Pour dire vrai Mok ne s’était jamais vraiment remise de l’annonce. Les mois avaient beau défiler et passer, elle n’arrivait pas à se débarrasser de cette peur oppressante. Elle n’avait jamais osé lui dire parce qu’elle craignait de s’emporter. L’émotion était trop forte pour elle. Young Min … c’était Young Min. Il était bien plus qu’un ami, il faisait partie de sa famille maintenant. Ils avaient traversé beaucoup trop de chose ensemble pour qu’elle puisse se détacher aussi facilement de la situation. Elle avait été tellement, tellement paniqué à l’idée de le perdre qu’elle en avait perdu l’appétit des jours durant. Elle n’avait pas dormi les jours suivants l’annonce craignant qu’à son réveil une mauvaise nouvelle ne survienne. Dans le fond, quand bien même elle refusait de l’avouer, Mok vivait dans ce stress permanent et constant d’attendre qu’on lui annonce la mort de Young Min. avait vous déjà vécu dans une attente latente, qui vous tenait éveiller la nuit, qui vous nouait le ventre au moment où vous vous y attendez le moins. C’était là, quelque part dans son esprit et ça l’attaquait quand elle s’y attendait le moins. Parfois en cours, lui arrachant des crampes de ventre avec l’image de son ami qui obsédait son esprit. Parfois sous la douche la faisant éclater en sanglot sans raison apparente. Elle était malheureuse Mok, apeurée pour son amie mais avait été incapable de poser les mots sur ce qu’elle ressentait. Comment lui dire ? il avait tellement de chose à surmonter. Elle ne voulait pas l’accable. Non, elle voulait être une bonne amie. Le soutenir, être présente pour lui, l’aimer, quoiqu’il puisse faire. Et dieu qu’elle l’aimait. Mok déambulait dans les couloirs. A la recherche d’une occupation. Ses journées étaient rythmées de la même mélodie et l’ennuie la gagnait. Elle n’avait envie de rien. Ni de travailler. Ni de sortir. Elle ne supportait plus d’être dans son lit et chaque fois qu’elle le croisait dans les couloirs de la fraternité elle avait l’impression qu’on lui arrachait le cœur de la poitrine. Elle se maudissait d’être aussi bête. Elle aimerait parfois savoir comme se débarrasser de ses émotions. S’en libérer, pour avancer. Elle déglutit et fixait à travers la fenêtre les voitures qui défilaient avant de s’asseoir dans le petit renfoncement. Elle appuyait son front contre la vitre et ferma les yeux. Le silence l’angoissait. Elle finit par ouvrir la fenêtre malgré le froid pour que le bruit de la circulation vienne l’accompagner.

« On ne choisit pas sa famille… » pourtant ce serait une option que la vie pourrait nous offrir gratuitement avant de pointer le nez dans un cocon familial. On pourrait avoir la chance de connaitre ses parents, ses frères et sœurs pour savoir si nous faisons le bon choix car effectivement nous ne pouvons pas en changer ensuite. Cette opportunité reste un fantasme mais il faudrait que dame Nature y songe pour le bien-être de tous les êtres vivants. Cela m’aurait plu de ne pas naitre dans ma famille… certes mon parcours aurait alors été bien différent. Je me serai plongé dans une autre passion que le basket. J’aurai rencontré des personnes différentes. Je ne serai peut-être pas dans cette université. Il y avait plein de choses qui n’existeraient pas. Il arrive que parfois je regrette mon overdose loupée parce que la douleur dans mon genou est terrible puis je me souviens que je dois affronter ses épreuves. Elles me permettront de grandir, de me construire sans le regard parental pesant sur mes épaules. Je ne pouvais plus dire que je suis comme Rémi : sans famille. Certes mes parents biologiques sont des êtres cupides, arrivistes mais au moins ils me permettaient de poursuivre mes études sans devoir bosser même si nous n’avions plus de lien depuis deux ans. Il fallait entretenir la réputation… Quand je vous dis que ce sont des cons finis !! Heureusement je me suis construit une famille de substitution. Elle se compose pour le moment de Jung Jed, Wang Mok puis étrangement de Seo Il Kyang. Nous ne partageons aucun lien de sang mais ils sont les personnes qui comptent le plus pour moi. Je sais que mon attitude avait beaucoup blessé ses personnes. Autant je me suis expliqué auprès de mon frangin mais jamais envers ma sœur. Je devais avoir une discussion avec Mok. Je voyais bien que son attitude est différente avec moi. Je cherchais la demoiselle dans les dortoirs de la fraternité et découvris la belle endormie. Je me rapprochais non sans avoir pris un plaid pour le passer autour de ses épaules. Je fermais la fenêtre avant de prendre place près d’elle. J’attendis qu’elle ouvre les yeux.

Mok avait sombré sans s’en rendre compte. Les nuits blanches enchainées avaient eu raison d’elle. Elle avait fermé les yeux sans réaliser qu’elle s’endormait, son corps avait atteint sa limite et chaque fois qu’il le pouvait la faisait sombrer dans un sommeil court et peu réparateur mais suffisant pour al faire tenir rien que quelques heures de plus. Elle aurait pu avoir froid mais Mok ne ressentait plus grand-chose ces derniers jours. La chaleur du plaide aurait pu la sortir de ses songes mais il l’y glissa plus encore, et davantage quand son subconscient compris que Young Min était là. Elle soupira d’aise et dormi ainsi quelques dizaines de minutes avant que le silence ne la prenne, aux tripes et la tire brutalement de son sommeil. Elle sursaute, la peur se lisant sur son visage avant qu’elle ne se souvienne où elle se trouvait. Le bruit de voiture qui se crash contre un arbre disparait lentement de son esprit comme ce rêve qu’elle ne voulait plus faire. Elle retrouve doucement alors que ses yeux se lèvent sur Young Min. elle met plusieurs secondes avant de réaliser que c’était lui, qu’il l’avait couverte pour ne pas qu’elle ait froid et qu’il avait fermé la fenêtre. Tout autant de gestes délicats et attentionnés. Elle sentit une douce chaleur dans le creux de sa poitrine et un sourire léger ourla ses lèvres d’enfant. « Salut … » souffle-t-elle. Elle ramène ses jambes contre elle pour lui faire un peu plus de place et pose son menton sur ses avant-bras pour lever ses yeux sombre vers lui. Beaucoup de personne la trouve froide par la simple expression de son visage, mais Mok n’y pouvait rien, elle était ainsi. Dès qu’elle souriait son visage s’illuminait et toute notion de froideur disparaissait. Elle ancra son regard aux yeux du garçon et soudain elle réalisa, à nouveau sans comprendre pourquoi ces pensées l’attaquaient aussi violement sans prévenir, qu’il aurait ne plus être là. Elle détourna aussitôt le regard perdant son sourire, s’enfonçant dans ses pensées sombres alors qu’elle portait son attention sur la route. Et voilà, le sommeil s’était totalement envolé, et sa fatigue avait laissé place à un mur de protection derrière lequel elle se cachait. Peut-être qu’un jour elle s’habituerait à son absence mais il était difficile pour elle de le voir apparaitre et disparaitre ainsi. La vérité c’est qu’elle voulait se jeter dans ses bras, pour le toucher, le sentir, chaud, vivant. En pleine forme. Mais elle n’osait pas. Se retenait. Puis comme toujours sa proximité devint étouffante pour la jeune fille qui quitta son petit perchoir d’un saut, sans un mot avant de reposer le plaide plié. « Je vais nous faire du chocolat. » dit-elle simplement, une excuse pour fuir. Elle afficha pourtant un petit sourire qui se voulait rassurant. Elle n’arrivait pas à lui en vouloir, lui faire la gueule, mais elle était en colère et la jeune fille s’obstinait à vouloir la contenir. Elle ne voulait pas l’accabler, ni le blesser plus encore qu’il ne l’était. Elle était cruelle, cette enfant, de trottiner rapidement vers la cuisine parce qu’elle savait qu’avec son genou il ne pourrait pas la suivre aussi rapidement … mais ça lui laisserait quelques secondes pour rassembler ses pensées et reprendre contenance. Elle l’aimait tant qu’elle cherchait déjà une poche de froid parce qu’elle le voyait bien grimacer, mais elle l’aimait tant qu’elle préférait lui laisser sur le bord de la table que de le lui donner en main propre. Etait-elle une garce ? Mok était juste … perdue.

Prendre le temps de donner des explications aux personnes qui comptaient le plus pour moi… Une action que je mis tout en haut de ma TO DO LIST. Jamais je ne pourrais poursuivre sans le soutien de ces êtres merveilleux qui acceptaient de faire un bout de chemin auprès de moi. Il fallait que mon chemin croise ma petite sœur de cœur pour que je puisse lui dire tout ce qui s’est passé. Je cherchais donc la demoiselle dans les dortoirs de notre fraternité. Je découvris la belle endormie près d’une fenêtre ouverte. Je pris un plaid sur mon chemin pour couvrir ses épaules puis m’assis près d’elle. Je sortis mon téléphone portable pour chercher des lieux où nous pourrions nous rendre avec Il Kyang tout en jetant un coup d’œil sur Mok. La jeune femme dormit pendant une dizaine de minutes avant de se réveiller en sursaut. Cela me fit paniquer, je manquais même de me casser la figure tant cette réaction me surprit. Avait-elle fait des cauchemars ? Son sourire apaisa mes craintes. Sa voix douce me fit sourire à mon tour. Elle est comme un soleil qui pointe ses rayons pour annoncer une nouvelle journée. Je tends la main pour caresser sa joue avec tendresse. « Salut belle au bois dormant » Cette princesse possède un regard captivant. Je me disais parfois que j’aurai pu tomber amoureux d’une femme comme elle. Les choses n’auraient pas été paisibles parce qu’elle possède un sale caractère sous ses traits angéliques. Cela fait sa force ! Cela fait son charme ! Heureux est la personne qui partagera sa vie. Il faudra juste avoir les tripes bien accrochées. La preuve : son expression ouverte disparut derrière un masque neutre, froid. Mon cœur se serra sans comprendre ce qui se passait. Pourquoi elle changeait ainsi ? Il n’y avait pas eu de brise pour que son humeur change. Je ne comprenais pas. Mok ne débarque pas dans votre vie avec un mode d’emploi. On apprend sur le tas… Je l’observe mettre de la distance entre nous sans savoir quoi faire. Est-ce que je dois la retenir ? Lui demander des explications tout de suite ? Abandonner la partie ? Je vous promets que les femmes sont fatigantes en général parce qu’elles ne sont jamais heureuses. Il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Vous ? Vous ne savez même pas quoi. Il arrive que la raison de ce changement de comportement soit que vous respirez. Epuisant. Quand elle décréta le moment de faire du chocolat avant de partir comme une fusée vers l’espace cuisine, je compris qu’il se passait quelque chose. Quoi ? J’en sais rien ! Je ne suis pas dans sa tête. Evidemment je ne comptais pas attendre tel un petit chien sur son banc alors je levais mes fesses musclées pour suivre la demoiselle. Purée ! Elle marche super vite ou je traine de la patte ? Remarque je ne prends plus de crimson et mon traitement pour la douleur est naze. Mon genou se réveille presque tout de suite tandis que je tentais d’accélérer le pas. Quelle cruauté de la part de Mok ! Elle ne veut pas me parler ? Pas grave ! Je la forcerai à entendre mes excuses. Je boite en déboulant dans la cuisine, le souffle court. Mon visage ne sait pas cacher la souffrance et exprime donc la souffrance ressentie. Un sourire quand je m’empare de la poche de glace. Je tire une chaise, applique le froid tout en reprenant ma respiration. « Tu essaies de me semer ? » Veine tentative de plaisanterie. Je gonfle mes joues pour expirer ensuite tout l’air contenu dans mes poumons. « Pourquoi ai-je l’impression que tu me fuies ? Tu as tes règles ? Je dois aller chercher mon bouclier de Captain America pour survivre à ta mauvaise humeur ? » Je souris tout en lui parlant. « Je pourrais avoir de la chantilly sur mon chocolat ? Avec des vermicelles roses alors pense à trier ! » Est-ce que je la cherche ? Oui ! Je veux qu’elle me réponde, qu’elle réagisse ! Bon sang !

Mok n’était pas vraiment d’humeur à écouter ses plaisanteries ; elle n’était d’humeur à rien et si elle fuyait les autres c’étaient surtout pour leur épargner sa mauvaise humeur. Car elle n’était pas juste agacée, elle était dévastée et ne savait comment sortir de cet engrenage dans lequel elle sombrait. Pourtant la plupart du temps elle arrivait à sourire, à rire, à leur faire croire que tout allait bien. Mok retenait ses larmes quand elle se maquillait mais riait aux éclats dès qu’elle était noyée dans cette foule. Personne ne voulait la remarquer, personne ne pouvait à vrai dire. Un fait exprès car elle se persuadait que personne ne pouvait la comprendre. Elle tente de ne pas exploser mais un rien peut la faire basculer et Young Min le sait. Il le sait très bien … et il en joue. Il la cherche, la teste. Il joue les innocents mais il sait quoi dire pour attirer son attention, pour attiser sa colère. La jeune fille serre les dents, elle détestait cette façon qu’il avait de trop bien la connaitre. Il savait de toute évidence que s’il lui avait posé la question elle n’aurait rien dit, alors il cherchait une porte dérobée, un espace où elle pourrait exploser. Elle n’avait pas envie de le laisser gagner mais il était évident qu’il arriverait à ses fins. Elle était déjà au bord du précipice, n’attendant qu’une bourrasque de vent pour l’emporter et la faire chuter. Elle n’avait pas envie de s’énerver, elle aurait aimé pouvoir lui dire ce qu’elle ressentait et pensait sans avoir à crier ou être méchante. Mais Mok n’arrivait plus vraiment à se comprendre et elle refusait toujours d’aller voir le psychologue de l’hôpital. Young Min l’y avait poussé tellement de fois, mais chaque fois elle se dérobait. Elle savait qu’elle le décevait et c’était peut-être ça qui lui faisait peur. Qu’elle ne soit pas à la hauteur des attentes de Young Min, alors comment pouvait-elle prétendre lui en demander ? elle lui lance un regard noir mais le garçon insiste, préfère en rire. Elle déteste ça. Vraiment. Alors dans un élan de colère elle lui pose son chocolat devant lui, lui met beaucoup trop de chantilly jusqu’à ce que ça déborde et renverse beaucoup trop de vermicelle dessus en soufflant pincée « Tiens, t’as qu’à trier toi-même ! » elle se détourne faisant voler ses cheveux et fini de se préparer son chocolat avec des gestes brusques et énervés. Fais pas ça Young Min, cherche pas à savoir ce que je cache. On en sortira pas indemne toi et moi.