Son rire brisait le silence de la pièce. Allongé à ses côtés, il avait retrouvé ses habitudes. La blottir contre lui, la regarder sans jamais pouvoir s’en détacher. Tout était léger entre eux… deux années qu’il ne l’avait pas vu. Mais pas un jour n’avait passé sans qu’il ne pense à elle. trop vite retomber entre ses bras, trop vite son cœur chavirait à nouveau… au même rythme que le sien. Et dans ce baiser, il lui faisait perdre ce sourire qu’il aimait tant… Cette chaleur rassurante, il s’en berçait souvent le soir. A simplement se souvenir d’elle. D’eux… peut-être avait-il cru qu’un jour il pourrait la revoir. Lui parler… mais pas aussi vite. Pas aussi rapidement. Tout était froid désormais. Et il se perdait, entre deux mondes. J’ai l’impression… que tout était hier Aelan… qu’elle était encore là. A rire tout contre lui, à embrasser sa peau. A croire à leurs rêves, tous aussi idiot qu’ils pouvaient être. Elle était la première dans son cœur, mais il n’était pas prêt peut-être… pas prêt à se sacrifier pour elle. Mais pour Jay si… et face à elle il n’a pas le courage de lui dire. De lui faire comprendre que tout est trop dur. Et cette main qu’il voit s’approcher. Il la craint… la redoute pourtant, il ne trouve pas la force de la repousser. Aelan est la dernière à l’avoir touchée… et la première depuis sa sortie… il le sait. Et malgré le malaise qu’il ressent, il se surprend à suspendre son souffle. A ressentir à nouveau cette chaleur l’envahir. Au creux du ventre, sur sa joue… sa paume chaude et rassurante… et il s’en voudrait si il soupirait. Si il craquait maintenant. Lui qui avait toujours tout retenu. Lui qui gardait tout enfoui… ça lui pesait. Mais son contact ne le dégoute pas… ça le réconforte en quelque sorte. Et une seconde plus tard, il se croit encore quelques années en arrière. Où tout était facile entre eux… Il ne dira rien. Gardera son regard dans le sien. Silencieux, tous les deux échangent sans avoir besoin de se briser davantage. Ils savent… tout était déjà fini… et lorsqu’elle s’éloigne lui tournant à nouveau le dos. Un flash d’un souvenir douloureux qui revenait… et cette fois encore il murmurait « Aelan… » il reste longtemps à observer la porte vide. Lâche peut-être aussi, il reprend ce maillot dans ses mains. Et hume l’odeur déposée… la sienne... celle qui lui avait manqué…
Ce soir-là, il est excédé. Les cours, le boulot, rien ne s’était passé comme il le voulait. Et ce psy si insistant. « Je ne veux plus y aller ! » « Ça fait partie du programme Jed. Tu es obligé. » « Je n’ai rien à lui dire. Tout va bien putain ! » Et il tentait encore de s’en convaincre. Mais il était parfois à bout. Comme ce soir. Une pression de plus sur ses épaules. Mais il n’était pas hors de lui. Il avait juste besoin de décompressé. De lâcher un peu cette tension. Alors il se retrouvait souvent à faire du sport. Même avant la prison, mais là-bas c’était pire. Un besoin vital, pour survivre. Tenir le coup. Souvent il se retrouvait à taper dans ce sac. Si brusquement, si brutalement… cette triste fenêtre aux barreaux. Qui donnait sur une cours trop morne. Un espoir fou, qu’il sortirait de là… intact. Mais la réalité était trop difficile. Avoir un suivi psychologique c’est normal. Il le savait. Mais trop secret il ne disait rien… Sur le terrain de basket, il faisait quelques paniers. Laissait l’air frais fouetter sa peau déjà humide. Il aimait s’exténuer. Pour trouver le sommeil plus facilement. Il ne s’était pas aperçu qu’il n’était plus seul. Qu’un regard curieux l’observait… le sien. Jamais oppressant. Trop rassurant… Jed était ailleurs. Peut-être loin de tout. Des autres parfois… même de lui. Faisant claquer son ballon, il la vit enfin. Juste là à quelques mètres. Et son cœur s’arrêtait déjà… son geste suspendu. Il ne savait pas… pourquoi elle était venue. Un hasard encore ? Et pourtant ses pas l’approchaient d’elle. Essoufflé… « Aelan… »

Elle l’a promis, elle l’a fait. Elle s’est fait discrète. S’enfermant dans sa chambre ou chez Jay. Savoir qu’il était si proche d’elle sans pouvoir lui parler, être … ce qu’ils étaient avant : libres, à l’aise … Elle ne cherchait même pas à retrouver leurs sentiments amoureux, ou leur relation, mais elle était peinée de voir à quel point l’homme avec qui elle était la plus à l’aise était devenu l’homme avec qui elle se sentait prisonnière. Prisonnière d’un passé qui n’existe plus. Distante, incapable de le retrouver et de lui parler … elle avait mal au cœur chaque fois qu’elle pensait à lui et que son nom popait à son esprit. Elle aimerait pouvoir se dire que cette foutue page tourner ne se soulèverait plus jamais, mais le destin est taquin. Elle frissonne en réalisant qu’elle a laissé la fenêtre de sa chambre trop longtemps ouverte. Elle ne voit pas le temps passer, pas quand elle travaille et qu’elle se plonge dans tout et n’importe quoi pour ne pas avoir à penser à lui, à eux, à ce qu’ils ont perdus … C’est plus fort qu’elle, elle ne cesse d’y repenser, à ce qu’ils auraient pu faire différemment pour que les choses soient moins douloureuses aujourd’hui … Mais est-ce que cela voudrait dire qu’elle n’aurait pas rencontré Jay ? Qu’elle ne serait pas avec lui ? Elle n’était pas sûre d’aimer l’idée d’une vie sans lui. Il lui avait tant apporté … tant. Elle se relève, grimace à son dos douloureux et s’avance vers la fenêtre pour la fermer avant d’apercevoir une silhouette sur le terrain de basket derrière leur bâtiment. Elle l’aurait reconnu entre mille, aujourd’hui comme dans 100 ans. Elle le fixe, de longues secondes. Détails les muscles de ses bras qui se tendent. En t-shirt par un temps pareil. N’a-t-il pas froid ? Elle n’y pense pas vraiment, l’observe, oserait même dire qu’elle l’admire. Elle imagine le bruit des rebonds et ferme les yeux un instant. Comme avant, période dont elle n’a toujours pas fait le deuil. Sa vie d’avant lui manque, le bruit lui manque, parfois elle reste plantée au milieu d’une foule agitée, à leur de la débauche, espérant percevoir le moindre son. Mais rien, rien qu’un silence, rien que des coups d’épaules qui se heurtent à elle. Elle ne bougeait pas. Espérant entendre le bruit d’une voiture, d’une moto qui passe en trombe … Mais rien … rien que le silence. Revenant au présent elle avise Jed qui marque quelques paniers. Elle ferme sa fenêtre, hésite un instant, puis s’enroule dans un plaide avant de descendre discrètement. Elle s’approche de lui, ose à peine le déranger, fini par attendre qu’il la remarque … Elle déglutit, voit son prénom sur sa bouche. C’est tout son être qui s’enflamme. A qui mens-tu ? A toi-même, de toute évidence. Elle esquisse un sourire, maladroit, timide, le même qu’elle lui offrait au début de leur relation. Elle s’avance doucement et souffle « Je peux ? » en montrant la balle, se proposant de jouer … retirant son plaide, elle frissonne et le pose sur la chaise. « Tu penses … qu’on peut … discuter Jed ? » Murmure-t-elle en faisant tourner le ballon entre ses mains, face à lui, levant son minois. Elle avait oublié qu’il était aussi grand. Elle se senti si petite à cet instant, fragile. « Ca me rend malade qu’on soit ... ainsi. » avoue-t-elle finalement.

Il l’observe silencieux… son souffle résonne brusquement. S’écrasant sur cette distance lourde qui les sépare. Il l’avise récupérer le ballon, cache un sourire sans oser lui refuser. D’une longue inspiration, il la regarde, baisse les yeux sur ses mains délicates. Si douces… et il s’y perd quelques secondes… ces mêmes paumes qui l’avait touché pour la première fois… désormais poser sur un autre. Et ça lui brûle le cœur tout à coup, alors qu’il relève le visage vers elle. Passant une main maladroite dans ses cheveux, il détourne le regard. Jed a les cheveux plus longs désormais d’un noir ébène, il a l’air plus jeune encore. Et pourtant, quelques années sont passées. Il est plus vieux désormais… mais tout lui parait plus fade… Peut-elle entendre le bruit sourd de son cœur ? Celui qui crie qu’il est perdu. Parfois dévasté… et malgré tous les gens qui l’entourent. Jed se sent… seul. Terriblement abandonné. Il se trouve odieux parfois. A ne pas reconnaitre qu’on lui tend la main. Mais quelque chose lui manque. Sa vie… sa vie d’avant. C’est ça qui lui manque. Il le sait… et dans ce tableau parfait, il y avait, elle… sa douce miss sugar pink. Il aimerait en sourire, mais il se contente de lancer « Moi aussi. » il a été dur avec elle. Il fait une petite moue, celle qu’il faisait souvent quand il était désolé. Mais il n’a plus rien d’un gosse qui a fait une bêtise. C’est sa vie entière qu’il a foutu en l’air. Et il s’en veut… de penser qu’il n’a plus rien. « Je n’étais pas… prêt à tout ça. » c’est tout bas. Il s’en mordille la joue, lève un regard vers elle. Bref avant de détourner les yeux. Son cœur bat trop vite… il implose. Comme un souvenir qui voudrait le ramener. Mais il ne peut pas… il est bien là. Juste face à elle… « Je ne pensais pas à avoir à gérer… ça à ma sortie. » il espérait qu’elle comprendrait. Qu’en réalité, ce n’était pas contre elle qu’il était en colère. Ni même contre Jay… jamais il ne pourrait en vouloir à son cousin. Jay était comme son frère. Il aurait donné sa vie pour lui. Mais Aelan… dans la vie des deux hommes. C’était un triste hasard. Poids pesant sur ses épaules, il soupir, garde son visage baissé… honteux. Trop triste soudainement. Par quoi commencer ? Il n’en sait rien. Il finit par soupirer « Je ne pensais pas te revoir… » finit-il par dire. En anglais… parce qu’il se sent plus à l’aise avec sa langue maternelle. Parce qu’il est lassé de devoir se forcer en ce moment. Il veut juste être lui… ce pauvre américain qui débarquait, avec un passé mais la tête pleine de rêve. Il avait tout laissé tomber pour Jay, sa vie, sa famille, ses amis… et même sa propre liberté. Il espérait qu’elle aimait toujours parler anglais… mais elle devait le faire avec Jay désormais. Et ça le rendait triste tout à coup… long silence qui s’installait entre eux. Il restait à la fixer. « Tu m’as manqué… Babe… » Un frisson parcours sa peau, alors que toute cette pression retombe soudainement. Et il sait qu’il ne devrait pas l’appeler comme ça… mais son prénom était trop pesant à ses yeux. Trop distant. Ils avaient tant partagé… ce n’était pas un crime n’est-ce pas ? Qu’une brève illusion, que ces trois années n’avaient pas existé. « On a tellement de choses à se dire… »

Elle tente de le comprendre, d’entrapercevoir ce qui se cache dans sa tête. Jed n’est pas un homme familier des mots, et pourtant avec elle … ils ont toujours essayé d’être le plus sincère possible. Mais leurs manqués leur ont couté leur vie, leur présent et leur avenir … Un passé douloureux qu’ils ont comblé comme ils ont pu mais aujourd’hui … tout disparait. S’évapore sans que l’on puisse y faire quoique ce soit. Comme un mirage cruel qui vous rappelle combien vous aviez pu vous aimer mais combien vous avez pu tout gâcher. On a tout gâché, pas vrai ? Elle frémit, se plonge dans son regard, leur bulle douloureuse s’enroule autour d’eux pour faire disparaitre le monde. Ils n’existent soudain plus qu’eux et les voilà se rapprocher, à se parler, enfin, des mots sur le bout des lèvres … Elle le regarde, lit sur sa bouche, tente de ne pas perdre le fil. Ses sourcils se froncent quand son visage se baisser, qu’elle peine à voir sa bouche alors d’un réflexe délicat elle glisse son doigt sous son menton pour croiser son regard. Pour pouvoir lire sur sa bouche et se perdre entre ses mots. Il bascule en américain, elle le devine, tente de le comprendre car son cœur s’affole, elle ne veut pas casser ce moment, elle veut l’entendre, s’accrocher à sa vérité, à ses paroles. See you. C’est tout ce qu’elle comprend, mais voit à son visage douloureux et triste qu’elle est responsable de sa détresse. Il ne s’attendait pas à la voir, pas vrai ? Encore moins au bras de son cousin … De tous les hommes de cette terre il avait fallu qu’elle tombe sur le cousin de Jed … Cruel destin, jeu mesquins, mascarades détestable … Aelan réalise combien tout est foutu. Elle avait tout gâché et pourtant … Babe. Son cœur lâche alors qu’il lui souffle ce surnom qui n’appartenait qu’à eux … « Oh Baby … » souffle-t-elle le cœur lourd, la voix cassée d’émotions. Ses yeux se remplissent de larmes alors qu’elle se rapproche de lui pour venir caresser sa joue tendrement. Je suis là … Sans pour autant l’être complètement. Elle le voit, le Jed d’aujourd’hui, brisé, dévasté. Elle avait toujours su lire en lui. Toujours. « Look at me … » murmure-t-elle en se collant à lui, ne laissant que le ballon entre eux pour garder une distance raisonnable … « I didn’t meant to hurt you … » elle déglutit et ne peut qu’acquiescer, ils ont beaucoup trop de choses à se dire, mais par quoi commencer ? Elle aimerait lui dire qu’elle l’a attendu, qu’elle l’attend toujours … mais tout est compliqué, rien n’est aussi simple et quand bien même il en souffrirait, elle aime Jaylen … elle l’aime d’un amour sincère et ce n’était pas le genre de sentiments qu’on effaçait, même si elle réalisait qu’elle l’aimait toujours. Faisant tomber le ballon dans un rebond délicat elle lui souffle « Can you hold me tight … ? Please … just once … » rien qu’une fois Jed …

Il aime la façon dont elle prononce ce surnom. Un court instant il détourne le regard, se plonge encore dans un vieux souvenir. Et c’est difficile tout à coup… Ces trois années sont passées. Et ils le savent tous les deux. Il n’est pas capable de la repousser encore moins de s’éloigner. Cette main sur sa peau encore meurtrie… il voudrait s’en défaire. Lui dire qu’il n’est plus le même qu’avant. Mais elle le sait n’est-ce pas ? Dans leurs regards, ils se le disent. Sans se mentir… et il reste là, accroché à cet instant. Celui dont il rêvait. Celui qui l’avait parfois maintenu hors de l’eau… tout n’était qu’une vieille illusion. Mais il avait envie d’y croire ce soir. Et à cette supplique, ses yeux se chargent de larmes. Il ne devrait pas. Etre aussi perdu… mais il est bouleversé par tout ce qui lui tombe dessus. Peut-être réalise-t-il enfin qu’elle est là. Qu’elle est bien celle qui a volé le cœur d’un autre… celui de Jay… et il hésite. Si longuement. Sa main tremblante vient trouver la sienne. Et ce contact le rend fragile… il prend sur lui pourtant. Refuse de lui montrer qu’il est encore plus abîmé qu’elle ne le croit… « …est-ce que tu le savais ? » c’est idiot, c’est une question qui le hante. Trop souvent. Mais il sait la réponse… parce qu’il la connait. Jamais… elle ne l’aurait poignardé. Mais il a besoin de l’entendre… alors quand elle lui répond ce non si attendu. Il n’hésite plus vraiment. Passe ses bras autour d’elle, pour venir la blottir contre lui. Et il ne sait plus lequel des deux a besoin de l’autre tout à coup. Peut-on faire semblant ? Rien que quelques minutes. Oublier qu’elle n’est plus à lui… il serre les dents, retient une certaine émotion. Son visage enfoui contre elle, il n’ose plus rien dire… il veut simplement se perdre. Oublier… ne plus être que le Jed d’avant. Et l’espace d’un instant il retrouve sa vie. Mais tout est trop douloureux. Perturbé par cette souffrance. Celle qu’il n’avait pas connu avant. Alors c’est ça… avoir le cœur brisé… il le sait, ne pourra rien y faire. Il l’a perdu… pour de bon cette fois. Et il préférait subitement la distance qu’ils avaient. Ces destinations loin de l’autre… ils n’avaient pas à ce croiser ainsi… il refuse de pleurer. De verser une larme. Parce qu’il s’est juré de tout garder pour lui… « Je suis désolé… » Il se doit de lui dire. Il le pense. Sincèrement. Il aurait dut l’écouter. Quand elle lui disait qu’il prenait des risques. Qu’il allait la perdre. Il ne l’avait pas cru. Jay était plus important… Et il se surprend à humer encore le parfum de ses cheveux. A se lover dans cette odeur qui le rassurait… je voudrais tout recommencer… tout effacer pour rester auprès d’elle. Mais était-ce égoïste ? Il avait des amis sur qui compter. Son cousin… mais l’imaginer avec elle.. le rendait différent. A cette pensée, il se détache doucement. Affronte son regard « Tu l’aimes ? »… dis-le moi Aelan… même si lui n’avait jamais eut le courage de lui dire. Même si c’était trop tard. Ils se le disaient silencieusement. Il fallait qu’il sache. Qu’il réalise. Et qu’importe si ça le clouait au sol. J’ai besoin de savoir… une certitude qui s’écroule. Une base solide qu’il pensait avoir. Il ne l’aimait plus… ce n’était que leur relation qui lui manquait… non… il savait que c’était faux. Mais il n’avait pas d’autres choix que de s’en convaincre. Savoir qu’elle aimait Jay changerait tout… peut-être pourrait-il tourner la page qu’il n’avait pas réussi à tourner quelques années en arrière. Et qu’importe la rancœur. Le manque, les regrets… il devait assumer le présent… pour lui… elle devait lui dire. Pour le faire avancer. Pour l’aider… 

Elle croise son regard, ne sait plus ce qui est bien ou mal, quelle limite ils ne devraient pas franchir. Etait-ce déjà trop ? Mais ils n’ont jamais pu se dire au revoir. Alors comment faire … ? oublier le monde rien qu’un instant. S’autoriser une étreinte parce que le manque a été bien trop cruel et difficile à supporter. Aelan a continué d’avancer quand lui a stagner dans une cage. Mais aucun des deux n’a pu oublier. Comment oublier son premier amour ? Il vit toujours en nous, quelques parts, entre le cœur et les rêves, les souvenirs d’un passé chéri. Elle secoue la tête, souffle un faible « Non. » non elle ne savait pas … Elle n’aurait jamais fait une chose pareille, elle n’aurait jamais cédé aux avances de Jaylen si elle avait su qui il était pour lui … non jamais … Aujourd’hui elle réalisait qu’elle l’aurait attendu plus encore si elle avait su. Finalement, elle comprenait qu’elle avait abandonné. Qu’elle n’avait pas eu confiance en eux. Mais à cette époque son monde s’est écroulé et elle n’est pas certaine d’avoir pu tenir le coup sans Jaylen. Pourrait-il comprendre ? Sans qu’elle n’ait à se dévoiler. Elle ne voulait pas l’accabler, lui qui avait tant à gérer déjà. Elle était la pièce maitresse de son histoire, celle qui revenait sans cesse, devrait-elle quitter pour de bon pour qu’il soit heureux ? Pouvait-il être heureux sans elle ? Elle n’en n’était pas certaine, pas en se sentant se perdre ainsi dans ses bras. Ils s’aimaient toujours et cette évidence même lui déchirait le cœur. Ils s’aiment. Elle ne pouvait pas lutter contre ce fait, mais cette simple constatation lui tuait le cœur. Elle déglutit contre lui, inspire son parfum, ne réalise pas combien de temps passe. S’accroche à lui plus qu’elle n’aurait dû le faire. Ça lui fait du bien et ça lui fait du mal car elle sait que c’est la dernière fois qu’elle le pourra … Soudain elle a froid, à l’intérieure, dans son cœur, plus encore quand il se détache d’elle pour croiser son regard. Elle le fixe, lit sur ses lèvres et mordille la sienne le cœur coupable. Mais elle ne pouvait nier ce qui était évident. Alors doucement elle acquiesce. « Oui … Je l’aime. » Elle qui n’avait jamais su lui dire à lui combien elle l’aimait et pourtant … elle l’a aimé dès la première seconde. Mais ils étaient trop jeunes, trop pudiques pour se le dire, puis après tout a été trop vite … ils ont vu les mois deux leur relations passer comme le feu nous consume. Et les voilà à présent, dans ce trop tard oppressant. Rien ne lui venait à l’esprit, rien qui ne soit pas blessant. Elle ravale ses mots et se décide alors à lui dire la vérité, tout du moins une partie de la vérité. « C’était dur sans toi … » laisse-t-elle échapper dans un sanglot alors qu’une larme roule sur sa joue. « J’suis pas aussi forte si t’es pas là Jed … » ajoute-t-elle. Car il était certain qu’ils auraient pu surmonter son handicap ensemble si seulement la prison ne lui avait pas arraché son petit ami. Je ne sais pas vivre si t’es pas là … Avait-elle envie d’ajouter. Mais les mots restaient coincés dans sa gorge. Indélicats et brûlants. « J’ai pensé à toi … tout le temps. » confesse-t-elle pour la première fois comme un poids qu’elle gardait en elle. Craignant que Jay ne le comprenne pas. Mais c’était une vérité. Jed n’avait jamais quitté son esprit, s’atténuant seulement par moment.

Cherchait-elle à lui dire qu’elle était sortie avec Jaylen parce qu’elle n’y arrivait plus toute seule ? Peut-être oui, mais ce n’était pas que ça. Cela aurait été si simple si cela avait été le cas … Non, la persévérance et l’attention de Jay l’avait fait succomber. Elle avait oublié qu’elle avait mal, qu’elle s’isolait d’un monde qu’elle détestait. Elle aimait Jaylen. Elle aimait Jed. Mais elle pensait avoir repoussé Jed à un souvenir douloureux du passé. Elle pensait souvent à lui. Se demandait comment était sa vie en prison, mais finalement ne plus parler de lui, ne pas le mentionner, c’était une façon pour elle de supporter son absence. Faire le vide pour oublier qu’il n’était pas là. Il aurait dû être là. Mais il ne l’a pas fait. Pour son cousin. Ce qui est ironique dans leur relation c’est la colère qu’à toujours ressenti Aelan envers son cousin. Elle voyait combien ils s’aimaient. Elle voyait à quel point Jed lui était fidèle et loyale, et elle était heureuse qu’il puisse avoir un membre de sa famille qu’il aimait autant … Et aujourd’hui elle aimait l’homme qui lui avait volé l’homme qu’elle aimait. C’était presque risible comme situation. Digne d’une comédie comique et terriblement théâtrale. Pathétique pensait Aelan. Jaylen était un homme si bon et courageux … elle comprenait finalement ce qui poussait Jed à toujours le choisir. Le faire passer avant tout le reste, avant elle. Elle l’avait compris, l’acceptait quand ça ne mettait pas la vie de Jed en danger. Et finalement … c’était pour cet homme qu’il avait gâché une partie de sa vie. Et aujourd’hui Aelan sortait avec lui. Depuis bien plus longtemps qu’elle n’avait pu aimer et connaitre Jed. Le temps faisait-il la différence ? Pouvait-on dire que leur relation valait plus que celle de Jed parce qu’elle était plus longue ? Une histoire d’amour n’était-elle pas quantifiée quant à l’intensité de son amour ? C’était un mélange chaotique dans la tête d’Aelan, pourtant elle scrutait sa bouche pour ne perdre aucun mot. Blessée ? Dévastée. Il se montrait fort, elle savait qu’il mentait. Il riait, comme si tout ça n’était qu’une immense blague, un cauchemar du quel on voulait se réveiller. Elle laisse ses larmes couler. Il détruit son cœur, comme on écraserait les dernières flammes d’un foyer. Il n’en veut plus. D’elle et de leur histoire. C’était clair. Mais il avait faux : ce n’était pas qu’un truc de gosses. Comment osait-il lui souffler ces mots ? Réduire leur histoire d’amour a si peu ? Mais la seule chose qu’elle comprenait ce soir, c’est qu’il faisait passer Jaylen avant, encore. Jed n’apprendrait-il donc jamais la leçon ? Elle finit par fermer les yeux pour ne plus le voir. Ne plus l’entendre.  Elle renifle, vacille légèrement. Il avait faux, il ne comprenait rien mais le message était claire. « Jed ! » lance-t-elle parce qu’elle avait besoin de dire la vérité, qu’il comprenne et qu’il assume … Mais en croisant son regard elle perd ses moyens et n’arrive à souffler qu’un simple « Bonne nuit … » dérisoire mais remplie de sous-entendu délicats et douloureux. Ce n’est qu’une fois sa silhouette disparu qu’elle laisse sortir ses mots « Ce n’était pas qu’un truc de gosse … c’pas qu’un truc de gosse … » et elle répète ses mots pour qu’ils s’ancrent à la réalité. Sa réalité. Pas pour elle. Le cœur brisé plus encore elle ramasse faiblement sa couverture et se glisse jusqu’à sa chambre sans réellement savoir comment. Elle s’effondre dans son lit et dans un silence habituel pleure. Pleure longuement, jusqu’à sombrer, épuisée et dormir jusqu’au lendemain matin.