Eren m’a toujours caché les yeux pour ne pas que je vois ces scènes, celles où mon père battait ma mère. Grace à lui, je n’ai que rarement vu mon père lever la main sur ma mère. Au début je ne comprenais mais comme ça se répétaient et répétaient, j’ai fini par comprendre. N’importe quel enfant de 7 ans aurait fini par comprendre. Certes je ne voyais rien, mais j’entendais tout. Le son de la main qui résonne sur une joue, les fracas d’un homme colérique sur une femme sans défense, les bruits de pleures et de cris implorant d’arrêter. Et puis, il y avait cette odeur… Une odeur qui me piquait le nez, qui me retournait l’estomac. Si la colère avait une odeur, c’était surement celle-ci.

L’odeur qui émanait de cet homme n’était pas celle de mon père. Il n’était pas la personne que je connaissais, le père qui nous emmenait en vacances, celui qui me portait sur ses épaules. Non, à cet instant, il nous faisait plus de mal qu’il nous rendait heureux. L’homme que j’avais jadis aimé me faisait peur. Je n’aimais pas entendre ma mère pleurer. C’est elle qui nous avait appris à ne jamais pleurer, pourtant c’est bien elle que j’entendais pleurer pratiquement tous les soirs.

A l’époque, je ne pouvais que me blottir dans les bras de mon frère, où je me sentais le plus en sécurité. J’avais peur et étais incapable de défendre ma pauvre mère. Je regrette tellement d’avoir été impuissante. Mon frère m’a toujours dit que ce n’était pas de ma faute mais ne suis-je vraiment pas la fautive ? Si je n’avais pas eu peur, si je n’avais pas pleuré, si je n’avais pas imploré cet homme de ne pas me faire subir le même sort que ce qu’il a fait à ma mère, peut être que Eren n’aurait jamais eu à me protéger et qu’il n’aurait pas à le frapper.

Notre mère était incapable de nous garder. On devait aller chez une autre famille. Mais je ne me sentais pas à ma place. Il y avait une fille de mon âge, je pensais qu’on allait devenir amie mais elle ne voulait pas. Puis, il y avait ces garçons qui se moquaient toujours de moi. C’était des mots durs dont je n’oublierai jamais. « J’ai entendu dire que ton père est mort à cause de toi. » Je le pensais plus ou moins mais l’entendre était plus effrayant, plus blessant. Je ne l’ai jamais dit à Eren mais je pense qu’il devinait que je n’étais vraiment pas bien la bas.

Et c’est pour cette raison qu’on s’est retrouvé à fuir. Je suivais Eren sans hésiter. Je ne voulais pas me retrouver séparer de lui. Je savais, même avec mes 7 années d’existence qu’il était la personne la plus fiable au monde. Il n’était qu’encore qu’un adolescent mais à mes yeux, il valait plus que n’importe quel adulte. Je lui faisais confiance mais les temps étaient durs. Les jours étaient froids, sans espoirs. Survivre pour vivre. On était loin du confort habituel, loin de ma maison chaude…

Au début je pouvais le supporter mais ça devenait de plus en plus compliqué. Si, même pour les adultes gagner de l’argent était compliqué, comment à nous deux on pouvait vivre ? Ce n’était pas avec mes petits bracelets qu’on pourrait avoir un toit. Eren savait jouer de la guitare mais on ne pourrait pas en vivre, pas de cette manière. Cette période était vraiment compliquée. Et j’ignore ce qu’on aurait fait si on ne les avait pas rencontrés, eux, les amis d’Eren. Avec eux, je retrouvais petit à petit le sourire. L’union fait la force et je ne pouvais le nier. Grâce à l'aide de chacun, et à la détermination de mon frère, nous avons pu reprendre une vie normale. En reprenant les études, mes rêves pouvaient se réaliser.

Maintenant quand j’y repense à cette enfance, je ne le vois pas d’un mauvais œil. Je n’ai pas honte de mon passé. Certes, j’aurais aimé ne pas à devoir subir cela mais d’un autre côté, je me dis que c’est bien parce que j’ai suivi ce chemin que je suis là où j’en suis maintenant. Ma vie n’est pas si mal. Je sais que tout cela est grâce à mon frère. Je lui en serais éternellement reconnaissante pour tout ce qu’il a fait pour moi mais j’ai besoin de m’envoler de mes propres ailes. J’ai des rêves à atteindre et je serai d’autant plus fière si j’y parvenais « seule ». Et ce n’est pas pour rien que j’ai choisi de rejoindre les Beolsae. Je voudrai m’envoler aux côtés de mon frère, et non pas être cachée sous son aile.