Je porte avec fierté mes tatouages, ce n’est pas deux coincés qui vont réussir à m’intimider. Les deux concernés sont bien vite oubliés quand la conversation avec mon ami de longue date reprend sur un esprit plus léger. Il faut avouer qu’entre la mécanique de ses engins de métal et de plastique et la médecine vétérinaire, il y a un monde – un grand monde même. Mais il n’est pas impossible de trouver des ressemblances, aussi hasardeuses soient-elles. Mais je dois bien avouer que Minsoo a raison – c’est un crève-cœur rien que de le penser – les enjeux ne sont pas les mêmes. Même si à mes yeux toute vie animale a autant d’importance qu’une vie humaine, tout le monde ne pense pas la même chose. Et Minsoo risquerait bien plus que moi en mettant en danger les propriétaires de ses voitures que moi en perdant un animal sur la table d’opération. De toute façon, la question ne se pose pas réellement, mon métier dispose d’un certain nombre d’avantages non-négligeable. « De toute façon, mes patients sont bien trop mignons pour que j’ai envie de les échanger contre les tiens ! » je conclue en sirotant patiemment mon thé – qui commence à doucement refroidir. Jamais de la vie, je préférerais passer mes journées le nez dans le moteur d’une berline plutôt qu’à faire des papouilles à des boules de poils. Même si au final, on finit tous par se retrouver face aux mêmes personnes : les propriétaires parfois insupportables. La peste ou le corréla certainement alors j’hausse simplement les épaules, grimaçant ouvertement à la question. Quand Minsoo m’attaque avec taquinerie sur mon caractère bien trempé, je ne me retiens pas de répondre avec le même humour. Un petit sourire se forme sur mon visage quand mon ami évoque le gang de requins – souvenir qui provoque une certaine nostalgie chez moi plus grande que l’envie de rire devant sa place et sa référence enfantine. « Ah… La bonne époque. C’était une sacrée bande de requins en plus. ». C’était la bonne époque pour moi ; tout est différent maintenant, ces années sont loin derrière nous maintenant que nous avons grandi. Ce serait mentir de dire que cela ne me manque pas mais je suis aussi celle qui a pris le large à l’époque. J’évoque l’idée d’un tatouage à Minsoo, me disant que ce serait bien le genre à en porter avec fierté, mais je suis étonnée de découvrir que je me trompe. Au fond, chacun sa peau et chacun ses envies tant qu’on ne limite pas les miennes alors j’hoche la tête. « Je vois… Si jamais, je connais quelques adresses dans le coin. N’hésite pas. » peut-être qu’en effet, il changera un jour d’avis. De mon côté, je ne me pose pas vraiment la question – les tatouages, je les fais souvent au feeling. J’aime simplement voir cet art se dessiner sur ma peau, la beauté l’emporte souvent sur le reste. « Je suppose que ça dépend si je tombe sur un flash qui me plait ou bien que je ressente le besoin de me tatouer un truc. Mais en tout cas, je n’ai pas la limite que je m’impose. » j’indique en posant ma joue sur ma paume. Et il y a encore largement de la place sur mon corps, car si mes tatouages sont assez nombreux, rares sont ceux qui prennent de l’espace, la toile est encore largement vierge. Je finis alors d’une traite mon thé, posant d’un geste ferme la tasse sur la table. Mes sourcils se froncent à la remarque et aux sous-entendus de Minsoo. « J’aime pas beaucoup comment tu prends de haut mon vélo et comment tu me prends de haut. Je n’ai juste pas envie d’avoir ce genre d’engin polluant, je pourrais très bien m’en offrir une ! ». C’est totalement faux, mon petit poste d’interne ne me permet absolument pas de me payer une telle voiture ou juste une voiture tout court pour le moment. Mais personne n’a besoin de le savoir. « C’était surtout pour t’offrir l’occasion de voir ma magnifique personne… Mais je peux comprendre que tu ne veuilles pas être déconcentré trop souvent. » j’enchéris en soufflant fortement, mes bras venant se croiser sur ma poitrine. De toute façon, c’est à l’autre bout de la ville, je vois moyen ce que j’irai faire là-bas. Un bâillement m’échappe mais je ne prends même pas la peine de couvrir mes lèvres pour le cacher. « Et maintenant que t’es un adulte… » je ne peux m’empêcher de rire en parlant de Minsoo comme d’un adulte, ça me paraît aussi absurde que de parler de moi-même comme d’une adulte. « T’as des nouveaux projets ? De nouveaux rêves ? » je demande en haussant un sourcil en sa direction. Finalement, je lève la main devant moi pour lui indiquer de ne pas répondre de suite. Il y a une question importante avant, une question que j’ai besoin de poser pour savoir si Minsoo et moi, nous sommes dans le même camp. « Attends… Avant de répondre… Est-ce que tu t’es casé ou tu vis encore ta meilleure vie de célibataire ? » ; quelque part je compte sur lui pour me répondre qu’il fait encore parti des célibataires éternels. Probablement parce que je me sentirais moins seule dans ce cas-ci, bien que finalement depuis mon arrivée à yonsei, j’ai eu ma petite dose de relations. Fourreuses, bien sûr, si je n’en serais pas là à essayer de convaincre le monde entier que je ne peux plus entendre parler de couple jusqu’à la fin de mes jours.

( Pando )