C’était bien vrai. Jaewon avait toujours été particulièrement difficile à faire changer d’avis, campé dans ses opinions comme un soldat sur ses positions, il aurait trouvé tous les moyens possibles de remettre à leur place ceux qui pensaient différemment de lui. Cela n’était pas toujours fructueux, évidemment, car il était facile de trouver plus habile que lui, mais il essayait malgré tout. Pour cette même raison, il hocha la tête, satisfait, en entendant le japonais approuver son idée. En effet, c’était hypocrite. Rien ne lui ferait jamais changer d’avis à ce sujet. Il reposa les yeux sur son compagnon de bain en entendant son explication suivante.

« Ce n’est pas faux, présenté comme ça, même si pour ma part, j’avoue que cela m’arrive très rarement. » La plupart du temps, ce qu’il n’appréciait pas, il le tenait bien loin de lui. Il n’avait jamais aimé les choses peu esthétiques. Mais cela, évidemment, collait parfaitement avec ses idées, avec sa façon parfois biscornue de voir le monde.

Mais dans tous les cas, ils n’allaient pas s’éterniser à parler d’une telle chose alors qu’ils étaient censés se détendre, n’est-ce pas ? Jaewon avait continué la conversation, au sujet de leurs études. Il était assez heureux, en vérité, de rencontrer un autre médecin. C’était bien plus satisfaisant à ses yeux, en vérité, que n’importe quel autre cursus, qu’il dénigrait toujours. « Ce doit être assez particulier… » Froid, Jaewon l’était. Il n’avait jamais été très doué pour la compassion, l’attention à l’autre… Au contraire, il avait toujours été assez difficile pour ça. « Vous avez déjà eu des réactions… explosives de leur part ? » Il ne demandait pas de noms, évidemment. Loin de lui l’idée de chercher des problèmes. À l’explication qui suivit, Jaewon hocha la tête à nouveau. « Je vois… » C’était une raison comme une autre. Il sourit doucement. « Boo Jaewon. » Il est vrai que finalement, mettre un nom sur le visage de ce jeune homme n’était pas plus mal. « Vous avez déjà testé les sièges de massage qu’ils ont ici ? » demanda-t-il finalement, les yeux posés sur la salle qui s’étendait autour d’eux. C’est qu’il était dans l’eau depuis un moment déjà.

Cette conversation sur la superficialité était vraiment intéressante. Certainement pas le type qu’il aurait pensé avoir dans ce genre d’endroit mais ils en parlaient et ça lui convenait parfaitement. Il sourit à la remarque du jeune homme. Irie n’était vraiment attiré par les choses qui n’étaient qu’esthétiques. Mais il savait que parfois, derrière quelque chose qui n’était pas beau d’aspect, il y avait quelque chose de plus beau et profond. Certes, ça ne fonctionnait pas vraiment avec son exemple de kimchi mais si on transformait le kimchi dans un autre plat, ça pouvait le rendre beau. Et Irie était de cet avis que toute chose pas forcément belle aux yeux du monde pouvait le devenir ou l’être pour quelqu’un d’autre. Le japonais ne jugeait pas sur l’apparence et donnait sa chance à tout ce qui lui passait sous les yeux. Pour cette raison qu’il avait mangé du Kimchi. Il hocha la tête à la remarque de de l’étudiant. Chacun était comme il était et avait ses opinions. Il n’était personne pour juger ou lui dire que ce n’était pas bien sa façon de penser. Irie n’était pas ce genre de personne. Malgré les apparences, il était quelqu’un de bien qui ne jugeait pas parce qu’il ne voulait pas être jugé lui.

Ils finirent par parler de leurs études et l’enthousiasme que Irie partageait envers la pédiatrie au plus jeune, ne semblait pas atteindre son futur collègue. Il lui paraissait assez froid quand il se mit à parler du fait que les enfants gardaient le sourire quand on leur avouait qu’il allait mourir mais que c’était les parents qui avaient le plus de mal à accepter que leurs enfants meurent avant eux. C’était compréhensible. Les enfants n’étaient pas censés partir avant les parents, bien que malheureusement, cela pouvait arriver. « Oui ça arrive très souvent. Ils ne comprennent pas que l’on fait tout notre possible pour que ça n’arrive pas, mais parfois la maladie est plus forte que la médecine. C’est souvent les mères qui s’effondrent parce qu’elles ne supportent pas la nouvelle et les pères qui essaient de nous bousculer, voire même parfois de nous frapper pour qu’on fasse quelque chose. » Irie soupira, détournant le regard avant de reprendre. « Mais on peut rien faire de plus si la médecine n’est pas assez efficace pour ça. Sauf qu’ils ne le comprennent pas forcément. » Et c’était normal, après tout, c’était leurs enfants qui étaient sur le point de mourir.

Finalement, Irie se présenta et il apprit le prénom du jeune homme en face de lui. « Enchanté Jaewon. » Il lui adressa un sourire quand la question traversa ses lèvres et secoua la tête négativement. « Non je n’ai jamais essayé et vous ? » Il n’avait surtout jamais eu l’envie de le faire. Il ne savait même pas que de telles chaises existaient. Irie ne venait que pour se relaxer dans l’eau et c’était tout. Le reste n’avait pas d’importance pour lui. « Vous voulez y aller ? Ça fait quand même quelque temps que nous sommes dans l’eau et je pense que mes doigts vont pas me remercier. » Il leva la main pour lui montrer les rainures sur sa peau, signe qu’ils étaient restés tous les deux beaucoup trop longtemps dans l’eau chaude du bain.

Jaewon avait toujours eu des idées arrêtées sur les sujets, et il n’avait généralement pas peur de les affirmer lors de conversations comme celles-là. Ce n’était pas très étonnant, quand on savait qu’il s’estimait au-dessus de la majorité du monde. Nous disions bien s’estimer, car il n’était en rien plus intelligent ou plus à même de comprendre l’univers dans lequel il vivait. Sa vision du monde n’était qu’un ensemble de biais au-delà desquels il allait rarement, et ce même si quelqu’un essayait de le faire changer d’avis. Il savait d’avance qu’il ne s’intéresserait pas davantage à la pédiatrie une fois cette conversation terminée, mais il ne voyait aucune raison de l’arrêter. Par chance, cet homme partageait un point commun avec lui, à savoir cette relation avec la médecine, qui le rendait bien plus supportable aux yeux de Jaewon que bien des gens qu’il aurait pu rencontrer. Il était même tenté de continuer à discuter avec lui.

« J’aimerais beaucoup voir ces gens faire la moitié de nos études, avant d’estimer qu’ils connaissent mieux notre domaine que nous.» Et voilà qu’il parlait comme s’il était déjà arrivé à la fin du chemin, alors qu’il n’était rien qu’un alevin dans la grande mare qu’était l’université. Il ne manquait pas d’ambition, même s’il se destinait aux soins dentaires. Il refusait de croire que n’importe qui était capable d’entreprendre un tel cursus. « Vous vous êtes déjà fait frapper ? »  Intéressant, trouvait-il. Cela ne le regardait peut-être pas, mais il devait bien avouer que la colère de certaines personnes avec quelque chose d’effrayant.

Un sourire poli aux lèvres, comme c’était si souvent le cas, Jaewon inclina légèrement la tête pour saluer Irie une fois encore après ses présentations. Il était toujours particulier de discuter dans une telle situation, mais Jaewon n’était pas du tout mécontent de l’échange qu’il avait eu aujourd’hui. « Jamais non plus. » Puis, la question du japonais lui arracha un petit hochement de tête. « Oui, j’y songeais. Les miennes non plus. » dit-il en riant, alors qu’il posait les yeux sur ses mains aussi fripées. « Vous voulez m’accompagner ? » demanda-t-il en reposant les yeux sur Irie.

Quand il parlait de la médecine, Irie était instoppable. C’était sa passion depuis tout petit et il ne se laissait pas de discuter avec d’autres personnes de ce sujet. Encore moins quand elles étaient elles-mêmes en étude de médecine comme lui. Cependant, la différence entre Jaewon et lui, c’était que le plus jeune avait choisi le dentaire, là où lui avait préféré la chirurgie pédiatrique. Il aimait les enfants plus que tout et donc ça avait été la voix la plus naturelle pour lui. Certes, il aurait pu choisir la pédiatrie toute seule, mais ça ne l’avait pas intéressé. Il voulait être dans le feu de l’action et sauver la vie de ces petits êtres. C’était ainsi que la chirurgie avait été son choix en plus de la pédiatrie. La seule partie qu’il n’aimait pas dans son travail c’étaient les parents qui devaient apprendre qu’il n’y avait plus rien à faire pour leurs enfants et qui prenaient la tête des médecins, voire même les bousculaient un peu. Jusqu’à maintenant Irie n’avait pas trop eu le cas, mais ça pouvait arriver. « Après, je peux comprendre. En tant que parents, on est pas censé voir nos enfants mourir avant nous. Donc c’est aussi compliqué pour eux. Mais c’est vrai qu’être maltraité, c’est pas la partie que je préfère dans ce métier. »

Cependant, par rapport au reste, c’était une infime partie et Irie oubliait bien vite ce côté déplaisant de la chose. Jaewon manifesta de la curiosité et un léger sourire s’afficha sur les lèvres du japonais. « Heureusement jamais pour le moment. J’ai eu un jour un papa assez remonté parce qu’on ne pouvait rien faire pour son fils. Mais il n’a rien fait de violent physiquement. C’était juste verbal. » Néanmoins, parfois les mots étaient plus agressifs et faisaient plus mal qu’un coup. Mais là, il n’avait pas eu de séquelles parce qu’il comprenait, dans la mesure du possible, ce que le père avait ressenti à ce moment-là. Mais la suite, pourrait le faire rencontrer des gens plus virulents et il était dans un sens prêt. Irie savait que Jaewon n’aurait jamais ce genre de problèmes avec les dents de ses patients, mais il ferait face à d’autres problèmes. Mais ça, ce serait à lui de gérer.

Les présentations faites entre les deux hommes, ils se rendirent compte que cela faisait pas mal de temps qu’ils étaient dans le bain et que leurs peaux allaient être fripés. Irie proposa donc d’aller se faire masser puisque le plus jeune avait mentionné les massages. Il mêla son rire à celui de son compagnon de bain et hocha la tête à sa question. « Allons-y alors. » Il se décala de l’étudiant pour se lever et éviter d’être trop près de lui. Une fois en dehors de l’eau, il examina ses mains. « Effectivement, mes mains sont toutes fripées. » Il se tourna vers Jaewon. « Je vous suis pour les massages. Je ne sais pas où ça se trouve. »

Si Jaewon avait entrepris des études en médecine, ce n'était certainement pas par bonté de coeur. Oh que non. Jaewon avait toujours aimé l'argument d'autorité, l'impression d'être supérieur aux autres et d'avoir le droit de leur dire ce qu'ils devaient faire, sous prétexte qu'il connaissait mieux son domaine qu'eux tous. On pouvait dire sans se tromper que le jeune homme n'était pas le plus doué au monde, en matière de compassion et d'empathie. Au contraire, il se situait même dans une moyenne basse, si l'on pouvait parler ainsi, en choisissant avec soin les personnes envers lesquelles il souhaitait se montrer sympathique.

Parmi ces personnes figuraient les gens qui, comme lui, se destinaient à la médecine ou travaillaient dans ce milieu. Il écoutait les propos de cet homme avec une attention partagée, à mi-chemin entre l'incompréhension et l'intérêt, car il ne parvenait pas à savoir comment il était possible pour une personne de s'en faire à ce point pour le sort de jeunes personnes. Lui, il était tellement différent. Adultes ou enfants, tous étaient logés à la même enseigne, quand il s'agissait de vivre ou de mourir.

« C'est compréhensible. » Les patients ou leurs parents étaient parfois si... difficiles. Il était facile d'imaginer combien les adultes pouvaient céder face aux caprices des plus jeunes, dans cette société où l'éducation se perdait. Jaewon n'était pas prêt à se laisser faire, lui. Il n'avait jamais été du genre à accepter qu'on lui marche sur les pieds, et il était persuadé qu'il allait pouvoir se faire entendre, même par les adolescents capricieux et les enfants difficiles. « Oh, c'est déjà beaucoup, le verbal. Beaucoup l'oublient facilement. » Trop facilement.

Et n'était-il pas de ceux qui se moquaient de savoir si leurs propos mettaient les autres mal à l'aise ? Oh, Jaewon était bien prétentieux, pour oser penser qu'il était au-dessus des autres. Personne n'aurait dû se donner ce droit.

Jaewon n’avait pas tardé à se couvrir d’une serviette, une fois hors de l’eau, et il avait ri doucement au commentaire d’Irie, jetant un regard à ses propres mains. « Les miennes aussi… » À croire qu’ils avaient discuté bien plus longtemps qu’il ne l’avait imaginé. « Suivez-moi, c’est par ici. » Il avait souri avant de lui faire signe de le suivre, cherchant des yeux le petit panneau qui indiquait la position des sièges de massage. « Ah, les voilà ! » dit-il en souriant, quand il découvrit une rangée de sièges, dont certains étaient déjà occupés. « Je n’en ai entendu que du bien, mais j’avoue ne pas savoir beaucoup de choses à ce sujet. » Il s’installa, essayant de trouver comment se positionner sur ce siège un peu particulier, avant de reposer les yeux sur Irie. « Je ne me rappelle pas l’avoir demandé… Vous étudiez dans quel établissement ? »

Devenir médecin avait toujours été le rêve de Irie. Depuis tout petit, il allait chercher des livres sur l’anatomie à la bibliothèque près de chez lui, parce que ça lui plaisait d’en apprendre plus sur le corps humain. C’étaient également les seuls cadeaux que ses parents lui offraient à ses anniversaires et Noël, parce que c’était la seule chose qu’il désirait. Irie n’avait jamais été de ceux qui demandaient énormément de cadeaux ou de choses en général malgré l’argent évident de ses parents. Il se contentait de peu et aurait préféré qu’ils lui montrent de l’amour, ce qu’il n’avait clairement pas eu. Il s’était consolé avec la médecine et si c’était ce qu’il voulait faire depuis des années, parfois c’était compliqué. Notamment lors de ses gardes, quand il devait prévenir que les enfants ne survivraient pas à leurs parents. Dans ces moments-là, ils devenaient violents autant verbalement que physiquement, et si pour l’instant, le japonais n’avait pas eu à subir les coups de ces personnes-là, leurs mots l’avaient touché. Plus qu’il ne souhaitait l’admettre. Il ne put donc qu’hocher la tête en entendant les paroles de Jaewon. Il avait raison, les mots pouvaient faire aussi mal, voir même plus qu’un coup. Parce que le coup, une fois l’humiliation passée, il ne restait pas grand-chose. Et même s’il y avait un bleu, il finirait par partir. Alors que les mots restaient gravés bien plus longtemps dans l’esprit des gens.

Heureusement, il avait ses collègues et amis pour le soutenir et faire en sorte que ce ne soit pas dur mentalement de continuer ce métier, même si dans un sens ça l’était parce que des enfants mourraient. Mais il pouvait compter sur les gens autour de lui, pour l’aider à porter ce fardeau. Et Jaewon allait peut-être ne faire partie, même s’il n’était pas dans la même spécialité que lui. Ils avaient l’air de bien s’entendre puisque le plus jeune proposa qu’ils aillent se faire masser et Irie accepta avec grand plaisir. Il sortit même de l’eau parce que ses mains étaient toutes fripées à cause de l’eau. Ils y étaient restés bien trop longtemps. Le japonais suivit le coréen dans les couloirs à la recherche des massages et un sourire s’afficha sur ses lèvres en écho à celui que Jaewon portait quand il les trouva. Il s’installa aux côtés du jeune homme et son sourire s’agrandit. « On verra si c’est aussi bien que ce que vous dites. Même si au vu des personnes déjà présentes, je pense que c’est le cas. » En effet, il n’y aurait pas autant de monde si ce n’était pas bien. Ils devraient probablement attendre leur tour, mais ça ne dérangeait pas du tout Irie. Le jeune homme à ses côtés reprit la parole et il se tourna dans sa direction. « Oh effectivement, nous n’avons pas parlé de ça. Je suis étudiant à la Yonsei. Et vous ? »

Cet homme pouvait s’estimer heureux d’avoir droit à une conversation digne de ce nom, de la part de Jaewon. Peut-être aurait-il eu droit à tout autre chose, si son métier n’avait pas été intéressant aux yeux du jeune homme. Il avait toujours eu une façon particulière de gérer ses relations, oubliant avec une facilité déconcertante les personnes qui n’entraient pas dans le cadre de ce qu’il jugeait sérieux ou valide. Son jugement était biaisé, méchant, la plupart du temps, mais on pouvait s’y méprendre si on le croisait dans l’un de ses bons jours ou si, par hasard, on faisait partie de ces personnes qui possédaient une chose qu’il convoitait. Nombre de personnes en avaient fait les frais, mais qu’importe les remarques qu’il avait pu recevoir de leur part, Jaewon n’estimait pas avoir besoin de se remettre en question : c’étaient eux, ceux qui avaient tort. Ses parents, ses frères et sœurs, ses amis et camarades de classe. Il n’allait pas changer pour eux. S’il devait être le méchant de l’histoire, cela ne lui posait pas le moindre problème, que du contraire, tant qu’il survivait à la fin.

 
Dans tous les cas, il était parti pour une nouvelle expérience : ces fameux fauteuils de massage. Il n’avait pas hésité à s’installer sur l’un d’eux après s’être renseigné sur leur fonctionnant, et il avait même hoché la tête aux propos d’Irie. « Oui, je pense que ça parle de soi-même. » dit-il en riant doucement, alors qu’il reposait les yeux sur les personnes déjà présentes. Ce genre d’endroits attiraient tant de monde qu’il n’aurait pas été surpris de voir les autres activités tout aussi demandées que celle-là. Un sourire aux lèvres, il avait relancé la conversation. « Oh, moi aussi. Vous faites partie d’une fraternité ? » C’est que les attaques qui avaient lieu entre ces ‘organisations’ faisaient assez bien parler d’elle, même lorsqu’elles ne concernaient pas sa propre fraternité.

Finalement, ils sortirent du bain où ils avaient passé bien plus de temps que ce que leurs corps pouvaient supporter. Les mains ainsi que les pieds de Irie étaient tous fripés et il avait l’impression d’avoir la peau d’un petit vieux. Il suivit donc Jaewon jusqu’aux fauteuils de massage et au vu des personnes déjà sur place, il en déduisit qu’ils étaient pas mal. Ils s’installèrent donc dans l’un d’eux et continuèrent de discuter l’un avec l’autre. Le japonais trouvait que le coréen était quelqu’un avec qui il faisait bon d’avoir une conversation. Ainsi elle se tourna vers l’établissement dans lequel il étudiait et il fut surpris de ne pas l’avoir vu dans les couleurs. Il devait être plus jeune que lui. Il ne l’imaginait pas forcément plus vieux que lui. « Je ne vous ai jamais vu dans les couloirs pourtant. Si ce n’est pas indiscret, vous avez quel âge ? » Il était rare que les plus jeunes se mélangent aux plus vieux. Il n’y avait que de rares fois où c’était le cas, notamment avec Seorina et Azriel, parce que Elias et lui avait décidé de faire une sorte de club pour les médecins et qu’ils avaient tous accrochés. Sinon, ils restaient tous dans leurs coins.

« Je suis chez les pyobeoms. Et vous ? » Il lui adressa un regard en biais. Ce n’était clairement pas un pyo parce que malgré le fait qu’il ne se mélangeait pas spécialement aux autres étudiants à cause de ses études, de ses gardes mais également de sa petite amie, il n’avait pas le temps pour s’intégrer aux soirées et fêtes organisées par sa fraternité. Cependant, il connaissait la plupart des élèves présents dans cette frat et il pouvait dire que Jaewon n’était pas un membre des pyobeoms. Il ne savait pas dans laquelle il était mais ça ne changeait pas grand-chose à ce qu’il pensait des guerres entre elles et des attaques. Il fallait, à son sens, que ça reste bonne enfance. Cependant, bien souvent, certaines personnes dépassaient les bornes et ce n’était pas beau à voir. « A moins que vous ne soyez simplement étudiant… » reprit-il, le regard à nouveau posé en face de lui. Parce qu’il y avait un cinquième dortoir où les personnes à l’intérieur se moquait bien des guerres de fraternité et n’étaient là que pour étudier et ça leur convenait comme ça. Irie aurait pu être l’un d’eux si l’aspect de la fraternité ne l’avait pas séduit.

Un léger rire avait franchi les lèvres de Jaewon qui continuait paisiblement à avancer. Il ne l'avait jamais vu dans les couloirs ? « Oh, pourtant je peux vous assurer que je ne manque pas un seul cours... » Le contraire n'aurait-il pas été profondément triste, pour un étudiant en médecine qui se promettait à une bel avenir? Jaewon refusait de mettre ses études en danger au prix de quelques moments de détente entre amis. « Je vais sur mes vingt ans. Et vous ? » Il s'estimait en droit de poser la question, maintenant que son interlocuteur l'avait posée lui-même. C'est qu'il avait l'air plus âgé que lui.

«Les Cheonglyongs.» Ah, cette fraternité... Un léger rire lui avait échappé alors qu'il secouait la tête. « Mais je dois bien avouer que je trouve tout ce qu'il se passe un peu stupide, parfois. » Entre les attaques qui tournaient en des événements dangereux et le reste... Il était parfois difficile de faire la part des choses. Un petit soupir avait échappé à Jaewon alors qu'il reposait les yeux devant lui. « On n'est pas très nombreux, mais bon. Ça permet de connaître tout le monde, j'imagine. » Même si, pour sa part, il n'avait pas très souvent envie de connaître d'autres personnes. « Je ne pensais pas en rejoindre une au départ, mais les avantages sont ce qu'ils sont... » Il n'était pas du genre à mentir, après tout. « C'est intéressant, chez les Pyobeoms? »

Irie était sûr qu’il ne ratait aucun de ses cours. Seulement, il ne l’avait jamais vu dans les couloirs de la Yonsei sûrement parce qu’il était plus jeune que lui. Il l’aurait vu s’il avait été plus vieux ou du même âge, vu qu’ils n’étaient pas beaucoup. Puis Elias en aurait profité pour l’intégrer à leur groupe de médecins. Ce fut pour cette raison que le japonais lui demanda son âge afin de savoir la raison pour laquelle ils ne s’étaient jamais croisés. Il comprit quand il lui donna qu’il était bien plus jeune que lui et qu’ils n’auraient pas pu se voir dans sa promo à lui. « Je comprends mieux pourquoi on ne s’est jamais vu. J’ai vingt-cinq ans. Nous ne sommes absolument pas dans la même promotion. » Même si Irie n’était pas plus vieux que lui de beaucoup, cinq ans étaient assez pour ne jamais se voir dans les couloirs de la Yonsei.

Le jeune homme lui parla ensuite de sa fraternité et il apprit que Jaewon était chez les Cheonglyong. Il avait entendu parler de cette frat avant qu’elle n’ait ce nom et n’avait pas forcément eut des échos positifs. Seulement, il s’en foutait un peu de tout ça. Ce n’était qu’une réputation après tout. Irie l’écouta parler de sa fraternité et sourit alors qu’il tourna la tête vers lui au moment où il lui demanda pour les pyos. « Contrairement à vous, il y a beaucoup plus de monde et je ne les connais pas tous. Et je ne pensais clairement pas intégrer une fraternité. Je trouvais que c’était une perte de temps et surtout, je ne comprends pas l’intérêt de s’attaquer. » Certains, il ne leur avait même jamais parlé de toute sa scolarité dans l’université coréenne. Ça ne le dérangeait pas plus que ça. Il n’avait pas vraiment besoin d’amis, préférant rester seul à réviser ses cours ou à passer du temps avec sa petite amie, Liena. Pour ce qui était des attaques, il n’avait clairement pas envie d’abîmer ses mains qui deviendraient très bientôt celles d’un chirurgien de renommée. « Mais j’y ai fait une merveilleuse rencontre. » Un sourire idiot s’afficha sur ses lèvres alors qu’il reprit la parole. « Sans les pyobeom, je n’aurai jamais rencontré la femme de ma vie. C’est peut-être débile ce que je suis en train de dire, mais je pense réellement que c’est LA bonne. Celle avec qui je finirai ma vie. » Irie ne savait pas vraiment pourquoi il disait ça, mais il était heureux de le dire.