Soupir qui s’échappe d’entre mes lèvres, un regard vers cette femme qui m’observe du coin de l’œil. Peut-être ais-je l’air étrange dans ce rayon. A moins que je ne sois perdu, elle me regarde souvent, doit se poser la question de ma présence ici. Scène qui se joue devant mes yeux, de son fils qui la réclame alors qu’elle lui sourit, lui donne une caresse affectueuse. Le pan de son manteau en arrière laisse apparaitre son ventre arrondi. Bien qu’elle connaisse déjà l’expérience elle a l’air d’être heureuse… sourire accroché au bord des lèvres tandis qu’elle choisit quelques accessoires. D’un œil curieux, je finis par l’observer à mon tour, le cœur serré et les mains tremblantes. Je me sens comme un gosse perdu dans le rayon des vins. L’idée me fait sourire, mais elle finit par relever la tête vers moi. Je détourne les yeux, prit au flag alors que je tente de recentrer mon esprit sur les jouets qui me font face. Je ne sais pas pourquoi j’avais eu envie de venir ici… je voulais marquer le coup je crois. Plein de choses se passaient dans ma vie. Et cette décision… celle d’assumer cet enfant était l’une des meilleures qui m’était arrivé. Grâce à ça j’avais réussi à écouter Kitae, qui m’avait largement conseillé de me soigner. Et ça faisait quelques jours que je n’avais rien touché. Pas une goutte d’alcool, pas une substance dans le sang… c’était presque jouissif si j’en oubliais les conséquences désastreuses sur mon sommeil et mes nuits difficiles. Mais qu’importe, ça ne suffisait pas à faire faiblir ma volonté. Cette fois j’étais déterminé, plus que jamais à me soigner et devenir quelqu’un de bien. Alors comme un symbole d’un changement de vie je me suis retrouvé au rayon bébé pour chercher un cadeau à offrir. Je voulais trouver quelque chose de mignon, de bien pour elle et pour… cet enfant. Qu’il garde quelque chose de moi, dès sa naissance. Je ne sais pas, c’était encore un peu flou dans mon esprit. Mais pour une fois je savais ce que je voulais. Et c’était aussi simple que de faire partie de la vie de Sawan et de m’occuper de cet enfant. Sur ces idées, je laissais un sourire étirer mes lèvres à mon tour, alors que la jeune femme passait à mes côtés. Peut-être me jugeait-elle, mais elle dût trouver ça mignon car elle m’adressa un sourire. Petit encouragement silencieux surement, je finis par prendre ce doudou que je gardais en main depuis de longues minutes. Il était mignon, le genre d’objet adorable sur lequel je ne me serais jamais arrêté avant. Et c’est avec toute cette euphorie nouvelle que j’allais en direction des caisses… seulement en chemin je croisais un visage que je connaissais bien. Ye Won… accompagnée de son petit ami. Trouble qui me prend à la gorge, j’aurais pu avoir honte de l’objet que je tenais dans les mains, mais je le gardais précieusement contre moi. Elle l’avait vu, je le sais et notre échange bien que furtif me glaçait le sang. Elle me hait… toute cette colère, déception que je vois dans ses yeux. Je pourrais lui dire que ce n’est pas ce qu’elle croit… mais j’ai décidé d’assumer jusqu’au bout. Et oui, ce doudou était pour Sawan, pour ce bébé qui allait naitre. Ça ne changerait rien ! Cette fois, je ne joue plus au lâche. Aucun courage, cela dit pour lui dire quoique ce soit, mon regard mauvais s’est posé sur Ji Ho que je juge brièvement. Un connard sans nom ! Voilà ce que je pense vraiment de lui, alors qu’il pose sa main sur elle. Je serais prêt à me jeter sur lui. Juste pour lui rappeler que j’étais là avant. Mais il faut être lucide… nos vies sont désormais là où elles sont. Chacun de notre côté. Alors finalement, c’est ce que nous faisons de mieux s’ignorer… mon cœur se serre, je grimace encore en sentant l’odeur de son parfum m’entourer. Je me sens triste, mais je ne veux pas encore ressasser ce passé… elle et moi c’est finis… finis… machinalement je pose le doudou sur le comptoir, paye et sors de l’endroit. Ça m’a chamboulé de la voir, mais je m’habitue au fait de la croiser et de devoir encore l’éviter. J’ai réussi à le faire pendant trois années… je suis bien capable de le refaire encore non ? Je soupir, attrape mon téléphone et envoie un message à Sawan. Je lui proposais qu’on se retrouve et par chance elle n’était pas si loin dans le quartier. A une librairie tout près d’ici. Je trouvais que ces derniers temps, elle passait beaucoup de temps dans les livres. Elle avait toujours de beaux ouvrages dans son sac, une fois je l’avais même surprise à griffonner des choses sur des pages… Allant à sa rencontre, je trouvais la boutique rapidement avant d’entrer à l’intérieur. Je ne venais pas souvent dans ce genre d’endroit. Même si j’aimais lire, j’étais loin d’être un passionné. Je préférais de loin les boutiques de vinyle ancien… La cherchant, je l’aperçois à quelques mètres de là. Arrivant derrière elle… je lui fais le coup classique de venir cacher ses yeux avant de venir lui souffler à l’oreille « Dévoile-moi tous tes secrets Yun Sawan, et je te dévoilerais les miens. » je laisse échapper un petit rire amusé.

Pour dire vrai Sawan avait du mal à se faire à l’idée qu’elle allait être maman. Tant de questions sans réponses qu’elle cherchait alors dans les livres, sur les forums, les chats de discussion qu’elle fermait toujours au bout d’un moment prise de panique. Elle n’aimait ni ce qu’elle lisait, ni ce qu’elle devinait. Car il lui manquait la parole d’une femme, d’un homme, la rassurant, la réconfortant. Elle ne voulait pas que savoir ce qu’était une épisiotomie, ce qu’était une césarienne, ni tout ce qu’elle vivra pendant sa grossesse. Elle voulait savoir à quel point ça faisait mal, ce que ça faisait d’avoir un enfant qui bouge en nous, elle voulait savoir ce que ça faisait de sentir son enfant sortir, être arraché de nous … elle voulait savoir ce qu’était les premiers jours, les premières nuits … Ce qu’elle devait attendre d’un enfant dans sa vie. Elle ne savait pas pourquoi mais c’était la naissance de l’enfant qui l’effrayait le plus. Les nuits, seule, à devoir combler ses pleurs. Et s’il s’arrêtait de respirer ? Et s’il n’arrêtait pas de pleurer ? Combien de femmes voyaient-elles faire une dépression après l’accouchement. Ce Baby blues, malgré son nom charmant, n’avait rien de plaisant. Est-ce qu’elle serait une bonne mère ? Et Hwan dans tout ça … elle n’arrêtait pas d’osciller entre son bébé et lui … Ses études lui étaient de plus en plus pénible et la fatigue si présente. Elle aimerait avoir la force de tout gérer mais Sawan se sent dépasser. Faible de ne pas être capable de maitriser sa vie. Mais elle devait admettre que tout ce qui lui arrivait la grisait. Elle en avait peur mais … une part d’elle était … heureuse ? Etait-ce étrange de pouvoir dire ça ? Elle voulait simplement rester le plus positive possible … Croire que son avenir sera aussi brillant qu’elle le souhaite … Penchée sur ses livres, elle lit avec un sourire tendre accrochés aux lèvres, car chacune des pages qu’elle tourne l’entraine un peu plus dans l’univers de Hwan. Un univers rien qu’à eux … Ses livres sont parfois abîmé, corné tant ils ont été manipulé … mais elle les aime, en inspire le parfum, s’autorise à rêver, rien qu’un peu … Annotant une phrase que Hwan saura saisir, elle en est certaine, elle sursaute en sentant les mains d’Il Kyang sur ses yeux. Elle ne peut retenir un rire en refermant le livre dont elle sauve la page d’un origami. Elle se tourne vers lui et plante son menton dans sa paume avec un léger sourire « Que me vaut la visite d’Harry Potter ? » le taquine-t-elle les yeux malicieux. Un shhhh lui fait lever les yeux au ciel et elle se rapproche de son ami pour qu’il puisse l’entendre même dans un chuchotement. « Le cerbère à trois têtes te porte toute son attention. » plaisante-t-elle en faisant allusion à la dame qui surveillait la bibliothèque. Ils avaient pris l’habitude de l’appeler comme ça car elle ne laissait rien passer à personne. Surtout pas à Il Kyang. Le garçon était toujours décalé et bruyant dans cette bibliothèque mais c’est ce qui faisait son charme. Depuis l’annonce Sawan avait l’impression d’avoir pleinement retrouver leur relation, non mieux encore, qu’elle avait évolué et trouvé enfin une base solide et un équilibre dont ils avaient besoin et qu’ils avaient dans le fond, toujours cherché. Elle lui caresse la joue, car elle lui trouve les traits fatigués et épuisé. « Comment tu te sens soulemate ? » murmure-t-elle avec une pointe d’inquiétude qu’elle masque derrière un sourire doux.