LA TERRE ~~ Mon histoire commence bien avant ma naissance. Lee Hyun Soo rencontre un jour Park Jung Ho, tous deux étudiants, tous deux paumés, tous deux inconscients que l'amour vient de frapper à leur porte. Hyun Soo et Jung Ho, ce sont deux familles qui les renient car, voyez-vous, "Aimer un autre homme, c'est contre nature" selon la bien pensance coréenne. Lâchés par leur famille, ils s'accrochent l'un à l'autre. Ils s'aiment, ils vivent ensemble, ils partent même à Vegas pour se marier. Il ne leur manque qu'une seule et unique chose : un enfant. Ils retournent aux Etats-Unis où commencera une longue lutte pour avoir cet être cher. Une mère porteuse, d'origine coréenne, donnera naissance au petit Soo Jung que je suis, fruit d'un amour défendu entre deux hommes qui n'ont eu comme seul tort que de s'aimer.
J'ai grandi, entouré et aimé par deux papas. J'ai subi les moqueries, les remarques déplacées, les insultes à coup de "fils de PD". Je suis resté seul, sans broncher, encaissant tout sans même en parler à mes pères. Ils ne savaient pas l'enfer que je vivais, je cachais ça derrière un sourire de façade et un "ça a été" quand ils me demandaient comment s'était passée l'école. Mais en fait.. Aucun gamin ne peut aller bien quand la violence morale fait partie du quotidien. Je m'en suis rendu compte que bien plus tard.

L'EAU ~~ Le temps s'est écoulé, j'étais un ado frêle et squelettique qui n'avait aucune confiance en lui. Je n'aimais ni l'école ni les gens. Assis près de la fenêtre, je rêvais d'une autre vie, d'être quelqu'un d'autre, ne pas être Soo Jung ce garçon au prénom de fille... Grandir et fuir tous ceux qui me rackettaient et me rouaient de coups derrière les murs du collège. Tout le monde savait. Mais tout le monde se taisait.
Alors un jour, les nombreuses gouttes d'eau ont fini par faire déborder le vase : il était temps que je devienne quelqu'un d'autre.

LE FEU ~~ L'âge adulte, ce fut une revanche sur ma propre vie. Je ne laissais plus personne m'emmerder, j'envoyais chier tous ceux qui me critiquaient. Pour (sur)vivre, je devenais aussi con que ceux qui avaient fait de ma vie un enfer. Je me suis mis à sortir, à boire, à fumer, à avoir de mauvaises fréquentations. Soo Jung sur une pente descendante ? Non pour moi elle était ascendante, elle m'emmenait loin, je voyais des étoiles, je trouvais mon réconfort dans l'alcool, la drogue, le sexe. L'esprit totalement déconnecté. Je vivais à fond, je riais à fond, j'emmerdais le monde entier. J'étais gay, à croire que ce genre de chose coulait aussi dans les veines, je l'assumais, j'en profitais. Je laissais l'amour entrer dans mon cœur, une fois, rien qu'une seule fois. J'y ai cru un instant et c'était sûrement ma plus grosse erreur que de croire que quelqu'un pouvait m'aimer. Il est parti, sans un mot, j'étais abandonné comme un vulgaire chien au bord de la route. Un autre fusible venait de lâcher, je n'étais plus qu'un pantin désarticulé, vidé de toute émotion.
Mes parents m'ont soutenu quand je leur ai annoncé vouloir ouvrir une boîte gay en plein cœur de Séoul. Ils étaient derrière moi dans chacun de mes combats, même lorsque je me suis fait arrêter durant une énorme manif illégale LGBT dont j'étais l'organisateur. Il y a eu des mouvements de foule, la police qui a pris les manifestants en chasse. Un homme est décédé, piétiné par la foule, j'ai été jugé coupable et j'ai séjourné trois mois en taule. La prison m'a fait réfléchir mais ce n'est pas pour ça que je me suis assagi pour autant.

L'AIR ~~ Voilà quelques années que je suis le gérant du Why Not, célèbre boîte de nuit gay nichée au cœur de Myeongdong. Petit à petit, je me suis fait ma clientèle, les jeunes adultes payent cher leur entrée pour venir danser sur l'immense piste de danse. Et pour les clients les plus fortunés ou les plus connus, il y a d'autres choses bien plus intéressantes qui se passent derrière le passage secret qui relie la boîte de nuit à... la maison close. Du sexe, pur et dur, comme je l'aime, des rencontres sans émotion, juste pour le plaisir. J'y passe mes nuits, m'offre aux plus offrants, j'ai l'impression de vivre. Mon corps contre leur argent.