Matin difficile pour lui, l’américain avait mal dormis. Le visage encore fatigué de la veille, il n’avait cessé de tourner sans trouver le sommeil. Tout lui paraisait trop étrange. Comme si tout ça n’était qu’une mauvaise plaisanterie. Un jour, une seule nuit passée à l’extérieur.. et il se sentait pourtant si mal à l’aise. Cet appartement, aussi chaleureux soit-il, avait un goût d’amertume. Au bout d’un moment, il finissait par se lever. Aller dans la cuisine. L’endroit était vide, silencieux. Il avait cru entendre Jay partir tôt. Un petit mot même sur la table, avec un paquet de céréales. Ses préférés… à croire que son cousin avait pensé à tout. Et il avait finalement un sourire sur les lèvres… un pincement au cœur avant qu’il ne se souvienne. Jay ne vivait pas seul ici… et ça l’avait… surprit. Choqué peut-être plus. Surtout quand il avait croisé le regard de sa belle. Ex petite amie… pour lui. Sans rien dire, il avait juste joué la comédie. Mais il avait du mal à réaliser. Poussant un soupir, il prit un bol de lait, s’installa tranquillement sur une chaise. Gêné presque d’être ici. Il n’avait plus ses manies. Plus besoin de se lever, s’habiller à l’aube, attendre debout qu’on vienne le chercher pour aller se laver. Et finalement il était un peu perdu… il avait attendu ça longtemps. Mais sortir de prison était un vrai choc à ses yeux. Il pouvait faire comme chez lui ici, mais avait-il vraiment un endroit à lui ? Ses affaires retrouvées, il avait les mêmes vêtements qu’à ses vingt ans. De quoi avait-il l’air ? D’un gosse ? Surement un peu. Mais il était loin de penser à tout ça. Il restait dans son coin, à manger des céréales. Il se prit à regarder dehors, observer par la fenêtre. Un trop plein de liberté, d’espace dont il n’avait plus l’habitude. Et à l’idée qu’il puisse devoir sortir aujourd’hui, il se sentait angoissé. Il avait rendez-vous avec son agent de probation. C’était important, mais il craignait de se retrouver à faire ces choses seul. Reprendre les transports, aller chercher de l’argent… croisé du monde. Beaucoup de monde par rapport à là-bas. N’était-ce pas angoissant ? Pensif, il sursautait en croisant Aelan derrière lui. Comme si il avait fini par ne plus y penser… n’était-elle pas occupée aujourd’hui ? Il ne savait même plus le jour…

Aelan n’arrivait pas à se remettre du choc. Elle avait su faire semblant devant Jay sans réellement savoir comment, mais l’image obsédante de Jed passant le pas de la porte ne cessait de la hanter. Comme une mauvaise blague du destin, le genre de Karma qu’elle ne comprenait pas mériter. Pourquoi les choses se jouaient d’elle ainsi ? Qu’avait-elle fait pour mériter une telle farce ? De celle qui vous brise le cœur. Elle avait un million de pensées qui se bousculaient dans sa tête. Elle ne comprenait pas. L’avait-il oublié ? L’aimait-il encore ? Et elle ? Avait-elle toujours des sentiments pour lui ? Si elle se persuadait que non, que tout ça n’était que lié au passé qu’ils avaient connu, mais qu’elle avait tourné la page depuis longtemps, elle ne comprenait pas cette sensation d’oppression dans la poitrine. Comme un mensonge honteux qui ne demandait qu’à sortir. Elle secoua la tête, c’était beaucoup trop dur pour elle d’y faire face comme ça, aussi soudainement. Jed faisait partie du passé. Qu’était-il à part un amour de jeunesse ? Jaylen l’avait aidé à se reconstruire, à remonter la pente, à s’accepter, à ne pas craquer quand tout lui paraissait insurmontable. Il lui a fait accepter son handicap, tout du moins il essaye encore, mais il tend à la faire s’épanouir. C’était tout ce qui importait. La situation délicate devra s’apaiser dans les jours à venir car Aelan ne se voyait pas cacher de telles choses à son petit ami, et pourtant les mots lui manquaient. Elle avait passé une partie de la nuit assise dans le canapé en étant bien incapable de dormir, peut-être même aussi, si elle pouvait se l’avouer, qu’elle était restée debout dans l’espoir de croiser Jed, peut-être de lui parler ? Mais cette folie était vaine. Elle ne saurait d’ailleurs quoi lui dire. Elle avait besoin de temps, lui aussi. Leur histoire ne s’était pas terminée comme ils l’auraient présagés. Ils s’étaient bêtement cru destinés, deux amants prêts à vivre une vie pleine d’amour. Deux enfants, deux idiots, on ne saurait faire la différence … Aelan s’était alors réfugiée dans les bras de son petit ami, le seul endroit qu’elle avait trouvé rassurant à cet instant. Soupirant d’aise alors que Jaylen l’entourait de ses bras pour la garder contre lui en dormant, elle finit par trouver le sommeil, bien que sa nuit fut courte. Elle retint Jay plus longtemps qu’elle ne l’aurait dû alors qu’il devait partir pour le boulot. Un baiser, une dernière étreinte et elle l’avait laissé quitter les draps. Ce matin-là en se levant, Aelan savait, que tout allait changer. Tout. Trainant des pieds jusqu’à la cuisine, elle aurait presque oublié la présence de Jed, presque – si son esprit n’était pas obsédé par son retour – oui, presque. Elle entra dans la cuisine et fut forcé de constater qu’il était bel et bien là. Elle déglutit, s’apprêtait à signer par reflexe, mais souffla simplement « Salut … » elle tira sur son pyjama le trouvant soudainement trop court bien que cet homme avait tout connu d’elle. Le premier à lui avoir volé son cœur, découvert son corps, et aimé … Elle ne sait quoi dire, quoi faire, ose à peine lui tourner le dos de peur de manquer une phrase, une question, alors sans s’en rendre compte elle le fixe. Bien qu’elle ouvre le frigo ou les placards son visage se tourne constamment vers le garçon. Etait-elle gênante ? Aelan était craintive. Elle ne savait pas comment lui dire pour son handicap, peut-être que dans le fond elle ne voulait pas qu’il la voit différemment que la femme qu’elle avait été pour lui … ? Elle lui serre un verre de jus d’orange et s’approche pour le lui tendre timidement « Tu … as soif ? »

Un sursaut, un souvenir qui lui revenait en mémoire. Il aurait pu en sourire, en prison il y pensait… au début c’était dur, mais parfois c’était doux. Pourtant aujourd’hui ça n’avait rien d’une délivrance. C’était douloureux, pesant. Tout comme ce regard qu’elle posait sur lui. Il déglutit, détourne les yeux déjà. Incapable de répondre, le son de sa voix lui avait cruellement manqué. Mais ce n’était qu’une hérésie. Quelque chose de confortable à laquelle il pensait de temps en temps. Même si il lui en avait voulu. Même si il avait cru à eux… il n’était qu’un gosse. Alors il avait accepté l’idée. Mais jamais il n’avait pensé la voir ici. Se réfugier dans leurs souvenirs c’était agréable. Un moyen de laisser son esprit s’échapper. Et quelque fois il se méprenait... savait-elle que de là où elle se trouvait. Malgré leur rupture, la fin de leur histoire. Elle l’avait parfois sauvé ? Il en rirait, s’il en avait la force. Mais la prison l’avait changé. Il le savait… inspirant doucement, il voulait rester concentré sur son bol. Aussi ridicule que cela pouvait être. Il espérait pouvoir la fuir ainsi. Mais c’était sans compter sur ce verre qu’elle lui tenait. Silencieux, il relevait les yeux vers elle. Et il savait qu’il n’aurait pas dut… car à la seconde où il croisait son regard, son cœur se brisait… Des secondes entières, où il se rappelait. Ses rires, ses sourires… le son de sa voix. Ses étreintes… si rassurantes. Si douces… lui qui manquait cruellement de contact humain. Lui qui n’avait plus connu de femmes depuis elle… il se sentait souillé tout à coup. Ecœuré, sans savoir si ça venait d’elle ou de lui. Surement de ces autres gestes qui le rendait fou. Ces piqures de rappel quand il était démuni. Un frisson lui parcours la peau, alors qu’il se recule. « Non. » sa réponse est brève. Douloureuse aussi. Et il se lève, fait grincer sa chaise pour récupérer son bol. Quoi lui dire ? Rien. Il ne comprenait pas. C’était déjà si dur d’être là. Hier encore il s’était levé dans cette cellule. Hier encore, il croisait le regard de ces hommes qu’il détestait. Il n’a pas envie de parler. Encore moins de savoir pourquoi elle est ici. De tous les hommes sur cette terre il fallait qu’elle choisisse son cousin. Savait-elle ? Non, bien sûr que non. Elle avait eu l’air si surprise en le voyant. Il ne savait pas quoi dire. Trop de choses à régler dans son esprit surement. Il n’était pas préparé à l’affronter. Encore moins devoir gérer un tel problème à sa sortie. Alors il préférait fuir. Se cacher comme il le pouvait. Et il parti dans sa chambre… s’enfermer… 

 

Rien qu’une seconde où elle avait vu son cœur se briser. Son regard se voiler et la réalité les rattraper. Elle avait pu voir, rien qu’une seconde, la douleur dans son regard. Cette façon qu’il avait eu de se reculer, de lui dire non. Tout était fini, pas vrai ? Et si elle avait pu l’attendre des mois entiers, aujourd’hui tout était très claire. Elle n’arrivait pas réellement à cerner son attitude, à comprendre ce qui le motivait … était-il toujours furieux après elle ? Finalement sa froideur et sa colère envers elle n’était peut-être dû qu’à cette rage qu’il avait d’elle ? Lui qui n’avait pas voulu la voir, la trouver … Il lui en voulait. Oui, c’était évident. Il était en colère contre elle. Il la détestait même, allant jusqu’à ne plus supporter sa présence. A cette constatation le cœur d’Aelan lâcha. Il se brisa dans le peu plus. La laissant à peine respirer. C’était plus dur encore que de le voir souriant avec elle. Parce que cela voulait dire qu’il ne voulait plus d’elle … Plus jamais. Qu’il ne pouvait supporter sa vision et sa simple présence. Comment pouvait-on supporter l’idée d’être détesté par la seule personne qu’on avait jamais aimée aussi fort ? Aelan vacilla alors que les larmes lui montèrent aux yeux et jamais elle n’avait eu autant besoin de Jaylen. Le seul qui l’empêchait de s’effondrer. Quand Aelan réalisa les jours suivants à quel point Jed la fuyait elle s’était réfugié dans sa chambre, en sortant à peine, et passant la plupart de ses journées à la fraternité. Elle ne pouvait supporter son attitude. Passant une main dans ses cheveux elle entra chez Jay ce jour-là avec des plats à emporter. Elle en avait pris pour tout le monde, espérant que … Que quoi ? Qu’il cesse d’être aussi distant avec elle ? Qu’espérait-elle ? Elle en devenait ridicule. Il la fuyait constamment, et Jaylen ne semblait rien remarquer. Trop heureux de les avoir. Jamais Aelan ne s’était montré aussi attentionnée avec lui, craignant que leur monde ne bascule et n’éclate. Elle n’était pas prête … pas prête à perdre Jay. Elle l’aimait beaucoup trop pour ça. Elle déposa les plats dans la cuisine et chercha son petit ami, avant d’apercevoir la porte de chambre d’ami entrouverte. Elle déglutit un instant et se décide d’y aller, allait-il l’ignorer pour le reste de sa vie ? Si dans un premier temps la jeune femme ressentait de la tristesse, elle avait fini par se sentir plus en colère et agacée. Elle ne comprenait pas Aelan, mais il ne lui expliquait pas non plus. Prenant son courage à deux mains, elle entra dans la chambre en toquant et souffla « J’ai ramené des … qu’est-ce que tu fais ? » fit-elle surprise, prise de court et déroutée par les affaires qu’il … rangeait dans ses sacs. Partait-il ? « Tu pars ? » et cette simple constatation lui donna l’amère sensation d’être abandonnée à nouveau.

Les jours qui suivirent, il n’était pas plus aimable que ça. Il faisait semblant pour Jay, pour ne jamais à avoir à s’expliquer. Les quelques fois où il était seul, il préférait dire qu’il avait du mal à gérer. Que c’était un grand changement dans sa vie. Mais que tout allait bien. Oh oui, ça il le disait souvent à Jay. T’en fais pas, tout va bien. Mais en réalité, il lui mentait. Pour le protéger, parce qu’il craignait de lui dire la vérité. Pas seulement pour Aelan, mais pour tout le reste. La prison l’avait détruite… ces journées parfois à se haïr, se trouver horrible. Et vouloir en finir pour sortir de là. Ces heures à pleurer comme un gosse. Retrouver la force de se battre, et parfois céder… appeler ses parents… il l’avait fait. Parce qu’il n’était qu’un gamin, qui souriait encore à son cousin quand il venait le voir. Jamais pour l’inquiéter. C’est chiant, mais ça ira. Disait-il souvent… alors quand il avait osé appeler sa famille, il avait retenu ses larmes. Quatre années qu’il ne leur avait pas parlé… et il avait à peine prononcé quelques mots. Sa mère inquiète, mais trop vite il avait menti. C’est compliqué… j’aimerais que vous vous reparliez… et c’était tout… il n’avait pas eu la force de leur dire qu’il était en prison. Qu’il était perdu, démuni et terriblement seul. Personne ne pouvait savoir ce que ça faisait. A moins d’y être passé. Jed était un garçon plein de vie. Plein de rêves et toujours libre… mais là-bas il n’avait été que l’ombre d elui même. Incapable parfois de se défendre. C’était surtout ça qui l’avait abimé. Parce qu’il s’était senti fragile… conscient lui-même qu’il n’était pas un surhomme. Qu’il ne pouvait pas toujours s’en sortir… Alors il savait qu’il n’était pas toujours aimable. Pas toujours conscient de ce qu’il faisait vivre à Aelan. Mais il avait trop de choses à penser. Il en était parfois désolé. Puis parfois la colère aussi… incapable de comprendre, le sort s’acharnait contre lui. Loin de vouloir se morfondre, il préférait juste nier la réalité. S’il l’évitait, au moins elle n’existait pas dans sa vie… et c’était plus facile ainsi. Après de longues discussions, avec ses proches, il avait fini par se décider à retourner à l’université. Enfin, pouvoir y aller ! Jay l’avait persuadé, c’était une bonne chose pour lui. Et son rêve depuis qu’il avait vingt ans. Alors il s’était donné à fond dans ces cours du soir. Et pour enfin avoir le droit d’y aller. Impatient presque, il avait besoin de fuir. De construire sa propre vie ailleurs. Deux long mois étaient passés. Et il ne supportait plus d’être ici. Le monde était trop vaste pour lui… l’extérieur trop hostile. Mais il tentait de s’en accommoder. Dans sa chambre, il faisait déjà son sac quand Aelan arriva. Lui jetant un regard, il jetait un vieux vêtement dedans « Oui. » c’était toujours bref. Il en avait conscience. Il ne savait pas si Jay lui avait parlé de ses projets. Jed ne l’ébruitait pas. Parce qu’il n’avait plus réellement eut confiance en lui. Quand la lettre était arrivée, c’était avec son cousin qu’il l’avait ouverte. Déglutissant, il ne la regardait plus. Attrapant ses affaires « Je vais à l’université. » une bonne nouvelle en réalité. Mais il était un peu froid. Se tournant, il prit quelques vêtements « J’ai reçu la lettre. » l’avait-elle entendu ? Il lui tournait le dos « Je crois que c’est mieux pour tout le monde. » osait-il dire avant de lui faire face. Et lui jeter un regard… presque désolé. Parce qu’il savait que tout était compliqué. Il lui en voulait mais ce n’était pas aussi réducteur que ça. C’était difficile à admettre… mais jamais ils n’avaient pris le temps de parler. Il ignorait le problème, pour ne pas l’affronter. « J’ai une chambre là-bas. » lâchait-il. « Jay le sait. C’est lui qui m’a encouragé. » il préférait le dire avant qu’elle ne se méprenne. « Il a dit qu’il viendrait me voir quand je serais installé. » son cousin le savait. Jed avait besoin de se retrouver. Se reconstruire et aller à l’université c’était une bonne chose. Un premier pas vers une vie normale… 

Oui. C’était aussi simple que ça. Bref et concis. Et moi ? Un cri du cœur qu’elle n’avait pas su voir venir. Ça la frappait comme une évidence. Et moi Jed ? Tu fais quoi de moi ? Je vais devoir te laisser partir encore ? Tu vas à nouveau me tourner le dos ? Me quitter. Comme je t’ai quitté ? Si seulement j’avais pu t’expliquer les choses clairement. Elle n’avait pas osé, elle n’avait pas su l’accabler plus encore, lui parler de l’accident revenait à lui parler de la machine. Cette machine qu’il n’avait pas vérifiée. Cette machine qui aura causé la surdité et le handicap de la jeune femme. Il avait, en voulant sauver son cousin, détruit l’avenir de sa petite amie. Il avait blessé la femme qu’il aimait au point de la faire atterrir à l’hôpital … jouant pas de sa vie, mais la blessant … assez pour que son avenir bascule. Alors comment pouvait-elle l’accablée plus encore ? Le rendre responsable de son handicap alors qu’il devait faire face à tant d’année de prison et d’une justice bien trop sévère ? Elle l’aimait, l’aimerait de la première à la dernière seconde de sa vie, elle ne pouvait que l’aimer tout le reste de sa vie, elle le savait, mais la réalité était toujours bien différente et l’amour ne suffisait pas toujours. La fin de leur relation n’avait été qu’une succession de chaos et de leur histoire idyllique il ne restait que les cendres d’un amour passionnel qui avait fini par s’embraser. Des jours durant elle avait réfléchis à ce qu’ils étaient devenus, à ces non-dits, peut-être que les choses auraient été différente s’ils avaient pu parler. Elle refusait de croire que leur derniers jours d’amour n’avait été ponctué que de mise en garde et de supplique. Elle refusait de le perdre pour une telle connerie et … malgré tout son amour elle n’avait pu éviter ça. Elle avait ignoré les remarques de sa mère et le regard triste de son beau-père. Tant de douleur qui aurait pu être évité. Mais on ne refaisait pas le passé, et il était bien difficile de construire l’avenir. Elle retient une supplique en pinçant ses lèvres. Finalement leur quotidien était semblable à celui qu’ils avaient des années en arrière. Elle ne comprend pas tout, il ne sait pas qu’il faut s’adresser à elle de face, qu’importe, elle tente de suivre ses propos. Avise la lettre sur le lit, comprend le mot université. Elle se saisit du papier pour le lire, déglutit, reconnait le cachet de son école. Sait qu’il la quitte à nouveau, mais ne réalise pas encore à quel point le destin se joue d’eux. Elle n’est pas capable de lui dire, il semble bien trop pressé de la fuir et de la quitter, encore. Finalement rien ne change, pas vrai ? La seule constante dans sa vie reste Jay, celui qui rentre et reviens toujours vers elle quand Jed, lui, passe son temps à courir ailleurs, loin d’elle. Elle le sait, son american boy, est un électron libre qu’elle a su canaliser tant d’années. Mais elle devait bien se rendre à l’évidence elle n’a jamais été son premier choix. Il l’aimait, mais il aimait son cousin plus encore. Elle repose la lettre, le silence de la chambre fait écho au silence dans lequel elle vit depuis tant d’année maintenant. Elle pose son regard sur lui, peine à cacher son émotion, aimerait qu’il lise dans son regard tout ce qu’elle ne sait comment lui dire mais se contente de lui plier un t-shirt qu’il venait de jeter dans son sac. Elle lui range proprement et déglutit. Peut-être que cette fois elle pourra le laisser partir en faisant les choses bien. Elle glisse sa mèche de cheveux derrière son oreille comme elle l’avait toujours fait et souffle, la voix cassée d’émotion qu’elle ne peut contenir. « C’est bien pour toi Jed … tu le mérites. » son sourire est triste mais elle est sincèrement heureuse pour lui. « Jed je … » il se doutait bien qu’elle allait vouloir lui parler, tout tendait à le comprendre, mais il la coupe et la jeune femme comprend qu’il n’est pas prêt, qu’ils ne le seront jamais vraiment dans le fond … Tristement elle plonge son regard dans le sien et souffle « très bien … » avant de s’incliner doucement pour lui montrer que malgré tout elle le respectait et sortie de la chambre en retenant ses larmes par miracles.

Ce n’était pas le bon moment pour parler. Ça ne l’était jamais. Et même après deux jours ça ne l’était toujours pas. Encore quelques cartons en main, l’américain finissait de s’installer ici. Il n’avait pas longtemps hésité à rejoindre les pyos. Mok, Moon… déjà quelques amis présents ici. Et ça lui faisait du bien de se couper du quotidien avec son cousin. Il adorait Jay, mais ces non-dits le rendaient fou. Trop soucieux pour tout ce qu’il devait gérer. Il avait encore besoin de temps. Pas à pas, il parviendrait à s’ouvrir. Et peut-être même à affronter Aelan… Ses deux cartons en main, il ne voyait pas où il avançait. Dans ces lieux, il avait l’air normal. C’était agréable finalement. Un premier pas vers une nouvelle vie il pensait. Il était loin d’être le genre de garçon à passer ses nuits à pleurer. Il était juste un peu perdu. Trop de monde autour de lui, c’était déstabilisant. A son travail, il n’avait que ses collègues et trop souvent il était planqué sur ses voitures. Il les appréciait, sortait quand même. Mais il était plus à l’aise dans un endroit petit et tranquille. A croire qu’il regrettait la prison… il aurait pu en rire. Mais il était encore trop seul, à gravir ces marches sans trop savoir où il allait. Jusqu’à ce qu’il se cogne dans une silhouette. Et fasse tout tomber ! « Shit ! » lâche-t-il dans un langage maternel. « Ça va ? » demande-t-il quand même avant d’apercevoir Aelan. Son cœur manque un battement, alors qu’il se recule et la dévisage. Pourquoi est-elle ici ? Dans les dortoirs de sa frat ? Il savait qu’elle était dans la même université. Mais elle était grande… si grande qu’il n’avait pas imaginé une seconde tomber sur elle. Et pas dans les premiers jours. Une plaisanterie ? Il en doutait. Détournant les yeux, il lâche un soupir « Qu’est-ce que tu fais ici ? » son ton était un peu dur, mais il avait presque marmonné. En réalité, il ne savait pas comment s’adresser à elle. Rassemblant, le peu d’affaires qu’il avait « T’es dans cette frat ? » il la suppliait presque des yeux. Dis-moi que non… mais il connaissait déjà la réponse n’est-ce pas ? Le sort était contre lui. 

C’est dur, de ne pas dire la vérité, mais pour quoi au final ? Briser une relation qui tenait bon depuis plus de deux ans ? Pourquoi irait-elle prendre le risque de tout gâcher et de perdre Jay pour un fantôme du passé qui ne voulait plus rien avoir à faire avec elle ? C’était sûrement cette partie la plus dure à supporter. Réaliser à quel point Jed avait tourné la page sur elle. Il ne lui portait ni intérêt ni attention alors qu’ils avaient été le centre du monde de l’autre pendant tellement de temps … Mais finalement tout tendait à prouver que leur histoire n’était pas faite pour durer. Deux mois idyllique, une séparation douloureuse sans même un mot. Ils étaient doués pour les silences. Se quitter sans même se le dire. A croire qu’ils ne cessaient de faire la même erreur. Encore et encore … toujours de la même façon : de la pire des façons. Elle ne sait comment réagir face à Jed et encore moins face à Jay. Alors elle se contente de faire comme si son premier amour n’était pas le cousin de son petit ami. Comme si leur passé ne la hantait pas depuis qu’elle l’avait revu et se forcer à croire qu’il se moquait d’elle. Après tout Jed avait connu tellement de femme. Carla. Des prénoms qui laissaient encore à Aelan un goût amer de trahison. Elle avait eu le droit d’avancer, de trouver l’amour à nouveau. Jed ne s’était pas privée d’aller chercher du réconfort ailleurs. Et si elle avait cru être unique à sa vie, la seule femme qu’il aime réellement, elle réalisait combien elle s’était trompée. Tout ça n’était que des rêves de gosses, parce qu’elle l’aimait tant … tant. Pas une seconde elle ne lui en avait voulu pour l’accident et pourtant elle aurait pu. Elle aurait dû, peut-être que tout aurait été plus facile pour elle à cet instant. Elle pose son regard sur son cahier, relisant ses notes alors qu’elle remontait dans le couloir. Elle aurait dû entendre les bruits de pas, mais seul le silence l’accompagnait. Elle heurta les cartons et prit un temps avant de réaliser ce qui se passait. Puis elle vit Jed, son visage se fermer et devenir aussi froid que la pierre. Ça lui fait mal, de voir l’effet qu’elle lui fait … ce garçon qui courait vers elle pour l’embrasser ne pouvait même plus poser son regard sur elle. Je te dégoûte tant que ça ? S’il savait … Elle baisse son visage pour s’épargner cette vision douloureuse et l’aide à ramasser ses affaires. Elle pose ses yeux sur sa bouche qu’elle devine bouger et lis sur ses lèvres. Elle se sent de trop soudainement, stupide d’être toujours partout dans sa vie, comme un poids qui gâchait tout. « Je suis désolée … » d’être là, d’être de trop, d’être là où tu ne veux pas que je sois. « Je serais discrète … » dit-elle avec une voix coupée de tristesse qu’elle pensait pourtant masquer correctement. Elle déglutit et ramasse les affaires de Jed en soufflant « J’vais t’aider. » elle parlait vite, craignant qu’il ne remarque à quel point sa voix pouvait changer. Elle se saisit d’un carton et s’éloigne déjà vers la porte ouverte qui était sa chambre. Il du surement lui parler mais elle s’enfuyait, ne faisant apparaitre là que son caractère borné.

Elle entra dans cette pièce qui serait désormais la sienne. Elle n’était pas encore imprégnée de son odeur mais ça ne saurait tarder. Déjà leur chambre d’ami avait des effluves de parfum qui lui faisait crier le cœur. Elle posa le carton sur le bureau, regarda tout autour d’elle, un espace vide qu’il remplirait de lui. Comme il l’avait fait de son cœur. Un cœur vide, sans amour, qu’il avait remplie de rire, de sa présence, de sa chaleur, de sa douceur, de son touché. Puis tout avait été figé. Dans une douleur incommensurable. Elle aimerait lui demander comme était la prison, s’il avait su s’en sortir indemne, car les douleurs de l’âme sont celles que l’on masque le plus souvent mais qui sont les plus douloureuses. Elle aimerait pouvoir lui demander : ça va ? mais elle savait ne pas en avoir le droit. Elle déglutit, avise un maillot de basket sur le haut d’un carton qu’elle déplie délicatement. Elle ne le connaissait que trop bien ce maillot, elle l’avait porté si souvent. Par reflexe elle le portant à son visage, en respirant l’odeur pour voir si son parfum a elle était toujours dessus. Evidemment que non, pas depuis trois ans … Mais le tissu était empli de Jed. Une odeur si familière que son cœur cria au supplice. Elle déglutit en sortant de ses pensées et se tourna vers Jed qui se mit alors à lui parler. Savait-il combien sa voix lui manquait ? Combien elle crevait pour entendre son timbre grave et rassurant. Elle donnerait tout ce qu’elle avait pour l’entendre murmurer son prénom dans le creux de l’oreille. Miss Sugar Pink. Accompagné d’un rire … Je veux t’entendre rire Jed. Mais elle était privée de ce don, de cette force, et n’avait que le silence pour simple compagnie. Elle réalise alors qu’elle serre contre elle le t-shirt tandis qu’il lui parle. Elle le fixe, lit sur ses lèvres, comprend qu’il ne parle pas que de la fraternité mais tout est trop compliqué pour qu’ils osent. Ils ont déjà été seuls dans une même pièce, mais jamais sa présence ne l’avait autant brûlé. Elle déglutit doucement et dépose le t-shirt tristement. Elle acquiesce à ses mots, sait qu’elle devrait disparaitre, le laisser … C’est dur. Elle se rapproche de lui, n’arrivera pas à parler, elle le sait. D’une main tremblante elle vient caresser sa joue. Le goût d’une histoire inachevée au bout des doigts. Elle retient son émotion mais il peut lire dans son regard tout ce qu’elle aurait voulu lui dire. Elle caresse sa joue tendrement, retrouvant rien qu’une seconde sa chaleur. Dieu que tu m’as manqué … ça fait mal ton absence, le sais-tu ? Elle croise son regard, se noie dedans rien qu’une seconde avant de se détacher et de quitter la chambre. C’était déjà bien trop ce qu’elle venait de faire … Elle serre contre elle son cahier et disparait à nouveau, lui offrant ce dos comme seul point final à leur histoire. Comme toujours.