Je l’observe doucement, un peu nerveux comme à chaque fois que je me retrouve en face de lui. Il me sourit de son air bienveillant. « Avez-vous consommé, fumer ou but quelconques substances cette semaine ? » « Non, aucune. » je réponds vite, presque soulagé que la réponse soit aussi évidente. « Bien. » il note ça sur son papier, tandis que je souffle entre mes lèvres. « Parlez-moi de vous Il Kyang. » je connais trop bien ces rendez-vous. Ceux où je dois lui faire face, faire le point sur mes addictions. Je suis nerveux comme à chaque fois que je me retrouve devant lui. « Je… je ne sais pas… » je ne sais jamais par quoi commencer. Je n’aime pas trop me confier sur ma vie. Mais je sais que ça fait partie du jeu. Il me connait, pour m’avoir suivi il y a des années et pour avoir voulu de moi encore une fois. « J’ai tout mon temps. » je lâche un petit rire. « Je le sais. » parce qu’on joue à ce jeu à chaque fois. « Les réunions vous aident-elles ? » c’est une vraie question, qui attend une vraie réponse. « Oui. J’y vais deux fois par semaine avec… Young Min. » « C’est le garçon dont vous m’avez parlé la dernière fois ? Votre ami ? » « Oui. » « C’est bien. Avoir un soutien en interne c’est ce qu’il vous faut. » Je baisse les épaules, soupire de soulagement. Je sais qu’assister à ces réunions m’aide vraiment. Et en parler avec Young Min aussi. Nous n’avons pas la même addiction, mais on se comprend. Et je suis presque heureux d’avoir retrouvé l’ami que j’avais perdu. « Et comment vous vous sentez aujourd’hui ? » je bouge nerveusement, je n’aime pas cette question. Parce-que je suis obligé de dire la vérité. « Bien. » je mens. Il le sait, me regarde gentiment. Il attend que je craque. Il sait que ça ne va pas. Mais j’ai honte… comme à chaque fois. « Ok… ça va pas du tout. J’ai eut envie de boire cette semaine à plusieurs reprises. C’est à chaque fois que je pense à tout ça… j’arrive pas à gérer. » « Mais vous n’avez rien prit. » « Non, j’ai fait la promesse à mon meilleur ami. » « Et vous avez l’air de vous y tenir. » « C’est… tout ce qui me reste. » Si je n’ai plus Kitae dans ma vie, je suis perdu. J’aurais définitivement échoué. Je ne veux pas qu’il s’éloigne. Encore des notes sur son cahier, je déteste ça, mais je suis là pour ce suivi psychologique. « Reparlez-moi de la jeune femme de la dernière fois. » « Ye Won ? Ah non… s’il vous plait. » Il sait que c’est toujours le sujet qui me fait déborder. Celui qui me conduit à vouloir prendre ces choses qui me hantent. « Il Kyang, nous avons longuement parlé ensembles. Et vous le savez, si avant vos addictions n’étaient pas centrées sur un point sensible de votre vie, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Vous en connaissez la cause. C’est pour vous aider. » Je sais oui. Je dois apprendre à gérer mes émotions. Pas me laisser submerger. « Mais ça changera quoi d’en reparler ? » « Pour apprendre à vous pardonner. Vous aviez exactement le même problème. Vous êtes trop dur avec vous-même. » « Normal, c’est moi qui merde à chaque fois. » Il soupire, pas de lassitude mais parce qu’il voudrait m’aider. Je me souviens de ces rendez-vous. De tous ces efforts qu’il m’avait demandés de faire à l‘époque. Je me retrouve encore face à tout ça. « A l’époque vous aviez écrit des lettres. Et si vous recommenciez ? Pour vous excuser, auprès des gens que vous pensez avoir blessé ? » 


Je ne suis pas certain que ça soit une question en réalité. J’ai plus l’impression que c’est une idée, un exercice qu’il aimerait que je fasse encore. « Vous pensez que je dois rester ici ? » « Non Il Kyang. Faites-vous confiance et soyez moins dur envers vous-même. » Je ne sais pas si j’y arriverais. Je sais que ça prendra du temps et je fais les efforts qu’il faut. Je me sens exténuer à chacun de ces rendez-vous. J’y suis allé tôt le matin, pour pouvoir bosser à l’agence avec Kitae. Il avait l’air plutôt heureux de me revoir revenir de ce centre. Mais je suis un peu perdu pour être franc. Il y a beaucoup de choses dans ma vie, alors je me raccroche à ce que j’aime le plus. La musique… c’est ma seule soupape. Mon seul remède à mon mal-être. J’y passe tout le reste de ma journée. A essayer de faire quelque chose de bien pour une fois. Kitae travaille sur un nouveau morceau. Quelque chose de plus personnel aussi… En quittant le studio, j’ai une tonne de pensées en tête. Je ne cesse de me répéter ce que m’a dit le psy ce matin. Est-ce que je devrais écrire ces lettres ? A l’époque je n’avais pas été capable de les envoyer. Mais je devrais peut-être aujourd’hui ? Je soupire, prend ma voiture et décide d’aller voir Young Min ce soir. J’espère qu’il sera au dortoir… je n’y met plus vraiment les pieds depuis quelques temps. Seulement pour aller le voir, ou passer le prendre pour aller à nos réunions. J’ai le cœur un peu lourd, à cette idée, tandis que la pluie s’abat un peu plus fort sur mes vitres. J’ai mis de la musique, quelque chose qui pourrait m’aider à aller mieux. D’après Kitae je commence à changer. Je pense qu’il dit ça pour m’encourager. La vérité c’est que je suis toujours triste d’avoir tout perdu. Disons juste que j’évite de sortir, de trainer avec les mauvaises personnes ces derniers temps. J’inspire lentement, tapote mon volant arrêté à un feu. Quand j’avise brusquement une silhouette que je connais bien non loin de là. C’est… Ye Won… mon cœur rate un battement. Mes mains deviennent moites. Je ne l’ai pas vu depuis l’aéroport. Je savais qu’elle était rentrée car Jae me l’avait dit. Mais je n’avais pas cherché à la voir, ni à lui parler. Je me mords l’intérieur de la joue, j’hésite quelques secondes puis décide finalement de tourner au coin de la rue qu’elle prend. Ralentissant ma voiture, j’ouvre un carreau « Ye Won ? » je suis surement la dernière personne qu’elle veut voir. Mais je ne sais pas… je n’allais pas la laisser sous cette pluie torrentielle. « Monte. T’as pas de parapluie. Je t’emmène. » bon sang.J’ai déjà peur de lui avoir demandé ça.

Le retour des Etats-Unis avait été plus difficile qu’elle ne l’aurait cru. Quelques jours loin de la capitale coréenne n’ont pas aidé à avoir les idées plus claires, à arriver à penser à autre chose. Tout tourne en boucle dans son esprit, inlassablement. Tout continue de lui revenir en mémoire dès qu’elle ouvre les yeux, et ce jusqu’à ce qu’elle arrive à trouver le sommeil. Il n’y a pas que toutes ces histoires avec Il Kyang qui continuent de la maintenir éveillée, mais aussi son frère. Cette famille dysfonctionnelle qui n’est pas capable d’être là pour elle. Ces amis qui ont trahit le peu de confiance qu’elle a bien voulu accorder, ces anciennes connaissances qui reviennent dans sa vie pour la détruire un peu plus. Encore et toujours, Ye Won est à bout de souffle, n’arrive plus à gérer sa propre vie, ses sentiments, ses émotions. Elle se perd inlassablement dans ce tourbillon qui la retient prisonnière, incapable de la laisser retrouver le cours de son existence. Elle continue de souffrir dans un silence assourdissant, erre dans les couloirs de son dortoir, de l’université. Elle devient un fantôme que l’on croise au hasard à un coin de rue, une âme égarée qui ne sait plus avancer correctement. Elle tente de mettre de côté tout ça, repense aux mots de Min Young, de Jed. Mais rien n’y fait, elle n’a plus les épaules assez larges pour affronter encore ces personnes, ces lieux, ces vérités. Elle aimerait pouvoir tout effacer, tout recommencer, mais comment pourrait-elle fait alors que toutes ses pensées ne font que l’abîmer davantage à chaque jour qui passe. La porte de sa chambre se referme derrière elle. Ye Won n’a rien à voir avec ce qu’elle était il y a quelques semaines en arrière. Ses traits sont tirés, elle ne se maquille plus. Ses cheveux emmêlés sont attachés en une queue de cheval, et elle ne fait plus vraiment attention à sa manière de s’habiller. Elle n’a plus goût à rien, depuis cette nuit-là. A l’heure actuelle, elle aurait certainement préféré qu’on la laisse partir, quitter ce monde qui la détruit, la consume à petit feu. Mais elle est encore là, tient debout tant bien que mal. Les mains enfouies dans ses poches, elle quitte le dortoir, le regard ailleurs. Un rendez-vous à honorer, imposé depuis son retour. Elle s’en passerait bien, mais n’a pas le choix. C’est soit ça, soit passer les prochains mois enfermée dans un hôpital. Alors elle s’y efforce, tant bien que mal. Elle laisse de côté sa voiture pour vagabonder à travers ces rues. Elle n’y trouve aucun réconfort, aucun remède à ce coeur brisé qu’elle ne saurait réparer. Ces trajets ne l’aident pas à remettre ses idées en place, pas même ces rendez-vous qu’elle appréhende à chaque fois. Même Ji Ho se sent démuni face à la détresse qui se dégage d’elle. Il a beau tenter de la faire sortir, de lui apporter un peu de réconfort, rien n’y fait, elle reste bloquée dans ces idées sombres qui la submergent à chaque fois. Et alors que la nuit tombe sur Séoul, Ye Won erre une fois de plus, se dirige machinalement vers le cabinet de son nouveau psychologue. Petit à petit, elle arrive à lui faire confiance. A ses yeux, il n’est qu’un vieil homme qui pourrait ne rien comprendre à ce qu’elle ressent, mais qui lui aussi a vécu tant de choses négatives, qu’il arrive parfois à trouver les bons mots à son égard. A chaque séance, elle tente désormais de faire un pas, même s’il a comprit que tout ça prendra du temps. Elle sait ce qui l’attend, alors que ses jambes la guident. Elle sait qu’elle sortira de là, d’ici quelques heures, dans un état toujours aussi déplorable. Et même si elle a toujours du mal à y croire, s’y raccrocher, elle a envie d’espérer. Elle veut imaginer des jours meilleurs, être à nouveau capable de penser que le bonheur reviendra dans sa vie à un moment ou à un autre. Elle est pourtant loin de cette étape, elle le sait. L’obscurité qui prend place apporte avec elle des gouttes de pluie qui s’écrasent lentement sur le bitume. Encore perdue dans ses songes, Ye Won n’en tient pas compte, continue simplement d’avancer, la tête baissée. Une cigarette qu’elle fume rapidement, un mégot qu’elle écrase au sol au fil de ses pas. La pluie se fait plus forte, humidifie déjà ses vêtements. Mais elle s’en fout, tout comme le reste. Elle n’y prête aucune attention particulière, ne prend pas vraiment la peine d’ajuster sa capuche sur sa tête. Elle garde la même allure, finit par tourner dans l’une des rues, jusqu’à ce qu’une voix ne la sorte de ses pensées. Son prénom qui résonne et la fait s’arrêter net dans ses mouvements. Elle n’a pas besoin de relever son regard pour savoir de qui il s’agit. Elle déglutit, tourne la tête en sa direction. Sa simple vision provoque un raté à son coeur. Pendant un instant, elle hésite, ne dit rien. Elle fait de nouveau quelques pas en avant, se stoppe. Son visage se relève enfin vers lui, incrédule, sûrement surprise de le croiser là. « Je peux me débrouiller… » bredouille-t-elle, d’une voix presque inaudible. Mais son corps bien trop affaibli tremble déjà sous la pluie qui redouble, elle se connaît assez pour savoir qu’elle ne tiendra pas longtemps si elle reste là. De longues secondes à l’observer, son coeur qui lui dit de partir en courant, mais son esprit encore assez lucide lui intime de se mettre à l’abri, se protéger un tant soit peu. Le temps défile lentement, alors qu’elle finit - bien trop rapidement - par craquer, faire le tour de la voiture pour monter à l’intérieur. Et elle s’en veut déjà, d’être là. D’être assez proche de lui pour sentir son parfum. Une torture qu’elle s’inflige alors qu’elle tourne déjà la tête vers l’extérieur, ses lèvres qui se pincent dans un geste fin. « Pourquoi tu fais ça … ? » Sa voix est cassée, presque incompréhensible. Elle passe son temps à fumer, se lamenter, laisser ces idées noires l’envahir. Et ça se ressent, à la voir se recroqueviller sur elle-même, continuer de trembler. Elle se mord l’intérieur des joues, se maudit déjà d’accepter sans rechigner cette demande. Elle est faible, et se déteste d’être encore trop submergée par ses émotions pour être capable de refuser quoi que ce soit.

Lorsque je la vois à quelques mètres de moi, j’ai aussitôt ces flashs qui me transpercent. Ceux qui me hantent, ces images dont j’ai osé parler à voix haute. Je la revois, là encore étendu sur le sol... je n’arrive pas à les oublier. A me dire que ce n’était rien. J’avais finalement réussi à avancer après l’accident. Mais cette fois-ci c’était différent. Bien plus intense encore… Je n’arrêtais pas d’y repenser. D’avoir peur de la perdre. Loin de moi, je me faisais du souci, je pensais toujours à elle. Est-ce qu’elle allait bien ? A quoi pensait-elle ? Min était-il assez présent pour elle ? Je vivais la peur au ventre, sans jamais réellement en parler à Kitae. Je l’avais dit seulement à mon psy, celui qui pensait qu’avec le temps tout irait bien. Mais j’avais peur… terriblement peur pour elle. J’aurais voulu être là pour l’aider. Au moins juste un peu… mais je savais que tout ça été à cause de moi. Mais encore une fois en la voyant devant moi, je ressens cette angoisse. J’avais failli la perdre… définitivement. Je serre les dents, l’observe sans rien dire, ni insister. Je n’ai pas envie de jouer à ce jeu. Je veux juste prendre soin d’elle. Elle ne pouvait pas rester sous cette pluie… elle hésite, je le vois. Le souffle coupé. Les secondes passent comme des heures. Quand enfin elle décide de monter à bord de la voiture. Soulagement, je lâche un petit soupire en retirant mes affaires du siège passager. Mais quand elle se retrouve à côté de moi, je garde une main tremblante accrochée au volant. Sa voix est cassée… son allure si fragile. Je n’ai jamais vu Ye Won dans cet état. Presque négligée, elle n’est plus que l’ombre de la femme que j’ai aimé… Pourquoi je fais ça ? Mais pour toi Ye Won. Parce-que je tiens à toi. Je me fous pas de savoir ce que tu es devenue durant ces semaines. J’ai tellement pensé à toi… tous les jours, à chaque seconde qui passait. « Je… » Est-ce que j’ai vraiment le droit de parler ? « Tu as froid ? J’ai une couverture à l’arrière attend. » je n’attends pas sa réponse. Me penche derrière sur mon siège pour aller récupérer la couverture dont je lui parle et lui tend. Presque timidement. Elle a le visage trempée, les vêtements humides. J’ai peur qu’elle attrape froid, alors je mets le chauffage, discrètement avant de démarrer. Je laissais la musique en fond, pour combler ce silence qui allait surement devenir pesant. Je la sens fermée, vraiment dans son coin. Mais je ne peux pas lui en vouloir. J’inspire doucement, lui jette un bref regard un peu gêné avant de passer une main sur ma nuque et la frotter. « Tu… tu vas où ? » est-ce que j’avais le droit de lui poser la question. Je n’en sais rien. « Enfin… tu peux entrer l’adresse sur le gps, si tu préfères. » si elle n’a pas envie d’être plus explicite que ça. Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. Si ça se trouve… elle a rendez-vous avec Ji Ho… je ne veux pas y penser non plus. Alors je reste concentré sur la route. Je déteste ces moments gênant. Presque embarrassant. Aucun de nous deux n’osent parler. Et j’ai peur que le premier qui le fasse soit déjà le perdant de l’histoire. A cette distance, je sens son parfum envahir l’habitacle de ma voiture. Comme un vieux souvenir, quelque chose qui m’avait manqué. Je me fais piéger, trop rapidement. Je m’en veux d’être aussi faible face à elle. Face à ce qu’elle représente. Mais depuis cette nuit-là tout est pire dans ma tête. Alors j’essaie de chasser mes idées. « Tu… tu es rentrée depuis longtemps ? » je le sais mais je préfère jouer aux innocents. Peut-être pour lui parler un peu. Lui montrer que je ne veux pas qu’on se dispute cette fois. Après ce que nous nous sommes dit à l’aéroport, je me demande ce qu’elle a fait… cette semaine lui aurait-elle suffit à s’éloigner ? A se rendre compte qu’elle n’avait plus besoin de moi ?

Elle s’en voulait déjà, de ne pas avoir résisté, d’avoir craqué si facilement pour entrer dans ce véhicule. Mais sa lucidité avait eu raison d’elle. Son corps avait besoin d’un peu de chaleur alors qu’il tremblait déjà sous cette pluie battante. Elle s’en mord les lèvres, de se retrouver à nouveau si proche de lui, alors qu’elle tente par tous les moyens de le fuir. Elle a changé, depuis cette nuit-là. Si avant, elle laissait simplement sa colère s’exprimer, désormais, il n’y a plus que de la tristesse dans son regard. Une détresse certaine que beaucoup n’arrivent pas à comprendre. Ce sentiment qu’elle a tout perdu, qu’elle n’a plus rien à quoi se raccrocher. Que plus rien n’a d’importance si c’est pour la laisser dans ces abysses qui la dévorent petit à petit. Et c’est là tout le travail qu’elle doit faire sur elle-même. Tout ce que son psychologue tente déjà de lui faire comprendre. Qu’après la pluie vient toujours le beau temps, et que la lumière existe bel et bien quelque part. Mais elle n’y croit plus, laisse simplement l’obscurité prendre toute la place en elle. Pendant un temps, elle avait cru naïvement qu’elle retrouverait cet espoir aux côtés d’Il Kyang, mais le fait de s’être autant trompée ne l’a pas aidée à se relever, au contraire. Elle se colle un peu plus à la portière lorsqu’il se retourne pour attraper cette couverture qu’elle récupère d’un geste timide. Le tissu qu’elle colle contre son visage pour retrouver un peu de chaleur, alors qu’elle observe à l’extérieur, le regard perdu. Elle sent le chauffage se mettre en route dans l’habitacle, son corps trembler un peu moins. L’odeur d’Il Kyang tout autour d’elle la fait malgré tout encore frissonner, alors qu’elle tente de ne pas y penser. Dans un silence qu’elle impose entre eux, elle tape sur le GPS l’adresse d’un café non loin du cabinet de son psychologue. A vrai dire, elle n’a pas envie de dire ou elle va, de devoir justifier ses faits et gestes. Elle tente de se concentrer sur la musique diffusée, sans réellement réussir à l’écouter. Elle se retient de poser son regard sur lui, se contente des rues qui défilent devant ses yeux, jusqu’à cette question. Quelques secondes, avant d’oser entrouvrir ses lèvres, murmurer quelques mots. « Une dizaine de jours. » avoue-t-elle sans grande conviction. « Tu devais le savoir… » Ajoute-t-elle dans un souffle. Elle déglutit, repense à ce séjour qui ne l’a pas vraiment aidée à se relever. Elle s’était trouvé chanceuse d’avoir Min Young avec elle, mais malgré tout ce qu’il a pu essayer, elle n’a eu envie de rien, à part rester allongée sur un canapé tout au long de ces journées. Le regard dans le vide, écoutant simplement son ami raconter des histoires, tenter de trouver des paroles réconfortantes. Il a tenté de la faire sortir, voir d’autres personnes, mais son coeur meurtri n’a fait que la renfermer davantage encore sur elle-même, bien malgré lui. Et c’est pire encore, depuis qu’elle est rentrée. « Si c’est pas sur ta route, tu peux me laisser, j’me débrouillerais. » qu’elle lance finalement à son égard. Elle ne veut plus être un poids, pour qui que ce soit. Elle ne veut pas avoir à lui devoir quoi que ce soit non plus, pas après ce qu’il s’est passé. Et même si elle n’a plus le courage d’afficher cette ancienne image de façade, elle tente de ne pas se laisser abattre totalement. Même si à cet instant précis, à être aussi proche de lui, elle se sent déjà flancher.

Etait-elle mieux quand je n’étais pas là ? Avait-elle réussi à faire le vide loin de moi ? J’avais tellement de questions en tête. Sans aucune réponse… loin d’elle, je ne me sentais plus à ma place. Je tournais en rond. Je m’ennuyais, je pensais à elle sans cesse. Mais j’étais persuadé que pour elle tout était différent. Elle voulait tourner la page, m’oublier… j’avais si peur que cela soit possible. Pourtant, une part de moi restait réaliste. Si je l’aime... c’est assez pour avoir envie qu’elle soit heureuse. Qu’elle puisse vivre sa vie sans moi. Je n’allais pas lui infliger ça de nouveau. Reparler de ce que je lui avais dit. Les choses étaient claires désormais, nous devions avancer chacun de notre côté, pas vrai ? Alors pourquoi j’avais autant envie de la prendre dans mes bras ? Tout mon être tremblait à ses côtés. D’une absence qui m’avait finalement tué à petit feu. Je ne suis rien sans elle… et cette réalité me frappe à chaque fois qu’elle s’éloigne. M’abandonne encore un peu plus. Je repense à toutes ces fois où je me disais qu’il ne fallait pas s’attacher. Qu’à partir du moment où on comprend ses sentiments ça change tout. J’avais tellement raison. Je rirais au visage de ce gamin que j’étais. Inconscient, à l’abri de ces choses-là. Il se moquerait surement de moi, de ce que je suis devenu… Et il aurait raison. Je garde un soupire pour moi à sa réponse. Bien sûr que je le savais, mais je n’allais pas l’assumer vraiment. A quoi bon ? Pour lui dire que je voulais garder un œil sur elle ? Que j’étais triste quand elle était loin ? Je déglutis, tente de me concentrer sur la route qui défile. L’adresse ne me dit rien, mais je suis bêtement le chemin sans rien dire. Le silence qu’elle brise, me fait sursauter alors que je lui jette un regard triste. Pense-t-elle vraiment que je voulais la laisser ? « Non, ça me dérange pas… » Je n’ai rien à faire ce soir et même si quelqu’un m’attendait, j’aurais pris ce temps là pour elle. Nerveux, je resserre ma prise sur mon volant. Je trouve l’ambiance pesante… Finalement, je décide de mettre un peu plus fort la musique, histoire de combler réellement ce silence qui me brûle. Je me mordille la lèvre, observe les alentours sans que la pluie ne cesse. Le bruit des gouttes couvrent presque le son de cette chanson que j’aime bien. D’ordinaire elle me réchauffe un peu, mais cette fois c’est différent. Arrêté à un feu, je pose mon coude sur le bord de la vitre, avant de passer une main à l’arrière de ma tête. Soupirant, je tourne le visage vers elle « Comment tu te sens ? » voilà j’avais osé poser la question. Elle ne me répondrait peut-être pas, mais ça me torturait l’esprit. Je voyais bien qu’elle n’était pas elle-même. Mais ça ne me suffisait pas à me dire ce qu’elle ressentait vraiment. Mais c’était bête. Elle n’allait pas se confier à moi je le sais. Je grimace, regrettant déjà de lui avoir posé la question avant de redémarrer. « J’ai pas arrêté de penser à toi… » J’étais doux, je ne voulais pas que la situation dégénère à nouveau. Je veux juste lui dire ce que je ressens. Je ne veux pas qu’elle imagine que je vis ma vie de mon côté, sans penser à elle. « Je m’inquiète vraiment Ye Won. » Je n’arrive pas à oublier ces images de toi… ça me hante, me fatigue. J’en cauchemarde la nuit, je n’en dors pas. Je lâche un nouveau soupir, avant de me redresser. A un feu, j’hésite quelques secondes avant de venir me pencher vers elle « J’ai… je t’ai fait un truc pendant ton absence. » oh bon sang, je suis nerveux. J’ai peur de la frôler, alors je me dépêche de récupérer une clé USB dans ma boîte à gant. Puis sans vraiment réfléchir, je lui tends « Je t’ai fait une compile. » je déglutis, gêné. « Je… je me suis dis que ça pourrait être bien… pour toi. Que des musiques positives et… je t’ai mis les deux dernières chansons qu’on a faites avec Kitae. » Est-ce que je suis vraiment en train de faire ça ? A la seconde où j’avais fait cette compile je savais que c’était une mauvaise idée. Mais je l’avais faite pour elle… en pensant pouvoir l’aider. J’avais même demandé à Jae de lui envoyer sans dire que ça venait de moi. Mais il avait vu juste, si j’avais ajouté des morceaux de Illmatic elle savait que c’était de ma part. Alors je m’étais résolu à la garder dans un coin et avoir une occasion de lui donner. Je ne suis peut-être pas d’un bon soutien, mais… la musique ça aide à aller mieux non ? Moi ça m’aidait alors… j’espérais que pour elle aussi. Mais je suis bête, je m’en rends compte. Elle me hait et moi je lui file des chansons où je chante dessus. Quel idiot bordel ! 

Ye Won continue de sombrer, bien malgré elle. Les jours passent, se ressemblent. Être encore au dortoir n’est qu’une souffrance de plus qu’elle s’inflige. Elle devrait reprendre ses recherches d’appartement, quitter cette grande maison qui abrite désormais trop de souvenirs d’eux. Elle repense à ces petits déjeuners partagés dans la cuisine, à ces nuits passées dans ses bras, l’odeur qu’il a pu laisser sur ses draps. A ces disputes aussi, qui ont été de plus en plus violentes, destructrices. Elle se pince les lèvres à sa question, ne saurait pas quoi répondre. Mais s’il y a bien une seule chose qu’elle a gardé, c’est sa franchise, alors qu’elle souffle. « Mal… » Chaque parcelle de mon corps continue de te réclamer, alors que mon esprit m’intime de t’oublier. Je suis perdue sans toi. Perdue depuis que t’es revenu, et maintenant que mon cœur saigne à cause de toi, je ne sais plus quoi faire. Mais elle ne saurait exprimer ce qu’il se passe exactement en elle. Sa gorge se serre à l’idée de poser des mots sur ces sentiments qu’elle essaie encore de refouler. Elle n’ose toujours pas le regarder, sent son cœur palpiter à ce qu’il ose dire. Elle se refuse d’y croire, une manière pour elle de se protéger, sûrement. Elle refuse l’idée de l’imaginer penser à elle, s’inquiéter pour elle. « T’inquiètes, j’recommencerais pas… » Murmure-t-elle, de cette intonation sans vie, sans espoir. Elle repense aux mots de son père, lorsqu’il est venu la récupérer à sa sortie d’hôpital. Son air grave, ses mains tremblantes sous la colère. ‘Tu n’es qu’une pauvre gamine qui enchaîne les conneries. Tu n’es qu’une insolente qui est incapable de se satisfaire de ce qu’on lui donne.’ Ça reste ancré dans son esprit, elle finit par y croire, se dire que le patriarche a toujours eu raison. Qu’elle aurait mieux fait de rester dans les rangs. Elle n’en serait pas là aujourd’hui. Le sentiment d’être terriblement seule malgré ces autres qui gravitent autour d’elle. Son front qu’elle colle contre la vitre, elle se recroqueville un peu plus sur elle-même lorsqu’elle sent Il Kyang se rapprocher, hésite un instant avant de récupérer cette clé USB qu’il lui tend. Elle n’observe que ses mains, cet objet qu’il tient. Elle a bien trop peur de craquer une nouvelle fois si leurs regards osent se croiser. Pendant de longues secondes, elle joue avec, la tourne dans tous les sens. Elle ne comprend pas ce geste de sa part, alors qu’elle tente encore de l’oublier. Elle aurait cru qu’il avait déjà tourné la page, maintenant qu’une vie de famille l’attend. Elle espérait peut-être que de voir ça l’aiderait elle aussi à faire de même. Et pourtant… « T’étais pas obligé. » qu’elle ose finalement lancer, sans pour autant élever la voix. Elle n’y arriverait pas de toute façon, n’a pas assez de force en elle pour ça. Elle finit par poser cette clé sur le tableau de bord, retournant son regard vers l’extérieur. Elle n’est pas sûre d’avoir envie d’écouter cette playlist, d’avoir quelque part non loin d’elle un autre souvenir de lui. D’autres chansons à écouter, ou sa voix prendra toute la place autour d’elle. « J’suis pas sûre… » Qu’elle commence, alors qu’elle prend une grande inspiration. « J’suis pas sûre que ce soit une bonne idée. » Elle renifle, essuie les quelques gouttes d’eau qui coulent encore sur sa peau. « J’sais pas si j’y arriverais. » Tout semble si confus, même pour elle. Il n’y a plus aucune logique dans tout ce qu’il se passe, elle s’en rend compte. Elle-même n’est pas sûre de savoir exactement de quoi elle parle, alors que ses yeux osent finalement se poser sur lui. Et tant pis s’il peut y voir toute la souffrance qu’elle garde en elle. Tant pis s’il devine à quel point elle se sent mal. Elle n’arrive plus à rien, et c’est pire encore lorsqu’il est là. Un fait qui lui glace le sang, l’empêche de bouger. Et qui laisse malgré tout son cœur continuer de vaciller à cette simple vision de lui.

Tu te souviens de ces nuits qu’on passait tous les deux, à juste s’écouter parler, à rire, à refaire le monde. Tu te rappelles, de ces appels interminables, de ces histoires qu’on avait toujours à se raconter. Je n’ai rien oublié Ye Won. Pas un seul instant passé à tes côtés. Aucun regard que tu posais sur moi, aucun geste qui venait de toi… je me souviens de tout, comme si c’était hier. Comme si rien de tout ça ne nous avait détruit… je t’aime, tellement si tu savais. Et j’ai beau me tenir loin de toi, te regarder de loin désormais, je te veux encore… jusqu’à la fin. Je n’ai pas la force d’être quelqu’un d’autre. De tout reconstruire avec une étrangère. Je n’ai pas envie de ça. D’une nouvelle vie où tu n’es plus là. Qu’un souvenir qui s’efface. Qui restera malgré tout ancré en moi. Je me sens mal, encore plus lorsque tu es à mes côtés. Si proche et pourtant si loin. Je sens cette distance, celle qui me tue, me scie et me rappelle tout le mal que je t’ai fait. Qu’importe les mots, les gestes désormais, plus rien n’est possible. Et je me souviens de ce que je t’avais dit, de ces paroles que j’avais écrites en pensant à toi… Je voulais faire les choses bien, je voulais être quelqu’un de bien… mais j’ai tout raté. Qu’est-ce qui m’a échappé ? Pourquoi j’en suis arrivé là alors que je t’aimais autant ? Je me suis totalement perdu. Je n’ai pas réussi à gérer, à accuser le coup. Je n’étais qu’un gamin finalement. Un môme effrayé à l’idée d’aimer… de tenir à quelqu’un comme je tiens à toi. Et je m’en veux terriblement… si tu savais… comme j’ai peur des jours qui viendront. Comme je crains de devoir assister comme un pauvre figurant à ta vie. Peur de devoir t’observer vivre sans moi. J’ai mal au cœur, encore plus lorsqu’elle ose me répondre. Je retiens une émotion, quelque chose qui me brise de l’intérieur. Aucune de ses paroles ne me rassurent. Je passe une main sur mon visage, triste et épuisé par tout ça. Pourtant, je crois toujours qu’il peut y avoir de l’espoir. Peut-elle voir que je ne suis pas si horrible que ça ? Que je ne suis pas le monstre qu’elle croit ? Quand j’ai fait cette compile, j’avais pensé à tous ces moments qu’on avait partagé. Ces instants où je pourrais l’accompagner malgré la distance. Mais aujourd’hui c’était stupide. Et je m’en rendais compte en l’écoutant. « Je suis désolé. Je n’aurais pas dut. » Je ne devrais pas forcer ces choses-là. C’était bête de ma part. J’ai parlé vite, presque brusquement parce-que je ne voulais pas qu’elle se braque. Qu’elle pense encore que j’essayais de lui faire du mal. J’ose à peine bouger, pourtant je sens son regard se poser sur moi… une vraie torture à laquelle je cède pourtant si rapidement. Détournant le visage vers elle, mes yeux croisant les siens dans un instant qui semble durer une éternité. Une vie sans fin, où je peux apercevoir cette tristesse. Ces fléaux que je m’inflige, une éternité de douleur où je me souviendrais qu’elle a sombré à cause de moi… Mon cœur rate un battement, mon souffle se coupe, avant que je ne sois obligé de regarder encore devant moi. Le cœur au bord des lèvres, celle que je me mordille nerveusement, avant de mettre mon clignotant et décider d’arrêter ma voiture sur le bas-côté. « Je… j’y arrive pas. » je peux pas rester là à côté d’elle sans rien lui dire. A faire semblant. « J’arrive pas à le supporter. Te voir aussi malheureuse à cause de moi. » Ça me brise, au point que je laisse mes yeux s’embuer. Prit par l’émotion, cette lassitude qui nous a engloutis. Je reste le regard baissé sur mes mains, incapable de la regarder « Dis-moi quoi faire… parce-que je sais plus… » je suis bloqué. Au sol, enfermé dans une cage trop étroite. Celles autour de qui on tourne, à me juger, à rire de moi… je n’en peux plus Ye Won. « Je sais plus comment te rendre tout ce que je t’ai volé. » et je me souviens de cette fois sur la plage. Celle où je lui avais dit que je ferais tout pour la refaire sourire. Que je serais celui qui lui rendrait cette joie qu’elle avait perdu… je me suis trompé Ye Won. J’ai été le pire des bourreaux… et malgré tout ce que je veux faire pour retenir ces larmes, je n’y parviens pas. Gouttes salées, qui viennent s’écraser sur le tissu de mon jeans.

Ye Won, elle n’a jamais réellement été le genre de personne à avoir une grande confiance en elle. Au contraire, elle a souvent douté dans sa vie, à tous les niveaux. Dans ses relations, dans ses études. Elle est loin de ressembler à ces gosses de riches à qui tout sourit, qui brillent qu’importe ce qu’ils peuvent faire. Elle s’est souvent faite discrète dans cet univers, a tenté de bien faire les choses, à sa manière. Mais plus le temps a passé, plus elle semblait avoir accumulé les erreurs. C’est ce qu’elle pense désormais, sans arriver à savoir exactement ce qu’elle aurait pu mal faire, pour que tant de personnes la fasse autant souffrir, au fur et à mesure des années. Elle a beau y réfléchir, elle en est venue à se demander si elle-même n’était pas le problème, lorsqu’elle voit le désastre qu’est devenu sa vie. Et c’est d’autant plus le cas lorsqu’elle se retrouve avec Il Kyang. Elle se demande encore comment ont-ils pu faire pour en arriver à ce point de non retour. Elle ne dit rien, continue pendant de longues secondes à observer la capitale se dessiner devant ses yeux. Même ces rues qu’elle apprécie tant n’ont plus aucune saveur à son coeur. Un soupire, son regard qui se perd sur ses mains encore tremblantes, avant de finalement oser le regarder. Avant de laisser ses émotions parler pour elle. Une surprise certaine qu’elle ne saurait exprimer, alors qu’elle le voit s’arrêter sur le bord de la route. Ses sourcils qui se froncent alors qu’elle s’enfonce un peu dans son siège. Un moment, elle ne bouge plus, sa tête tournée vers lui. Elle n’est pas sûre de comprendre exactement ce qu’il lui dit, ce qu’il lui demande. Elle a besoin d’un temps pour assimiler ce qu’il se passe. Mais une fois de plus, elle sait qu’elle n’aura pas le courage d’exprimer ce dont elle a réellement besoin. Parce qu’elle-même n’arrive pas à accepter le simple fait qu’elle a besoin de lui, alors qu’il l’a tant fait souffrir. Comment pourrait-elle faire ? « Y’a plus rien à faire. » finit-elle par répondre au bout de plusieurs longues secondes. « C’est trop tard maintenant… » Qu’elle ajoute, relevant ses épaules dans un geste las. Ses yeux se baissent une nouvelle fois, alors qu’elle ne ressent plus aucune force en elle. Impossible de revenir en arrière, d’effacer tout ce qu’il s’est passé. Impossible d’oublier ces mots échangés, ces vérités qui ont détruit le peu qu’il restait de son coeur, faisant voler en éclats tout ce qu’il restait d’eux. « Le temps finira par arranger les choses… » Une phrase qui vient de son psychologue, qu’elle se répète sans cesse, sans y croire pour autant. Au même moment, elle regarde par le pare-brise, peut y voir un couple passer devant eux. Ils ont l’air heureux, souriants malgré la pluie qui s’abat sur eux. Ils ressemblent à eux, quelques années en arrière, se foutant de tout et vivant leur histoire au jour le jour. Et naïvement, elle se dit qu’elle aurait aimé être à leur place, aux côtés d’Il Kyang. Elle aurait aimé que ce retour dans sa vie se termine ainsi, bien loin de toutes ces histoires qui continuent de rythmer cette relation qui n’est plus. « J’crois qu’on s’est tous les deux plantés en pensant que revenir dans la vie de l’autre serait une bonne chose… » Elle déglutit à ses propres mots, ferme les yeux pour reprendre ce souffle qui lui manque. Et maintenant, il n’y a plus rien à faire, à part espérer que cette douleur finira par s’estomper. Qu’elle finira par disparaître complètement pour la laisser reprendre le cours de sa vie. Mais de quoi aura-t-elle l’air désormais ? Elle n’ose pas y penser, alors qu’elle ne saurait dire dans quel état elle sera demain.

« Y’a plus rien à faire. » les mots sont plus fort que les gestes, plus forts que les actes je crois. Je n’ai jamais eu autant mal qu’en l’écoutant. Depuis des semaines, des mois maintenant, ses mots m’ont brisé… et une fois de plus, je reste interdit. Malheureux alors qu’elle est si proche. Je ne sais plus quoi faire. Je suis démuni. Sans solution, sans retour en arrière possible. Je suis face à ce mur, incapable de pouvoir le franchir. Et j’ai si mal. Je souffre tellement… je n’ai plus de souffle, je me noie à chacun des jours qui s’écoulent. J’ai envie de disparaitre… Cette histoire, la notre… je ne peux pas la refermer aussi facilement. Comme je n’arriverais jamais à panser cette blessure. Ye Won… je serais incapable d’aimer quelqu’un d’autre comme toi. Je ne pourrais jamais rêver d’une vie que je voulais avec toi. Comment faire ? Je n’en peux plus, j’étouffe encore. Reste prostré dans mon coin, alors que je l’écoute parler. Cette phrase, la même que me dirait mon psy. Je la déteste tellement si elle savait. Et si ce temps-là je ne l’avais pas ? J’en ai marre Ye Won. De penser à demain. C’est aujourd’hui qui me blesse. Cette journée qui me détruit encore… Oui, on s’est planté tous les deux, mais… est-ce que j’aurais réellement pu rester dans mon coin ? À t’ignorer toutes ces années ? Je soupire, essuie vulgairement mes joues avant de relever les yeux vers elle « Mais je ne regrette pas les bons moments… Tout n’était pas si horrible… » Je t’en prie Ye Won. Ne garde pas que le négatif. Il y avait de belles choses entre nous. Même si nous étions maladroits, même si on avait peur… « J’arrête pas d’y penser. A tout ça… à toi. A nous. » Je deviens fou Ye Won. Ça tourne, ça me remue de l’intérieur. J’essaie de mentir aux autres, de dire que je vais mieux. Mais c’est faux ! Tant que tu n’iras pas bien, je ne le serais pas non plus. « On s’est planté, mais tout n’était pas si mauvais… j’ai compris pleins de choses. » sur toi, sur nous. Sur moi aussi. J’ai découvert qui j’étais, le pire comme le meilleur. J’ai enfin comprit ce que je ressentais. Je me tourne davantage vers elle, inspirant bruyamment. « Je peux pas Ye Won… » Je ne peux pas faire semblant. Juste avancer sans regarder derrière moi. Je m’approche d’elle, cherche d’un geste désespéré à attraper sa main pour la serrer dans la mienne. J’ai les paumes glacées, le regard si triste. « Le temps n’arrangera rien. Je pourrais jamais aimer quelqu’un d’autre que toi. » Et je ne mens pas putain. Regarde-moi Ye Won. Regarde cette lueur dans mes yeux. Cette sincérité. « Je te veux toi… » J’ai murmuré, au moment où la musique finissait par s’arrêter. Ce long silence qui m’envahi. Ce vide qui me rend aux tripes. Et c’est encore là, dans ce cercle vicieux. A chaque fois je me dis que je vais y arriver. Que je vais avancer. Mais quand je la vois tout s’effondre. Je n’ai plus peur de dire ce que je ressens. Je me libère de ce poids que j’ai trop longtemps gardé. « Je sais que tu ne peux pas m’oublier, comme j’arrive pas à le faire. Je sais qu’une semaine, un mois… des années ça nous suffira pas. » C’est écrit Ye Won. Toi et moi, c’est gravé. Je n’ai jamais cru au destin, mais quand je te vois alors je veux bien y croire. Je veux bien me dire que quelqu’un m’a créé pour toi. Pour t’aimer jusqu’à la fin… Et à mesure que je parle, je me rapproche d’elle. Parce qu’elle me manque tellement. Parce-que j’ai besoin de la sentir contre moi. La tête légèrement baissé, je m’interdis de pleurer à nouveau. De laisser cette faiblesse m’envahir. Pourtant, je ne suis qu’un pantin entre les mains de quelqu’un. Je me mordille la lèvre, retient mon souffle. De peur de la brusquer, alors que mon esprit la réclame. Je la veux… plus que tout. Et sans vraiment mesurer mon geste. J’avance mon visage vers le sien, pour retrouver ses lèvres qui me manquent tant.

Les bons moments… Elle y repense, une fois de plus. Ces derniers instants où elle a cru qu’elle pourrait retrouver celui qu’elle a toujours aimé. Cet anniversaire sur la plage, cette fin de séjour au Japon, ces autres soirées passées ensemble à leur retour… Avant que tout n’explose, plus violemment encore que le jour où il a disparu. Elle aimerait que ces souvenirs soient moins douloureux, mais à chaque fois, ils lui rappellent à quel point la suite a été désastreuse. A quel point ils ont fini par se détruire, totalement. « Il y avait des bons moments mais… » Elle mordille l’intérieur de ses joue, baisse ses yeux alors qu’elle joue nerveusement avec ses mains. « Mais à chaque fois, ça me rappelle le reste. » A chaque fois, elle se souvient de ces mots qui l’ont tant blessée. Ces échanges houleux qui n’ont fait que les enfoncer un peu plus dans ces mensonges, cette haine. Et aujourd’hui, face à lui, elle a du mal à gérer ce qu’il se passe en elle. Son cœur et son esprit sont partagés, alors que sa lucidité lui crie de partir loin de lui, si elle veut espérer aller mieux un jour. Une torture qui continue, qui semble ne jamais vouloir s’arrêter, qu’importe ce qu’elle pourrait faire pour ça. « Tu ne peux pas quoi ? » arrive-t-elle tout juste à demander, alors que son cœur s’affole, qu’elle sent ce contact, cette main qu’il attrape. Et cette phrase qui s’échappe d’entre ses lèvres lui font relever le regard vers lui. Se doute-t-il que c’est pareil pour elle ? Qu’elle sait au fond d’elle qu’elle sera incapable d’aimer un autre comme elle l’aime lui. Que jamais personne ne pourra avoir la place qu’il a eue dans sa vie. Elle retient ses larmes, qui humidifient déjà ses yeux, retient un sanglot qui la fait pourtant trembler. « Il le faut… Tout a changé, on s’est trop détruits. » Qu’elle murmure avant que le silence ne prenne toute la place dans ce véhicule. Et alors qu’elle relève son regard vers lui, elle sent, voit, cette proximité qui se recréé entre eux, alors qu’il comble peu à peu l’espace qui les sépare encore. Elle aurait pu succomber, être faible de nouveau face à l’amour qu’elle peut encore lui porter. Pendant une brève seconde, elle se sent prête à se laisser aller, mais ces dernières images de lui, dans les bras d’une autre, lui reviennent à nouveau en pleine face. Une simple phrase qui revient à son esprit, et lui fait tourner la tête brusquement. ‘Sawan est enceinte.’ Qu’importe ce qu’elle pourrait dire ou faire, elle se souvient parfaitement de cette annonce, du néant qu’elle a provoqué à son cœur. Et Ye Won panique, alors que des larmes s’échappent finalement, capturent ses joues. « J’peux pas… » souffle-t-elle en ouvrant la portière, quittant le véhicule rapidement. Ces gouttes de pluie redoublent, s’écrasent sur ses vêtements, se confondent déjà aux perles d’eau qu’elle ne saurait retenir. Elle avance de quelques pas, ses mains passant sur son visage. Elle n’arrive plus à retenir ses émotions, qui la transpercent une fois de plus. « Je peux pas … Je peux pas… » qu’elle répète encore et encore, alors qu’elle finit par s’accroupir, la douleur l’envahissant une fois de plus. Elle ne sent même plus cette pluie torrentielle tomber sur elle, ni même ses vêtements qui collent sur sa peau. Quelques secondes à rester immobile, avant de se relever, poser son regard sur lui. « Tu peux pas m’faire ça ! » qu’elle crie dans un sanglot qu’elle ne contrôle pas. Son corps réagit sans qu’elle ne puisse le maîtriser, alors qu’elle reste là, un frisson la parcourant, le regard rempli d’une souffrance qui la frappe en plein cœur, encore une fois.