“ lucas & jiyool : late night buddies .” + Je me réveille en sursautant, une nouvelle fois. La respiration saccadée, la gorge nouée, je connais que trop bien ces sensations. Douze ans qu’elles hantent mes nuits. Douze ans qu’elles m’arrachent mon sommeil et font disparaître mes rêves. Mon corps encore tremblant se traîne hors des draps et j’essaye de sortir discrètement de la chambre, sans déranger les belles endormies. Un soupire m’échappe quand, dans le couloir, je peux enfin allumer la lumière pour chasser le noir de mes angoisses. Soulagée, mes pieds me dirigent par automatisme vers la cuisine, comme tous les soirs depuis mon installation ici. J’y prépare mon habituel verre d’eau avant de rejoindre le salon, où je retrouve le roman que j’ai abandonné la veille sur la table. Assise en taillant sur le canapé, je reprends ma lecture mais mes pensées divaguent rapidement. Quatre nuits au dortoir, quatre nuits finies sur le canapé à lire. Mon pire ratio depuis un certain nombre d’année. Je trouve ça difficile d’imposer mes habitudes à mes nouvelles colocataires alors je ne l’ai pas fait. Bien sûr, je sais que j’ai besoin de mon métronome pour passer une nuit complète. Bien sûr, je sais aussi que j’ai besoin d’un minimum de lumière dans la chambre pour ne pas paniquer. Mais ça ne fait que quelques jours que je suis arrivée, est-ce que je suis prête à leur expliquer à des presque inconnus pourquoi j’ai besoin de ce son constant que la plupart trouve insupportable ? Expliquer pourquoi l’obscurité me rend malade ? J’ai toujours eu peur de parler de mes angoisses nocturnes. Elles font parties de ces choses qui m’effrayent et dont j’ai honte, ces faiblesses que je préférais oublier mais qui sont une partie intégrale de ma vie. Alors je prends sur moi… Et cela ne marche pas très bien pour le moment. Je suppose qu’il va me falloir encore quelques jours avant de réussir à trouver un semblant de rythme et quelques heures de sommeil de plus. Je suis coupée dans mes pensées par un bruit venant du couloir. Une porte semble s’ouvrir puis se refermer. Mes oreilles m’indiquent que quelqu’un quitte la salle d’étude. Je suis étonnée parce qu’il est assez tard, la nuit est déjà bien entamée. Tout de suite intéressée par l’idée de croiser un autre requin à cette heure, je me redresse et guette le moindre mouvement, prête à bondir du canapé pour accueillir ce nouveau venu dans le salon. Un peu de compagnie pour le reste de la nuit ne peut pas me faire de mal. Quand une tête inconnue pénètre dans la pièce, je suis déjà sur mes deux pieds. « Jiyool, enchantée. » je me présente très vite faisant sursauter mon interlocuteur. Je le regarde papillonnant mes yeux pleins d’espoir, espérant sincèrement qu’il sera celui qui me sauvera d’une nouvelle soirée d’ennui.

 

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“ lucas & jiyool : late night buddies .” + Lucas avait l'habitude de dormir très tard, mais de se réveiller tôt. Il n'avait pas le choix car pour obtenir tout ce qu'il voulait dans la vie, il fallait qu'il sacrifie ses heures de sommeil. Son travail lui prenait déjà toute sa soirée d'étudiant alors que la plupart se contentaient d'étudier. Et lorsque les autres dormaient, Lucas lui se retrouvait à étudier. Tard, dans la nuit. Très tard. Parfois il pouvait rester debout jusqu'à quatre heures du matin et se lever deux heures plus tard pour aller à l'université. Évidemment que ce n'était pas un rythme humain mais bizarrement, Lucas y arrivait quand même. Par volonté ou par miracle, ce n'était pas très clair. Quoi qu'il en soit, le garçon avait l'habitude de rester debout longtemps alors que le dortoir était plongé dans le silence total. Bloqué dans la salle d'études des sangos, étant le seul à utiliser la lumière là-bas, il y étudiait et révisait ses leçons appris le jour-même et faisait ses devoirs en avance. C'était une personne très organisée qui devait faire ce qu'elle devait faire en avance, sinon il finissait par stresser et comme le stress faisait déjà partie intégrante de sa vie, il n'y avait pas besoin de rajouter une couche avec son travail d'étudiant.

Finissant les objectifs de la soirée qu'il s'était fixé, il referma d'un air satisfait son cahier et s'étira, un petit sourire sur les lèvres avant de ranger ses affaires. Il bailla, ne prenant pas la peine de mettre la main devant la bouche parce que personne ne l'observait de toute façon. Basculant son sac à dos sur les épaules, il n'avait qu'une hâte : retrouver son lit et s'endormir. Il avait besoin de repos après cette longue journée. Ouvrant la porte de la salle d'études, éteignant les lumières derrière lui, il se frotta l’œil alors qu'il emprunta le chemin pour aller vers sa chambre. Forcément, il devait passer par le salon et il s'y dirigea, non sans être surpris quand il remarqua qu'il y avait de la lumière. Il y avait quelqu'un à cette heure-ci ? Est-ce que c'était quelqu'un bourré qui revenait d'une soirée ? Il n'avait pas forcément envie de se traîner quelqu'un comme ça dans les pattes alors il réfléchissait déjà au moyen le plus rapide pour éviter la personne lorsqu'il entra dans le salon. Sauf que, surprise, ce n'était absolument pas une personne bourrée mais une personne complètement sobre, l'accueillant comme s'il était trois heures de l'après-midi alors qu'il était trois heures du matin. Lucas sursauta, étant pris de court face à la situation. Il ne reconnaissait pas la sango. C'était un problème, parce que le garçon reconnaissait tous les sangos. Alors il se mit à réfléchir, et replaça le visage dans ses souvenirs : c'était la nouvelle arrivée il y a quatre jours. Souriant immédiatement alors qu'il était vraiment fatigué et qu'il voulait juste retrouver sa chambre, il se dit que la saluer en retour et repartir ensuite serait le plan idéal. « Bonjour Jiyool, moi c'est Lucas. Tu es la nouvelle sango n'est-ce pas ? Enchanté de faire ta connaissance. » Il s'inclina par pure politesse avant de la regarder de nouveau, sans oublier le sourire. « Tu as besoin de quelque chose ? » Il demandait par courtoisie et non par altruisme. Même s'il était fatigué, il pensait toujours à son image et il aimerait que sa première impression soit très bonne, ne se contentant pas du bon. Alors une nuit de sommeil était facilement sacrifiée contre une excellente image.

 

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“ lucas & jiyool : late night buddies .” + Le problème avec mes angoisses nocturnes, c’est qu’elles me laissent éveillée comme si ma nuit était réellement finie. Il m’est bien souvent impossible de me rendormir dans les heures qui suivent. Fut un temps, j’avais l’habitude d’aller me réfugier dans les bras de mon frère et d’écouter sa respiration calme jusqu’au petit matin. Quand nous avons tous deux grandi, j’appris à trouver du réconfort en lisant ou en travaillant mes accords sur ma vieille guitare. Mais si cela m’occupe quelques heures, cela ne chasse pas la solitude infinie que je ressens à chaque réveil précipité. De façon générale, je suis quelqu’un qui supporte assez mal la solitude mais mes angoisses semblent décupler cette sensation. J’ai toujours cru que les années finiraient par apaiser mes problèmes de sommeil et qu’ils finiraient par disparaître. Malheureusement, ce n’est jamais arrivé. L’année dernière, en m’installant à Séoul, je pensais que tout cela serait gérable mais vivre seul n’a fait d’empirer les choses. C’est une des principales raisons pour lesquelles j’ai décidé de rejoindre une fraternité. L’idée de savoir que, peu importe en quelle circonstance, je ne suis jamais seule. Il y a toujours quelqu’un dans le dortoir, pour adoucir mes maux ou juste pour me tenir compagnie. La preuve est que ce soir, même si la nuit est déjà bien lancée, je croise quelqu’un en une dizaine de minutes à peine. Certains appellerait ça une coïncidence, je préfère me dire que c’est le destin et je ne compte pas le laisser s’échapper. Woori puis Miyoung m’ont prévenu qu’il y avait souvent de la circulation dans le dortoir la nuit, mais j’avoue que je suis tout de même étonnée d’y voir un autre requin. Sobre qui plus est. Je m’attendais plus à retrouver un étudiant rentrant d’une soirée trop arrosée que de voir quelqu’un sortir de la salle d’étude. Pas que je m’en plaigne, du tout. Je suis même rassurée. Quand mon interlocuteur se remet de sa surprise et se présente, je lui retourne son sourire en essayant de replacer quand est- ce que j’ai pu entendre ce prénom. C’est un peu confus dans ma tête, on m’a présenté plus de gens en quatre jours que toute cette dernière année, j’ai encore un peu de mal à tout retenir. Puis, ça me revient. Miyoung m’a fait faire un tour de dortoir et à profiter de la visite des chambres pour me résumer rapidement tous les sangos. Et Beom Lucas, étudiant en physique. Je comprends que lui aussi arriver à me replacer quand il me demande si je suis la nouvelle sango. J’hoche énergétiquement la tête en réponse puis je m’incline à mon tour, même si je trouve presque trop formel. Je souris un peu embarrassée lorsqu’il me demande si j’ai besoin de quelque chose parce que je ne sais pas trop quoi répondre. Si j’ai besoin de quelque chose ? De compagnie. Mais je me vois mal le dire à un inconnu. Je contourne donc la question. « Tu es chez les sangos depuis longtemps ? Tu étais en train d’étudier ? Tu travailles toujours aussi tard ? » j’enchaine les questions, espérant le retenir un peu plus. Je me surprends moi-même d’être aussi bavarde, ce n’est pas tellement pas dans mes habitudes. Il faut croire que je suis assez désespérée à l’idée de ne pas finir cette soirée, seule avec mon livre.
 

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“ lucas & jiyool : late night buddies .” + Lucas craqua un sourire sur ses lèvres, semblant parfaitement anodin mais qui en réalité montrait un agacement chez le jeune homme. S'il se fichait du regard des autres, il lui aurait sûrement répondu qu'elle n'avait pas besoin de savoir ça maintenant et que sa question avait été plutôt orientée pour savoir pourquoi est-ce qu'elle lui avait parlé en premier lieu, pas pour passer un interview. Malgré tout il contint sa colère en lui, comme il le faisait toujours si bien. Le garçon ne montrait jamais qu'il était furieux, il le faisait toujours au travers de sourires. Peut-être que c'était pire, comme il se montrait passif-agressif et qu'on s'énervait contre lui sans réelle raison valable. Après tout, quand quelqu'un se montrait gentil en apparence, comment expliquer aux autres qu'il venait de nous insulter ? Serrant un peu plus la lanière de son sac, il répondit calmement à ses questions qu'elle avait tiré sur lui comme des balles de pistolet. « Non, ça fait tout juste deux ans. J'ai rejoint les sangos dès que je suis rentré à l'université. Oui, j'étais en train d'étudier. » Je viens de sortir de la salle d'études, tu crois que je faisais quoi à l'intérieur ? Il aurait adoré lui répondre ça mais il ravala cette pensée. « J'étudie la physique, j'aimerais être un scientifique. » C'était un mensonge mais il balançait ça à tout le monde. C'était plus beau de dire qu'on avait un rêve, plutôt qu'on n'en avait pas et qu'on savait pas vraiment où on allait dans sa vie. « Oui, je n'ai pas le choix. Après les cours je travaille à mon job à temps partiel et comme je reviens tard au dortoir, je suis obligé de travailler les cours pendant la nuit. C'est pas facile... mais on fait avec. » Il lui sourit doucement alors qu'il ne se sentait pas du tout d'humeur à sourire. Évidemment il ne lui précisa pas où il travaillait (parce que personne ne le savait vraiment) et il se montrait un peu confiant pour qu'elle se dise qu'il avait du courage, de faire ça tous les jours. Il aimait quand les gens le regardaient mieux. « Est-ce que tu as d'autres questions ? » demanda t-il, toujours par pure politesse. Puis, par un coup parfaitement calculé, il se mit à bailler, mettant cette fois sa main devant sa bouche. « Ah désolé, je suis vraiment fatigué... J'ai passé une très longue journée. » expliqua t-il en insistant sur le « vraiment ». Si elle était un peu compatissante, elle devrait le laisser filer maintenant. Non ?

 

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“ lucas & jiyool : late night buddies .” + Cumuler études et emploi n’est pas une chose facile, j’en suis consciente car j’ai toujours eu à le faire depuis ma première année d’université. Maintenant, j’ai juste de la chance d’avoir une bourse et de pouvoir faire seulement quelques heures à la radio le soir un jour sur deux, ce qui me permet d’adapter mon emploi du temps de travail assez facilement. Mais lorsque j’étais à Mokpo, j’ai fait toutes sortes de petits jobs et je me souviens combien c’était compliqué. Alors quand il m’explique qu’il travaille le soir et qu’il n’a pas le choix que s’occuper de ses cours la nuit, j’hoche la tête avec une petite moue compatissante. Puis je comprends vite que mon camarade de fraternité n’a aucune envie de rester avec moi, ou plutôt de rester tout court malgré sa sympathie apparente. Ce n’est pas difficile à imaginer s’il a passé sa soirée à travailler puis une partie de sa nuit à réviser. Ce n’est pas difficile à voir non plus au vu de ses sourires pas très sincères, qui en temps normal m’aurait sûrement irrité. Quand il insiste sur le fait qu’il a VRAIMENT besoin de sommeil, je me mords la lèvre en fronçant les sourcils. Je n’aime pas être égoïste comme cela mais je n’ai VRAIMENT, moi non plus, pas envie de passer ma nuit seule dans ce salon silencieux. « Euh. Hmm. T-tu veux bien juste rester un petit peu ? » je lui demande alors, pas sûre du tout des mots que je suis censée employer pour le convaincre de rester. Je ne suis pas non plus sûre de quelle attitude je dois adopter pour le faire rester. Je ne suis pas douée ave les gens, je ne sais même pas pourquoi je me torture pour trouver un moyen que Lucas reste un peu plus dans la pièce. « Je ne peux pas me… hm rendormir ? Et je ne me sens pas très bien quand je suis seule. » je tente d’expliquer le pourquoi du comment en évitant de donner la vraie raison pour laquelle tout ceci arrive. « Toute seule. Dans la nuit. Dans un endroit que je connais à peine. » je souligne, essayant d’argumenter tant bien que mal ma volonté qu’il n’aille pas se coucher tout de suite. J’accentue un peu mon air triste et désespéré, espérant le faire culpabiliser. J’en connais qui grincerait des dents à me voir faire ça, c’est trop inhabituel et aux antipodes de mon apparence froide et distante. Le seul contre qui s’ose utiliser ma bouille de petite fille malheureuse, c’est mon frère. Et encore, de moins en moins avec l’âge.
 

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“ lucas & jiyool : late night buddies .” + Le garçon était peut-être très doué à faire semblant mais il y avait des limites. Surtout la nuit. Après une longue durée. Et qu'il devait se lever dans quatre heures. Alors il voulait bien être gentil avec la nouvelle, surtout qu'il devait construire sa réputation auprès d'elle, mais il avait des limites. Les limites c'était son lit qui l'appelait depuis sa chambre et les rêves qui n'attendaient que lui pour commencer leur épopée. Mais voilà, il ne pouvait pas encore et ça l'agaçait. Il n'était pas particulièrement altruiste, carrément égoïste en fait. Il ne voyait que lui et les rares personnes qu'il voyait, c'était les personnes les plus proches de lui. C'était son confort et après ça seulement, passait celui des autres. Cependant, ça ne voulait pas dire qu'il était sans cœur. Il jouait une façade pour qu'on l'aime et qu'on ne pense jamais à ne plus lui accorder de l'attention mais au fond, ça restait un gamin bloqué à l'âge de quatorze ans, l'âge auquel il avait tout perdu. Ainsi, entendre son aînée bredouiller pour qu'il reste ne lui fit pas rien. Il avait beau agir comme un connard parfois, il restait quelqu'un de gentil quand il reconnaissait que l'autre personne avait besoin d'aide. Et quand il pesait le pour et le contre, il pouvait lui venir en aide. De toute façon, s'il décidait de ne pas le faire, il s'en voulait pour le restant de ses jours, se demandant pourquoi est-ce qu'il ne l'avait pas fait et s'insultant de monstre dans son lit. Sa culpabilité en jeu, Lucas devenait un garçon facilement manipulable. Il suffisait de yeux larmoyants et de paroles qui faisaient sens pour qu'il accepte votre requête. Du moment qu'il pouvait gagner votre amour, il acceptait. Et puis en cette situation, à part une bonne nuit de sommeil, il n'avait rien à perdre. Le sourire qui se forma sur les lèvres fut enfin naturel et il s'approcha de la demoiselle. « Ne m'en veux pas si je m'endors sur le canapé alors. » S'asseyant à côté d'elle, retirant son sac des épaules pour le poser à ses pieds, il regarda ensuite la nouvelle. Il ne savait pas pour combien de temps il allait devoir lui tenir compagnie. Il espérait pas trop longtemps comme ça, ça fera d'une pierre deux coups : elle serait calmée et lui pourra dormir. « T'es en littérature, c'est ça ? Qu'est-ce qui t'a donné envie de faire ça ? » demanda t-il alors qu'au fond il n'était pas super intéressé. Il fit exprès de ne pas mentionner ses problèmes de sommeil, ne voulant pas la mettre mal à l'aise. Il voulait juste mener la conversation, lui changer les idées. Comme ça elle se sentira suffisamment à l'aise pour se rendormir. Il espérait.

 

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“ lucas & jiyool : late night buddies .” + C’est rare de me voir insister de cette façon. Je ne suis normalement pas du genre à forcer les gens à faire des choses dont ils n’ont pas envie. J’ai toujours préféré attendre de prendre ce que l’on veut bien me donner. Quelque part, je me dis que je ressemble de plus en plus à mon frère, ce vicieux qui obtient tout ce qu’il veut par des jolis sourires et des mots qu’il ne pense pas. Ou bien, c’est juste que j’apprends à utiliser mes compétences professionnelles dans un contexte personnel, quelque chose comme ça. Dans tous les cas, je ne sais pas si c’est une bonne chose mais si ça peut être utile, pourquoi pas. Après clairement, je ne suis pas aussi douée que je le voudrais. Ma façon de broder, ou plutôt de galérer, pour trouver des bonnes raisons de faire rester mon cadet avec moi n’est pas très naturelle. Sûrement, parce que je n’ai pas de vraies bonnes raisons. N’importe qui aurait laissé Lucas aller se coucher tranquille et aurait continuer de se morfondre sur son sort tout seul. Mais j’en ai marre de me morfondre sur mon sort depuis quatre jours et je rêve d’avoir un peu de compagnie. Et ce n’est lui voler qu’une nuit de sommeil, ce n’est pas si terrible au fond. Il s’en remettra, j’espère moi-même de me convaincre. Je me retrapperai demain en lui offrant un café ou un massage énergisant aux huiles essentielles. Après ma petite scène dramatique, Lucas finit par se détendre et par sourire. Un vrai sourire, cette fois. Bien sûr, ravie, je lui rends en lui faisant de la place sur le canapé pour qu’il puisse s’installer à côté de moi. « Avec un peu de chance, on sera deux à s’endormir ! » je réponds joyeusement, espérant sincèrement que cela se passerait comme cela. Après tout, je ne dirais pas non à quelques heures de sommeil en plus, non plus. Je ne cache pas mon étonnement quand c’est Lucas qui entame la conversation, je m’attendais plus à parler dans le vide pendant des heures. Je suis agréablement surprise, en plus, il s’attaque à un sujet qui me passionne. « Oui, option édition pour être précise. Hmm… Disons qu’il y a quelque chose de réconfortant dans les livres. Ils sont tous là quand on a besoin, ils ont toujours quelque chose à dire puis… Ils ne changent pas avec le temps, c’est rassurant. » j’essaye d’expliquer, plus de cinq qu’on m’interroge sur la question et je n’ai toujours pas de réponse parfaite. « Ils sont bien moins compliqués que les êtres vivants. » j’ajoute, pensant être un peu plus claire.  Je n’ai jamais caché que je trouverais les hommes trop complexes, c’est notamment pour cette raison que j’ai du mal à me faire des amis. « Et la physique… Pourquoi ? Je veux dire, pour quoi vouloir être scientifique ? » je lui demande alors, réellement intéressée par la réponse. Notre court échange me fait penser que ce n’est pas pour aider à sauver l’humanité ou un truc dans le genre, alors pourquoi ?
 

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“ lucas & jiyool : late night buddies .” + S'il devait faire une prière maintenant, ce serait que Jiyool finisse par s'endormir rapidement pour qu'il puisse lui aussi s'endormir vite. Il était vraiment fatigué, il n'en pouvait plus mais par sympathie, il restait avec la nouvelle. Il prenait sur lui comme il le faisait tout le temps. Ça ne durera pas longtemps non ? Elle finira bien par s'endormir vite, non ? Non ? Il lâcha un rire exaspéré. Il aimerait quand même mieux dormir dans un lit que de dormir dans un canapé, surtout en étant assis. Mais se connaissait, il savait que ce n'était pas impossible qu'il passe une nuit entière assis. Il l'avait déjà fait. Cependant, pour obtenir le meilleur repos il valait mieux qu'il dorme allongé dans son lit. Déjà qu'il avait peu d'heures pour dormir, alors il fallait qu'il aie la meilleure qualité de sommeil possible durant ce court temps... « Espérons. » Espérons surtout que tu t'endormes avant moi et que je puisse retourner dans ma chambre ensuite pour dormir. Il fut le premier à prendre la parole, juste pour qu'elle parle, qu'elle se détende et qu'elle se sente suffisamment apaisée pour s'endormir. C'était son unique but. Il l'écouta quand même attentivement parce que les informations sur les autres l'intéressaient toujours, puisqu'il s'en servait après pour leur faire penser qu'il s'intéressait vraiment à eux alors qu'en fait, il ne s'intéressait qu'à leur amour. Hochant doucement de la tête, il comprenait ce qu'elle voulait dire. Il n'avait jamais vraiment trouvé de confort dans les livres, probablement parce qu'il avait du mal à s'échapper dans un autre monde. L'art ne lui avait jamais vraiment parlé. Il était plutôt terre à terre, préférant se concentrer sur les faits réels. Et puis de toute façon, il n'avait pas de temps à accorder à un monde imaginaire. Le monde réel lui posait déjà suffisamment de problèmes. « Hm, c'est vrai. Au moins tout est expliqué dans un livre, on comprend comment tout s'est passé alors que la vraie vie reste un mystère. » dit-il pour aller dans son sens. Même s'il ne comprenait pas vraiment la passion des livres, il en avait quand même déjà lu quelques uns (souvent par obligation) et il voyait pourquoi certains pouvaient adorer ça. Lui, ce n'était simplement pas de son goût. Lorsque la question lui fut retournée, il regarda au loin, faisant semblant de réfléchir un petit peu alors que la vraie raison, c'était que la physique était le domaine où il avait les meilleures notes, voilà tout. « Je trouve ça cool, les scientifiques. Ils étudient le monde et nous aident à mieux le comprendre, tu vois ? Ils sont tellement dévoués dans leur travail pour rendre notre monde meilleur et je trouve ça admirable. C'est pour ça que j'aimerais bien en être un. » Il sourit à la fin de sa phrase. Ils, ils, ils. Comme s'il ne parlait pas de quelque chose qui le touchait lui, mais qui touchaient les autres. « T'as un livre préféré ? » demanda t-il pour recentrer le sujet sur elle. Il ne le connaîtrait sûrement pas mais ça ne le dérangerait pas de l'entendre raconter l'histoire de ce dernier.

 

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“ lucas & jiyool : late night buddies .” + Pour la première fois depuis quelques jours, j’ai l’espoir de ne pas connaître ce sentiment de solitude qui me pèse sur le cœur. Enfin, pour la première fois depuis au moins un an, depuis que j’ai emménagé seule à Séoul, me pensant capable de vivre sans compagnie. Grossière erreur. Avant d’arriver à Séoul, il y a eu le dortoir de Mokpo, où avec mes trois autres colocataires, j’avais beaucoup moins le temps de me sentir seule qu’ici. Cette année, a brassé du noir dans mon appartement en me lamentant toutes les nuits sur mon sort, m’a servi de leçon. Dans ma tête, j’entends encore mon frère me répéter que c’était couru d’avance et que, bien sûr, le bébé que j’étais ne pouvait pas vivre tout seul. Je claque de la langue à cette pensée, je serais toujours une petite fille à ses yeux de toute façon. Bon, après, sur ce coup, il n’avait pas tort mais pas besoin de booster son égo en lui disant. Si on l’écoute, le seul endroit où je serais bien, c’est chez nos parents. Et ça, c’est parce que je ne lui ai pas encore annoncé que j’ai rejoint une fraternité. Je retarde ce moment tant redouté où je ne vais pas avoir le choix que de lui dire et où il va vouloir me tuer. Je pense qu’il ne comprendra pas que faire parti des sangos ne peut m’apporter que du positif. La preuve, quatrième soir au dortoir et j’ai déjà trouvé de la compagnie pour la soirée. Je ne pensais pas que mon petit numéro marcherait mais je ne vais pas me plaindre. Je me sens réellement ravie que Lucas accepte de rester discuter avec moi, même si je me doute qu’il prie intérieurement pour que ça ne soit pas trop long. Je ne peux pas lui en vouloir s’il espère se débarrasser de moi rapidement. Après tout, il ne me connait pas, il est déjà bien sympa de ne pas m’avoir ignoré. Même très sympa de faire semblant de s’intéresser à ma vie étudiante. Je tente d’expliquer ma passion pour les livres mais je sais que c’est compréhensible que pour peu de gens. Je souris à Lucas quand il complète mes explications, comme s’il comprenait. Je n’espère pas que Lucas comprenne. Rare sont les personnes qui comprennent le refuge qu’on peut trouver dans les pages d’un roman, la stabilité qu’on peut puiser dans les lignes d’un poème. Ce n’est pas que tout est expliqué dans les livres, mais on peut les relire encore et encore jusqu’à ce qu’on comprenne. Les gens disparaissent avant qu’on ait eu le temps de les cerner. Je secoue la tête pour oublier ces pensées alors que je me concentre sur mon interlocuteur. J’écoute avec attention sa réponse à ma question. « Hmm, c’est sûr que c’est admirable, qu’ils le fassent pour l’intérêt commun. Mais le plus important c’est d’aimer ce qu’on fait, non ? Enfin, je suppose que vu la dureté du métier, vous aimez tous ce que vous faites. Et si ça sert l’humanité, c’est tout bonus ! » je partage mon avis sans retenu, je n’ai pas pour habitude de retenir mes mots. Je trouve ça un peu triste la façon dont il décrit ce qu’il veut faire plus tard, comme s’ils le faisaient pour les autres avant de le faire pour eux. J’ai du mal à concevoir qu’on puisse s’épanouir dans un emploi qu’on fait pour les autres avant de le faire pour soi. Cela-dit je n’insiste pas plus sur la question de peur de froisser mon nouveau camarade. Je le laisse reprendre en main la conversation, saisissant qu’il préfère qu’on parle de moi plutôt que de lui. Je réfléchis quelques instants à sa question. Elle peut paraître anodine pour beaucoup mais pas pour moi. « Non, pas vraiment. Mais j’ai ce vers d’un poème de Yoon Dongjoo toujours en tête… Cette nuit encore les étoiles se laissent caresser par le vent. C’est joli, non ? » je souris doucement en partageant cette information. Bien sûr, je préfère omettre que pendant longtemps cette ligne m’a permise de stopper un certain nombre de mes angoisses nocturnes. Je détache finalement mon regard de Lucas pour trouver une position plus confortable sur le canapé. Je récupère le verre d’eau que j’ai abandonné plus tôt dans la nuit et je réalise que je n’ai rien proposé à Lucas. « Oh, je ne t’ai pas demandé ! Tu veux quelque chose à boire ou à manger ? » je demande à deux doigts de me lever. Je ne dirais moi-même pas non à une tisane, car un café ne me semble pas être l’idée la plus intelligente vu l’heure. Un truc pourtant m’inquiète à l’idée d’aller préparer mes encas dans la cuisine… C’est que Lucas en profite pour filer se coucher.
 

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“ lucas & jiyool : late night buddies .” + Ce que Lucas voulait faire dans le futur, il l'ignorait. Il n'y avait rien en particulier qui le faisait rêver, rien qu'il aimait particulièrement. Oui, il éprouvait du plaisir quand il jouait à des jeux-vidéos, quand il faisait du sport ou quand il regardait des vidéos drôles sur le net, mais ça n'avait rien à voir avec le réel plaisir de faire quelque chose. Lucas appréciait faire des choses mais n'aimait rien faire. Il avait de l'ambition, oui, il savait que plus tard, il voulait gagner de l'argent, se sortir de cette vie de misère et pouvoir enfin vivre comme tout le monde, sans cumuler des jobs, avec un emploi stable et une belle maison. C'était tout ce dont il rêvait alors que la plupart des gens le possédaient déjà. Mais ce rêve, il était flou. Beaucoup d'emplois pouvaient lui permettre de gagner suffisamment d'argent pour vivre une vie confortable et Lucas ne savait pas ce qu'il voulait faire. C'était pour ça qu'il avait choisi par défaut d'aller en physique, simplement parce qu'il avait les meilleures notes dans cette matière, qu'il avait les meilleures chances de bien s'en sortir dans ce cursus. Il n'y avait littéralement pas d'autres raisons. Lucas ne voyait pas vraiment scientifique comme un métier qu'il aimerait être. Bien sûr qu'il admirait ces gens-là en blouse qui étaient passionnés par les sciences, par l'étude du monde. Mais lui ne l'était pas et ne s'y identifiait pas. Malgré tout, il savait qu'il deviendrait comme eux. Juste pour avoir de l'argent. Il sourit doucement à la remarque de Jiyool. Aimer ce qu'on faisait, Lucas ne comprenait pas cette idée. Il n'y aura jamais un métier qu'il aimera exercer. Mais c'était beau, comme façon de penser. Lui aussi aurait aimé avoir une passion qui le motivait à en faire son métier. « Bien sûr. » se contenta t-il de répondre. Il venait d'apprendre que la demoiselle avait une vision plutôt optimiste de la vie. Lucas était certain qu'il y avait des scientifiques qui n'étaient pas devenus ce qu'ils étaient parce qu'ils aimaient ça. Parce que leur famille les y avait poussé, parce qu'ils n'avaient pas d'autres choix, parce qu'ils n'avaient rien d'autre qui les intéressait plus... Malheureusement, ce n'était pas parce qu'on aimait un métier qu'on exerçait ce métier. Du moins, pour la plupart des gens. Recentrant le sujet sur elle pour éviter de mentir plus longtemps, il la regarda réfléchir quelques instants avant de répondre. Comme attendu, il ne connaissait pas mais il devait admettre que le titre sonnait beau. Il lui sourit. « C'est vrai, c'est très poétique. » D'ordinaire il n'avait pas le temps de se poser pour même penser aux étoiles alors y penser maintenant lui donnait une autre perspective de la nuit. Pas juste un moment où il travaillait tard et où il s'endormait tard, mais un moment où les étoiles se montraient paisibles, où tout était tranquille. Y penser lui donnait envie de s'endormir, mais il ne pouvait pas encore le faire. Tant que Jiyool ne dormait pas, il ne pourrait pas. La voyant se redresser pour chercher un en-cas, il soupira intérieurement parce que cela signifiait que la demoiselle n'irait pas dormir avant de bonnes minutes. Il frotta ses yeux. « Non merci. » Et après quelques secondes de silence, il ajouta avec un sourire : « Je vais pas m'endormir pendant ce temps alors tu peux y aller l'esprit tranquille. » C'était à moitié un mensonge, parce qu'il ne savait pas s'il ne finirait pas par s'endormir par accident.

 

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