« Ma fille est encore trop jeune pour me manipuler. » avait-il répliqué, d'un faux air renfermé, contrarié. Mais il n'en était rien, Joon gardait son sourire, cet amusement certain face à son ami. Il le savait, ne l'avouait pas toujours, mais il était faible face à sa fille, aurait aimé pouvoir lui donner tout ce qu'elle voulait. Même si ce n'était pas la meilleure façon de l'élever. Ses sourcils s'étaient froncés à entendre son meilleur ami répondre ainsi à sa fille. Il le savait déjà, il était foutu si elle venait à découvrir le monde d'Harry Potter, et Jed ne faisait que l'embarquer, aussi facilement que ça. Pourtant, ses lèvres restaient encore étirées. « Tu parles d'un pote, j'aurais du m'douter que t'aller me trahir encore une fois. » Mais il en riait, savait qu'ils vivraient toujours ces galères ensemble. En même temps, avoir leurs enfants dans la même école ne les aidait pas beaucoup non plus. Finissant par reprendre leur visite, ils avaient laissé les enfants marcher devant, encore main dans la main. Ji Ae semblait fascinée par ce qu'elle voyait, était même celle qui entraînait Ewen voir les différents animaux. Restant attentif à ce qu'ils faisait, il observait malgré tout son ami un instant. « Ca va. J'ai encore du me trouver un nouveau taff, les horaires du combini devenaient insupportables. Et toi alors ? Ca se passe comment ? »

Il se sentait fier de lui. Entrainer la fille de Joon dans l’univers d’Harry Potter c’était courir à sa perte. Entre les différents goodies, les livres et autres trucs, il y aurait de quoi occuper sa gosse et vider son portemonnaie. Tout était arrivé par la faute de Young Min, qui jouait à l’oncle beaucoup trop investi. Ils étaient encore petits, mais ça n’y changeait pas grand-chose. Jed était coincé, et maintenant Joon aussi. Amusé par tout ça, il avait gardé un œil tendre sur les enfants. Bien qu’il s’était intéressé à Joon. Il voulait savoir comment il allait. Etre père célibataire n’avait pas toujours des avantages. Entre le boulot, les études… la vie de famille. Tout était compliqué à gérer. Jed en savait quelque chose. Et il s’imposait un rythme un peu trop fou. « Tu bosses où maintenant ? » il n’avait même pas su qu’il avait changé. Petite moue sur les lèvres, il lançait « ça va. C’est un peu la folie en ce moment. J’ai du mal à joindre les deux bouts pour être franc. » Il n’allait pas lui mentir. Ses études lui prenaient du temps, il rêvait de retrouver son niveau d’avant. De pouvoir vivre de la danse… il avait en tête de participer à un concours avec son crew de danse. Mais il n’avait que peu de temps pour s’entrainer. Il devait bosser à côté… enfin dealer. Il avait arrêté ses petits boulots pour se concentrer que sur ça. Parce-que ça rapportait bien plus. Mais il avait honte aussi… d’être un père qui se sert de la drogue pour faire vivre son fils. Quel exemple il lui donnerait ? Baissant les yeux un peu gêné, il se mit à sourire avant de lancer « Mais ça va le faire. Faut juste retrouver le rythme. » Sans oublier qu’il s’échappait souvent pour rejoindre Wen. En vérité, tout lui filait entre les doigts. Mais Jed tentait de garder la tête hors de l’eau. Se cachant derrière des excuses, sans jamais avouer qu’il était au bord du gouffre. 

« J'ai réussi à me faire embaucher au Starbucks. Ils sont plus souples sur les horaires. » Un avantage certain pour ce père de famille, qui avait bien du mal à concilier ses études, son boulot de nuit, et sa vie de famille. Lui qui tenait toujours à prendre du temps pour sa fille, autant qu'il le pouvait. Un léger soupire qu'il laissait échapper, il ne pouvait que comprendre son meilleur ami. Cette vie qui défilait si rapidement sous ses yeux, cette fatigue accumulée de devoir gérer tous les fronts. Ils faisaient face aux mêmes difficultés, depuis si longtemps. « Y'a toujours des moments moins évidents que d'autres. » Et il savait, que son meilleur ami comprendrait le sens de ses mots. Ils essuyaient tous les deux assez de galère pour saisir par de simples mots ce que pouvait parfois ressentir l'autre. Un avantage indéniable d'avoir un ami proche dans la même situation. « Ca, c'est le moins évident à faire. » Il ponctuait sa phrase d'un léger rire, tentant de garder une atmosphère paisible en cette journée principalement réservée aux enfants. « T'as quelques projets pour bientôt ? » demandait-il finalement. Toujours soucieux de savoir son meilleur ami sur la bonne voie, pour s'en sortir aussi bien que possible, même s'il connaissait toutes les failles de cette vie de père célibataire.

Il s’en voulait d’être le genre de père qui faisait n’importe quoi. Il avait préféré se concentrer sur lui-même plutôt que son propre fils. Quel égoïste il faisait. Il arrivait néanmoins à se confier à son meilleur ami. En lui disant qu’il n’était pas sûr de joindre les deux bouts. Il était content de voir que Joon s’en sortait mieux que lui. Il souriait à sa révélation. Puis tentait de croire qu’il avait raison. Il s’en sortirait si il y arrivait. Il fit la moue, peu convaincu quand même. Parce-qu’l n’osait pas tout dire à son meilleur ami. Celui-ci ne devait pas être prêt pour toute les révélations. « Hum pas vraiment… c’est un peu compliqué. Puis avec les cours, j’ai du mal à me concentrer sur mes projets persos. » comme avec son crew. Il ne faisait pas grand-chose avec eux d’ailleurs. Il passait plus de temps à attendre Wen qu’à vraiment faire quelque chose de bien ou de concret. La seule chose qu’il savait c’est qu’il voulait faire plaisir à son fils aujourd’hui. « Tant qu’Ewen est bien. C’est le principal non ? Faut que j’évite de penser à moi. » car il en avait prit l’habitude. 

Joon essayait de faire de son mieux, depuis si longtemps. Il galérait, bien plus qu’il ne le montrait, mais gardait la tête haute, autant que possible. Au moins avec Jed, il avait la possibilité de relâcher un peu la pression. Il n’avait pas besoin de cacher, à quel point parfois cette vie pesait sur ses épaules. Ce n’était pas sa fille le problème, bien au contraire. Elle, il l’aimait de tout son coeur. Mais tout ce qu’il lui fallait faire pour joindre les deux bouts. Faire en sorte qu’elle mange à sa faim, tout en terminant ces études pour qu’il puisse lui offrir un avenir meilleur. « J’comprend, des fois je me dis que ça serait quand même beaucoup plus simple s’il y avait pas les cours. » Et il le pensait sincèrement. N’attendait finalement plus que ça pour souffler un peu. « T’épuises pas non plus. » répondait-il. Pas comme moi, aurait-il pu ajouter, mais il le gardait pour lui, comme toujours. Préférant garder son sourire sur ses lèvres. C’était toujours plus facile, pour tenter de garder la face, autant que possible.