“ yeseo & hanyul : four years. ” Quatre ans sont passés, elle s'en rend compte aujourd'hui seulement. Bientôt quatre ans, ce que le temps passe vite. Comme chaque fois qu'elle y pense un peu trop souvent, beaucoup trop longtemps, elle ne parvient plus à trouver le sommeil et craignant que son insomnie n'empêche ses colocataires de dormir, elle quitte la chambre sur la pointe des pieds pour venir se poser en silence sur un pan de toit si faiblement incliné qu'il permet de s'y installer. Elle y vient souvent pour observer les étoiles, c'est son petit jardin secret. Elle garde les jambes repliées contre sa poitrine et jamais ne baisse la tête face à l'immensité du ciel étoilé. Ses réflexions n'appartiennent qu'à elle, les souhaits qu'elle formule comme un murmure et les confessions à demi-mot. Tout ça l'apaise mais l'ombre qui se dessine entre les petits arbustes peuplant le jardin du dortoir l'intrigue encore plus.

Tiraillée entre la curiosité et l'acte héroïque, elle reconnaît Hanyul que la nuit noire ne semble pas non plus effrayer. Sa présence ne l'étonne pas mais elle hésite à l'approcher. Le temps qui passe et ne pas le voir bouger de son banc, finalement elle abandonne l'idée de l'ignorer — alors que pourtant elle sait qu'il le lui aurait ordonné — et rejoint la fenêtre de secours pour s'y faufiler à nouveau. Même si le temps est plus doux que les semaines qui ont passé, il fait encore un peu frais pour quitter la maison sans un vêtement chaud sur le dos.

Elle approche sans faire de bruit, le bout de ses doigts dépassant seulement de sa longue doudoune noire, trahie par quelques branches sèches qui craquent sous ses pieds et elle s'arrête. La lune est si pleine ce soir qu'elle suffit à éclairer les environs. Elle semble préoccupée, trop pour remarquer son regard à lui qui semble déjà manquer la solitude étouffante dans laquelle il se complaisait.

« Qui est-ce qui t'a fait ça ? »

Une référence à son œil dont la couleur suffit à faire mal rien qu'en l'observant. Elle ne réfléchit à rien d'autre sur le moment, peut-être pas la meilleure des approches — existe-t-il seulement une bonne approche ?

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“ yeseo & hanyul : four years. ” Un sourire amer à ses lèvres la met mal à l'aise. Il sait pourtant qu'il n'a pas besoin de se forcer avec elle, qu'elle n'est pas à juger de ses émotions contradictoires ni à le blâmer pour ce que devient sa vie. Mais peut-être que sa sœur le lui ordonnerait si elle était là, lui intimerait de lui flanquer une bonne correction et le remettre sur le droit chemin parce qu'un tel gâchis fait mal à voir – malgré toute la maîtrise qu'il pense pouvoir inspirer, il fait peine à voir.

"C'est toujours comme ça quand on se fait mettre une raclée. Et tu t'es pas loupé en plus de ça, ça a l'air douloureux."

Elle affiche un sourire vaguement complice et qui se voudrait compréhensif même si dans le fond, elle ne comprend pas vraiment à quoi tout ça rime. Elle a bien essayé de le lui demander parfois, de le confronter plus d'une fois mais ça non plus, ça ne rime à rien.

Son ton est sans doute un peu trop sec pour aller de pair avec l'attitude détendue qu'elle espère afficher. Le froid mordant n'arrange rien à sa posture un peu raide, ses bras entourant sa poitrine et ses mains accrochant les manches à ses coudes pour se tenir chaud sous son manteau. Mais elle ne le fait pas exprès, malgré toute sa bonne volonté et sa foi inébranlable, elle se fait du soucis pour lui, tout particulièrement ce soir.

Elle n'est même pas certaine d'avoir envie de répondre à ses provocations sur le ton à peine dissimulé de l'ignorance, disons plutôt l'omission volontaire des événements qui les tiennent éveillés ce soir, qui les rassemblent aussi dans un sens. Au fond, Yeseo aimerait bien avoir quelqu'un avec qui parler librement de certaines choses sans avoir l'impression de déranger.

"Je réfléchissais à certaines choses. Le ciel a beaucoup d'étoiles ce soir, c'est apaisant." Est-ce qu'il n'est pas un peu là pour ça, lui aussi. "Pourquoi tu restes dehors aussi tard ?"

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“ yeseo & hanyul : four years. ” Son flegme fait la part du job qu'elle n'assume pas lorsqu'elle lui répond avec une franchise déconcertante, « tes phalanges n'ont aucune trace d'impact et tu n'as pas la fierté de quelqu'un qui vient crier victoire non plus » ce qui l'amène au terme de sa phrase à se rendre compte que même avec diplomatie et bienveillance, certaines choses méritent d'être passées sous silence. Elle baisse les yeux et accuse le coup de sa réponse qui semble aller dans son sens, admettre sa défaite, après tout il n'y a aucune honte. « Désolée. Ça n'a pas l'air si profond, par contre tu devrais penser à mettre de la glace dessus en rentrant. » Si tant est qu'il rentre, en réalité il n'y a rien de moins sûre, avec lui, Yeseo ne sait plus vraiment. Certains de se sourires l'invitent à se détendre en sa compagnie et plus le temps passent, plus ses mots sont tranchants comme de l'acier. Pas la moindre idée de ce qui la retient avec lui, ils seraient nombreux à avoir déjà abandonné sans prendre davantage de peine à discuter avec une personne cynique et blindée. A l'évidence, ce qui les relie est différent, inquiète qu'après autant d'années il n'ait toujours pas fait son deuil. C'est triste à dire qu'elle en connaisse un rayon à ce sujet, une gestion de ses émotions qui pourrait presque lui donner le mauvais rôle quand en fait, contrairement à lui qui exprime ses émotions de la pire des façons possibles, Yeseo elle, intériorise et prend sur elle. « Je te conseille de ne pas me lancer sur le sujet, c'est littéralement ce pour quoi j'étudie je te rappelle » marmonne-t-elle sur le ton de l'avertissement. Il suffirait d'une question de trop pour la démarrer et Hanyul de le regretter amèrement. Si l'idée de poursuivre cette réflexion lui a effleuré l'esprit, elle se ravise dès ses premiers balbutiements. « Dis toujours, » propose-t-elle en resserrant ses bras autour d'elle. « Je n'arriverais pas non plus à dormir de toute façon, ça pourrait peut-être m'intéresser » offre-t-elle simplement en posant cette fois-ci ses yeux sur lui, sans en dire plus.

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“ yeseo & hanyul : four years. ” Son cynisme peut s'avérer blessant à certains égards, pourtant cette remarque-ci ne manque pas de la faire sourire et d'étouffer un petit rire derrière des lèvres closes. « C'est vrai que je pourrais te dédier un peu de mon éminente carrière. » Oh, ce n'est pas sans une pique élégamment adressée qu'elle lui répond. Parfois, elle en vient à oublier pourquoi leurs relations sont aussi tendues alors que ce soir, tout paraît aussi simple, à mille lieues du nœud au ventre qu'elle avait en l'approchant. Au fond, tout est une question de timing. Surtout avec Hanyul en fait. Tout est vraiment une question de timing et cette nuit, il est bon. Tristement bon, ne peut-elle s'empêcher de penser avec une pointe de mélancolie qui, cependant, n'entame pas l'objectif qu'elle s'était inconsciemment fixée. « Bien sûr. Tu mettras de la glace sur ton œil et je songerai peut-être à faire un chocolat chaud pendant ce temps. » Convient-elle sans vraiment le consulter. Autrement, pressent-elle, il ne le fera pas et demain, son visage ressemblera à celui d'un boxeur à la défaite marquée sur sa peau. Parfois, il lui arrive de se demander si ce n'est pas exactement ce qu'il recherche, aussi dingue que ça puisse paraître. Si tout ça n'est pas qu'une façade ridicule pour parer une douleur qu'il ne sait pas comment exprimer. Elle pensait qu'il tournerait ainsi autour du pot encore un petit moment avant de se confier. Rien que l'idée qu'il puisse se confier à elle, dans un premier temps, ce n'est pas quelque chose qu'elle pensait voir arriver un jour. Lui qui avait toujours montrer tant de défiance et de méfiance à son égard, il faut la comprendre, son silence est deux fois plus justifié qu'en plus de briser ce tabou, il entre dans le vif du sujet avec une incision que même Yeseo n'avait pas vu venir. Sans lui répondre, elle acquiesce à côté de lui sur le banc, tendant ses jambes devant elle comme si la réponse se trouvait sur la pointe de ses tennis blanches qui ont un peu pris la terre en s'aventurant jusqu'ici. Evidemment qu'elle les étudie, les espace-temps. Et elle est ravie qu'il use de la métaphore pour lui faciliter la tâche à elle aussi. « C'est peut-être pas qu'une impression ? Le temps ne va pas nous attendre pour nous éviter les remords et les regrets. » On pense à tort qu'en laissant filer le temps, la rancœur, la tristesse, la souffrance se faneront sans qu'on ait besoin de les voir en face et de les affronter. Puis on se retrouve quatre ans plus tard, exactement au même point et toujours les mêmes sentiments qui prennent à la gorge. « La physique de ce côté-là est encore assez vaste. C'est plein de théories et pas encore de réponse certaine. » Conclut-elle à demi-mot. Et quand il n'existe pas de solution qui soit universelle, alors chacun fait à sa façon.

« Han Yul » souffle-t-elle sans oser le regarder « qu'est-ce qui t'empêche d'aller de l'avant ? » Ces quelques mots sont à peine chuchotés, comme s'il existait un status quo à ne pas déranger. Mais elle sait qu'il les entendra.

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“ yeseo & hanyul : four years. ” A quoi bon chercher des réponses qu'il ne connaît même pas. A poser toutes ses questions bien indiscrètes, il finirait par trouver son insistante curiosité un peu trop brusque et consciente du mieux qu'il y avait entre eux, de cette accalmie inattendue que leur prêtait cette fraîche soirée, elle voulait tout sauf le braquer. Cette harmonie nouvelle, en fin de compte, était loin de lui déplaire. « Je comprends, » souffla-t-elle en frottant délicatement la paume de ses mains contre ses cuisses, n'essayant pour une fois pas d'en savoir plus s'il ne se sentait lui-même pas près à lui en dire davantage. Et quel exploit ! elle finirait sûrement en syncope d'ici le levé du soleil, Yeseo avait toujours posé toutes ses questions en temps et en heure ! mais c'était pour le mieux. Elle devait se rendre à l'évidence que s'il existait ne serait-ce qu'une seule personne sur cette planète envers laquelle il serait enclin à parler ouvertement de ses sentiments, ce ne serait pas elle et l'idée faisait progressivement son bout de chemin dans sa tête. Dans ce nouveau silence, elle n'avait pas remarqué le changement d'atmosphère et son regard fixé sur elle depuis un petit moment. Ses sourcils se froncent d'abord puis elle fait cette petite moue qui laisse sous-entendre que même muette, elle pondère les choses dans sa tête avant de venir avec une réponse concrète. Est-ce qu'elle lui en veut ? A priori elle n'aurait aucune raison de lui en vouloir, c'est pour ça qu'elle avait commencé par froncer les sourcils. Et puis, elle s'était demandé si c'était vraiment la bonne approche, la bonne réponse surtout. S'il ressentait le besoin de poser cette question, c'est qu'il ressentait une forme de culpabilité que Yeseo aurait été bien maladroite de minimiser. « Non. » Elle ne lui en avait jamais voulu du reste pour commencer. Mais s'il lui demandait d'être 100% honnête alors elle n'essaierait pas de lui cacher ce qu'elle en pense réellement. « Mais ça ne veut pas dire que j'approuve ta façon de gérer les choses. » S'autorise-t-elle avec cette fois-ci un peu plus d'assurance dans la voix. Et qui pourrait dire le contraire ? Sa pommette devient plus rouge encore à cause des coups et de l'alcool, alors certainement pas lui et il le sait aussi bien qu'elle.

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