Ce petit voyage en terre familiale avait eu des conséquences assez inattendues. Je ne savais pas encore comment gérer tout ça. Il me faudrait un peu de temps avant de comprendre l’implication de toutes ces nouvelles informations reçues. Actuellement je me concentre sur mon rendez-vous en compagnie de la naine agaçante des Pyobeoms. Il est prévu de partager un pique-nique. Je me demande bien pourquoi nous y allons en soirée parce que nous ne verrons rien. Je tiens ma langue car Yoo Mi pourrait prendre la mouche, et on connait tous son mauvais caractère. Il me semble pas indispensable de mettre ma vie en péril pour un date. Je retiens mon souffle quand elle apparait dans mon champ de vision : elle est superbe. Comment peut-on être aussi petite, hargneuse mais incroyablement belle ? Quel est le mystère qui se cache derrière tout ça ? « Bonsoir. Ça va et toi ? » Je suis la demoiselle dans les couloirs de notre résidence tout en laissant échapper un ricanement. « Avoue que tu avais oublié ce rendez-vous. » Une plaisanterie qui pourrait me valoir quelques coups. Je vais avoir des hématomes ! Je me laissais embarquer par Minipouce à travers la digital city. « Où allons-nous ? » Quand elle stoppe sa balade devant un restaurant italien, je fronce les sourcils puis me tourne vers elle. Je ne comprenais pas trop pourquoi nous étions ici. Comment pourrait-on manger ici ? Yoo Mi ne possède pas des moyens faramineux. Elle est dingue ?! Le McDo du coin me suffirait. Je ne suis pas un fin palais. Elle semblait joyeuse… pourtant elle devait stresser pour les prix des plats. Je me retrouve installé avant de pouvoir dire quelque chose. Je tends la main pour emprisonner la sienne. « C’est beaucoup trop ! Pourquoi avoir choisi un restaurant ? Le petit boui-boui du coin me convenait, Minipouce. » Cela me touche beaucoup qu’elle choisisse un tel endroit. Je serre tendrement ses doigts tout en souriant.

Un restaurant italien… pourquoi avait-elle fait un tel choix ? On ne faisait pas plus romantique comme lieu. Ce rendez-vous me rendait subitement nerveux. Est-ce que la demoiselle attendait quelque chose en retour ? Je ne suis jamais réellement sorti avec une fille… enfin de cette façon. Je ne savais pas quel comportement adopté en sa présence. Yoo Mi me retournait le cerveau juste en clignant des yeux. Quelle beauté cette femme ! Je serrai sa main tendrement, essayant de lui transmettre les émotions qui me traversaient pendant que nous nous dirigeons vers notre table. L’ambiance est chaleureuse, romantique. Pourquoi avait-elle choisi un restaurant italien ? Elle est dingue ! Minipouce avait pas mes moyens financiers – certes ils avaient pris un coup avec mon suivi médical mais je survivais bien. Pas la peine de faire des folies. « En Italie, il est mal vu que les femmes paient le repas alors laisse-moi respecter cette tradition en réglant la note s’il te plait. » Je suis touché que la naine fasse des heures supplémentaires, vende son travail de composition mais elle ne devrait pas autant trimer pour un rendez-vous. « La prochaine fois, tu paieras le popcorn pendant que l’on regardera un film dans des combinaisons ridicules. » Je préfère avoir des moments ainsi avec elle, au lieu de m’en vouloir parce qu’elle dépense des fortunes pour moi. Mon visage vire au rouge écarlate alors que ses lèvres se posent sur ma joue. Je vais mourir ! Purée ! Je commande machinalement des lasagnes et un tiramisu. On ne se lâchait pas la main comme des adolescents. « C’est toujours un grand moment de joie quand on me torture le genou mais il parait que je fais des progrès. On m’a demandé de moins bouger cependant. Je sollicite trop mon articulation… et ils parlent de l’immobiliser pour soulager tout ça. Si je ne deviens pas raisonnable, tu pourras m’appeler papi plus de six mois. » Je n’avais pas encore parlé de tout ça aux autres. Je me sentais mieux alors je repoussais mes limites. Malheureusement mon corps avait des limites. Il fallait que je prenne le temps de l’écouter. « Je ne savais pas que tu aimais les vieux !! » Je prends une expression choquée. « Je devrais te présenter mes professeurs alors. Tu tomberais raide dingue d’eux… Ils paraissent tous sortir de la préhistoire. » Mon pouce caressait sa main. « Tu as vendu quelle compo ? »

« Ne te trouve pas une âme féministe alors que nous parlons du règlement de la note. On verra cette question plus tard. » Je me marre de ses remarques parce que la naine a toujours un sacré répondant. En plus elle se parle toute seule, non ? Je ne suis pas certain que mademoiselle attende une réponse de ma part. Il est judicieux de poursuivre ce combat ou d’abandonner pour avoir un rendez-vous agréable ? La solution me parait des plus évidentes. Je lève les mains en signe de réédition, il faut bien reconnaitre les moments où baisser les bras est la solution idéale. « Je te laisse gérer les rendez-vous alors. » Cela me plait qu’elle reste aussi obstinée, bien que ses finances ne soient pas au beau fixe. Je respecte les personnes qui veulent aller au bout de leur projet. Je négocierai probablement pour financer d’autres rendez-vous parce que Yoo Mi pourrait en souffrir par la suite, sa santé est importante. Nos mains ne se quittaient pas, une sensation agréable et étrange en même temps. Un joli petit couple… mais nous n’en étions pas encore là. Est-ce que cela me plairait que nous soyons un couple ? Oui. Il est pourtant évident que nous ne serons pas comme tous les autres. « Cela pourrait être intéressant selon la tenue que je porte ainsi que la tienne. » Je lui renvoie un regard coquin pendant que la serveuse nous emmenait du pain. Pas grave si elle entendait notre conversation, elle n’avait pas besoin de laisser trainer ses oreilles. « Ouf ! Tu me rassures parce que je ne supporte pas les filles qui abusent de ce genre de choses. Elles ont tendance à me rendre irritable. » J’aime beaucoup me chamailler avec Yoo Mi parce que cela part toujours sur des sujets débiles. « Tu essaies de justifier ta perversion ? Pas grave ! Je sais que tu me quitteras pour un homme plus vieux. » Je caresse sa main. Est-ce que mademoiselle va monter sur ses grands chevaux ? Elle a toujours le don de me surprendre. « Tu perceras ! On te verra partout ! Tu m’oublieras alors parce que ce monde est prenant mais je resterai fan de ton travail. » Je serrai sa main alors que mon cœur en faisait de même pendant que nous imaginions un futur où elle aurait plus de temps pour moi, où elle serait sollicitée par tout le monde. Est-ce qu’elle ferait comme Il Kyang ? Mon ami disparaissait de ma vie comme un fantôme dont le souvenir s’efface lentement. Je deviendrai le type qu’elle a rencontré pendant ses études. J’avais subitement l’impression que le temps nous échappait et qu’elle était un ange qui disparaitrait bientôt quand mon existence serait en ordre. Mon regard se focalisait sur nos doigts entrelacés. Espérons que le temps auquel on avait le droit serait de bons souvenirs par la suite. « Yoo Mi, je t’aime. »

Nous paraissons complices dans ce petit restaurant, loin de nos dernières conversations où nous nous sommes plutôt pris la tête pour des détails. Ce moment paisible ne risque pas de durer longtemps connaissant nos deux caractères explosifs. La situation vire toujours à la tempête. Est-ce que les choses changeront ? Il me parait compliqué de changer, même si nous finissons par sortir ensemble. Cette peur viscérale de l’abandon gagnait du terrain en moi. Ressentait-elle la même chose ? Il nous faudra du temps pour apaiser la situation. Actuellement, nous sommes dans une phase où un petit détail peut prendre de l’ampleur sans aucune raison. « La dernière fois que tes fesses ont touché mes genoux, je me rappelle surtout de la douleur de ton poids sur ma blessure. » Oh la vilaine attaque mesquine ! « Comme je suis le copain parfait, ces informations ne te serviront pas. » Un clin d’œil tout en portant mon verre d’eau à mes lèvres. La conversation se concentre ensuite sur le Dr. House. Comment nous en sommes arrivés ici ? Aucune idée ! Cette fille est capable de me mener sur tous les terrains sans que je comprenne pourquoi nous en sommes arrivés ici. Un jour je me réveillerai avec une alliance au doigt sans me souvenir de la cérémonie… pourvu que ce soit Yoo Mi, ma femme. « Je ne te connaissais pas ce côté vieux jeu. Tu veux vraiment que ce soit moi qui te demande de devenir ma petite amie ? » Comme elle ne semble pas avoir envie de lâcher cette affaire, je me dis que céder ne serait pas mal sinon nous risquons de tourner en rond longtemps. Il est vrai que cela m’aurait plu de l’entendre me demander de sortir avec elle. J’aime beaucoup les femmes qui assument leur choix, qui n’ont pas peur de bousculer les convenances mais elles ne peuvent pas toutes être ainsi. Tout d’un coup, mon moral descend au fond de mes chaussettes tandis que Minipouce évoque son avenir professionnel. Elle apparait désormais comme un fantôme que je ne pourrais jamais retenir auprès de moi. Les moments que nous allons passer ensemble seront de beaux souvenirs quand elle aura réussi dans son domaine. Mon petit cœur palpitant se brisait, explosant en millier de morceaux. Je voulais la garder pour moi. La promesse faite avec Nam Ja ? Nous savons tous les deux que cela n’arrivera jamais. Nos chemins se sont éloignés… et le chemin croisait celui de la femme parfaite pour moi. Malheureusement elle ne resterait pas dans ma vie. Il ne fallait pas que l’angoisse prenne possession de ma personne sinon ce rendez-vous serait un vrai gâchis. Ce sentiment de perte me pousse à dire les trois mots que nous attendons tous. Je garde les yeux baissés parce que la naine est intimidante. Je ne souhaite pas lire aussi dans son regard que cela n’est pas partagé. Je ne suis pas certain de gérer ça. Elle me trouble quand elle me soulève le menton pour que nous puissions plonger dans le regard l’un de l’autre. Quand elle me souffle sa déclaration aussi, le monde semble vaciller autour de moi. Je me sens partir mais une part de moi s’enfonce dans le présent. De quoi aurai-je l’air si je tournais de l’œil ? Elle trouve le moyen de me faire rire alors que nous venons de confesser notre attachement. « Parce que tu penses être assez résistante pour ça ? » Je mets ma bouche en cœur, avance mes lèvres et les désigne du bout de l’index. « Ton corps oublie à quel point nous fusions merveilleusement bien ? Il a besoin d’une piqûre de rappel ? » Je compte bien faire craquer Minipouce. Je veux l’embrasser ! Je veux glisser mes doigts dans ses cheveux, sentir son corps contre le mien. Nous sommes interrompus par la serveuse qui nous apport nos plats. Je caresse le dos de sa main avec mon pouce avant de la lâcher. Le repas fait envie ! Impossible de ne pas avoir l’estomac qui gargouille. Les odeurs sont alléchantes. « Tu veux goûter ? »

Comment avais-je pu prononcer ces trois mots sans lever une seule fois les yeux vers Yoo Mi ? La déclaration ne parait pas loupée du coup ? ARGH ! Pourquoi je me suis laissé envahir par cette nostalgie qui avait pris possession de moi en songeant au futur professionnel de la demoiselle ? Cette vague mélancolique avait rendu mes propos mignons mais pas aussi forts que je le souhaitais. Minipouce parut conquise, et me retourna ma déclaration. Je n’y croyais pas… pourtant les derniers évènements auraient dû me mettre la puce à l’oreille. Elle avait accepté de venir chez mes parents alors que nous ne sommes pas un couple. Cela devait être un signe de son attachement. Je sens mon palpitant prendre son envol tandis que nous nous regardons dans les yeux. La bulle autour de nous se renforce, nous coupant du monde. Je suis bien en sa compagnie. Est-ce que nous pouvons rester ainsi ? Je ne veux pas revenir au présent. Je ne veux pas me dire que nous ne sommes toujours pas ensemble. Je ne veux pas lui dire pour Nam Ja. Laissez-nous tranquille ! Nous sommes bien ici ! Elle me sort de mes pensées en me faisant rire parce que mademoiselle ne souhaite pas craquer la première. Quelle têtue elle fait ?! Elle est pas croyable. « Il est pas en manque de rapprochement ? de fusion ? » Je retiens un hoquet de surprise pendant que Yoo Mi passe sa langue sur ses lèvres. « Pourquoi veux-tu que ce soit moi qui te pose la question ? Donne-moi cinq bonnes raisons, et je pourrais reconsidérer la chose. » La serveuse nous dépose nos plats devant nous. Une odeur alléchante vient me chatouiller les narines. Mon estomac gronde de faim. Avant de goûter mes lasagnes, j’y plonge une fourchette pour partager avec la naine. « Ce sera en attendant le vrai. » Un clin d’œil complice. Je manque de lui mettre la fourchette ailleurs que dans la bouche parce qu’elle me fait du pied. Cela me surprit mais ce contact est agréable. L’ensemble du repas est chaleureux. On est bien tous les deux. Quand nous quittons le restaurant, elle me prend la main après avoir dit que les étoiles n’étaient pas visibles. Je levais le nez vers le ciel avant de passer mon bras autour de ses épaules. « Yoo Mi… » Mon attention se reporte sur elle, je me penche lentement. Je compte bien l’embrasser mais je me stoppe à quelques centimètres de ses lèvres. « Es-tu certaine de vouloir attendre ? Tu en meurs d’envie, moi aussi. »