Toujours en train de travailler sur ses projets interminables, Yami pouvait sentir ses yeux faiblir. Il commençait à se faire tard et le café à côté de son ordinateur qui était encore chaud était la preuve qu’elle n’était pas prête de partir dans l’heure. Elle voulait finir toute une mise à jour avant de retourner dans son dortoir. Ainsi, pour ne pas déranger sa colocataire avec la lumière, elle avait jugé bon de faire acte de présence dans les locaux de l’université. D’habitude elle aurait trouvé un coin dans la bibliothèque voire même une place dans les parties communes de son dortoir (mais seulement lorsque celles-ci étaient vides) cependant, elle avait besoin de plusieurs écrans pour son travail, ce qu’elle n’avait pas au dortoir ni à la bibliothèque. Elle travaillait déjà assez durement au restaurant pour finir ses fins de mois, elle ne comptait pas dépenser de grosses sommes dans un écran pour l’instant.
Ses activités étaient déjà perturbées car elle devait aider une personne qu’elle ne connaissait que très rapidement mais qui faisait partie de sa fratrie. Leur domaine d’études était plus ou moins lié et l’étudiant lui avait donc demandé de l’aide pour une chose dont elle ne se souvenait plus. La Japonaise était très occupée mais il n’avait pu s’empêcher de répondre positivement, donnant une heure et demandant un lieu. Sûrement son instinct de grande sœur qui avait refait surface, ou sûrement un élan de gentillesse soudain (elle répétait pourtant qu’elle n’était pas méchante).
Un coup d’œil sur son écran et elle remarqua d’ailleurs qu’elle allait être en retard si elle continuait à travailler. Ce n’était pas loin, à deux ou trois portes près mais il était déjà l’heure du rendez-vous. Elle éteignit l’écran, mit en veille son ordinateur portable et fila non sans avoir récupéré son café et manqué de le renverser sur ses affaires.

Elle toqua à la porte avant de l’ouvrir et laissant seulement son visage passer par l’encadrement. « Yoo Jisoo ? » Demanda-t-elle pour être certaine de ne pas s’être trompée. La pièce était plongée dans le noir à l’exception d’un point lumineux qui semblait venir d’un téléphone portable. Elle chercha à en faire de même mais les mains prises à son café et son sac, elle se ravisa. « Un problème, alors ? » Continua-t-elle dans un discret sourire.

Si Jisoo n'aurait jamais osé se targuer d'être le meilleur étudiant de sa promotion, il estimait être suffisamment bon dans son domaine malgré tout. Assez pour mener à bien un projet, en tout cas. Du moins, c'est ce qu'il avait cru jusqu'au moment où il s'était retrouvé devant un problème épineux : il ignorait totalement dans quelle direction orienter son projet, et les choses n'avaient pas l'air de s'arranger alors que les minutes passaient et qu'il effectuait calcul sur calcul afin de trouver des solutions à son souci. Ce n'était pas de cette façon qu'il allait devenir le brillant roboticien qu'il se voyait parfois être dans l'avenir. Oh que non. Un soupir avait filé entre les lèvres du jeune homme alors qu'il reposait les yeux sur son projet, visiblement toujours coincé.

Par chance, la fraternité comptait quelques étudiants qui suivaient des cursus proches de son sujet, ce qui allait normalement l'aider... Enfin, il l'espérait, au moment où il avait contacté Yami avec l'espoir que la jeune femme détienne en effet les réponses dont il avait besoin. Ce n'était qu'un espoir infime, mais il voulait s'y accrocher malgré tout. Après tout, sans elle... Sans elle, il ne savait pas trop comment il allait s'en sortir. « Oui, c'est moi ! » avait-il lancé un peu à la hâte, alors qu'il avançait à la rencontre de sa camarade. « Oui, désolé de t'avoir dérangé pour ça, si ça se trouve, c'est tout con... » Il s'était tourné vers elle, son téléphone à la main, essayant malgré tout de ne pas le river vers le visage de la jeune femme. « Je travaille sur un projet, mais je n'arrive pas bien à comprendre pourquoi, à chaque fois que je le branche, il fait sauter les plombs dans ma chambre... » Et c'était bien malheureux, il devait l'avouer. Mais peut-être la solution du problème se trouvait-elle ailleurs ? « J’ai essayé de changer plein de choses, mais pas moyen de trouver… » N’était-elle pas étudiante dans un domaine qui se rapprochait de l’électricité ? Quelque chose comme ça ? En tout cas, il était dans le doute et n’attendait qu’une bonne âme pour le sauver.

La presque totale obscurité intriguait légèrement la Japonaise alors qu’elle plaça rapidement sa main devant ses yeux pour s’en protéger de la lumière soudaine. Pendant quelques secondes, elle pensa à une mauvaise blague de la part de son camarade de fratrie avant qu’une voix ne lui répondât. Au moins, il était clair (sans mauvais jeu de mots) qu’il y avait un problème, pour la pénombre dans laquelle ils étaient tous les deux plongés. À moins que ce camarade avait une habitude pour travailler sans lumière ? C’était un peu le cas pour Yami qui, ne désirant pas déranger sa colocataire, laissait seulement la luminosité de son ordinateur, bien que diminué au maximum. Elle pouvait déjà faire autant de bruit qu’elle voulait alors elle doublait d’efforts pour être sûre de ne pas la réveiller à la lumière.  

D’un sourire, elle tenta de rassurer la personne, pensant qu’il n’y avait aucun soucis et qu’elle était ravie d’aider. Cependant, l’un des plus gros points faibles de la serveuse était les interactions sociales et c’était en partie pour ce défaut qu’elle avait décidé de rejoindre la fratrie, en plus de vouloir créer des relations déjà professionnelle pour son avenir. « As-tu branché sur une multiprise ou directement ? » Demanda-t-elle comme un premier réflexe. C’était stupide, et quelque peu évident pour une personne qui avait l’habitude d’utiliser ce genre de matériel mais c’était sorti tout seul. Elle tenta de se rattraper. « Désolée, je veux dire... » Elle hésitait alors qu’elle s’avançait dans la pièce tout en faisant attention pour ne pas tomber, ni renverser quoique ce soit. « Quel est ton travail ? » Son accent japonais s’entendait beaucoup, tout comme les fautes de grammaire qu’elle faisait souvent, ne maîtrisant pas encore parfaitement cette langue coréenne. Tout comme, si le problème était de nature électrique, Yami n’était pas sûre de l’aide qu’elle pourrait apporter. « On peut regarder ensemble si tu veux. » Elle finit son café et posa ses affaires dans un coin avant de se rapprocher de Jisoo. « Mais je fais pas d’électricité. » Elle sourit pour cacher son embarras. Elle détestait se sentir inutile plus que tout et allait mettre tous les efforts possibles pour aider le garçon.

C'était un véritable sac de noeuds, ces projets. Jisoo se donnait des crampes au cerveau sans parvenir à comprendre comment les choses étaient censées fonctionner, ce qui ne l'aidait en rien. Un petit soupir avait franchi la barrière de ses lèvres alors qu'il reposait les yeux sur son travail à peine terminer. « Hm... Non, normalement pas... » Mais en était-il encore sûr ? Il avait changé toute son installation tellement de fois qu'il n'en était plus certain. « C'est pour un concours. » dit-il en fronçant les sourcils. « Mais ça n'est pas très concluant, je dois dire... » Il avait essayé de faire quelque chose de relativement simple. « C'est un robot... Enfin, censé être un robot… » Vraiment petit, et pas forcément solide, mais les câbles étaient là, ainsi que toutes les pièces dont il avait besoin. De la récup, pour la grande majorité. Le problème, c'est qu'il refusait de fonctionner. « Ah mince... » Bon, il ne pouvait pas lui en vouloir,  chacun avait ses problèmes...

« Mais tu étudies quoi, du coup ? » Avec un peu de chance, elle pourrait malgré tout l'aider. Ajouter son nom à sa participation n'était pas un problème à ses yeux. La plupart des découvertes importantes étaient réalisées par des équipes entières, alors il aurait été stupide de jouer aux égoïstes, surtout si elle participait. « Attends, bouge pas, je vais aller rétablir le courant… » Par chance, le local électrique n’était pas très loin.  Il débrancha son installation une fois de plus avant de rejoindre le local en question, remonta le fusible de sa chambre, puis revint en courant. « Voilà, ça devrait être bon. » Sur le sol, un véritable désordre de matériel mécanique… « Promis, je suis moins désordonné habituellement. » Un petit rire lui avait échappé.

Yami se retint presque de soupirer face au jeune homme qui semblait perdu dans ses idées. Elle n’était pas agacée, même si elle avait mieux à faire que d’attendre des explications claires. Elle avait accepté de l’aider et elle irait jusqu’au bout de sa promesse. Surtout, qu’elle était elle aussi passée par là, lors de nuits interminables où ses codes ne fonctionnaient pas et elle avait beau repasser chaque ligne au peigne fin, elle n’y comprenait rien. Elle se disait chanceuse de ne pas avoir à porter de lunettes encore, alors que ses yeux collaient un écran toute la journée et tous les jours.
La japonaise commença par quelques questions. Autant aller par éliminations pour recentrer où se situait le problème. « Un robot ? » Elle ne put cacher sa surprise. Elle-même savait que c’était beaucoup de travail et qu’il ne suffisait pas d’un peu de chance pour arriver à en faire fonctionner un. Cependant elle fut désolée de remarquer qu’elle ne pouvait être l’aide que Jisoo recherchait. Elle ne faisait pas d’électricité. « Il faut un programme pour faire fonctionner le robot, pour ça je pourrais t’aider si tu as toujours besoin de mon aide. » elle l’avait un peu devancé dans sa prochaine question mais y répondit quand même. « Je fais des programmes informatiques, de tous types même si je suis plus spécialisée dans la cybersécurité. » Elle attendait presque les remarques qui suivaient généralement ce genre d’affirmations. Elle avait tout eu, des gens qui lui disaient qu’elle était trop mignonne pour coder toute la journée, qu’elle ne donnait pas l’air d’être si forte en mathématiques ou encore qu’elle pouvait bénéficier de tous les garçons de sa promotion. Il était vrai que ça restait un milieu encore misogyne, mais Yami était prête à battre quiconque lui mettrait des bâtons dans les roues. Et si être première de classe n’était pas suffisant, elle avait sa rhétorique.

Jisoo se leva pour rallumer la lumière. Yami ferma les yeux à cause du changement brusque mais les rouvrit une fois habituée à la nouvelle luminosité. Elle remarqua le désordre de la chambre, peu habituée par un tel spectacle (sa colocataire était très ordonnée). Elle rit en voyant l’embarras sur le visage du garçon. « Peut-être en rangeant, tu serais plus organisé pour travailler. » Ce n’était pas un reproche, simplement une suggestion donnée sur un ton doux. « Si on rangeait avant de commencer quoique ce soit ? » Laissant ses affaires dans un coin, la japonaise se leva, prête à se mettre à la tâche.

Ce manque d’organisation était un vrai problème. Il lui aurait fallu une table magnétique, comme celle qu’il y avait dans le film les nouveaux héros. Mais il n’en avait pas, et tout ce qu’il laissait derrière lui, c’était un indéfinissable chaos. Jisoo le savait, et pourtant il ne pouvait rien y changer. Il rangeait, pour ensuite remettre le tout dans le désordre le plus total, pour ranger à nouveau. Une boucle interminable dont on ne savait jamais vraiment trouver le commencement. Le chaos origine de l’ordre ? L’ordre origine du chaos ? Il ne cherchait même plus à le découvrir. « Oui, enfin. Hm. » Pour l’instant, ça ne ressemblait pas à grand-chose. Il n’était pas encore assez avancé dans ses études pour comprendre toutes les ficelles et pour savoir ce qui devait fonctionner et comment… Tout ce qu’il avait pour l’instant, c’étaient des cours de sciences appliquées, du moins pour la plus grande partie. Mais il n’avait pas envie de laisser tomber pour autant. « Oh, je veux bien. Ça serait vraiment cool, en fait. » Cette fille était donc bien un cadeau du ciel. Un sourire avait étiré le visage du jeune homme alors qu’il l’écoutait, hochant la tête à son explication. « Cybersécurité… Les antivirus, tout ça ? Ça a l’air super intéressant ! » Avec la création qu’il avait faite, il osait à peine affirmer qu’il étudiait l’ingénierie… « Pardon je m’y connais pas du tout. » Il apprenait, oui, mais il n’en était que là.

« C’est pas faux… » C’est qu’il était bien embêté de devoir montrer à cette fille l’état de sa chambre. Il n’était pas forcément timide, mais sa chambre… Oui, sa chambre était un peu comme son atelier, un temple où il n’aurait normalement pas laissé entrer n’importe qui, si ce n’étaient ses colocataires et leurs amis, et principalement parce qu’il n’aurait pas eu d’autre choix. « Oui, bonne idée. Hm… Tu veux un café ? » Oui, un café pour ranger, c’était toujours utile. « Pardon, je veux dire, euh… Je vais trouver une boîte pour les petites pièces… Tu peux m’aider à trouver celles-ci, s’il te plaît ? » Et sur ces mots, il lui désigna un petit écrou placé au creux de sa paume… À croire qu’il n’avait vraiment aucun ordre… Ou qu’il utilisait beaucoup de pièces pour décider de ne pas s’en servir ensuite.

Yami devait avouer qu’elle avait ignoré qu’un garçon étudiait la robotique dans sa fratrie. Elle devait avouer qu’elle ne savait pas beaucoup de choses sur les cheonglyong à force de rester dans son coin à trop étudier. Elle ne connaissait réellement que sa colocataire et savait qu’un certain Jaehwan continuait de la harceler pour qu’elle prenne soin d’elle, en vain. Mais avec ce Jisoo, elle se sentirait un peu moins seule sûrement. Elle pourrait enfin discuter d’informatique, de programmes, en espérant qu’elle ne passerait pas trop pour la nerd de la fratrie. Cependant, il valait peut-être mieux ça que de passer encore pour la matérialiste capitaliste et superficielle.

Le serveuse expliqua rapidement ce qu’elle faisait, précisant qu’elle était vraiment plus sur les programmes que la mécanique même des robots (elle était capable d’en faire fonctionner un, peut-être moins de les construire avec les moteurs à monter correctement). « Plus comme, je fais des programmes pour protéger des données. Un peu comme un anti-virus mais en plus ciblé et amélioré. » Son objectif était vraiment de travailler pour les banques, d’avoir ce pouvoir sur ces grands groupes qui contrôlaient déjà le monde. Néanmoins, avant de travailler il fallait qu’ils s’organisent. C’était impossible de travailler dans ces conditions, surtout pour Yami qui, d’habitude à part un ordinateur et un carnet ne s’étalait jamais dans ses affaires. « Je veux bien, merci. » Elle venait d’en finir mais elle était déjà perdue dans son addiction pour la caféine alors elle avait du mal à refuser un café lorsque ça lui était proposé aussi gentiment. La japonaise ne put s’empêcher de rire face au désordre, même chez le garçon. « Écoute, pourquoi tu ne chercherais pas cette petite boite pour les petites pièce et je vais chercher deux cafés, je reviens pour t’aider à trouver les… ça. » Son coréen lui faisait encore défaut, elle n’avait aucune idée de comment se disait ‘écrou’ dans cette langue. Laissant son ordinateur dans un coin, elle rangea le reste de ses affaires dans son sac à dos pour commencer quelque part et s’absenta quelques minutes le temps de remplir deux tasses pour revenir aussitôt.

« Tiens. » Dit-elle en tendant la tasse à Jisoo avant de boire une gorgée dans la sienne et s’accroupir pour commencer à ramasser les écrous. « C’est bien ceux-là ? » Elle continua jusqu’à remplir la petite boite, c’est qu’il y en avait beaucoup. « Si t’as un élastique, on peut rassembler les câbles ensembles après. » Elle parlait des petits câbles en cuivre tout fin qui servait pour les connexion entre boutons surtout.

Au milieu de tous les médecins que renfermait cette fraternité, Jisoo avait parfois un peu de mal à trouver sa place, alors discuter avec une fille comme Yami, c’était rafraîchissant. En plus, il avait trop souvent vu des gars qui prétendaient que les femmes n’avaient pas à exercer ce genre de métiers que pour ne pas être heureux de voir une demoiselle s’intéresser au milieu. Un bon moyen de donner tort à tous ces crétins qui refusaient d’admettre l’arrivée d’un siècle nouveau. « Oh je vois ! C’est cool. Tu vises quoi avec ça ? Fin t’aimerais bosser dans quoi précisément ? » C’est qu’il y avait beaucoup de possibilités, quand il était question de technologie, et que les applications étaient bien plus nombreuses qu’on pouvait parfois les imaginer. Certaines personnes avaient l’esprit trop étroit pour toutes les évaluer, hélas. Ces mêmes personnes qui se contentaient de rabâcher dans la moindre réflexion que les jeux vidéo rendaient violents ou que les artistes étaient tous des ratés. Par chance, ses parents n’avaient jamais été comme ça. « Okay, on fait ça. »  Un petit rire lui avait échappé, nerveux plus qu’autre chose, alors qu’il se précipitait à genoux pour chercher la boîte qu’il avait bien dû laisser trainer quelque part.

Le temps que la demoiselle revienne, il avait commencé à ranger le désordre dans lequel ils se trouvaient, distrait par l’arrivée de la jeune femme. « Merci ! » Il avait pris une gorgée de café et posé sa tasse sur le côté avant de continuer sa collecte. Il y en avait bien trop pour ce qu’il avait utilisé… Encore une fois, son manque d’organisation était flagrant. « Ouep, c’est bien ça. Merci. » Ils avaient rapidement rempli la boîte, alors que Jisoo cherchait des yeux un élastique. « Hm… J’ai des petits élastiques comme ça, là. »  Il en sortit un, essayant de l’étirer pour que celui-ci éclate et lui fonce en plein nez, lui arrachant une grimace. « Non mais le danger public quoi… » Il soupira avant d’en prendre un autre. « Tu crois que ça fera l’affaire ? » Il en avait une petite boîte qu’il laissa ouverte alors qu’il s’occupait de rassembler les fils. « Mais du coup t’as jamais monté un truc ? »

C’était toujours quitte ou double. Yami appréciait que rarement ce genre de questions sur ses envies, ses projets professionnels ou personnels. Elle avait pour habitude de dire la vérité (pourquoi mentirait-elle sur ce qu’elle avait envie de faire?), d’expliquer ses motivations qui la faisait avancer dans ses choix. Seulement, c’étaient précisément pour ces raisons que les avis des gens changeaient à son sujet. Aussi rapide qu’une girouette, elle pouvait passer d’un début d’amitié à un regard froid qui jugeait la japonaise de la tête aux pieds. Alors, elle hésita avant de répondre, pesant les pour et les contre avant de prendre la parole. « L’idéal serait de travailler sur la sécurité des banques. » Elle sourit, essayant de ne pas paraître trop ambitieuse. Néanmoins, elle n’avait pas encore donné ses raisons. Le fait qu’elle ne cherchait qu’à s’enrichir et devenir importante pour la société. Mais déjà un certain chinois lui avait dit qu’il s’agissait d’une vie triste, elle ne voulait pas revivre le même scénario. « Dans la cyber-sécurité surtout. »

L’idée de commencer par du rangement était lancée, et Yami se chargea des cafés pour qu’ils puissent continuer de travailler avec un peu plus d’énergie. La japonaise ne faisait aucun commentaire, par politesse et parce qu’elle commençait à peine à parler avec le garçon, mais son visage en disait long sur ce qu’elle pensait de ce désordre. Jisoo lui montra les élastiques demandés alors qu’un lui éclate au visage. Par réflexe, Yami eut un mouvement de recul avant d’éclater de rire. « Désolée. » Réussit-elle à dire malgré son rire incessant. « Oui, c’est tellement dangereux on devrait les mettre sous cage. » Elle se tentait à l’humour et malgré toutes ses tentatives ratées, elle continuait de s’y essayer. Yami n’était pas drôle et son humour finissait toujours par devenir maladroit, voire gênant. « Oui, ça suffira. » Elle saisit l’élastique et continua à ranger les fils électriques. Elle fut cependant surprise par la dernière question. « Monter un truc… Comme créer un programme ou monter une entreprise ? » Car si c’était ce dernier, elle se demandait bien pourquoi les Cheonglyong semblaient tous obsédés par cette envie de créer leur entreprise. Déjà Kô lui en avait parlé, un soir alors qu’il la raccompagnait depuis son restaurant, et là de nouveau… « Tu voudrais me proposer un plan ? On pourrait faire notre boite d’informatique à deux. » Finit-elle dans un sourire, sauf qu’elle avait tout sauf envie de ça. Yami était indépendante, elle était carriériste et cherchait le pouvoir et l’argent principalement. « Mais, et toi ? Tu as déjà des projets ? T’es encore jeune non ? » Elle n’avait aucune idée de l’âge du garçon, juste qu’elle pouvait deviner qu’elle était au moins plus âgée.

La sécurité des banques ? Jisoo la fixa pendant quelques secondes, imaginant sans peine toutes les difficultés que ça pouvait sous-entendre. « Oh, je vois. Ça a l’air super chaud, mais j’imagine que c’est comme pour tout, genre si tu bosses dur ça finit par fonctionner. » Mais lui, il était admiratif, parce que même s’il souhaitait devenir ingénieur et travaillait très dur dans ce but, tout ce qui relevait de la sécurité informatique l’effrayait un peu. Pas au point de ne pas savoir quoi faire, certes, mais tout de même. Il n’avait pas de grandes connaissances en la matière, alors avoir pour vocation de travailler dans les organisations qui géraient l’argent des autres… C’était beaucoup de responsabilité. « Genre lutter contre les piratages et tous ces trucs ? » Un rire lui échappa. « Pardon, mes connaissances là-dedans, ça se limite un peu aux clichés de la télé, je me doute que ça ne se limite pas à ça. » Mais il admettait ne pas être le plus doué pour combattre ces clichés, hélas. Au moins, il le reconnaissait, non ?

Il secoua la tête après l’éclatement soudain de l’élastique. « T’en fais pas. » Puis, il reposa les yeux sur elle avant de rire doucement à sa plaisanterie. « Ça serait pas un mauvais plan. Une cage à élastique. Je vais ajouter ça à ma liste d’inventions foireuses. » Il fit mine de se masser le menton avant de rire doucement. À croire que lui non plus n’était pas très doué en matière de plaisanterie. « Ouais, genre un programme ou un appareil, je sais pas… » Lui, il n’avait pas trop envie de monter un business. Il voulait travailler pour une organisation spatiale, ou pour un truc du genre, s’il en avait l’occasion. C’était pas gagné, il le savait, mais il avait bon espoir d’y arriver un jour, en travaillant difficilement. « Ah, non, non, j’aimerais travailler pour une organisation spatiale, en tant qu’ingénieur. » Un petit rire lui était venu. « Non, j’ai rien de très concret… Fin à part ce que j’ai dit, mais si ça se trouve je vais encore changer d’avis en cours de route… » Il haussa les épaules alors qu’il finissait de rassembler les boulons et entreprenait de réunir les câbles, comme la demoiselle l’avait suggéré. « Bah j’ai 19 ans quoi. » dit-il en riant un peu. « Et toi du coup, tu veux bosser pour un truc existant ? » C’est qu’elle lui avait parlé d’entreprise alors il était curieux, désormais.