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YEO RAON & CHOI JI YOOL
Et me revoici pour la trois ou quatrième fois cette semaine dans le bâtiment de l’administration. Je sais que je me stresse d’autant plus à passer quasiment tous les jours mais j’ai besoin que ce souci de bourse soit réglé au plus vite. Bientôt deux mois que je ne reçois plus ma bourse et personne ne comprend pourquoi. Jusqu’alors, je réussissais à me débrouiller avec mes dix heures à shake it radio et mes économies, néanmoins le mois prochain sera bien plus compliqué si cela continue. D’où le fait que ce soit solutionné rapidement, c’est-à-dire d’ici la fin de la semaine. Malheureusement, mon assistant d’administration favori (notez l’ironie) n’a pas l’air d’être du même avis que moi et les choses traînent beaucoup plus qu’elles ne devraient. En parlant de Raon, impossible de le trouver dans le bâtiment et ça m’agace un peu, je vais finir par croire qu’il ne travaille que quand ça l’arrange. Énervée de ne pas le trouver de moi-même, je finis par demander à un autre chargé administratif. « Bonjour, je cherche Yeo Raon, s’il vous plait. C’est pour Choi Ji Yool. » je demande sur un ton froid, quoi qu’un peu irrité, au pauvre jeune homme devant moi qui n’a rien demandé à personne. Un brin impressionné, il semble avoir du mal à trouver ses mots, faut dire que je ne dois pas vraiment avoir l’air très sympathique là tout de suite. « Euh oui, le problème de bourse, c’est ça ? Raon était là il y a quelques minutes. Il ne va pas tarder à revenir… Je pense. » il me dit en tentant un sourire que je ne lui retourne pas vraiment. Je soupire bruyamment, cette histoire dure depuis si longtemps que toute l’administration de yonsei est au courant. Je ne pensais sérieusement pas qu’il fallait un mois pour envoyer trois mails au service financier et pour mettre à jour un papier. Je remercie rapidement mon interlocuteur avant de décider d’attendre Yeo Raon sur un banc un peu plus loin. Ma journée est finie, je peux donc me permettre de patienter. Puis que je lise à la bibliothèque ou ici, ça ne me change pas grand-chose pour moi donc autant attendre ici. Je sors mon roman en cours et je m’installe en tailleur sur mon assise. J’essaye de ne pas être trop adsorbée par ma lecture pour penser à régulièrement jeter un coup d’œil vers les bureaux où j’espère voir Raon rapidement.

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Tenue + Ayant enfin pu sortir de ces dossiers qui lui prenaient la tête, Raon avait profité d’une pause déjeuner (tardive) qu’il faisait volontairement traîner. C’était qu’il n’avait pas hâte de se battre à nouveau avec des collègues d’autres services pour résoudre des soucis qui n’étaient pas les siens. Oh certes cela faisait partie de son job, ça n’était pas pour autant qu’il appréciait le fait de réparer les pots cassés. C’était donc seulement après s’être commandé un second café (à emporter cette fois-ci, il ne fallait pas abuser non plus) que Raon reprit la direction de son bureau, non sans traîner les pieds. C’était que l’air était doux, le ciel plutôt bleu et les cerisiers fleuris, il aurait largement préféré se balader encore un peu plutôt que de devoir réparer les âneries du service financier. Ces gros malins avaient, il ne savait comment, fait une bourde colossale empêchant une bonne poignée d’étudiants de recevoir leurs bourses. À peine le pas de la porte du hall passée, il aperçut sur un des sièges faisant face à son bureau, un visage qu’il ne connaissait que trop bien ces derniers temps. Voulant immédiatement battre en retraite, son café à la main, Raon entreprit un demi-tour express, et alors qu’il s’apprêtait à fuir il entendit un de ses collègues l’interpeller. « Raon Sunbaenim ! Une étudiante attend pour vous voir. » Tout en grimaçant, le coréen se retourna et força un sourire déformé sur ses lèvres. « Merci... » S’approchant de l’étudiante en question (une des victimes du service financier), il lui adressa un signe de tête pour la saluer. « Ji Yool-ssi, quel plaisir ! Que me vaut l’honneur de cette visite ? » Cela dégoulinait d'ironie évidemment. En toute honnêteté, c’était facile à deviner, elle venait pour la même raison que la veille, et l’avant-veille, et le jour d’avant et peut-être encore celui d’avant : sa bourse. D’un geste las de la main, il l’invita à le suivre dans son bureau, autant faire ça confortablement assit. Ce qu’il fît rapidement en entrant dans son bureau, faisant signe à Ji Yool de faire de même. « Alors ça sera quoi aujourd’hui ? Insulte ? Menace ? Chantage ? » Elle semblait ne pas comprendre qu’il n’était pas faiseur de miracle (mais avait saisi qu’il était de mauvaise foi, malheureusement).

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Très vite, je me retrouve à dévorer les pages de mon roman. Comme d’habitude, je suis incapable de lire un livre sans m’y plonger cœur et âme. C’est comme ça depuis que mon anxiété a trouvé un peu de calme dans les résonnances d’un poème ou dans la mélodie d’une bonne nouvelle ou encore dans le mystère d’un long polar. Plus de dix ans que je suis tombée amoureuse des livres et plus de cinq que j’ai trouvé ma voie professionnelle grâce à cette passion. Ces pensées me fait doucement sourire dans ma lecture et je me détends légèrement. L’esprit loin de mes problèmes de bourses, et par extension, d’argent, je me perds dans l’univers de Kim Aeran. Je ne sais pas combien de temps que je déconnecte du monde mais lorsqu’une voix s’adresse à moi, je manque de sursauter et me fais remonter en pression. Je n’ai pas besoin de lever les yeux pour savoir qui se trouve en face de moi. « Mr.Yeo... J’aimerais vous dire que le plaisir est partagé mais ce serait mentir. » je siffle entre mes dents, incapable de faire preuve d’ironie comme il le fait. Ma langue claque d’irritation contre mes joues alors que je ferme mon livre pour le ranger. Il m’agace tellement. Je me lève en soupirant de façon exagérée voire dramatique sans pour autant prendre la peine de répondre à la question de Yeo Raon. De toute façon, elle est totalement rhétorique, la chargé d’administration sait très bien pourquoi je suis ici. Sans vraiment regarder où je vais, car je connais le chemin par cœur, je le suis jusque dans son bureau. Contrairement à Raon, je ne m’assois pas, les nerfs trop en pelote pour rester gentiment sur une chaise. Je me suis plutôt du genre à faire les cent pas en me mordant les ongles pour me retenir de péter un câble alors je refuse silencieusement son invitation à m’asseoir. Quand il reprend la parole, je me tourne vers lui, un peu offusquée. « Je ne vous ai jamais insulté ! » je fais remarquer. Je l’ai peut-être insulté deux trois fois dans ma tête mais je suis trop polie (et peureuse) pour lui dire en face. « Je voulais juste savoir où ça en était pour les papiers, savoir ce qu’il y avait de plus à faire, s’il y avait quelque chose à faire pour que ça avance plus vite ! » je hausse la voix en parlant très vite. Tout mon corps trahit mon impatience et mon irritation, mais parler libère un petit peu mes nerfs. Je trouve enfin la tranquillité nécessaire pour me poser sur la chaise en face du bureau et je croise, pour la première fois depuis le début de notre échange, le regard de Yeo Raon.

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Tenue + Au fond, des conversations qui ne manquaient pas de piquant Raon adorait ça, c’était stimulant et divertissant. Mais lorsque ces conversations étaient avec la même personne et toujours à propos du même sujet, cela pouvait devenir lassant. Mais il fallait bien reconnaître que Ji Yool avait du répondant et il aurait sans doute aimé aborder d’autres sujets et autres débats avec elle (même si elle avait l’air quelque peu bornée). Adressant un sourire à la jeune femme alors qu’ils s'installaient dans son bureau, il la regarda à peine alors qu’il réorganisait les dossiers sur son bureau. « Certes, mais des fois quand je vois votre regard, je les entends presque. » Parce que si elle ne l’avait jamais directement insulté (sans doute trop respectueuse pour ça) il se doutait bien qu’elle ne devait pas se priver lorsqu’il n’était pas à portée d’oreille.  Prenant une inspiration presque exaspérée face à cette situation qui se répétait, Raon s’appuya fermement contre son fauteuil de bureau et fixa l’étudiante. « Comme je vous l’ai dit hier Mademoiselle Choi, toutes les pièces ont été renvoyées au bureau des finances avec la preuve que tout était en ordre du côté administratif. » Il poussa un soupir un peu lassé et reprit son gobelet de café oublié jusque-là, il but une gorgée et le reposa. « Je sais que ma compagnie est exquise mais pourquoi vous n’allez pas les déranger eux ?! » Demanda-t-il presque exaspéré. Il pointa d’un geste fatigué une pile de dossier avant de se pencher et d’attraper le premier qu’il ouvrit et en montra le nom à la jeune femme. Il s’agissait de son dossier. « Ça c’est votre dossier, je l’ai réétudié comme à chaque fois que vous me le demandez. Tous les dossiers en dessous sont ceux de camarades qui sont dans la même situation que vous. » Il reprit son gobelet de café pour en prendre une nouvelle gorgée, grimaçant légèrement à l’amertume de sa boisson en train de refroidir. « Mais heureusement pour moi, ils n’ont pas tous votre pugnacité, j’aurais déjà démissionné dans ce cas. » Mais il se doutait que ça ne la ferait pas reculer, et que tôt ou tard il allait devoir téléphoner à ses collègues, quel était le numéro de ses collègues des finances déjà ?

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Je manque de lâcher un sourire narquois et un petit « peut-être bien » quand Raon me dit qu’il entend presque mes insultes sans que je n’ai besoin de les prononcer, mais je décide de rester respectueuse et de ne pas envenimer la conversation. Je sais qu’il n’a pas vraiment tord quand il me dit qu’il ne peut plus vraiment intervenir sur le problème de bourse. Mais je ne lui donnerai jamais raison de vive voix, jamais. Petit un : parce que c’est tout de même de sa faute (en partie du moins), si les documents ont mis tant de temps à être envoyés. Petit deux : parce que je ne lui ferais jamais ce plaisir-là, je fume intérieurement, rien qu’à imaginer son petit sourire en coin satisfait d’avoir eu le dernier mot. Puis si je m’acharne autant sur le chargé d’administration, c’est aussi parce que celui-ci a du répondant. Contrairement au responsable financier de l’université, qui est un véritable mur de glace, Yeo Raon finit toujours par m’offrir une réponse, même si ses mots me plaisent très rarement. « Mais j’y suis déjà allée ! Et ils me répondent toujours la même chose : « ce sera fait en temps et en heure. »… Ça fait deux mois ! Ça fait bien longtemps qu’on n’est ni en temps ni en heure ! » je râle en croisant les bras, manquant de peu de couiner comme une enfant tellement je suis désemparée devant la situation qui stagne plus que nécessaire. Je ne relève même pas le début de sa phrase, trop habituée à ses petites touches d’humour qui ne me font pas vraiment rire. « Ils ne veulent pas me répondre parce que je suis qu’une étudiante, c’est ça ? C’est de la discrimination, vous savez ? Ou alors… C’est parce qu’ils ont tout perdu ? Les dossiers ?... L’argent ?? » j’ajoute en m’agaçant un peu plus alors que je commence à me mordre les ongles comme à chaque fois que je stresse un peu trop. Bon, peut-être que j’exagère un peu mais il faut me comprendre aussi, ça fait deux mois qu’on me répète que cela va être fait rapidement et toujours rien. Après la galère qu’a été mon transfert et mon inscription à yonsei à l’année dernière, j’aurais aimé que cette nouvelle rentrée se passe sans un accro, avoir un peu de répit avec toute cette jungle administrative. C’est rate, bien sûr. Ma malchance habituelle. Le karma, vous direz mon frère. « Vous allez faire comment quand la moitié de boursiers ne pourront plus payer leur logement ou se nourrir ? Ce qui ne va pas tarder à arriver, vu à la vitesse avec laquelle vous traitez le problème. ». J’abuse totalement, je pense. Et encore, je n’en sais rien. Personnellement, je suis loin d’être dans ce cas-là mais peut-être que d’autres étudiants ont des budgets plus serrés que le mien et se retrouvent dans un situation financière compliquée. Et voir, Raon siroter son café avec le plus grand désintérêt, comme si tout ça n’avait pas d’importance, m’exaspère plus qu’il ne devrait.

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Tenue + L’université avait de sacrées lacunes. Raon était bien placé pour le savoir. Rien que dans la section administrative, Seo Jin Hee avait quitté son poste et n’avait pas été remplacée et une autre collègue était partie en congés maternité et n’avait pas été remplacée non plus. En gros, ils commençaient à manquer de monde et avaient de plus en plus de soucis à régler, comme cette histoire de bourses qui n’arrivaient pas. Et il comprenait tout à fait la frustration de l’étudiante en face de lui, s’il avait été dans la même situation, il aurait fait la même chose. Sauf qu’il se rendait compte que parfois, la bonne volonté ne suffisait pas... Bon, il ne faisait pas tout de bonne volonté, certes. Malgré lui, il lâcha un rire après l’une des tirades de Ji Yool, et il se reprit immédiatement, pinçant les lèvres comme si de rien n’était. Mais vu le regard qu’elle lui lançait, le mal était déjà fait. « Désolé, c’est juste... De la discrimination ? » Il afficha un sourire en coin. « On sort carrément les grandes accusations. » Il se gratta légèrement le front en soupirant doucement. « C’est juste de l’incompétence, mais si on demande, ce n’est pas moi qui l’ai dit. » Est-ce qu’il s’incluait dans le lot ? Oui et non. Il rechignait souvent à travailler, mais quand il s’y mettait, il faisait ça plutôt bien. La jeune femme ne semblait pas se calmer, et bien que désolé (un peu quand même), Raon ne pouvait rien y faire. Ce n’était pas en venant tous les jours que les choses avanceraient. « On fera comment ? Distribuer des tickets de rationnement ça pourrait être une idée. » Il afficha un petit sourire désinvolte, plutôt fier de son idée et sachant pertinemment qu’il ne faisait que rajouter à la frustration de la jeune femme. Il poussa un nouveau soupir tout en se passant une main dans les cheveux dans un geste las. « Bon, ce que je vous propose. » Il se pencha un peu sur son bureau. « Je téléphone à mes collègues, ici, devant vous. » Il décrocha le combiné du téléphone posé sur son bureau. « Je mets le haut-parleur pour être entièrement transparent, mais attention. » Il leva le doigt comme un avertissement. « Pas un mot. C’est pas le moment de me fâcher avec eux si vous voulez au moins avoir quelqu’un de compétent dans cette histoire. » Il lui fît signe de s’asseoir d’un geste du menton. « Et vous en doutez sans doute, mais quand je parle de quelqu’un de compétent, je parle de moi. » Et il lui lança un regard, comme s’il la mettait au défi de le contredire. « Alors ? » Et il laissa sa main planer au-dessus du téléphone, prêt à appeler ses collègues si elle promettait de bien se tenir, en était-elle capable ?

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Ma tête vacille trente secondes quand je l’entends rire de mes propos. Rire. Je suis tout à fait outrée de constater que mes inquiétudes, plus que justifiées qui plus est, le font marrer. On se paie vraiment ma tête dans cette université, c’est consternant. Le chargé d’administration se reprend rapidement mais je ne retiens pas un regard noir et meurtrier lui indiquant que je le trouve assez irrespectueux dans ses réactions. J’ai une furieus envie de lui faire ravaler son sourire. Mais je n’ai absolument aucun moyen de le faire alors je bougonne dans mon coin passant mes nerfs sur mes ongles, que je ne vais pas tarder à ronger jusqu’au sang si je continue de m’acharner sur eux. Raon finit par soupirer attirant de nouveau mon attention et j’hausse un sourcil à sa phrase. Excusez-moi mais je pense qu’on a depuis bien longtemps passer le cap de l’incompétence… En soit, c’est déjà pas mal qu’il l’avoue mais cela n’améliore pas la situation pour autant alors cela ne me suffit pas pour redescendre en pression. Et ce n’est pas son humour cynique qui m’aide, loin de là. Je lui offre un nouveau regard agacé alors que je reprends mes cents pas dans le bureau. “Bravo l’université la plus prestigieuse de la ville.” je remarque nerveusement quand il me parle de tickets de rationnement avec la plus grande ironie du monde. Mes pas dans la pièce ne s’arrêtent que l’homme me propose un étranger marché. Curieuse, je stoppe quelques instants ma marche pour m’approcher du bureau et écouter soigneusement les termes de sa proposition. D’un hochement de la tête, je lui indique que je suis tout à fait capable de me tenir et d’être silencieuse. Un petit rire jaune s’échappe de mes lèvres en m’approchant de la chaise. “Je ne dirais pas compétent… À la limite le moins imcompétent et encore.” je soupire un sourire crispée fleurissant sur mon visage. Et encore, il ne s’est jamais vraiment montré plus compétent que le reste des employés ici. Mes doigts claquent sur le dossier de la chaise alors que je me mords l’intérieur de ma joue quelques instants. “Je suis vraiment obligée de m’asseoir ? Ca me stresse de ne pas pouvoir bouger.” je demande en relevant les yeux vers mon aîné. Honnêtement, je ne suis pas sûre que rester assise soit le meilleur moyen pour moi de rester tranquille et silencieuse. Je serais bien plus calme en continuant de faire les cents pas mais vu le regard de Raon, cela ne semble pas négociable… Alors en lâchant un soupire exagérément bruyant, je finis par m’installer sur la chaise et mon pied tape déjà au sol dans un rythme saccadé alors que des deux jambes tremblent comme des feuilles. “Bon, je vous fais confiance pour faire avancer les choses avec ce vieu- enfin cet exécrable personnage.” je réclame, combien même j’ai zéro confiance en lui, je me dis qu’au moins, il ne peut pas empirer la situation et qu’au pire, je serais au moins ce que fait réellement le service financier avec ma pauvre bourse.

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Tenue + La situation était clairement dramatique si Raon était désigné comme la personne compétente. Pas qu’il était incompétent, il connaissait son métier et savait ce qu’il avait à faire. C’était juste que la plupart du temps, il n’avait pas envie de le faire. Le coréen n’aimait pas l’effort, c’était bien connu. Mais pour le coup, il se devait d’être partial, ses collègues étaient débordés et en sous-effectif, d’où les erreurs de leurs côtés, tout comme il comprenait l’étudiante en face de lui. Ce n’était pas pour autant qu’il acceptait la condescendance (quoique c’était peut-être bien de l’exaspération) avec laquelle Ji Yool s’adressait à lui. « Vous savez que normalement, on est supposé être sympa avec les gens qui veulent nous aider ? Vous mettre les gens prêts à faire avancer le truc à dos, ça ne fait pas avancer le truc justement. » Dans ce milieu, peu de choses faisaient avancer les problèmes, c’était que les gens assis derrière leurs bureaux se sentaient plutôt en sécurité (et à juste titre). À moins d’être l’enfant ou de la famille de quelqu’un de particulièrement puissant, chacun était coincé au bon vouloir de l’administration. Toujours dans son fauteuil, Raon s’apprêtait à appeler ses collègues, attendant juste que l’étudiante n’accepte le deal. « Assise, debout, vous pouvez même faire le poirier si vous voulez. Juste, pas un mot. Les susceptibilités vous savez... » Elle sembla baisser les armes et pris place sur le fauteuil en face d’elle. Par un doigt posé sur ses lèvres, Raon lui intima une nouvelle fois de ne rien dire, et composa le numéro raccourci pour tomber sur son homologue au service financier. L’appel n’avait pas encore commencé qu’il sentait poindre déjà un mal de tête derrière ses paupières, le coréen avait le pressentiment que cet appel serait inutile et ne calmerait pas vraiment les inquiétudes de la jeune femme. « Monsieur Song bonjour, Yeo Raon de l’administratif. Je vous appelle pour savoir où en était le traitement des bourses dont je vous ai renvoyé les dossiers, après avoir confirmé que tout était en règle de notre côté d’ailleurs. » Autant insister auprès de l’étudiante autant que de ses collègues, il bossait peu mais il bossait bien quand même... « J’aurais donc voulu savoir où en était le traitement des paiements de votre côté. Loin de moi l’idée de vous presser mais on va se retrouver avec des étudiants en difficultés là. » Il détestait devoir mettre les formes et faire des ronds de jambe, mais l’égo des hommes était à prendre avec délicatesse. « Ce n’est pas mon problème s’ils ne savent pas gérer leurs portes-monnaies. » Eut-il pour toute première réponse. Le ton de son interlocuteur était las et cassant. Raon écarquilla les yeux, ne s’étant pas attendu à une telle réponse de la part de son collègue. Il regarda Ji Yool presque terrifié, peut-être aurait-il dû prévenir qu’ils étaient sur haut-parleur.  

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Bien sûr que je sais que je suis censée être sympa avec les gens qui veulent m’aider. Je suis même assez douée pour le faire, je n’ai pas réussi à montrer le projet de ma vie en étant condescendante ou sarcastique avec mes partenaires. Mais très honnêtement, j’ai passé le stade où je pouvais rester agréable et vu la légèreté avec laquelle l’affaire est prise, je doute très fortement que le chargé d’administration veut m’aider. Raon le fait, certes, mais on est loin de l’envie quand même, il cherche juste à ce que je lui fiche la paix. Ce qui n’est pas près d’arriver si je n’ai pas ma bourse très vite. J’esquisse un sourire des plus faux. « Mr.Yeo, vous êtes le meilleur. » je déclare d’une voix mielleuse qui me file des frissons. « C’est mieux comme ça ? » le ton faux disparu, laissant place à un sarcasme plus que notable. Je n’ai pas l’habitude de me montrer malpolie, voire même insultante à ce stade, mais la situation me pousse dans mes retranchements, et je sais aussi que l’homme ne m’en tiendra pas rigueur. Et même s’il le fait, je n’ai plus grand-chose à perdre, et certainement plus sa patience, ni la mienne. « Je ne sais même pas faire le poirier… » je souffle en allant m’asseoir sur la chaise en face de Raon. Pas que ma réflexion ait un intérêt mais ça me détend de penser à voix haute. Je roule des yeux quand il m’indique d’un geste de la main de ne pas faire de bruit. Je m’enfonce un peu plus dans la chaise alors que je me retiens de faire passer mon stresse en tapotant bruyamment sur les accoudoirs. Le regard fixé sur l’adulte au téléphone, j’écoute attentivement chaque mot qu’il prononce, me disant qu’il est bien trop poli avec le responsable financier, qui est sûrement le plus compétent et le plus aigri des salariés de cette université. Mais si cela permet de bloquer le problème, il n’y a pas de soucis pour que le chargé d’administration joue au collègue poli et patient, tant qu’on ne me demande pas de faire de même. Le ton de la réponse qu’il reçoit manque de me faire bondir de ma chaise, sans même parler des paroles qui sont d’une méchanceté gratuite. J’ouvre la bouche pour répondre par automatisme. Mais bien vite, je me rappelle que je ne suis pas censée être là. Alors je ravale mes mots d’un air mécontent, et surtout très outré, et je me contente de serrer mes doigts sur l’accoudoir pour faire passer. « De mieux en mieux, dites donc. » je siffle méchamment dans mon coin, ma voix si faible que je doute fortement que l’homme au bout du fil puisse m’entendre. « Et après on viendra me dire que cette université ne discrimine pas les étudiants boursiers. » je continue  dans un chuchotement un peu plus fort avant de claquer de la langue pour indiquer mon état d’esprit qui n’est pas des plus positifs.

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Tenue + À entendre les réparties de la jeune femme, Raon regrettait vraiment que ce soit dans de telles conditions qu’ils se soient rencontrés. Parce qu’elle était cinglante, ironique et elle avait l’air d’avoir la tête bien pleine. Ils auraient probablement pu bien s’entendre et faire des échanges de bons mots. Mais les circonstances étaient ce qu’elles étaient, l’assistant d’administration ne pouvait rien changer. La seule chose qu’il pouvait faire dans l’immédiat, c’était ce fameux coup de fil à ses collègues pour faire avancer les choses. Mais évidemment, il fallait que cette idée soit foireuse. Raon ne s’attendait pas à ce que son collègue ait autant de dédain vis-à-vis des étudiants. Envers le boulot et les tâches à accomplir, il pouvait lui-même être dédaigneux ou prendre les choses à la légère, il l’aurait compris, mais envers les étudiants et cette situation compliquée non (même si c’était l’impression qu’il donnait). Il regarda Ji Yool alors qu’elle râlait et faisait claquer sa langue exprimant clairement son mécontentement (justifié). Craignant de la voir intervenir, Raon s’humidifia les lèvres avant de reprendre la parole. « C’est ce que vous me conseillez de répondre aux étudiants qui viennent dans mon bureau ? » Son ton bien qu’aimable laissant entendre un certain mécontentement. Ce n’était pas parce qu’il s’était amusé à ennuyer l’étudiante juste avant qu’il cautionnât la situation. Il l’avait prise avec détachement parce que tout était clair de son côté, il ne pouvait pas en dire de même de son collègue. « Quand ils ont peur de ne pas pouvoir manger le lendemain, je dois les inviter à votre table au restaurant universitaire ? Ou mettre ça sur votre note de la cafétéria ? » Le ton du coréen restait égal, mais il soutenait le regard de Ji Yool en même temps qu’il parlait, comme un moyen de lui dire « ah vous ne pouvez pas dire que je ne fais rien ! » Il poussa un soupir et pensa soudainement à quelque chose, un sourire étira ses lèvres. « Vous savez, il y a des étudiants qui sont particulièrement engagés. Certains travaillent même dans l’édition et la parution de média. Ce serait dommage que des articles mettant en cause le traitement des élèves boursiers à la Yonsei paraissent dans la presse et viennent aux oreilles de la doyenne. J’ai une étudiante en tête, croyez-moi, un vrai pitbull, vous ne voudriez pas avoir à faire à elle. Je suis certain qu’elle pourrait crever mes pneus si j’avais une voiture. » Il se retint de ricaner en fixant la jeune femme, ignorant si c’était réellement ce qu’elle faisait avec sa boîte mais la menace sembla porter ses fruits. « Je vais voir pour avoir le renfort d’autres collègues pour voir où est le souci. » Et sans attendre, sans doute vexé, le collègue raccroché. Pas vraiment contrarié, Raon en fît de même et lâcha un petit « Ah ! » très satisfait.

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