C’était encore difficile pour moi d’assumer les brûlures qui me zébraient presque tout le dos. J’avais passé de longues année à les cacher, même lorsque j’avais commencer une relation sérieuse avec Elio. Il m’avait fallu du temps avant d’accepter de les lui montrer. Mais depuis, j’essayais de plus en plus de les aimer, devant lui, mais aussi publiquement. J’essayais de moins me cacher, de ne plus trop y prêter attention depuis déjà quelques mois. Mais, je voulais avancer encore un peu plus, passer une plue grande étape. Et j’avais décider de faire ça seul. Parce que j’en avais besoin, pour moi-même. J’allais peut-être devoir affronter le regard des autres, mais il fallait que je passe au-dessus de ça.
Alors j’avais préparé mes affaires, parce que j’avais décidé d’aller à la piscine et de nager sans haut évidement. J’étais un peu stressé à cette idée. Il n’y avait pas trop de monde heureusement, et j’étais seul dans les vestiaires. Mais je fini par franchir la porte de ceux-ci, arrivant près de la piscine, essayant de ne pas trop faire attention aux autres. Ils allaient peut-être me regarder bizarrement, mais au pire ce ne serait pas très grave.

L’eau avait toujours été l’élément préféré de Suwon. Nageur depuis son plus jeune âge, il avait toujours aimé aller à la piscine, quand il avait un peu de temps libre, et il n’avait pas tardé à y retourner, une fois de retour à Séoul. Son séjour à Busan lui manquait déjà. Yanjun, le temps qu’ils avaient passé ensemble… Il revenait à peine d’avoir cédé à la tentation folle d’acheter cet appartement. Cela ne faisait même pas un mois ? Pouvait-on parler d’un coup de tête ? D’une lubie ? C’était certain… Un sourire lui vint aux lèvres alors qu’il avançait sur le rebord de la piscine, les yeux posés sur l’eau qui s’agitait devant lui.

Mais avant même qu’il ne s’en rende compte, son regard s’était arrêté sur une personne. Sans mauvaise intention, sans même une once de moquerie, ses yeux s’étaient attardés plus longtemps. Non pas parce que cette personne l’attirait, non pas parce qu’elle était belle, mais parce que les reliefs de sa peau étaient différents de ceux des autres. À quoi était due cette cicatrice ? Cette curiosité candide l’avait saisi sans prévenir, et quand il le réalisé, il se sentit honteux d’avoir osé dévisager cette personne de la sorte. Avec un peu de chance, il ne l’aurait pas remarqué.

Non ce n’était pas grave, mais il m’était difficile de faire abstraction. Spécialement du jeune homme assis au bord de l’eau qui semblait me fixer avec insistance. Je restais un peu figé sur place, un instant avant d’aller dans sa direction et m’asseoir au bord de l’eau, pas si loin de lui. Peut-être que si j’allais vers lui et que je lui expliquait, si j’en parlais … ça me rendrait plus à l’aise. Je ne pouvais que tenter.

« C’est si bizarre que ça ? »

Je fixais l’eau, mais c’était évident qu’il m’avait entendu. Oui c’était bizarre, des brûlures comme celles-ci ce n’était pas anodin, ni spécialement courant. J’avais déjà eu de la chance d’être toucher qu’à ces endroit là et d’avoir survécu.

« Je les aimes pas vraiment, mais je me suis dis que je ne pouvais pas éternellement les cacher »

Est-ce que c’était si étrange d’aborder cet inconnu simplement parce qu’il m’avait dévisagé? Sûrement mais en un sens ça me rendait un peu plus à l’aise vis à vis de mes cicatrices. Je ne disais rien de plus pour le moment. Ne sachant pas s’il était utile d’expliquer les raisons de cette peau si marquée. Il s’en fichait sûrement après tout.

Il s’en voulait déjà, alors que cela ne faisait que quelques secondes. Des instants de trop qu’il avait passés à regarder cet homme qui n’avait rien demandé, qui avait sûrement souffert. Il n’avait pas envie de le mettre mal à l’aise avec ses questions, avec son comportement. Pourtant, quand cet homme lui adressa la parole, il comprit que c’était trop tard. Très vite, Suwon secoua la tête.

« Non. Je suis désolé si je vous ai mis mal à l’aise. » dit-il en un léger sourire. « Je me demandais juste comment c’était arrivé… »

Et c’était la vérité, même si l’avouer lui faisait encore plus honte. Avouer cette curiosité, cette interrogation qui flottait au-dessus de sa tête. Il s’en voulait. Un sourire gêné aux lèvres, le jeune homme attendit avant de reprendre la parole.

« Si ça peut vous rassurer, je ne l’ai même pas vu tout de suite. »

La vérité, toujours. Son regard s’était arrêté un peu trop longtemps, mais il n’avait pas tout de suite réalisé qu’il s’agissait de cicatrices. C’était assez particulier, mais pas profondément odieux. Pas pour lui, en tout cas. Il savait que certaines personnes étaient facilement impressionnables et qu’elles n’hésitaient pas à rejeter ce genre de choses, mais ce n’était pas son cas. Suwon avait toujours été bien plus ouvert d’esprit.

Il s’excusait au moins, il n’avait pas l’air bien méchant. Puis il avait l’air de dire la vérité, parce que j’vais fini par tourner la tête et je n’avais pas vu de dégoût dans son regard. C’était rassurant à vrai dire, de réalisé que j’avais simplement éveillé sa curiosité, ni plus ni moins.

« C’est pas grave, je m’y étais préparé »

Parce que je n’étais pas venu ici sur un coup de tête. C’était une idée qui était dans mon esprit depuis quelques temps, et il m’avait en quelque sorte fallu un temps d’adaptation mentale avant de faire ce pas là.

« Pourtant c’est assez voyant »

C’était pas anodin comme blessure et les marques, même après tant d’année, n’avaient pas disparu.

« Pour ta curiosité, ce sont des brûlures, j’ai été pris dans un incendie il y a plusieurs années »

Il n’avait pas explicitement poser la question, mais il avait exprimé être curieux alors autant lui expliquer. Maintenant que j’osais me montrer comme ça, je me devais d’oser en parler. En soit en parler n’avait jamais été un problème, juste qu’avant je ne parlais et ne montrais pas la monstruosité des blessure qu’avaient causé les flammes.

Il n’aurait pas dû se poser autant de questions à la vue de simples cicatrices, mais Suwon essayait de se raisonner en pensant que c’était naturel. La curiosité elle-même l’était, même si certains la trouvaient mal placée. Il s’en voulait toujours autant malgré tout, même si cet homme disait s’y être préparé. Il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir l’impression d’avoir été trop loin avec ses questions.

« Peut-être… Mais au premier abord, on n’y fait pas attention. »

Mais peut-être était-ce une impression qu’il avait eue ? Il n’était lui-même pas du genre à trop s’attarder sur ces choses, sur l’esthétique. Oui, il aimait les hommes séduisants, mais il n’était pas pour autant du genre à s’attarder uniquement sur l’apparence de ceux qui l’entouraient. C’était beaucoup trop superficiel.

« Un incendie ? » Ses yeux s’arrondirent à cette pensée. « Vous avez eu de la chance… De vous en sortir, je veux dire. » Évidemment, pas d’avoir été pris dans un incendie, cela aurait été illogique. Néanmoins, il préférait préciser. « Ça vous a pris longtemps pour vous en remettre ? » Il ne s’imaginait pas lui-même avec une cicatrice pareille… Il osait à peine imaginer le poids que le regard des autres avait dû avoir sur lui, en vérité. Cela devait être tout simplement atroce.

Au fond, même si ça avait été étrange de se faire dévisager de cette manière, ce n’était pas si terrible. Puis ce jeune homme semblait être bien loin de penser à mal en observant mes cicatrices, il semblait même curieux à propos de celles-ci.

« J’ai plutôt été habitué à ce que les gens ne voient que ça. Je commence juste à oser montrer à nouveau mon dos »

J’avais même changer de pays, changer de vie pour passer à autre chose. Mais dans cette nouvelle vie je n’avais jamais montré mon dos publiquement, ni à personne à vrai dire. Sans Elio je continuerais très certainement à cacher tout ça.
Un petit rire m’avait échappé à sa phrase. Cela semblait logique qu’il dise ça dans ce sens. Quoi que il devait bien exister des gens un peu fou qui aurait aimé être pris dans un incendie.

« Le plus gros, après un mois c’était plus ou moins cicatrisé. Après, on en s’en remet jamais totalement en quelque sorte. Les marques de ce genre d’accident ne reste pas que sur la peau »

Même après huit ans, c’était des souvenirs bien ancré que j’aurais préféré oublié. Mais en dehors de l’événement assez marquant pour qu’il ne finisse pas dans les oubliettes de mes souvenirs, j’aurais à vie ces cicatrices qui me le rappellerait.

Suwon avait toujours été d'un naturel curieux, alors poser des questions à cet homme était plus spontané qu'il ne l'aurait souhaité. Il savait, pourtant que parfois une langue se tournait plusieurs fois dans sa bouche avant d'oser parler, mais à partir du moment où cet homme avait été le premier à parler, ne pouvait-il se hasarder à poser quelques questions ? Un petit sourire parut aux lèvres du jeune homme alors qu'il écoutait l'explication de cet inconnu.

« C'est courageux de votre part, ça ne doit pas être évident... »

Le regard des autres était souvent difficile à vivre. Il savait quelle image les médias diffusaient. Ces idoles parfaites, sans le moindre problème. Personne n'y était indifférent, même si on essayait tous. Une vision du monde distordue, au bout du compte, car personne n'était comme ça.

« J'imagine bien... »

C'est tout juste s'il arrivait à imaginer la chose lui-même. Lui, qui n'avait vécu que dans le confort tout au long de sa vie. Lui qui, même s'il avait des problèmes, ne connaissait pas ce genre de douleur. Pas à la même échelle, en tout cas.

« Ah, au fait, moi c'est Suwon. » avait-il fini par dire en un petit sourire.

Pourquoi ne pas en profiter pour faire une nouvelle rencontre, après tout ? Il avait toujours été friand de ces dernières.

Pas évident, effectivement ça ne l’était pas. Après tout ces années je commençais peu à peu à oser me montrer. Premièrement à Elio, parce qu’il partageait ma vie et que après une relation aussi longue, je ne pouvais pas indéfiniment continuer à lui cacher mon dos. Puis ça m’avait aider à accepter ces marques, me dire que ce n’était pas si horrible que je n’avais pas besoin de les cacher encore et encore et me priver de certaine chose de peur d’exposer mes anciennes brûlure au regard des autres.

« Tout le monde ou presque doit affronter le regard des autres pour une raison qui lui est propre. Alors tout le monde fait preuve de courage je suppose. Mais oui ce n’est pas vraiment facile »

Mais là, ça allait. Puis discuter avec lui m’aidait un peu à vrai dire, parce qu’il était curieux et no dégouté et c’était plutôt agréable. Je n’avais pas de souci pour parler de ce qui m’était arrivé, j’avais simplement peur de retrouver du dégout dans le regard des gens si je montrais les dégâts causé par les flammes.

« Min Woo, tu es un habitué de la piscine ? »

Je n’y avais jamais mis les pieds depuis mon arrivée à Séoul. Moi qui passait énormément de temps en Australie à nager, surfer, j’avais mis ça de côté en venant ici, à cause de mes blessures. Ne me baignant que très rarement et en t-shirt. Ça me manquait en vrai et de savoir que j’osais venir ici sans porter de t-shirt me réjouissais beaucoup.

C'était une chose dont Suwon avait toujours été conscient, et pour laquelle il était profondément reconnaissant : il avait une bonne santé, un corps qui pouvait le porter et lui permettre de faire tout ce dont il avait envie. Il s'était déjà demandé ce qu'il aurait pu advenir de lui, dans le cas contraire. Aurait-il supporté d'être soudainement défiguré, d'être soudainement blessé au point de ne plus pouvoir profiter de ce que la nature lui avait donné ? Certainement que cela aurait été difficile, mais il avait envie de croire que si la vie avait accepté de le laisser venir au monde, en dépit d'un père absent qui aurait tout aussi bien pu ne jamais féconder sa mère, il y avait une raison pour qu'il soit là... Même si c'était parfois difficile d'en rester sûr.

« Oui, c'est une façon de voir la chose, j'imagine. »

Mais ce n'était pas tout à fait vrai non plus. Pas à ses yeux. Suwon le savait : ceux qui étaient beaux, ceux qui correspondaient à la norme, même s'ils devaient affronter le regard des autres, souffraient bien moins de leurs propos. Parce qu'ils étaient "parfaits", parce qu'ils étaient "conformes". Les cicatrices, les blessures, les handicaps n'entraient pas dans cette vision biaisée du monde que lui-même regrettait parfois, quand il y était confronté à cause de ses études.

« Oui, je viens souvent. Et vous ? »

Un sourire lui vint aux lèvres alors qu'il reposait les yeux sur l'eau qui se trouvait devant lui.

« Je préfère la mer, mais bon, c'est pas comme si on y avait accès partout, malheureusement. »

Et ça, c'était son âme de surfeur qui parlait.