bien que certaines choses m’échappent. Je me suis rendu à l’hôpital en apprenant par Il Kyang l’overdose. On m’a laissé quelques heures auprès d’elle pendant qu’elle dormait mais comme je piquais aussi du nez, on m’a renvoyé chez moi. Je comptais bien revenir aujourd’hui et attendre le feu vert de ma sœur. Il viendra peut-être jamais mais peu importe. Elle saura que je suis là même si elle ne veut pas me voir. Yewon me prend au dépourvu en me réclamant. Je l’apprends en posant les pieds dans le service où elle se trouve. Mon cœur est un peu léger quand je me dirige vers sa chambre. Evidemment je ne suis pas venu les mains vides. Ce serait assez mal me connaître. Je lui apporte des douceurs, une peluche toute douce en forme de lapin avec un petit cœur cousu dessus. Pas de fleurs parce que leur beauté est éphémère. Je toque puis passe ma tête pour annoncer mon arrivée. « Hey la plus belle ! » J’entre sans être brusque. Je m’avance puis prends place sur le bord de son lit. « Tu as une mine affreuse… Tu veux faire concurrence à Blanche-Neige ? » Je lui souris, indiquant que ma remarque est une pure taquinerie. « Je ne savais pas ce qui te ferait plaisir alors je t’ai pris des douceurs sucrées et salées puis une peluche. »
Elle n’était pas réellement en état de réfléchir à ce qu’elle faisait. Aux choix qu’elle faisait, aux demandes qu’elle exprimait. Elle était faible Ye Won, le sentiment d’avoir tout perdu, qu’il n’y avait plus rien à quoi se raccrocher. Pas même ce nouveau copain avec qui elle s’affichait depuis quelques semaines. Tout était parti en cendres, tout s’était évaporé, la laissant dans un univers trop sombre pour elle, elle qui avait pourtant tant de fois brillé. Et c’était peut-être pour ça qu’elle avait demandé à ce qu’on appelle son frère. Malgré son retour si soudain, son esprit tentait de lui montrer que, s’il y avait bien une personne avec qui les choses pourraient potentiellement s’arranger, c’était avec lui. Et c’était de ça dont elle avait besoin aujourd’hui. Alors qu’elle avait plongé dans ces abysses, elle avait besoin de voir qu’il y avait encore une personne capable de lui tendre la main, lui montrer que l’amour n’était pas mort. Alors elle attendait, qu’il arrive. Elle attendait de pouvoir poser son regard sur lui, et se rendre compte une fois de plus qu’il était bien revenu. Ca ne tarda pas à arriver, alors qu’elle entendait déjà sa voix parvenir à elle. Un soulagement certain qu’elle n’aurait su exprimer. Son corps encore douloureux, elle avait réussi à se tourner sur le dos, le laissant s’installer à côté d’elle. D’une main tremblante, elle avait récupérer ce qu’il lui avait ramené, sans trouver le courage de lui adresser un sourire. Elle était encore trop faible, trop sonnée par ce qu’il venait d’arriver. Elle-même n’aurait jamais cru qu’elle serait capable d’un tel geste. « Merci… » avait-elle simplement réussi à murmurer à son égard, finissant par relever son regard vers lui. Maintenant qu’il était là, elle ne savait plus quoi dire, quoi faire. C’était bien trop étrange pour croire que c’était réel. Elle n’avait gardé entre ses mains que la peluche qu’il lui offrait, l’observant un instant, avant de relever son regard vers lui. « Tu vas repartir ? » Parce que c’était un peu ça, l’histoire de sa vie. Des gens qui prenaient toute la place avant de s’enfuir. Parfois revenir pour tout foutre en l’air, avant de s’éloigner, la laisser seule. Elle ne pourrait pas le supporter une fois de plus. Plus encore si ça venait de son propre frère. Elle avait besoin qu’on la rassure, qu’on lui dise qu’elle n’était pas seule. Qu’un jour le soleil reviendrait dans sa vie et qu’elle pourra vivre pleinement. Mais elle n’y croyait plus, plus maintenant.
Cette connerie… pourquoi ma princesse avait-elle fait ce geste désespéré ? Ses raisons étaient encore obscures mais peut-être qu’elles finiraient par en discuter avec moi ou pas. Dans quel état je la trouverai en poussant la porte de sa chambre ? Je suis un peu nerveux en me tenant devant sa chambre. Il y a tellement d’émotions qui se bagarrent en moi. Est-ce que la colère prendrait le dessus ? Pas forcément la meilleure attitude pour rassurer la demoiselle. Je cherche le courage de repousser mes émotions fortes. Je veux avoir une image bienveillante aux yeux de ma Yewon. Lorsque je rentre dans sa chambre, je lance une petite taquinerie pour détendre l’atmosphère. Trop de drame risque de nous miner le moral alors commençons par de la légèreté ainsi on pourra entrer dans des sujets plus lourds ensuite. Sa réponse est timide mais je ne peux pas la secouer sinon elle risquerait de se briser ! Je me fige quand elle me demande si je vais partir une nouvelle fois. Cette question plutôt anodine dans le fond fait exploser mon cœur fragile en mille morceaux. Yewon est tellement fragile, vulnérable. Je voulais la prendre dans mes bras pour la serrer ultra fort contre moi. Je me retiens parce qu’elle me donne la sensation que je pourrais la casser en faisant ça. Je me mords la joue pour retenir mes larmes mais elle ne serait pas dupe si elle voyait mes yeux humides. Je me rapproche puis pose une fesse sur le bord de son lit avant de me pencher vers ma princesse pour déposer un baiser sur son front. « Je ne compte pas disparaitre à nouveau. » Je caresse sa joue tendrement « Je te chanterai bien quelque chose mais il risque de pleuvoir. » Je souris pour alléger les choses. « Je suis de nouveau près de toi pour construire des châteaux et te protéger ! »
Elle se sentait démunie, incapable de savoir ce qui pourrait désormais l’aider. Elle était arrivée au point ou elle se demandait encore ce qu’elle faisait là, quel était le but de tout ça, si c’était pour continuer de souffrir autant. Alors quelque part, elle avait besoin d’espérer quelque chose, qui n’aurait aucun lien avec Il Kyang. Elle avait besoin de se raccrocher à quelqu’un, mais Ji Ho n’était pas celui qu’il lui fallait, pas à cet instant. Elle se sentait faible, terriblement faible face à son frère, alors que quelques semaines en arrière, elle jouait les gamines arrogantes avec lui, par besoin qu’il comprenne à quel point elle avait souffert de son absence. Cette fois, elle lui montrait toutes ses faiblesses, à quel point elle avait sombré depuis qu’il était parti. Mais il était le seul en qui elle pouvait imaginer avoir confiance. Cette peluche qu’elle serrait dans ses bras, elle sentait déjà ses yeux s’humidifier à ce simple baiser que son frère lui offrait. « Junno… » avait-elle simplement soufflé, avant de relever son regard vers lui. Un surnom qu’elle n’avait plus prononcé depuis si longtemps, mais qui reste là, ancré dans leur histoire. « J’ai besoin de toi… » et tu n’imagines pas à quel point… Un soupire, une supplique, alors qu’une larme finit par couler sur sa joue. Elle était fragile, plus que jamais. Le moindre faux pas la ferait sombrer davantage encore à cet instant, elle le savait. Mais comment lui dire, qu’elle avait ce sentiment horrible de n’être plus rien, qu’un corps à l’âme détruite, vouée à errer sur cette terre. A attendre qu’une lumière nouvelle lui montre quel chemin emprunter. « J’ai besoin de mon frère… » Celui qui arrivait à la faire sourire en toute circonstance, même si aujourd’hui, ça semblait impossible. « Prends moi dans tes bras… S’il te plait… » Sa voix était plus faible, mais elle avait tant besoin de réconfort, d’amour. De voir qu’il y avait encore quelqu’un sur cette terre qui tenait à elle, qui serait prêt à être là pour elle, quoi qu’il en coûte.
Ma douce petite princesse… ma toute petite princesse… Elle apparaissait superbement fragile dans ce lit hospitalier. Elle me donnait envie de courir la prendre dans mes bras mais comme notre relation est encore étrange je me retiens. Je lui offre maladroitement des choses enfantines, espérant arracher un beau sourire sur son visage. Adorable ! Elle ne me recale même pas avec mes cadeaux, elle doit vraiment être mal pour accepter ça. Elle me demanda si je comptais repartir… et cela me brisa le cœur. Cette question me fit prendre conscience à quel point Yewon est vulnérable. Je ne pouvais pas être furieux, pourtant une partie de moi rêve de gueuler afin d’extérioriser toute ma peur. Cela servira-t-il à quelque chose ? Immédiatement non. Une attitude plus mature me servirait plus. Les mots meurent du coup dans ma gorge pendant que je déposais un baiser sur son front. Mon cœur bondit de joie en entendant ce surnom que je pensais perdu depuis longtemps. Esquissant un sourire, je pose mes fesses sur le bord de son lit tout en la regardant. Mes yeux ne transmettaient rien que de l’affection pour elle. Ses paroles furent comme des flèches plantées dans mon cœur, mais pas parce qu’elle souhaitait me blesser, seulement elle transmettait son mal-être. « Yewon… » Je pris place près de ma princesse pour la prendre dans mes bras, la berçant tout en fredonnant. Cela me faisait mal de la voir ainsi. Je caressais ses cheveux. « Est-ce que tu peux sortir aujourd’hui ? » Un plan venait de naître dans mon esprit. « Viens quelques jours chez moi… tu y es la bienvenue… tu y restes autant que tu veux… » Je la serre contre moi. « Je prendrais soin de toi »
Elle était si fragile, encore à bout de souffle. Ye Won avait eu du mal à voir qu’elle avait autant sombré pendant toutes ces années, mais jamais elle n’aurait cru en arriver à ce point là. A cette fracture totale en son coeur. Au point de croire qu’il n’y aurait plus personne pour elle. Qu’elle était définitivement seule face à ses démons, ses addictions, qu’importe les gens qui gravitaient autour d’elle. Elle avait besoin qu’on la réconforte, qu’on lui montre que ce n’était pas le cas. Que si elle le pensait, c’était uniquement parce qu’on l’avait trop blessée. Et contre toute attente, sentir son frère s’installer à ses côtés et la prendre dans ses bras était tout ce dont elle avait besoin à cet instant. Sentir qu’il était bel et bien revenu. Que ces discussions, bien que houleuses, avaient bel et bien existé. Il était revenu dans sa vie, et elle se raccrochait désormais au fait qu’il allait y rester. Que lui au moins, ne l’abandonnera pas une seconde fois. Elle laissait ses larmes couler sur ses joues, roulant son bras libre autour de lui. Depuis combien de temps espérait-elle pouvoir à nouveau être capable de retrouver son frère ? Si longtemps qu’elle avait arrêté de compter les mois, les années même. Pour aujourd’hui, elle oubliait ce que son absence avait créé dans son quotidien, et tentait de se concentrer uniquement sur ce que ce simple geste pouvait lui apporter. « Il faut demander au médecin… » avait-elle simplement réussi à murmurer contre lui. Toujours aussi fébrile, elle resserrait simplement son étreinte, une façon de lui dire qu’elle acceptait sa proposition. Elle n’était pas capable de réfléchir correctement, de toute façon. N’était pas sûre de ce qu’elle voulait, ce qui pourrait être bon pour elle ou non. « Tu es sûr de toi .. ? » osait-elle tout juste demander. Elle tremblait légèrement à cette idée. Tout semblait encore trop flou pour elle, trop abstrait. Elle allait avoir besoin de temps pour se remettre de cette nuit, elle le savait. Pourtant, elle était encore incapable d’en parler, de dire exactement ce qui lui était passé par la tête, alors qu’elle restait quelque part consciente de ce qu’elle faisait. Mais ces même douleurs qui tordaient son coeur ce soir là étaient encore trop ancrée en elle pour avoir le courage d’en parler, finalement.