Ye Won aurait tellement aimé que la vie soit plus simple, sans autant d’épreuves à surmonter. Enfant, elle ne demandait qu’une vie normale, loin de cette famille trop portée sur les apparences. Elle passait son temps à rêver d’un amour simple et d’amis sincères pour parfaire son quotidien. Elle se voyait vivre dans une petite maison, vivant comme tout le monde. Avoir un chien, des enfants. Avec des parents aimants, qui viendraient l’aider et partager un repas en famille le dimanche. Mais tout ça est bien loin de ce qu’elle vit aujourd’hui. Trop loin de ce futur qui se dessine devant elle. « J’aimerais tellement pouvoir me l’enlever de la tête… » qu’Il Kyang puisse encore être le seul à la rendre heureuse. Mais elle n’y arrive pas, pas encore. Elle n’est pas prête pour ça, pour faire face à la vérité, il est celui qui l’a le plus fait souffrir. Ils se sont aimés si fort qu’ils se sont détruits, et ça s’arrête là. « Ou une pilule pour faire disparaître les peines de coeur. Je te jure que qu’importe le prix, j’en achèterais une immédiatement ! » Elle en rit, légèrement, passant une fois de plus ce mouchoir sur son visage. Elle donnerait n’importe quoi, pour le moindre détail qui puisse apaiser son coeur. Oh, bien sûr qu’il y en a, des pilules, qui l’aident encore aujourd’hui, à passer quelques heures loin de sa torpeur. Mais est-ce véritablement une solution ? Après ce qu’elle a traversé, elle devrait éviter, mais continue encore de s’y plonger. Pour oublier un instant cette vie qu’elle ne maîtrise plus, qu’elle n’a jamais vraiment maîtrisé. Une autre solution de répit, c’est tout ce dont elle a besoin, alors qu’elle relève son regard vers cette demoiselle, qui semble en connaître bien plus sur le chagrin amoureux qu’elle ne l’aurait cru. « Je crois que pour ça aussi, je vais te piquer l’idée… » Ye Won le sait pourtant, elle doit désormais se concentrer sur elle-même. Sur ce qui pourrait lui faire du bien, et l’aider à avancer. Elle grimace à la remarque de sa vis-à-vis, tant ses mots sonnent juste. Elle le voit bien, dans sa fraternité, ces regards qu’on peut encore parfois poser sur elle, depuis son overdose. Peut-être que finalement, elle s’est créé une utopie étant plus jeune, dont elle n’arrive plus à se défaire. Et ça ne l’aide en rien à croire qu’un jour, elle saura se relever totalement de cette épreuve. Son regard posé sur son carnet, elle le récupère devant elle, le laisse fermé. Ses yeux observent la couverture un instant, alors qu’elle laisse échapper un léger rire à la remarque de Ye Eun. « Oui… Si ça peut te rassurer, mes premiers dessins étaient vraiment horribles. » Mordillant ses lèvres, elle caresse du bout des doigts ce carnet auquel elle tient bien plus qu’elle ne le montre. « Quand j’étais petite, je rêvais de devenir styliste. Et je crois qu’en ce moment, il n’y a que le dessin qui m’aide un tant soit peu. » Elle se dévoile, peu à peu, face à cette —semi— inconnue. Se laisse lentement aller. Peut-être que rencontrer une nouvelle personne lui fait véritablement du bien, bien plus qu’elle ne l’aurait cru. Pourtant, sa question concernant sa nutrition l’étonne, la fait écarquiller des yeux. Difficile de mentir, alors qu’elle arriverait presque au stade d’avoir la peau sur les os. Ses joues sont creusées, et son teint pâle. Et même si elle se cache derrière de gros pulls, son état se devine aisément, bien malgré elle. ‘te faire hospitaliser’. Elle se renferme un peu à ces mots, refuse l’idée de revivre ça. C’est bien pour ça qu’elle se force à manger, un minimum. Qu’elle met un peu plus de sucre dans son café pour tenir jusqu’au soir. « J’ai … J’ai eu une période compliquée… » avoue-t-elle fébrilement, baissant la tête. Sans pour autant exprimer exactement ce par quoi elle est passée. Certainement cette peur de se faire juger, une fois de plus. Elle s’étonne une fois de plus, de ce geste que peu avoir Ye Eun à son égard. Une boîte qu’elle lui tend, de la nourriture, bien plus nutritive que ce qu’elle ingurgite depuis des semaines. « Je … T’en fais trop … Je ne vais pas prendre ton plat, vraiment… » bredouille-t-elle, alors que ses yeux s’embuent une nouvelle fois. Vraiment ? Comment peut-elle accepter un tel geste ? Comment, une simple inconnue, peut-être être aussi attentionnée envers elle ? Elle ne l’explique pas, mais le vit bel et bien, pourtant.

Avoir une famille atypique, différente des autres, n'est-ce pas la richesse du monde ? Ye Eun, enfant unique a pourtant grandie avec deux autres enfants dans cette grande maison divisé en trois appartements. Dès qu'ils ont commencé à marcher à quattre pattes, ils sont devenus insérapbles. Durant longtemps, nul n'avait comprit le soucis de Seung Woo, il était juste un petit garçon silencieux alors qu'Han Ja et Ye Eun passaient leur temps à découvrir leur environnement. Les repas de famille, les repas de fêtes, ils les ont connus ensembles, partageant tout. Et son coeur se serre en imaginant qu'un jour, cette complicité va disparaitre, qu'ils vont tout les trois se séparer. Qu'elle va réussir à tourner la page de cette amour à sens unique. Elle hausse les épaules murmurant plus pour elle-même. " Il faut juste avoir le courrage de tout quitter. " Elle a voulu le faire, changer d'université. Mettre une distance, ne plus voir Seung Woo. Elle a préparé ses valises, avant leur entré à la Yonsei. Sauf qu'elle n'a jamais eu le courage de partir, de fuir. Jamais, elle ne pourrait le laisser, sauf s'il lui demande un jour. " Ou bien, tu ... " Elle se tait, laissant un soupir sortir de ses lèvres, tu fais comme si tu allais bien, même si tu souffres en silence. avait-elle envie de dire. Mais Ye Won n'a pas besoin de savoir, nul n'a besoin de savoir qu'au fond, la Ho souffre d'un amour unilattéral depuis de nombreuses années. Elle grimace en entendant parler de pillule, secoue la tête de gauche à droite. " Ni la drogue, ni l'alcool n'aident. " Le premier, elle n'a jamais essayé. Même si elle a dans le tirroir de sa table de chevet le paquet de blue sky, peut être qu'elle essayera un jour avant une soirée. Et l'alcool, ne fonctionne vraiment pas. A chaque fois qu'elle ferme les yeux, elle repense à la soirée de leurs vingts ans où ils ont faillit s'embrasser. Elle ne sait juste plus si elle a fait exprès de laisser son estomac se vider ou si elle devait vraiment vomir. Et elle fait celle qui ne s'en souvient, refusant de parler de se baiser rater.

" Si tu as des idées, je suis preneuse aussi. " après tout, Ye Eun a bien souvent besoin d'oublier et vivre que pour elle, juste un instant. Même si trop souvent son esprit s'envole vers lui. Même quand elle est avec un autre, y a que lui qui est si présent. Il est son univers depuis des années, son tout. Alors, essaye de changer de conversation pour ne pas devenir mélancolique, un caractère que peut de personne ne la connait.

" C'est bien d'avoir une passion. " Qu'est-ce qui l'aide elle à tenir le coup avec toutes ses années ? L'habitude... Même le tire à l'arc ne l'aide pas. Se perdre dans les cours à s'endormir sur les bouquins, sauf qu'il est présent et qu'il a toujours des gestes mignons comme la porter pour la mettre au lit, lui mettre une couverture ou sa veste sur elle.

Puis y a la blancheur de la peau, la rougeur des yeux, tout est devant elle. Ye Eun reconnait les symptômes. Et sans trop réfléchir, elle sort la boite contenant la nourriture qu'elle a cuisiné. " Si tu ne l'as prend pas pour manger... " L'étudiante en médecine sourit, un sourire froid. " Je te tire jusqu'à mon meilleur ami, et là, tu seras obligé de manger sous surveillance. " Car c'est ça qu'elle aime chez Seung Woo, il est un géni dans ce qu'il fait. Il lui a promit de trouver un moyen de la guérir quand ils étaient adolescents et il est à fond dans ce qu'il fait. Loin du Seung Woo que les autres connaissent. Il est celui que Ye Eun connait à ce moment là. " Et je peux te dire que tu as intérêt à faire ce qu'il te dit quand il te donne un ordre sinon ... " Elle grimace, ne sachant pas vraiment comment il pourrait se comporter en vrai. " En vrai, tu en fais ce que tu veux. Tu peux même jeter la nourriture. Il est juste mon devoir de te dire que tu dois manger car tu es faible. Et que tu risques de te retrouver hospitaliser. " Elle a bien vu dans le regard de Ye Won la panique quand elle a parlé d'hospitalisation quelques instants plutôt. " Et s'il le faut, je viens vérifier à ta fraternité que tu manges. Dis-toi que je suis une personne chiante qui arrive toujours à ses fins. " Et elle hoche la tête pour lui faire comprendre qu'elle ne changera pas d'avis.

‘Il faut juste avoir le courage de tout quitter.’ Elle aurait aimé l’avoir, avait cru même, en être capable. Mais tout a fini par s’enchaîner, au point qu’elle a sombré. Elle était prête à quitter sa fraternité, prendre son indépendance, et finalement, elle est toujours là, à se morfondre, sans trouver le courage de le faire, une bonne fois pour toute. ‘Ni la drogue, ni l’alcool n’aident.’ Elle le sait mieux que quiconque, finalement, alors que c’est ce mélange explosif qui l’a fait terminer à l’hôpital, quelques semaines en arrière seulement. Mais elle reste silencieuse à ces mots, sait qu’elle doit maintenant se relever, même si c’est bien plus difficile qu’il n’y parait. Elle est encore fragile, tant physiquement que psychologiquement. Il faut qu’elle y aille étape par étape, même si elle ne sait pas par ou commencer. Jouant avec l’un des chocolats récupérés dans la boîte devant elle, Ye Won repense à ces petites choses qu’elle tente de faire pour se libérer l’esprit. « Des fois, quand je passe une journée pas trop mauvaise, avant de dormir je m’installe dans mon lit avec de la musique relaxante. Ca me force à penser que la journée suivante pourrait être un peu mieux que celle qui vient de passer. Ou alors, quand le ciel est dégagé, je vais sur le toit de ma fraternité pour aller regarder les étoiles. » Elle semble presque pensive, à parler de ces petites choses qu’elle tente de faire, pour apaiser un tant soit peu son coeur. Se décidant finalement, elle mange ce carré de chocolat, fermant les yeux un instant, lâchant un léger soupire, avant de reporter son attention sur la demoiselle en face d’elle. « J’dois avouer que ça aussi, ça m’aide. » dit-elle, en montrant du bout des doigts son carnet. Ca l’aide surtout à se concentrer sur autre chose que la vie qu’elle mène actuellement. Ca l’aide à oublier, le temps d’un instant, tout ce qui se passe autour d’elle, même si ça ne marche pas à tous les coups.

Récupérant finalement ce plat que Ye Eun lui tend, elle ne sait pas vraiment ou se mettre, quoi dire face à cette gentillesse dont sa vis-à-vis fait preuve. Certainement parce qu’elle n’en a pas l’habitude. Ye Won a bien trop souvent donné cette image de gosse de riche, qui n’avait besoin de rien ni personne. Une façade qu’elle s’est construit face aux abandons qu’elle a essuyé, face au mal qu’on lui a fait, mais qui est bien loin de la vérité. Ses lèvres qu’elle pince en gardant son regard rivé sur ce bibimbap, ses yeux s’embuent de nouveau face à ce geste qu’on lui offre. Ecarquillant ses yeux, elle relève la tête vers Ye Eun, l’air plus sérieux. « Non non, je vais … je vais essayer de le manger… » qu’elle souffle, prise au dépourvu. « C’est juste que … » elle hésite un instant, ne sait pas comment dire ce qu’elle ressent à cet instant. Pourtant, elle s’y efforce, comme elle peut. « J’ai … j’ai plus vraiment l’habitude qu’on soit … gentil avec moi. » Malgré la présence de ses amis, qui l’aident comme ils peuvent. Mais une telle attention, elle ne s’y attendait pas. D’un geste de la main, elle essuie une larme qui finit par couler sur sa joue, pose la boîte devant elle. Parfois, il suffit d’un simple geste pour changer un tant soit peu la vision qu’on peut avoir des choses, en fin de compte.